Décision de télécom CRTC 2018-200
Ottawa, le 5 juin 2018
Dossier public : 8640-B2-201706368
Bell Canada – Demande d’abstention de la réglementation des lignes locales dégroupées
Le Conseil approuve la demande d’abstention de la réglementation des lignes locales dégroupées déposée par Bell Canada concernant les 88 circonscriptions pour lesquelles elle n’a pas encore obtenu une abstention de la réglementation (c.-à-d. dans les circonscriptions où la demande pour le service existe toujours). Les conclusions du Conseil dans la présente décision garantiront que les Canadiens continueront de profiter d’un système de télécommunications concurrentiel qui se fie, dans la plus grande mesure possible, au libre jeu du marché pour atteindre les objectifs de la politique de télécommunication. En outre, les conclusions énoncées dans la présente décision contribueront à l’établissement d’un système de communications de calibre mondial au Canada.
Demande
- Le Conseil a reçu une demande de Bell Canada, datée du 26 juillet 2017, dans laquelle la compagnie lui demandait de s’abstenir de réglementer la fourniture de lignes locales dégroupées (LLD)Note de bas de page 1 dans 88 circonscriptions de son territoire d’exploitation. Bell Canada a fait valoir que, conformément à la politique réglementaire de télécom 2015-326, les LLD font l’objet d’une abstention de la réglementation dans toutes ses autres circonscriptions en raison d’une demande insuffisante.
- Plus précisément, Bell Canada a demandé au Conseil de lui octroyer une abstention de la réglementation conformément à l’article 34 de la Loi sur les télécommunications (Loi), et de s’abstenir d’exercer les pouvoirs et fonctions que lui confèrent les articles 24, 25, 27, 29 et 31 de la Loi en ce qui concerne les LLD dans les circonscriptions où la fourniture de LLD est encore obligatoire. Bell Canada a indiqué qu’elle avait l’intention de continuer d’offrir les LLD si sa demande était approuvée.
- Bell Canada a proposé au Conseil un cadre d’analyse pour évaluer sa demande d’abstention d’une manière qu’elle jugeait efficace sur le plan administratif. Bell Canada a indiqué que ce cadre démontrait que l’abstention de la réglementation des LLD n’irait pas à l’encontre des décisions antérieures du Conseil de s’abstenir de réglementer les services téléphoniques de détail dans son territoire d’exploitationNote de bas de page 2.
- Le Conseil a reçu des interventions d’Allstream Business Inc. (Allstream), du Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. (CORC) et de TELUS Communications Inc. (TCI)Note de bas de page 3, ainsi qu’une intervention conjointe de l’Independent Telecommunications Providers Association (ITPA) et de la Canadian Cable Systems Alliance (CCSA) [collectivement l’ITPA/CCSA]Note de bas de page 4.
Contexte
- Dans la décision de télécom 97-8, le Conseil a déterminé que, pour soutenir la concurrence dans le secteur des services de détail, les entreprises de services locaux titulaires (ESLT) seraient tenues de dégrouper leurs installations d’accès locales afin de rendre les LLD accessibles aux entreprises de services locaux concurrentes sous forme de services de gros.
- Cependant, le statut réglementaire des LLD a changé lorsque la politique réglementaire de télécom 2015-326 a été publiée. Dans cette décision, le Conseil a appliqué un critère des services essentiels (ci-après appelé l’évaluation du caractère essentiel) à différents services de gros, dont les LLD, afin de déterminer si la prestation de ces services devrait continuer d’être obligatoireNote de bas de page 5. De plus, l’évaluation du caractère essentiel était corroborée par trois considérations stratégiques pour éclairer, soutenir ou infirmer une décision de prescrire ou non la prestation d’un service de gros : i) bien public, ii) interconnexion, et iii) investissement et innovation.
