Décision de radiodiffusion CRTC 2016-38

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Référence : Demande de la Partie 1 affichée le 8 décembre 2015

Ottawa, le 4 février 2016

Avis de recherche incorporée
Province de Québec

Demande 2015-1326-8

Plainte contre Bell Canada concernant la distribution du service de catégorie B Avis de Recherche

Avis de recherche incorporée (ADR) a déposé une plainte contre Bell Canada (Bell) concernant la distribution du service de catégorie B Avis de Recherche.

Le Conseil conclut que Bell ne s’est pas accordé de préférence, et n’a pas assujetti ADR à un désavantage en cessant de distribuer Avis de Recherche. En outre, Bell a rempli ses obligations à l’égard du processus de règlement des différends du Conseil et n’a pas enfreint ses conditions de licence.

Par conséquent, le Conseil rejette la plainte, refuse les mesures de redressement demandées et lève le statu quo, en conséquence de quoi Bell n’est plus tenu de distribuer Avis de Recherche.

Les parties

  1. Avis de recherche incorporée (ADR) est le titulaire d’Avis de Recherche, un service national spécialisé de catégorie B de langue française. Ce service est distribué exclusivement au Québec.
  2. Bell Canada (Bell) est l’un des principaux exploitants d’entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) au Canada.

Contexte

  1. Dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2013-372, le Conseil a refusé la demande d’ADR en vue de renouveler l’ordonnance de distribution obligatoire d’Avis de Recherche au service de base numérique des abonnés de la province de Québec en vertu de l’article 9(1)h). Il a déclaré que l’exigence de distribution obligatoire se rattachant à ce service serait éliminée de façon progressive au cours des deux prochaines années de radiodiffusion (jusqu’au 31 août 2015) pour donner le temps au titulaire d’ajuster son plan d’affaires en conséquence.
  2. Le 29 juin 2015, Bell a avisé ADR une première fois de son intention de cesser de distribuer Avis de Recherche à partir du 31 août 2015. Le 14 août 2015, ADR a déposé auprès du Conseil une demande de règlement de différend. À la suite d’une médiation assistée par le personnel, Bell et ADR ont convenu de prolonger la distribution d’Avis de Recherche jusqu’au 30 novembre 2015.
  3. Bell a par la suite avisé ADR qu’il comptait cesser la distribution d’Avis de Recherche à compter du 1er décembre 2015. Le 17 novembre 2015, ADR a demandé que Bell soit tenu de maintenir la distribution d’Avis de Recherche selon les mêmes modalités et conditions jusqu’au règlement de leur différend, conformément à l’article 15.01 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion (le Règlement) (la règle du statu quo).
  4. Enfin, le 26 novembre 2015, ADR a déposé la présente demande auprès du Conseil demandant [traduction] « les mesures de redressement que le Conseil jugera appropriées pour que la distribution du service continue d’être assurée par Bell ».
  5. Dans une lettre procédurale aux parties datée du 7 décembre 2015, le personnel du Conseil a confirmé que la règle du statu quo énoncée à l’article 15.01 du Règlement s’appliquait à ce différend et que Bell devait continuer de distribuer Avis de Recherche selon les mêmes modalités et conditions jusqu’au règlement du différend.

La plainte

  1. ADR allègue que le fait qu’une EDR ne distribue pas un service indépendant de catégorie B qui s’apparente à un service affilié de catégorie B constitue à première vue un cas de préférence indue. Dans ce cas en particulier, la décision de Bell de cesser la distribution d’Avis de Recherche tout en continuant de distribuer son service affilié Canal D/Investigation (Investigation) constitue à première vue un cas de préférence indue. De la même façon, parce qu’il poursuit la distribution de divers services affiliés et non affiliés au service de base et dans les volets à haute pénétration, Bell a assujetti ADR à un désavantage.
  2. ADR soutient qu’Avis de Recherche et Investigation, bien que traitant tous deux de criminalité et de justice, ont des approches différentes quant au contenu. Investigation compte sur des revenus de publicité pour financer une partie de sa programmation, ce qui n’est pas le cas pour Avis de Recherche. Investigation diffuse du contenu étranger, alors qu’Avis de recherche n’en diffuse pas. Par conséquent, on peut s’attendre à ce qu’Investigation bénéficie de cotes d’écoute bien supérieures à celles d’Avis de Recherche. ADR affirme que le succès d’Avis de Recherche se mesure plutôt par des facteurs tels que la portée et la capacité à résoudre des crimes.
  3. ADR soutient que Bell n’a pas respecté certaines dispositions du Code sur la vente en grosRetour à la référence de la note de bas de page 1 et ne s’est pas conformé à deux de ses conditions de licence. Ces conditions, énoncées à l’annexe 2 de la décision de radiodiffusion 2013-310, interdisent à Bell d’exiger d’une partie avec laquelle il contracte qu’elle accepte des modalités ou des conditions déraisonnables sur le plan commercial (condition de licence 1.b) et obligent Bell à acheminer le dossier au Conseil pour règlement de différend lorsqu’une entente d’affiliation n’a pas été renouvelée alors que l’autre partie a confirmé son intention de la renouveler (condition de licence 4).
  4. Compte tenu de ces différentes omissions et infractions, ADR réclame les mesures de redressement suivantes :
    • l’émission d’une ordonnance temporaire ou transitoire en vertu de l’article 9(1)h) de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi) exigeant le maintien de la distribution d’Avis de Recherche selon les modalités et conditions actuelles, de manière à donner à ADR la même chance qu’aux autres services indépendants de s’ajuster à l’élimination des droits d’accès;

