Décision de radiodiffusion CRTC 2019-427

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Référence : Demande de la Partie 1 affichée le 8 mars 2019

Ottawa, le 19 décembre 2019

Québecor Média inc.
L’ensemble du Canada

Dossier public de la présente demande : 2019-0156-2

Plainte de Québecor, au nom de TVA, contre Bell, représenté par BCE, alléguant une préférence indue concernant l’assemblage de TVA Sports

Le Conseil conclut que Bell Canada et de Bell ExpressVu Inc. (l’associé commandité) ainsi que de Bell Canada (l’associé commanditaire), faisant affaire sous le nom de Bell ExpressVu Limited Partnership (collectivement Bell) a accordé une préférence à son service facultatif de sports RDS et a assujetti le service TVA Sports à un désavantage en assemblant les deux services de façon différente. La préférence et le désavantage sont indus puisqu’ils ont causé un préjudice important à Groupe TVA inc.

Par conséquent, le Conseil exige que Bell de fasse état au Conseil d’une nouvelle structure d’assemblage qui ne désavantagera pas indûment TVA Sports ou ne favorisera pas indûment RDS, et ce, au plus tard le 5 février 2020.

Parties

  1. Québecor Média inc. (Québecor) détient et contrôle Groupe TVA inc. (TVA), titulaire d’entreprises de programmation de télévision et de services spécialisés, notamment TVA Sports et ses services multiplexés TVA Sports 2 et TVA Sports 3.
  2. BCE inc. (BCE) est la société mère des entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) de Bell Canada et de Bell ExpressVu Inc. (l’associé commandité) ainsi que de Bell Canada (l’associé commanditaire), faisant affaire sous le nom de Bell ExpressVu Limited Partnership (collectivement Bell). BCE contrôle Bell Média inc. (Bell Média), lequel contrôle Le Réseau des sports (RDS) inc., titulaire des services facultatifs le Réseau des sports (RDS) et RDS2. 

Contexte

  1. TVA Sports est un service de télévision national facultatif de langue française consacré aux sports, particulièrement aux sports professionnels canadiens. Le service a été lancé en septembre 2011 et Bell a commencé à le distribuer à ses abonnés en décembre 2011.
  2. RDS, pour lequel une licence de radiodiffusion a été octroyée en 1987, est un service de télévision national facultatif de langue française consacré aux sports. RDS est demeuré au service de base de la majorité des EDR du marché de langue française jusqu’en 2015. En octobre 2011, Bell Média a lancé un deuxième service facultatif de sports de langue française, RDS2. Conformément à une entente entre TVA et Bell, TVA Sports a été assemblé dans les mêmes forfaits que RDS2.
  3. En vertu de la politique réglementaire de radiodiffusion 2015-96 et du Règlement sur la distribution de radiodiffusion (le Règlement), lesquels obligent notamment les EDR à offrir un petit service de base, Bell offre un petit service de base qui n’inclut ni RDS ni TVA Sports.
  4. Depuis le 1er mars 2016, RDS fait partie des forfaits Bon, Mieux et Meilleurs de Bell et est offert à la carte, dans des forfaits sur mesure ainsi que dans les forfaits faisant l’objet d’une « clause de préservation des droits acquis » (c.-à-d. qui existaient avant la mise en place de la politique réglementaire de radiodiffusion 2015-96). TVA Sports est offert dans les forfaits Mieux et Meilleur, ainsi qu’à la carte ou dans des forfaits sur mesure.