- Le Conseil a conclu que les LLD ne satisfont pas à l’ensemble des trois conditions de l’évaluation du caractère essentiel à l’échelle du pays, et étant donné qu’il n’existe pas de raisons stratégiques valables de continuer à imposer la fourniture de ces installations, il a déterminé que les LLD ne sont pas essentielles et n’exige plus qu’elles soient fournies, sous réserve d’une période d’élimination progressive de trois ans. Dans les circonscriptions où il n’y avait aucune demande pour les LLD, le Conseil a déterminé qu’il s’abstiendrait de réglementer les installations à compter de la date de sa décision. La période d’élimination progressive ne s’appliquerait pas dans ces circonscriptions, et les ESLT pourraient continuer d’offrir les LLD ou cesser de les offrir immédiatement.
- Dans les circonscriptions où il y a une demande pour les LLD, les ESLT pourront déposer une demande d’abstention de la réglementation concernant la fourniture de ses LLD si elle a l’intention de continuer d’offrir les LLD après la fin de la période d’élimination progressive. Les ESLT visées sont encouragées à définir un cadre d’analyse que le Conseil pourrait utiliser pour évaluer l’abstention de manière efficace sur le plan administratif, et doivent justifier pourquoi leur demande d’abstention n’aurait pas d’incidence sur les décisions d’abstention locale que le Conseil a prises antérieurement en fonction de la disponibilité des LLDNote de bas de page 6.
- Si une ESLT avait l’intention de cesser d’offrir des LLD, elle devrait alors fournir un avis écrit aux clients existants et au Conseil. Notamment, elle devrait justifier pourquoi la cessation de l’offre des LLD n’aurait pas d’incidence sur les décisions d’abstention locale que le Conseil a prises antérieurement en fonction de la disponibilité des LLD.
Le Conseil devrait-il accepter la demande d’abstention de la réglementation des LLD déposée par Bell Canada concernant les 88 circonscriptions en question?
Justification de l’abstention de la réglementation de Bell Canada
- Bell Canada a fait valoir que sa demande devrait être approuvée pour les raisons suivantes :
- Les LLD sont conformes à tous les éléments pratiques de l’abstention de la réglementation;
- L’abstention de la réglementation des LLD demeure appropriée dans le marché des services téléphoniques de détail actuel;
- L’abstention de la réglementation des LLD est conforme aux objectifs de la politique énoncés à l’article 7 de la Loi et aux InstructionsNote de bas de page 7;
- La période d’élimination progressive de trois ans a laissé aux concurrents suffisamment de temps pour modifier leurs modèles d’affaires.
I) Les LLD sont conformes à tous les éléments pratiques de l’abstention de la réglementation
- Invoquant les conclusions tirées par le Conseil au sujet des LLD dans la politique réglementaire de télécom 2015-326 et dans deux décisions concernant des demandes de révision et de modification de certaines de ces conclusionsNote de bas de page 8, Bell Canada a fait valoir que le Conseil a déjà conclu que : i) dans toutes les circonscriptions, la suppression de l’accès imposé aux LLD n’aura pas d’effet important sur la concurrence dans le marché des services de détail; ii) aucune considération stratégique relative au bien public ou à l’innovation ne justifie de continuer d’imposer l’accès aux LLD; et iii) à la fin de la période d’élimination progressive de trois ans, les concurrents auront eu suffisamment de temps pour cesser l’utilisation des LLD et atténuer les effets négatifs que pourrait avoir l’abstention sur leurs activités. Bell Canada a indiqué que tous les éléments pratiques des conditions d’abstention des LLD ont donc déjà été respectés.
II) L’abstention de la réglementation des LLD demeure appropriée dans le marché des services téléphoniques de détail actuel
- Bell Canada a fait valoir que les décisions antérieures du Conseil concernant les LLD sont encore pertinentes dans le contexte du marché des services téléphoniques de détail actuel. Par exemple, Bell Canada a indiqué que dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a fait remarquer que la demande de LLD a diminué entre 2009 et 2013, et Bell Canada a souligné que les LLD sont de moins en moins pertinentes dans le marché des services téléphoniques locaux de détail étant donné que cette tendance à la baisse se poursuit.
