Décision de radiodiffusion CRTC 2020-153

Version PDF

Référence : Demande de la Partie 1 affichée le 17 juin 2019

Ottawa, le 15 mai 2020

Rogers Media Inc.
Toronto (Ontario)

Dossier public de la présente demande : 2019-0459-0

CKIS-FM Toronto – Modifications techniques

Le Conseil refuse une demande en vue de modifier le périmètre de rayonnement autorisé de la station de radio commerciale de langue anglaise CKIS-FM Toronto (Ontario).

Contexte

  1. Dans la décision de radiodiffusion 2002-59, le Conseil a approuvé une demande de Rogers (Toronto) Limited (RTL) en vue de modifier le périmètre de rayonnement autorisé de l’entreprise de programmation de radio commerciale de langue anglaise alors connue sous le nom de CISS-FM Toronto (maintenant CKIS-FM Toronto)  (Ontario), en augmentant la puissance apparente rayonnée (PAR) de 4 700 à 9 870 watts. Selon RTL, cette modification technique était nécessaire pour réduire le brouillage dans la même voie causé par WBEE-FM Rochester (New York), et pour améliorer le signal local de la station à l’est et à l’ouest de Toronto.
  2. Dans la décision de radiodiffusion 2002-243, le Conseil a approuvé une demande de RTL en vue de modifier le périmètre de rayonnement autorisé de CISS-FM en diminuant la PAR de 9 870 à 9 100 watts.
  3. Selon le titulaire, puisque CISS-FM utilisait une antenne à polarisation horizontale et WBEE-FM utilise une antenne à polarisation circulaire, la mise en œuvre de la modification technique approuvée avait entraîné une augmentation du brouillage causé par WBEE-FM. Par conséquent, RTL est revenue à l’exploitation de CISS-FM avec les paramètres techniques autorisés par le Conseil avant la publication des décisions de radiodiffusion 2002-59 et 2002-243
  4. Conformément à l’article 22(1) de la Loi sur la radiodiffusion, étant donné que le ministère de l’Industrie n’a jamais délivré de certificat d’acceptation technique des modifications techniques pour lesquelles le Conseil a accordé son autorisation dans les décisions de radiodiffusion susmentionnées, l’autorisation accordée dans ces décisions a par la suite été invalidée. Par conséquent, la station maintenant connue sous le nom de CKIS-FM n’est autorisée à fonctionner qu’avec les paramètres techniques approuvés dans la décision 90-693 (à une PAR moyenne de 4 700 watts).
  5. En 2016, en réponse aux plaintes d’auditeurs concernant la technologie HD Radio dans les voitures qui passaient par défaut du signal analogique de CKIS-FM au signal HD de WBEE-FM, Rogers Media Inc. (Rogers) a mis en place un service HD Radio sur CKIS-FM. Selon le titulaire, l’offre d’un signal HD Radio a permis de résoudre les problèmes de syntonisation HD dans les voitures. Or, ce service HD Radio n’a pas permis de résoudre les problèmes de brouillage du signal analogique.