La plainte

  1. Le 27 février 2019, Québecor a déposé une plainte contre Bell alléguant que Bell avait assujetti TVA Sports à un désavantage indu et accordé une préférence indue à RDS, ce qui contrevient à l’article 9 du Règlement.
  2. Québecor avance que le forfait Bon, dans lequel se trouve RDS, a un taux de pénétration beaucoup plus élevé que les forfaits Mieux et Meilleur, dans lesquels se trouve TVA Sports. De plus, RDS continue de bénéficier de droits acquis en raison de sa distribution antérieure au service de base, ce qui désavantage TVA Sports.
  3. Québecor ajoute que cette décision en matière d’assemblage a une incidence négative sur TVA Sports. En tant que service de sports, TVA Sports doit compter sur une large distribution et sur les revenus qui en découlent afin d’être en mesure d’acquérir les droits de diffusion d’événements sportifs qui nécessitent des investissements colossaux. Québecor estime que ses revenus d’abonnements, et par conséquent ses revenus publicitaires, seraient beaucoup plus élevés si son service était inclus dans le forfait Bon, tout comme l’est RDS.
  4. De plus, Québecor indique que, contrairement à Bell, toutes les autres EDR majeures au Québec traitent RDS et TVA Sports de façon comparable et équitable. Sur les marchés de langue anglaise, les services de sports The Sports Network (TSN), propriété de Bell Média, et Sportsnet, propriété de Rogers Communications Inc. (Rogers), sont tous deux inclus dans le forfait Good, l’équivalent du forfait Bon. Selon Québecor, ceci démontre qu’il n’y a aucune raison pour expliquer l’exclusion de TVA Sports du forfait Bon.
  5. Enfin, Québecor souligne que l’article 3(1)t)(iii) de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi) stipule que toute EDR doit offrir des conditions acceptables relativement à la fourniture, la combinaison et la vente des services de programmation qui leur sont fournis. Québecor indique que les conditions de fourniture que Bell offre à TVA Sports ne sont ni acceptables ni équitables, avantagent indûment RDS et désavantagent indûment TVA Sports.
  6. Québecor soutient également que Bell semble favoriser la distribution des stations américaines au détriment de services canadiens comme TVA Sports, ce qui est contraire à ce que prévoit l’article 3(1)t)(i) de la Loi, qui stipule que les EDR devraient donner priorité à la fourniture de services de programmation canadienne. Québecor précise que dans son forfait Bon, Bell offre plusieurs stations de télévision américaines.
  7. Québecor demande donc au Conseil de conclure que Bell assujettit TVA Sports à un désavantage indu et accorde une préférence indue à son propre service de sports RDS. Elle demande également au Conseil d’exiger que Bell ajoute immédiatement TVA Sports à son forfait Bon pour que tous les abonnés à ce forfait puissent avoir accès à TVA Sports de la même façon qu’ils ont accès à RDS.

Réponse de BCE

  1. Dans sa réponse du 8 avril 2019, BCE affirme que l’entente d’affiliation initiale entre TVA et Bell obligeait Bell à assembler TVA Sports avec RDS2 et non RDS. Les ententes qui ont suivi offraient à Bell une souplesse d’assemblage ne l’obligeant pas à assembler TVA Sports avec RDS. BCE ajoute que l’assemblage est conforme au Code sur la vente en gros, énoncé à l’annexe de la politique réglementaire de radiodiffusion 2015-438. BCE soutient que le Code sur la vente en gros ne confère pas les mêmes mesures de protection en matière d’assemblage aux entités intégrées verticalement comme Québecor qu’aux services indépendants.
  2. BCE indique également que l’ampleur de la programmation sportive offerte par les deux services, leurs cotes d’écoute ainsi que leurs parts de marché respectives sont considérablement différentes et que, par conséquent, la valeur relative des deux services ne peut pas être comparée. BCE soutient que TVA Sports ne présente que très peu de programmation unique à la station, n’a pas l’exclusivité de la plupart des grands événements sportifs qu’il diffuse et la plupart de ses émissions à coûts élevés sont accessibles sur des canaux de langue anglaise à grande pénétration.
  3. Selon BCE, l’assemblage de TVA Sports dans le forfait Bon serait une régression vers la microréglementation. Ceci aurait une incidence considérable sur la souplesse, l’abordabilité et le choix des consommateurs, car le prix du forfait Bon devrait être augmenté, et ce, même pour les abonnés qui ne désirent pas regarder TVA Sports. BCE ajoute que les abonnés ont déjà plusieurs options pour accéder à TVA Sports. Ils peuvent notamment ajouter le service à la carte ou créer un forfait personnalisé pour l’inclure. BCE précise qu’un nombre important de ses abonnés choisit déjà l’une de ces options.
  4. En ce qui concerne les objectifs de la Loi, BCE soutient avoir respecté les objectifs de la Loi, particulièrement les articles 3(1)t)(ii) et 3(1)t)(iii), en assurant efficacement la fourniture de TVA Sports à un tarif abordable pour les consommateurs et en fournissant des modalités raisonnables pour la fourniture, la combinaison et la vente au détail des services de programmation. BCE indique que cela est conforme aux ententes contractuelles du service.  
  5. Enfin, BCE indique que le Conseil a déjà tranché la question qui fait l’objet de la présente plainte de Québecor, notamment lors du processus d’arbitrage de l’offre finale de 2018 concernant la distribution de TVA SportsNote de bas de page 1. BCE soutient que lors de ce processus, le Conseil a examiné plusieurs facteurs, dont le taux de pénétration, les remises sur la quantité et l’assemblage du service. Ainsi, BCE est d’avis que le Conseil a rendu une décision finale et exécutoire en faveur de Bell à cet égard et Québecor tente désormais d’obtenir ce qu’elle n’a pu avoir lors de ce processus d’arbitrage de l’offre finale.