    ou

    • l’émission d’une ordonnance en vertu de l’article 9(1)h) de la Loi exigeant que Bell distribue Avis de Recherche au service de base jusqu’au 31 mars 2016 au tarif actuel, et à lui donner accès par la suite au volet de Bell qui bénéficie de la plus forte pénétration après le petit service de base, moyennant un tarif raisonnable à déterminer;

    ou

    • une déclaration du Conseil indiquant que Bell exerce une préférence ou un désavantage indus, et l’émission d’une ordonnance 9(1)h) imposant le maintien de la distribution d’Avis de Recherche selon les mêmes modalités et conditions pour le reste de la période de licence d’ADR.

Réponse de Bell

  1. Bell estime que les arguments d’ADR sont sans fondement et que la plainte devrait être rejetée dans sa totalité. Bell conteste l’existence d’une préférence ou d’un désavantage comme l’affirme ADR et, advenant leur existence, conteste le fait que la préférence ou le désavantage soient indus.
  2. Bell fait valoir qu’Avis de Recherche et Investigation sont des services différents (par conséquent, non comparables) sur le plan du genre, du contenu et de l’écoute. Selon Bell, Avis de Recherche propose surtout de courts clips et des extraits de vidéo de surveillance montrant des criminels en action ou donnant de l’information sur des personnes disparues ou recherchées, sur le modèle du canal « Crimestoppers », alors qu’Investigation est un service de divertissement qui présente des documentaires, dramatiques et téléréalités traitant de justice et de criminalistique. Bell ajoute que la cote d’écoute pour Avis de Recherche est considérablement plus faible que celle pour Investigation.
  3. Bell affirme être en pleine conformité à l’égard du Code sur la vente en gros et de ses conditions de licence. Il s’estime en droit de supprimer la distribution d’un service de catégorie B, surtout après avoir négocié de bonne foi et participé à une médiation assistée par le personnel. En outre, la décision de cesser la distribution d’Avis de Recherche s’avère raisonnable sur le plan commercial compte tenu de cotes d’écoute très faibles. Bell rappelle qu’ADR a eu deux ans pour s’ajuster à la suppression de ses droits d’accès, mais ne l’a pas fait.
  4. Bell note aussi qu’ADR, qui savait depuis le 24 septembre 2015 que son service ne serait plus distribué par Bell à compter du 1er décembre 2015, a attendu deux mois avant de déposer la présente demande. Selon Bell, ADR abuse du processus du Conseil et se sert de la règle du statu quo comme solution pour conserver les droits d’accès pour son service.
  5. Enfin, Bell estime que la demande d’ADR n’est simplement qu’une autre tentative visant à ce que le Conseil prolonge l’ordonnance 9(1)h) exigeant la distribution obligatoire de son service, une proposition qui a déjà été rejetée par le Conseil.

Interventions

  1. Le Conseil a reçu un certain nombre d’interventions en faveur de la présente demande, dont la plupart provenaient de services de police, d’organismes chargés d’exécuter la loi et d’organismes communautaires. Il a également reçu une intervention défavorable de Vidéotron. Le dossier public de la présente demande peut être consulté sur le site web du Conseil, www.crtc.gc.ca, ou au moyen du numéro de demande indiqué ci-dessus.
  2. La majorité des interventions favorables mentionnent qu’ADR remplit un mandat d’intérêt public.
  3. Vidéotron estime que lorsqu’une EDR a clairement avisé un service de catégorie B dans les délais prescrits qu’elle comptait cesser la distribution d’un service donné, appliquer la règle du statu quo ne fait qu’accorder le droit de distribution obligatoire à un service qui en réalité ne l’a pas. Selon Vidéotron, la règle du statu quo devrait s’appliquer uniquement quand le service de catégorie B et l’EDR comptent poursuivre la distribution, mais négocient seulement les modalités de l’entente.