- Bell Canada a précisé que la diminution de la demande pour les LLD n’a pas entraîné une hausse de la part du marché de détail détenue par les fournisseurs de services de télécommunication (FST) titulaires, citant des statistiques des versions de 2015 et de 2016 du Rapport de surveillance des communicationsNote de bas de page 9 du Conseil. Bell Canada a signalé que ces données confirment, comme l’a conclu le Conseil dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, que « la suppression de l’accès imposé aux [LLD] ne devrait probablement pas empêcher ou diminuer grandement la concurrence dans les marchés de détail des services téléphoniques filaires locaux de résidence ou d’affaires peu importe la circonscription [...] ».
- Bell Canada a précisé que le maintien de l’offre des services d’accès haute vitesse (AHV) de gros obligatoires (qui sont souvent offerts par Bell Canada et une entreprise de câblodistribution) dans toutes les circonscriptions où les LLD sont encore tarifées aujourd’hui offre aux concurrents un intrant de gros tarifé qu’ils peuvent utiliser pour fournir des services téléphoniques et d’accès Internet, et ce, en dépit de la suppression de l’accès imposé aux LLD. Bell Canada a fourni, à titre confidentiel, un exemple d’un fournisseur de services qui a cessé d’utiliser les LLD pour offrir des services téléphoniques et qui utilise plutôt des solutions sur protocole Internet (IP), plus précisément le service d’accès par passerelle (SAP), pour fournir des services dans l’une des 88 circonscriptions pour lesquelles Bell Canada a présenté une demande d’abstention.
- Bell Canada a indiqué que les conclusions tirées par le Conseil dans la politique réglementaire de télécom 2015-326 et les décisions de télécom 2016-246 et 2016-247 sont encore pertinentes dans le contexte du marché des services téléphoniques de détail actuel alors que la fin de la période d’élimination progressive de trois ans approche. Bell Canada a précisé que les LLD continuent d’avoir une incidence minime sur la concurrence et sur l’ensemble du marché des services téléphoniques de détail étant donné qu’elles sont très peu utilisées et qu’il existe des solutions de rechange. Bell Canada a ajouté que, par conséquent, l’abstention de la réglementation des LLD dans les circonscriptions où elles demeurent réglementées est appropriée en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi.
III) L’abstention de la réglementation des LLD est conforme aux objectifs de la politique énoncés à l’article 7 de la Loi et aux Instructions
- Bell Canada a indiqué que l’abstention de la réglementation des LLD dans les autres circonscriptions réglementées serait conforme aux objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7f) et 7g)Note de bas de page 10 de la Loi et à l’alinéa 1a) des InstructionsNote de bas de page 11.
- Pour ce qui est de l’alinéa 7f) de la Loi, Bell Canada a précisé que, puisque le Conseil avait déjà conclu que les LLD ont peu d’incidence sur la concurrence, peu importe la circonscription, continuer de réglementer les LLD ne s’avérerait pas efficace pour encourager la concurrence. De plus, Bell Canada a indiqué qu’en s’abstenant de réglementer les LLD, on éliminerait toute réglementation inutile et inefficace tout en laissant une plus grande place au libre jeu du marché.
- Pour ce qui est de l’alinéa 7g) de la Loi, Bell Canada a cité la reconnaissance du Conseil dans la politique réglementaire de télécom 2015-326 selon laquelle « [l]a décision de ne plus imposer la fourniture des lignes locales dégroupées pourrait favoriser l’adoption par les consommateurs de services évolués ou nouveaux ». Bell Canada a indiqué qu’un client qui reçoit des services locaux par l’intermédiaire de LLD aurait accès à plusieurs services téléphoniques novateurs en passant à des solutions de rechange IP ou sans fil. La compagnie a soutenu que cela s’avère particulièrement pertinent parce que, dans l’environnement technologique actuel, les FST peuvent utiliser les connexions Internet haute vitesse pour fournir des services téléphoniques plutôt que de dépendre d’une technologie désuète.