Réplique de Québecor

  1. Dans sa réplique du 18 avril 2019, Québecor se dit en désaccord avec les arguments avancés par BCE selon lesquels les deux services ne seraient pas semblables. Québecor précise que même si, en raison de sa taille, Bell a un pouvoir d’achat cinq fois plus important que celui de TVA, TVA Sports permet aux amateurs francophones de sports de suivre plusieurs événements sportifs d’envergure dans leur langue, ce qui sert l’intérêt public. De plus, Québecor a fourni des éléments de preuve démontrant la valeur croissante du service aux yeux des téléspectateurs : la part d’écoute de TVA Sports aurait augmenté de 0,3 % en 2011 à 2,2 % en 2018, alors que celle de RDS aurait diminué de 4,9 % à 2,8 % au cours de la même période.
  2. De plus, Québecor indique que les abonnés de forfaits préassemblés ne souhaitent pas forcément accéder à tous les services qui leur sont proposés dans ces forfaits. Ainsi, si certains abonnés au forfait Bon ne souhaitent pas avoir accès à TVA Sports, certains ne souhaitent pas non plus payer pour RDS. Selon Québecor, l’évolution de l’écoute des deux services démontre qu’ils sont tous deux incontournables pour les amateurs de sports francophones et les abonnés au forfait Bon sont actuellement privés de TVA Sports, au profit de RDS.
  3. En ce qui concerne l’entente précédente concernant l’assemblage de TVA Sports avec RDS2, Québecor souligne que cette entente était pertinente en 2011, lors du lancement des deux services. Toutefois, TVA Sports a considérablement amélioré sa programmation depuis cette période et ses cotes d’écoute ont augmenté, ce qui rend le service davantage comparable à RDS qu’à RDS2. Par ailleurs, en ce qui concerne l’argument de BCE selon lequel TVA Sports n’a pas l’exclusivité de la plupart des événements sportifs qu’il diffuse, Québecor note, que les droits exclusifs de diffusion qu’il possède sont et ne peuvent être que ceux de langue française. La diffusion exclusive de grands événements en français vient combler un besoin important chez les amateurs de sports francophones.
  4. Enfin, en ce qui a trait à l’argument de BCE selon lequel le Conseil a déjà tranché la question de l’assemblage de TVA Sports lors du processus d’arbitrage de l’offre finale de 2018, Québecor soutient que celui-ci n’a aucun lien avec l’objet de la présente plainte. Québecor précise que la présente plainte renvoie à la préférence indue et non pas à la tarification de TVA Sports. Or, la tarification était la question centrale du processus d’arbitrage de l’offre finale.