Demande

  1. Rogers a déposé une demande en vue de modifier le périmètre de rayonnement autorisé de CKIS-FM en changeant la classe de B à C1, en augmentant la PAR moyenne de 4 700 à 9 000 watts (PAR maximale de 13 000 à 21 000 watts), en augmentant la hauteur effective de l’antenne au-dessus du sol moyen (HEASM) de 287,8 à 296 mètres et en mettant à jour les coordonnées existantes du site de l’émetteur. Tous les autres paramètres techniques demeureraient inchangés.
  2. Le titulaire indique que les modifications techniques demandées sont nécessaires pour améliorer la qualité de la réception et l’expérience d’écoute dans la zone de desserte autorisée de CKIS-FM ainsi que pour réduire le brouillage dans la même voie causé par WBEE-FM, lequel, selon le demandeur, est nettement plus grave que ce que prévoyaient les modèles de brouillage théoriquesNote de bas de page 1.
  3. Rogers fait valoir que les modifications techniques demandées, si elles étaient accordées, n’auraient pas d’incidence importante sur les stations de radio existantes sur le même marché, puisque CKIS-FM continuerait à diffuser à une puissance nettement inférieure à celle de nombreuses autres stations de radio commerciale desservant Toronto.
  4. Selon Rogers, CKIS-FM est très désavantagée par rapport aux stations de radio traditionnelle et aux services de musique numérique exemptésNote de bas de page 2. Rogers ajoute qu’une amélioration de la qualité du signal analogique de CKIS-FM n’augmenterait pas les revenus de la station. Cette amélioration permettrait plutôt à CKIS-FM d’offrir en permanence une expérience d’écoute analogique de haute qualité, de conserver les auditeurs habitués à un son de haute qualité provenant de sources numériques et de maximiser sa part de l’auditoire dans sa zone de desserte autorisée. Le titulaire affirme également que l’augmentation de puissance demandée était un moyen raisonnable et approprié de pallier les lacunes techniques, car elle faciliterait une concurrence plus équitable entre CKIS-FM et les services de musique numérique exemptés sans avoir d’incidence sur les stations de radio concurrentes.
  5. Enfin, selon Rogers, tous les facteurs que le Conseil a pris en considération pour accorder son approbation dans la décision de radiodiffusion 2002-59 restent inchangés :
    • Le périmètre de rayonnement proposé par le titulaire, qui s’étend à l’ouest jusqu’à Oakville et à l’est jusqu’à Markham, est similaire à ceux qui ont été approuvés précédemment et n’englobe que des zones de la région du marché central de Toronto, telle que définie par Numeris, que CKIS-FM est déjà autorisée à desservir.
    • Selon Rogers, en soumettant cette demande, il tente une fois de plus de réduire le brouillage dans la même voie causé par WBEE-FM et d’améliorer l’expérience d’écoute dans sa zone de desserte autorisée.
    • Une PAR moyenne de 9 000 watts reste nettement inférieure à la PAR moyenne de nombreux concurrents de CKIS-FM sur le marché de Toronto.
    • L’augmentation demandée de la PAR moyenne de CKIS-FM à 9 000 watts est inférieure à la PAR moyenne de 9 870 watts qui a été approuvée dans la décision de radiodiffusion 2002-59.

Intervention

  1. Le Conseil a reçu une intervention présentant des observations générales de Dufferin Communications Inc. (Dufferin), à laquelle le titulaire n’a pas réponduNote de bas de page 3.

Analyse et décisions du Conseil

  1. Après examen du dossier de la présente demande en fonction des règlements et politiques applicables, le Conseil estime que les questions sur lesquelles il doit se pencher sont les suivantes :
    • Rogers a-t-il démontré l’existence d’un besoin technique ou économique justifiant de manière irréfutable les modifications techniques demandées?
    • Les modifications sont-elles une solution technique appropriée?
    • Les modifications techniques demandées représentent-elles une utilisation appropriée du spectre?
    • L’approbation des modifications techniques demandées aurait-elle des répercussions financières néfastes injustifiées sur les stations titulaires?