Réplique

  1. ADR précise que les mesures qu’il réclame ne reposent pas uniquement sur un verdict de préférence indue de la part du Conseil et que celui-ci, même s’il conclut à l’absence d’une préférence ou d’un désavantage indus, pourrait et devrait quand même accorder une prolongation de la distribution.
  2. En outre, ADR affirme que Bell n’apporte aucune preuve qui permettrait au Conseil de conclure que cesser la distribution d’Avis de Recherche se justifie par rapport à certains objectifs de la politique de radiodiffusion énoncés dans la Loi, y compris, en particulier, les conditions « raisonnables »d’assemblage, l’obligation d’accorder la priorité aux services de programmation canadiens et l’offre de tarifs abordables aux consommateurs.

Analyse et décisions du Conseil

  1. ADR invoque plusieurs arguments pour appuyer sa demande : préférence et désavantage indus, violation du Code sur la vente en gros et non-conformité de Bell à l’égard de certaines conditions de licence. Bien que bon nombre de politiques et obligations aient été invoquées, le cœur du conflit demeure la distribution : ADR veut que Bell distribue Avis de Recherche, préférablement au service de base moyennant un tarif imposé par le Conseil, et Bell ne souhaite pas continuer de distribuer le service. Quels que soient les arguments invoqués, l’objectif d’ADR est que le Conseil émette une ordonnance de distribution obligatoire en vertu de l’article 9(1)h) de la Loi exigeant que Bell distribue Avis de Recherche pour une période déterminée.
  2. Le Conseil estime donc qu’il doit se pencher sur les questions suivantes :
    • Existe-t-il une préférence ou un désavantage?
    • Bell a-t-il rempli ses obligations à l’égard du processus du Conseil pour le règlement des différends?
    • Bell a-t-il enfreint certaines conditions de licence?

Existe-t-il une préférence ou un désavantage?

  1. L’article 9 du Règlement déclare qu’il est interdit à un titulaire d’accorder à quiconque, y compris lui-même, une préférence indue ou d’assujettir quiconque à un désavantage indu.
  2. Lorsque le Conseil examine une plainte alléguant une préférence ou un désavantage indus, il doit d’abord déterminer si le plaignant a été en mesure de démontrer que l’autre partie a accordé une préférence à quiconque, y compris lui-même, ou assujetti quiconque à un désavantage.
  3. Si le Conseil conclut qu’une préférence a été accordée ou qu’une personne a été assujettie à un désavantage, il doit déterminer si, dans les circonstances, la préférence ou le désavantage est indu. Dans toute instance devant le Conseil, il incombe au titulaire qui accorde la préférence ou fait subir le désavantage de prouver que cette préférence ou ce désavantage ne sont pas indus.
  4. Pour déterminer si la préférence ou le désavantage est indu, le Conseil évalue si cette préférence ou ce désavantage a causé ou pourrait causer un préjudice important au plaignant ou à une autre personne. Il examine également l’incidence que la préférence ou le désavantage exerce, ou risque d’exercer, sur l’atteinte des objectifs de la politique de radiodiffusion canadienne énoncés dans la Loi.
  5. ADR allègue que le fait qu’une EDR ne distribue pas un service indépendant de catégorie B qui s’apparente à un service affilié de catégorie B constitue à première vue un cas de préférence indue. Il avance aussi que Bell a assujetti ADR à un désavantage en cessant de distribuer Avis de Recherche tout en continuant de distribuer au service de base et dans les volets à haute pénétration divers services affiliés et non affiliés.
  6. Dans le cadre réglementaire actuel, Bell n’est pas tenu de distribuer des services de catégorie B comme Avis de Recherche. Le simple fait de cesser la distribution d’un service facultatif et de continuer d’en distribuer d’autres n’est pas en soi suffisant pour constituer une préférence indue. En effet, dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2015-96, le Conseil a annoncé que les privilèges d’accès de tous les services facultatifs seraient progressivement supprimés et que leur distribution et leur assemblage dépendraient davantage des forces du marché. Dans un tel marché, on s’attend à ce que les services de programmation innovent et améliorent leur programmation s’ils veulent demeurer pertinents et continuer d’attirer les téléspectateurs canadiens.
  7. Quand il analyse une plainte de préférence indue, le Conseil définit la préférence comme le traitement différent, par un titulaire, d’entités comparables. Dans ce contexte, Investigation et Avis de Recherche ne peuvent pas être qualifiés d’entités comparables. Bien qu’ils soient tous deux des services de catégorie B ayant le crime et la justice comme thème commun, Investigation est davantage un service de divertissement et Avis de Recherche, un service d’information. ADR reconnaît lui?même que leur approche au genre est très différente. ADR allègue que le succès d’Avis de Recherche se mesure mieux par des facteurs tels que la portée et la capacité à résoudre des crimes. Toutefois, sa pénétration paraît être uniquement attribuable à sa distribution au service de base et non à ses cotes d’écoute, qui sont extrêmement faibles. Bien que la capacité du service à résoudre des crimes n’ait aucun rapport avec la question à l’étude, la preuve du titulaire démontrant sa capacité à résoudre des crimes est, au mieux, très limitée.
  8. Par conséquent, le Conseil conclut que Bell ne s’est pas accordé une préférence et n’a pas assujetti ADR à un désavantage en continuant de distribuer Investigation et d’autres services affiliés et non affiliés tout en mettant fin à la distribution d’Avis de Recherche.