Dépôt supplémentaire de Québecor

  1. Le 31 mai 2019, Québecor a déposé des renseignements supplémentaires indiquant que Bell a modifié son site Web pour Télé Fibe au Québec et a retiré les forfaits Mieux et Meilleur. Seuls Départ, le petit service de base de Bell, et le forfait Bon étaient affichés, et ces forfaits n’incluaient pas TVA Sports. Québecor soutient que le retrait des forfaits Mieux et Meilleur du site Web de Télé Fibe décuple le désavantage indu.
  2. Dans sa réplique du 5 juin 2019, BCE reconnaît avoir apporté des changements au  site Web de Bell, mais affirme que ces changements avaient comme objectif d’axer ses efforts de marketing sur le forfait « Départ et 10 canaux » et n’étaient pas liés à l’offre de TVA Sports. BCE ajoute que les forfaits Mieux et Meilleur se trouvent toujours sur son site Web et qu’il est possible de les trouver à l’aide de quelques clics. BCE a demandé au Conseil de ne pas rouvrir le dossier public et de ne pas prendre en considération les renseignements supplémentaires de Québecor.

Interventions

  1. Le Conseil a reçu une intervention en appui à la plainte de la part du Conseil provincial du secteur des communications (CPSC) du Syndicat canadien de la fonction publique. Le CPSC estime que Bell offre un forfait qui ne met pas TVA Sports et RDS sur un pied d’égalité et, chez les autres EDR, si un forfait comprend RDS, il comprend également TVA Sports. Le CPSC ajoute que le même désavantage ne s’applique pas sur les marchés de langue anglaise, dans lequel le forfait Good (l’équivalent de Bon) de Bell comprend TSN et Sportsnet. Ainsi, le CPSC fait valoir que Bell s’est accordée une préférence indue et a assujetti TVA Sports à un désavantage indu.
  2. Dans son intervention, le CPSC soutient également que l’exclusion de TVA Sports du forfait Bon a eu une incidence négative sur les cotes d’écoute et, par conséquent, sur les revenus de publicité de TVA Sports.
  3. Le Conseil a aussi reçu deux interventions de la part de particuliers faisant part de leurs préoccupations au sujet de la qualité de la programmation de TVA Sports ainsi que de la valeur et de l’incidence du réassemblage.

Analyse et décisions du Conseil

  1. Le Conseil estime que les questions sur lesquelles il doit se pencher sont les suivantes :
    • Le dépôt supplémentaire de Québecor devrait-il être ajouté au dossier public?
    • La question soulevée par Québecor a-t-elle déjà été réglée?
    • Y a-t-il préférence ou désavantage?
    • Dans l’affirmative, la préférence ou le désavantage sont-ils indus?

Le dépôt supplémentaire de Québecor devrait-il être ajouté au dossier public?

  1. Les renseignements contenus dans le dépôt supplémentaire de Québecor sont pertinents puisque le retrait des forfaits Mieux et Meilleur de la page principale du site Web de Bell pourrait rendre TVA Sports encore plus difficile à trouver que RDS. Le Conseil accepte donc le dépôt supplémentaire, tout en notant que celui-ci n’a aucune incidence sur sa décision.

La question soulevée par Québecor a-t-elle déjà été réglée?

  1. Dans sa réponse à la demande de Québecor, BCE affirme que le Conseil a déjà examiné les questions soulevées par Québecor et pris des décisions à ce sujet dans les deux derniers processus d’arbitrage de l’offre finale entre les deux parties. BCE estime donc que le Conseil n’a pas besoin d’analyser davantage la situation. Il ajoute que le Conseil a examiné plusieurs éléments afin d’établir la juste valeur marchande de TVA Sports, dont le volume, la pénétration et l’assemblage de TVA Sports, lorsqu’il a déterminé que les tarifs proposés par Bell étaient les plus raisonnables. Par conséquent, BCE soutient que le Conseil a déjà rendu une décision finale et contraignante en sa faveur au sujet de la question qui est au cœur du présent différend.
  2. Le Conseil estime que BCE confond les analyses effectuées lors d’un arbitrage de l’offre finale et celles effectuées lors d’une plainte portant sur une préférence indue. Le Conseil examine des facteurs distincts dans le cadre de chaque processus, et ceux-ci ne sont pas comparables. L’analyse d’un arbitrage de l’offre finale est réalisée en fonction d’éléments en matière de juste valeur marchande qui sont pertinents pour le dossier en arbitrage. Il n’existe généralement pas de critères semblables lors d’analyses d’allégations de préférence ou de désavantage indus. Ainsi, dans le cadre de l’arbitrage de l’offre finale mentionné par BCE, l’assemblage n’était pas un élément sur lequel le Conseil s’est penché, alors qu’il constitue l’enjeu principal dans le cas présent.
  3. Par conséquent, le Conseil conclut qu’il n’a pas déjà traité la question soulevée par Québecor dans la présente demande.