Démonstration d’un besoin technique ou économique

  1. Le Conseil s’attend généralement à ce que les titulaires qui déposent des demandes de modifications techniques démontrent l’existence d’un besoin technique ou économique justifiant de manière irréfutable les modifications proposées. Dans ce cas, Rogers a indiqué que sa demande avait pour seul but de pallier des lacunes techniques, et il n’a pas présenté de projections financières à l’appui de cette demande.
  2. En ce qui concerne le besoin technique, Rogers affirme que la question du brouillage dans la même voie causé par WBEE-FM est bien documentée et que ce brouillage cause une dégradation de son signal depuis au moins 2001, date à laquelle le demandeur a initialement demandé l’augmentation de puissance accordée dans la décision de radiodiffusion 2002-59. Selon le titulaire, les modifications techniques demandées réduiront de plus de la moitié la population touchée par ce brouillage dans la même voie.
  3. À l’appui de sa demande, Rogers a présenté une étude sur le brouillage et un registre de 165 plaintes déposées par des auditeurs. Le titulaire ajoute que CKIS-FM est particulièrement exposée au brouillage causé par WBEE-FM en raison de la propagation par conduits thermiques.
  4. En ce qui concerne l’étude sur le brouillage et le registre des plaintes, le Conseil estime que ces deux éléments de preuve montrent que le brouillage du signal a eu des effets négatifs sur l’écoute dans les régions est et ouest de Toronto, en dehors du périmètre de rayonnement principal de CKIS-FM (3 mV/m)Note de bas de page 4. Par exemple, 67 % des plaintes déposées par les auditeurs provenaient de lieux situés en dehors du périmètre de rayonnement principal de la station. Bien que d’autres plaintes aient été déposées à l’intérieur du périmètre de rayonnement principal de la station, les causes du problème de réception du signal n’étaient souvent pas précisées et les emplacements fournis étaient souvent imprécis. En outre, toute station de radio est soumise à un certain degré de problèmes de réception du signal dans son périmètre de rayonnement principal, en particulier dans une zone urbaine dense comme le centre de Toronto.
  5. En ce qui concerne la propagation par conduits thermiques, il n’existe aucune technique de modélisation mathématique acceptée pour quantifier son impact. Les cartes de brouillage réalistesNote de bas de page 5 fournies par le titulaire montrent les zones de brouillage majeur à l’intérieur du périmètre de rayonnement secondaire (0,5 mV/m) actuel et proposé pour CKIS-FM, et ces cartes montrent également qu’environ la moitié de la population totale subissant actuellement du brouillage se trouve dans la zone de brouillage que la station a acceptée, conformément aux RPR-3 — Règles et procédures de demande relatives aux entreprises de radiodiffusion FM, lorsqu’elle a obtenu sa première licence dans la décision 90-693. Le Conseil estime également, sur la base de ces mêmes cartes, que le brouillage dans la même voie a une incidence sur un pourcentage négligeable d’auditeurs à l’intérieur du périmètre de rayonnement principal de la station.
  6. En se fondant sur les éléments de preuve fournis, le Conseil estime que CKIS-FM est soumise à du brouillage dans la même voie à l’intérieur de son périmètre de rayonnement secondaire et que l’objectif que le titulaire souhaite atteindre en soumettant la présente demande est d’améliorer la réception du signal pour la population à l’intérieur de ce périmètre de rayonnement. Le Conseil estime également que Rogers n’a pas fourni de preuves convaincantes de brouillage du signal à l’intérieur du périmètre de rayonnement principal de CKIS-FM.
  7. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que Rogers n’a pas démontré l’existence d’un besoin technique qui justifie de manière irréfutable les modifications techniques demandées.

Pertinence de la solution technique proposée

  1. Le titulaire indique que les modifications techniques demandées sont nécessaires pour améliorer la qualité du signal de CKIS-FM dans les communautés au bord du lac à l’est et à l’ouest de Toronto qui sont particulièrement sujettes au brouillage dans la même voie causé par WBEE-FM en raison de la propagation par conduits thermiques. Malgré l’échec des tentatives précédentes visant à réduire le brouillage dans la même voie en augmentant la PAR à plus de 9 000 wattsNote de bas de page 6, Rogers soutient que les modifications techniques demandées représentent une solution technique appropriée, puisque son nouveau système d’antennes proposé sera en mesure d’éviter ce brouillage. Selon les estimations du titulaire, 1 % de la population se trouvant à l’intérieur du périmètre de rayonnement principal de CKIS-FM subit actuellement du brouillage, et les modifications techniques demandées ramèneraient ce pourcentage à 0,2 %.
  2. Le Conseil estime que, bien que l’augmentation de la puissance résolve généralement les problèmes de brouillage, la solution proposée améliorerait de façon négligeable la réception dans le périmètre de rayonnement principal de CKIS-FM. D’après le Conseil, cela indique que l’intention du titulaire, en mettant en œuvre ces modifications techniques, serait d’améliorer la réception dans le périmètre de rayonnement secondaire de CKIS-FM.
  3. Après examen du registre des plaintes déposées par les auditeurs fourni par Rogers, le Conseil estime également que, si les modifications techniques demandées étaient approuvées, un brouillage considérable continuerait à se produire dans des endroits situés à l’intérieur du périmètre de rayonnement proposé et dans des endroits indiqués par les auditeurs comme étant des zones où ils ont subi du brouillage.
  4. La radiodiffusion transfrontalière est régie par des ententes bilatérales entre le Canada et les États-Unis, et WBEE-FM est autorisée à exercer ses activités avec ses paramètres techniques actuelsNote de bas de page 7. Le Conseil fait également remarquer que la base de données du ministère de l’Industrie pour les rapports de brouillage ne contient aucune trace des plaintes déposées par Rogers au nom de CKIS-FM.
  5. Compte tenu de ce qui précède, en ce qui concerne l’amélioration du signal de CKIS-FM à l’intérieur de son périmètre de rayonnement primaire, le Conseil conclut que les modifications techniques demandées ne sont pas appropriées sur une base technique. Elles constituent plutôt une solution technique appropriée pour améliorer le signal de la station uniquement dans son périmètre de rayonnement secondaire actuel.