- Bell Canada a également signalé que l’abandon des LLD, qui reposent sur une technologie traditionnelle, pourrait inciter les FST à élaborer des solutions de voix sur IP novatrices.
- En ce qui a trait aux Instructions, Bell Canada a fait valoir que, comme le Conseil a déjà déterminé que les LLD dans toutes les circonscriptions sont conformes aux éléments pratiques de l’abstention et que les LLD ont une incidence minime sur la concurrence dans le marché des services téléphoniques de détail, continuer de réglementer les LLD ne constituerait pas un moyen efficace pour atteindre les objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7f) et 7g) de la Loi.
IV) La période d’élimination progressive de trois ans a laissé aux concurrents suffisamment de temps pour modifier leurs modèles d’affaires
- Bell Canada a soutenu que la période d’élimination progressive de trois ans a permis aux concurrents de délaisser les LLD et d’atténuer les incidences négatives que l’abstention de la réglementation des LLD risquait d’avoir sur leurs activités.
Cadre d’analyse proposé par Bell Canada
- Bell Canada a proposé de classer chacune des 88 circonscriptions dans l’une des trois parties de son cadre d’analyse. Dans la partie a) du cadre d’analyse proposé, les LLD seraient automatiquement soustraites à la réglementation dans toutes les circonscriptions où aucune abstention de la réglementation des services d’affaires ou de résidence n’a été octroyée (7 circonscriptions au total). Dans la partie b) du cadre d’analyse proposé, les LLD seraient automatiquement soustraites à la réglementation dans toutes les circonscriptions (16 circonscriptions au total) où l’abstention de la réglementation, dans la mesure où il y a une abstention locale, a apparemment été octroyée uniquement en raison de la concurrence suffisante exercée par un concurrent du secteur filaire ne louant pas d’installations (p. ex. LLD). Dans la partie c) du cadre d’analyse proposé, les LLD seraient soustraites à la réglementation dans toute circonscription (65 au total) où une abstention de la réglementation pour les services de détail locaux (de résidence ou d’affaires) a apparemment été octroyée parce qu’un fournisseur loue des LLD, à moins que le Conseil n’ait un doute raisonnable que les utilisateurs finals de la circonscription continueront de profiter d’une concurrence suffisante pour protéger leurs intérêts, conformément à l’article 34 de la Loi. L’annexe 1 de la présente décision contient une explication détaillée du cadre d’analyse proposé par Bell Canada, tandis que l’annexe 2 présente la liste des 88 circonscriptions.
TCI
- TCI était en faveur de la demande de Bell Canada, y compris du cadre d’analyse proposé. Cependant, TCI ne préconisait pas une abstention complète aux termes des articles 24Note de bas de page 12 et 27 de la Loi. En particulier, TCI a indiqué que, conformément aux pratiques habituelles du Conseil, celui-ci devrait conserver les pouvoirs que lui confèrent l’article 24 et les paragraphes 27(2)Note de bas de page 13 et 27(4)Note de bas de page 14 de la Loi.
Allstream
- Allstream a fait valoir qu’en ce qui a trait aux circonscriptions classées dans les parties a) et c) du cadre d’analyse proposé, Bell Canada souhaite obtenir l’abstention de la réglementation des LLD malgré des éléments de preuve insuffisants pour démontrer que la concurrence dans le marché de détail (autre que par l’intermédiaire des LLD) est suffisante pour protéger les intérêts des consommateurs. De plus, Allstream a signalé que la concurrence et le choix offert aux consommateurs dans ces circonscriptions sont insuffisants, et que l’abstention immédiate des LLD irait à l’encontre des intérêts des consommateurs.