Y a-t-il préférence ou désavantage?

Test de la préférence indue
  1. L’article 9 du Règlement prévoit ce qui suit :
    1. Il est interdit au titulaire d’accorder à quiconque, y compris lui-même, une préférence indue ou d’assujettir quiconque à un désavantage indu.
    2. (2) (…) il incombe au titulaire qui a accordé une préférence ou fait subir un désavantage indu d’établir que la préférence ou le désavantage n’est pas indu.
  2. Lorsque le Conseil examine une plainte alléguant une préférence indue ou un désavantage indu, il doit d’abord déterminer s’il y a préférence ou désavantage. La préférence est généralement définie comme le traitement différent d’entités comparables.
Les services sont-ils comparables?
  1. Dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2015-438, le Conseil a précisé qu’il est préférable de définir le terme « comparable » au cas par cas, selon le contexte d’une négociation ou d’un différend. Par conséquent, les facteurs pris en considération afin de déterminer si deux entités ont un caractère comparable peuvent varier d’un cas à l’autre.
  2. Lorsqu’il s’agit de comparer TVA Sports et RDS, le Conseil estime approprié de comparer le contenu de leur programmation. Le Conseil note que les deux services offrent des contenus semblables. En effet, ils présentent tous deux des programmations sportives diversifiées, ainsi que des droits de diffusion de langue française des principales ligues majeures sportives et d’événements sportifs populaires. D’ailleurs, TVA Sports et RDS diffusent tous deux des matchs de hockey de la Ligue nationale de hockey et se partagent les droits régionaux pour la diffusion des matchs du Canadien de Montréal. Les deux services diffusent également du tennis et des matchs de la Ligue majeure de baseball. Alors que RDS possède les droits de diffusion des matchs de basketball de la National Basketball Association, dont ceux des Raptors de Toronto, TVA Sports possède les droits des matchs de la Ligue majeure de soccer, dont ceux de l’Impact de Montréal. Au surplus, les deux services présentent des émissions de formats similaires, comme des commentaires sportifs et des émissions d’actualité sportive.
  3. Le Conseil note que les deux services s’adressent au même public cible, soit les amateurs de sports francophones en général. Tel que susmentionné, TVA Sports et RDS diffusent tous deux le même genre de programmation et parfois des parties des mêmes ligues majeures. Il est donc probable que les amateurs de sports considèrent que les services se ressemblent et se font concurrence.
  4. De plus, TVA Sports et RDS sont des services facultatifs assujettis aux mêmes conditions de licence normalisées qui s’appliquent aux services de sports d’intérêt général.
  5. Pour appuyer son point de vue selon lequel les deux services ne sont pas comparables, BCE avance que les cotes d’écoute et les parts de marché des deux services sont substantiellement différentes. Le Conseil estime qu’il n’est pas nécessaire, dans le cas présent, de prendre en considération ces deux facteurs, car il ressort clairement du dossier de la présente plainte que TVA Sports et RDS sont des services comparables. Le Conseil note, de toute manière, que les cotes d’écoute et les parts de marché des deux services, bien que favorables à RDS pour le moment, semblent se rapprocher de plus en plus.
  6. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que TVA Sports et RDS sont des services comparables.
Le traitement des services est-il différent?
  1. BCE soutient que l’entente d’affiliation initiale entre les parties obligeait Bell à assembler TVA Sports avec RDS2 et les ententes subséquentes ne l’obligeaient pas à assembler TVA Sports avec RDS.
  2. Québecor confirme que l’obligation d’assemblage de TVA Sports avec RDS2 n’existe plus. Depuis 2015, l’assemblage de TVA Sports est à la discrétion de Bell. Québecor juge que TVA Sports est devenu un service comparable à RDS plutôt qu’à RDS2, lequel se compare maintenant davantage à TVA Sports 2.
  3. Le Conseil estime que l’assemblage de TVA Sports avec RDS2 était peut-être logique lors du lancement du service en 2011, mais note que TVA Sports a depuis diversifié sa programmation et gagné en popularité. Bien que BCE affirme que la pratique de Bell est conforme au Code sur la vente en gros, la souplesse d’assemblage accrue ne libère pas Bell de ses responsabilités au titre de l’article 9 du Règlement.
  4. Tel que susmentionné, RDS est inclus dans tous les forfaits facultatifs de Bell, dont le forfait Bon, le forfait le plus populaire de Bell et qui a la plus grande pénétration. De son côté, TVA Sports est inclus dans les forfaits Mieux et Meilleur, qui sont plus chers que le forfait Bon et dont la pénétration est nettement inférieure à celle du forfait Bon.
  5. Par conséquent, ayant conclu que les deux services sont comparables, le Conseil estime que, compte tenu des différences importantes dans l’assemblage, le traitement de TVA Sports par Bell est différent de celui qu’elle accorde à RDS.
  6. Le Conseil note que, dans son intervention, CPSC affirme avoir examiné les offres de distribution des autres EDR desservant le Québec, notamment Cogeco inc., Shaw Communications Inc., Telus Communications Inc. et Vidéotron. Selon le CPSC, ces EDR offrent les mêmes conditions d’assemblage pour TVA Sports et RDS. De plus, le CPSC fait remarquer que dans les marchés de langue anglaise, Bell assemble TSN, l’équivalent de langue anglaise de RDS, avec Sportsnet, le service de sports appartenant à Rogers.
Conclusion
  1. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que Bell a conféré un désavantage à TVA Sports, tout en accordant une préférence à son propre service, RDS.