Utilisation appropriée du spectre

  1. Étant donné que la fréquence utilisée par CKIS-FM ne changerait pas, le Conseil estime que les modifications techniques demandées correspondent à une utilisation appropriée du spectre.

Incidence sur les stations titulaires

  1. L’approbation des modifications techniques demandées entraînerait une augmentation de la population desservie par CKIS-FM de 32 % à l’intérieur du périmètre de rayonnement principal de cette station et de 6 % à l’intérieur de son périmètre de rayonnement secondaire. Toutefois, l’expansion proposée de la zone de desserte de la station ne s’étendrait pas à un marché que la station n’est pas autorisée à desservir. L’augmentation de la population se situerait plutôt dans la zone du marché central de Toronto.
  2. Le marché radiophonique de Toronto est le plus grand marché radiophonique du pays en ce qui concerne les revenus et est l’un des marchés radiophoniques les plus rentables sur le plan des marges de rentabilité moyennes. De plus, les revenus totaux sur le marché de Toronto ont augmenté au cours des dernières années.
  3. Bien que le Conseil estime que le titulaire de la licence a peut-être sous-estimé les ramifications financières des modifications techniques demandées, il estime également que le marché de Toronto se porte bien et que toute incidence potentielle serait supportée par un grand nombre de stations.
  4. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que l’approbation des modifications techniques demandées n’aurait pas d’incidence financière négative sur les stations titulaires.

Conclusion

  1. Bien que le Conseil ait approuvé une demande similaire pour cette station dans la décision de radiodiffusion 2002-59, il doit examiner le bien-fondé de chaque demande en tenant compte des circonstances qui lui sont propres. En ce qui concerne la présente demande, même si les modifications techniques demandées n’auraient pas d’incidence financière négative indue sur les stations titulaires et correspondraient à une utilisation appropriée du spectre, Rogers n’a pas démontré un besoin technique ou économique convaincant et les modifications techniques demandées ne représentent pas une solution technique appropriée aux problèmes de réception à l’intérieur du périmètre de rayonnement principal de CKIS-FM. En conséquence, le Conseil estime qu’il n’est pas approprié de s’écarter de son approche générale qui consiste à exiger de chaque demandeur qu’il démontre un besoin technique ou économique justifiant de manière irréfutable les modifications techniques demandées.
  2. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil refuse la demande de Rogers Media Inc. en vie de modifier le périmètre de rayonnement autorisé de l’entreprise de programmation de radio commerciale de langue anglaise CKIS-FM Toronto.

Autres questions

  1. Selon le titulaire, CKIS-FM est actuellement programmée comme une station de radio de succès contemporains qui cible un public plus jeune habitué au son de haute qualité offert par les services de musique numérique. Rogers ajoute que, pour attirer et retenir les auditeurs, et pour concurrencer les stations de radio traditionnelle plus puissantes ainsi que les services de médias numériques exemptés, CKIS-FM doit être en mesure d’offrir un signal de haute qualité.
  2. En ce qui concerne la concurrence des stations de radio traditionnelle plus puissantes, le Conseil a conclu, dans le cadre de l’examen de la présente demande, que les modifications techniques demandées amélioreraient de façon négligeable la qualité du signal de CKIS-FM sur le marché qu’elle est principalement autorisée à desservir, et que Rogers n’a pas démontré un besoin technique convaincant justifiant l’approbation des modifications.
  3. En ce qui concerne la concurrence des services de médias numériques exemptés, le Conseil est d’avis que cette question a une incidence sur toutes les stations de radio traditionnelle. Par conséquent, le Conseil estime que la question de la concurrence avec les services de médias numériques exemptés ne relève pas du champ d’application de la présente demande et doit être examinée dans le cadre d’une instance publique plus large qui prendrait en compte le secteur de la radio dans son ensemble.

Secrétaire général

Documents connexes

Date de modification :