Le règlement des différends et la règle du statu quo

  1. Dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2015-96, le Conseil a établi un nouveau cadre réglementaire afin de s’assurer que les Canadiens aient accès à un contenu varié dans un marché télévisuel sain et dynamique. Il s’est aussi déclaré disposé à intervenir quand il estime que des parties ont un comportement anticoncurrentiel. Des interventions ciblées peuvent s’avérer nécessaires pour voir à ce que le marché de détail demeure sain et dynamique, qu’il maximise la souplesse et le choix offerts aux Canadiens et qu’il leur donne accès à une gamme variée de programmation. Le processus de règlement des différends – lequel comprend le Code sur la vente en gros – a pour but d’assurer un marché de gros dynamique et sain, dans lequel les négociations se déroulent dans l’équité et la bonne foi. Il en va de même pour la règle du statu quo, conçue pour équilibrer les forces pendant la durée des négociations entre programmeurs et distributeurs.
  2. Depuis que l’ordonnance 9(1)h) obligeant la distribution d’Avis de Recherche au service de base numérique a expiré le 31 août 2015, ADR a présenté deux requêtes invoquant la règle du statu quo en vue de conserver sa distribution selon les mêmes modalités et conditions. La règle du statu quo ne devrait pas être invoquée à la légère, ni servir à accorder un droit d’accès de facto. L’objectif de cette règle est de veiller à ce que les Canadiens continuent d’avoir accès à leurs services de programmation préférés pendant que les EDR et les programmeurs négocient les modalités et les conditions de distribution. La règle n’a pas été conçue pour protéger ou défendre les intérêts particuliers de l’une ou l’autre partie.
  3. Le Conseil interviendra s’il a des raisons de croire que les parties invoquent la règle du statu quo pour contrecarrer des négociations menées de bonne foi ou pour protéger un service donné des conséquences liées à l’objectif d’un plus grand choix pour les consommateurs.
  4. Dans le cas présent, Bell a participé à des négociations avec ADR et présenté des preuves à caractère commercial, précisément les cotes d’écoute extrêmement faibles du service, pour justifier pourquoi il ne le distribue plus. Par conséquent, le Conseil conclut que Bell a rempli ses obligations. Il lève donc le statu quo en ce qui concerne Bell et Avis de Recherche.

Infractions alléguées de Bell à ses conditions de licence

  1. Pour ce qui est de l’argument d’ADR voulant que Bell ait enfreint deux de ses conditions de licence, le Conseil détermine que Bell ne contracte pas avec ADR et que, par conséquent, la condition de licence 1.b ne s’applique pas dans le présent cas. Quant à la condition de licence 4, bien que Bell n’ait pas réclamé un règlement de différend 120 jours avant l’expiration de l’entente, ADR a déposé une demande de règlement de différend et les parties ont entamé des négociations et ont eu recours à la médiation assistée par le personnel. Cette condition de licence a pour but de garantir des négociations commerciales équitables. Bien que Bell ne se soit pas conformé à cette condition de licence à la lettre, il en a respecté l’esprit. De plus, le fait que Bell ait déjà pris part à une médiation rend l’argument purement théorique compte tenu des circonstances précises du cas présent.

Conclusion

  1. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil refuse les mesures de redressement réclamées par Avis de recherche incorporée et rejette la plainte contre Bell Canada.

Secrétaire générale

Documents connexes

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Dans sa demande, ADR fait allusion au Code de conduite, lequel a depuis été remplacé par le Code sur la vente en gros.

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