La préférence et le désavantage sont-ils indus?

  1. Ayant conclu que Bell a assujetti TVA Sports à un désavantage et conféré une préférence à RDS, le Conseil doit déterminer si la préférence et le désavantage sont indus. Plus précisément, le Conseil doit évaluer si cette préférence et ce désavantage ont causé ou pourraient causer un préjudice important au plaignant ou à une autre personne. Il doit également examiner l’incidence que la préférence et le désavantage exercent, ou risquent d’exercer, sur l’atteinte des objectifs énoncés dans la Loi.
  2. Conformément à l’article 9(2) du Règlement, dans le cas présent, il incombe à BCE de démontrer que la préférence et le désavantage n’avaient rien d’indus.
Incidences financières
  1. Le Conseil a examiné attentivement, et pris en considération, tous les renseignements fournis par les parties. Toutefois, la plupart des données que les parties ont déposées au dossier de la présente instance ne peuvent être divulguées dans la présente décision puisqu’elles sont confidentielles.
  2. Le Conseil note que depuis l’introduction du forfait Bon en mars 2016, son nombre d’abonnés a augmenté à un point tel qu’il est maintenant le forfait de Bell ayant la plus grande pénétration. Quant aux forfaits Mieux et Meilleur, ils sont plus chers que le forfait Bon et leur pénétration est très faible.
  3. Québecor estime qu’en refusant de distribuer TVA Sports dans le forfait Bon, Bell prive TVA Sports d’un volume d’abonnés important et de plusieurs millions de dollars par an en revenus d’abonnement et en revenus publicitaires. Par conséquent, elle soutient avoir subi des pertes de revenus très importantes. Québecor a fourni des estimations à propos des abonnés supplémentaires que son service aurait obtenus et des revenus publicitaires que la plus grande distribution de TVA Sports aurait engendrés si TVA Sports avait été offert dans le forfait Bon plutôt que dans Mieux ou Meilleur.
  4. Le Conseil rappelle que BCE avait l’obligation de démontrer que la préférence et le désavantage n’étaient pas indus. À cet égard, le Conseil note que BCE n’a pas fourni de données financières que le Conseil aurait pu utiliser pour réfuter les estimations de Québecor en ce qui concerne les manques à gagner de TVA Sports, et ce, tant pour les revenus d’abonnement que pour les revenus publicitaires. Elle a toutefois fourni des renseignements sur le nombre d’abonnés au forfait Bon qui sont aussi abonnés à TVA Sports, et ces données correspondent aux estimations soumises par Québecor. Plus particulièrement, BCE a indiqué qu’un grand nombre d’abonnés au forfait Bon choisissent TVA Sports à la carte ou dans un forfait sur mesure, alors que le reste choisit de ne pas le faire. La proportion d’abonnés au forfait Bon qui choisissent de ne pas ajouter TVA Sports comme service supplémentaire représente des centaines de milliers de dollars par mois en revenus d’abonnements non matérialisés. En contrepartie, la proportion d’abonnés au forfait Bon qui a automatiquement accès à RDS représente des revenus supplémentaires pour Bell.
  5. Le Conseil fait remarquer que les services de sports comptent sur les revenus découlant d’une large distribution pour être en mesure d’acquérir les droits des émissions sportives, dont les coûts sont très élevés. Ainsi, les revenus supplémentaires que RDS tire grâce aux abonnés au forfait Bon, qui pourraient autrement ne pas vouloir de ce service, accordent à Bell un avantage concurrentiel, notamment pour l’obtention des droits de distribution des émissions sportives.
  6. À cet égard, le Conseil estime que l’exclusion de TVA Sports du forfait Bon, contrairement à la situation qui prévaut pour RDS, a eu, et continue d’avoir, une incidence négative importante à l’égard des activités de TVA.
Incidence sur les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion
  1. BCE fait remarquer qu’elle se conforme à l’article 3(1)t)(ii) de la Loi en ce qui concerne la fourniture efficace de la programmation à des tarifs abordables, ainsi qu’à l’article 3(1)t)(iii) en ce qui concerne les conditions acceptables relativement à la fourniture, la combinaison et la vente des services de programmation.
  2. De son côté, Québecor souligne que TVA Sports apporte d’importantes contributions à la programmation canadienne, que ce soit en dépenses en émissions canadiennes ou en diffusion de contenu canadien. Québecor ajoute que, par ses actions, Bell ne donne pas priorité à la fourniture de services de programmation canadienne et n’offre pas de conditions raisonnables relatives à la fourniture, à la combinaison et à la vente des services, ce qui est contraire aux articles 3(1)t)(i) et 3(1)t)(iii) de la Loi.
  3. BCE indique, de plus, que plusieurs grands événements diffusés par TVA Sports sont également présentés par des services de langue anglaise, notamment la Canadian Broadcasting Corporation et Citytv, ce qui prouve, selon elle, que les abonnés anglophones du Québec n’ont pas besoin de s’abonner à TVA Sports. À cet égard, Québecor soutient que TVA Sports vient combler un besoin important, puisque sans le service, les amateurs de sports francophones seraient privés de la diffusion en français de plusieurs événements sportifs d’envergure, ce qui va à l’encontre de l’intérêt public.
  4. Tel qu’il appert des remarques du Conseil susmentionnées, il ressort du dossier de la présente instance que le service TVA Sports vient combler les besoins des amateurs de sports en diffusant une programmation canadienne variée et d’intérêt pour les Canadiens. À cet effet, le Conseil est d’avis que le désavantage indu subi par TVA Sports l’empêche de contribuer à sa juste valeur aux objectifs de la Loi relatifs à la création et à la présentation de programmation canadienne.
  5. Le Conseil estime, de plus, que compte tenu de la contribution de TVA Sports au système de radiodiffusion et de l’incidence que la distribution inéquitable de ce service a sur le marché de langue française qu’il dessert, la préférence et le désavantage ont eu une incidence négative sur l’atteinte des objectifs énoncés aux articles 3(1)c) et 3(1)t)(i) et (iii) de la Loi.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil conclut que Bell a assujetti TVA Sports à un désavantage indu et a conféré une préférence indue à RDS.
  2. Par conséquent, le Conseil exige que Bell Canada et Bell ExpressVu Inc. (l’associé commandité) ainsi que Bell Canada (l’associé commanditaire), faisant affaire sous le nom de Bell ExpressVu Limited Partnership remédient à la situation et incluent TVA Sports dans la même offre de programmation que son service RDS, et fassent état au Conseil, au plus tard le 5 février 2020, d’une nouvelle structure d’assemblage qui ne désavantagera pas indûment TVA Sports ou ne favorisera pas indûment RDS.

Secrétaire général

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