- Allstream a précisé que, dans les circonscriptions figurant à la partie a), qui ne sont pas visées par une abstention, la concurrence sur le marché de détail demeure insuffisante, et que l’abstention de la réglementation des LLD risque d’éliminer ou de détériorer un moyen existant d’offrir un choix aux consommateurs. De plus, Allstream a fait valoir que, dans les circonscriptions de la partie c), la bonne façon d’évaluer la déclaration de Bell Canada selon laquelle il ne serait plus nécessaire de compter sur les LLD pour satisfaire aux critères d’abstention de la réglementation des services de détail serait que Bell Canada soumette des demandes d’abstention à jour pour les 65 circonscriptions.
- Allstream a indiqué que les éventuels services de gros qui pourraient être utilisés pour remplacer les LLD réglementées, soit les services AHV de gros dégroupés, constituent la solution la plus viable dans la plupart des situations. Toutefois, Allstream a indiqué que les tarifs de ces services sont toujours à l’étude et que leur mise en œuvre n’en est qu’aux premières étapes. Allstream a fait valoir que le Conseil n’avait probablement pas prévu cette situation lorsqu’il a établi une période de transition de trois ans pour l’élimination progressive des LLD dans la politique réglementaire de télécom 2015-326. Compte tenu de ce qui précède, l’abstention de la réglementation des LLD dans une circonscription ne devrait pas être octroyée moins de deux ans après que les tarifs et les modalités permanents ne soient établis pour les services AHV de gros dégroupés dans la circonscription.
- Allstream a également indiqué qu’il est essentiel que le Conseil conserve le pouvoir d’imposer des conditions pour un service donné, ainsi que le pouvoir de prévenir toute préférence indue ou discrimination injuste.
- Allstream a laissé entendre que, si le Conseil détermine que l’abstention de la réglementation devrait être octroyée et qu’il compte adhérer de façon déterminée à la période d’élimination progressive de trois ans, il pourrait atténuer les incidences négatives pour les concurrents et leurs clients des services de détail en établissant le prix plafond pour les LLD en fonction des tarifs en vigueur.
CORC
- Le CORC a fait valoir que, plutôt que de choisir de s’abstenir de réglementer prospectivement les LLD, le Conseil devrait continuer de se montrer sensible à la présence de la demande pour les LLD ainsi qu’aux effets négatifs de l’abstention prématurée lorsqu’il examine la pertinence d’octroyer l’abstention dans les circonscriptions où la demande pour les LLD existe toujours.
- Le CORC a précisé que l’absence d’une abstention de la réglementation des services téléphoniques locaux dans les 7 circonscriptions classées dans la partie a) du cadre d’analyse proposé ne signifie pas qu’aucune offre concurrentielle n’existe dans ces circonscriptions. Le CORC a précisé qu’au lieu de cela, l’absence d’une abstention de la réglementation des services de détail dans ces circonscriptions révèle uniquement qu’un seul FST ne peut desservir au moins 75 % des lignes de services téléphoniques de résidence ou d’affaires pouvant être desservies par Bell Canada dans ces circonscriptions.
- Le CORC a également précisé que l’abstention de la réglementation des LLD dans les circonscriptions indiquées dans la section 1 des parties b) et c) perturbera la continuité du marché concurrentiel des services téléphoniques locaux d’affaires dans ces circonscriptions, ce qui va à l’encontre du paragraphe 34(3) de la Loi.
- En ce qui concerne la section 2 de la partie c), le CORC a signalé que le Conseil avait rejeté (dans la décision de télécom 2007-87) l’argument de Bell Canada, à savoir que, si une entreprise de câblodistribution est capable de desservir au moins 75 % des lignes de services de résidence dans une circonscription et qu’elle a indiqué qu’elle y fournit des services locaux d’affaires, elle doit aussi être capable de desservir au moins 75 % des lignes de services d’affaires dans cette circonscription.
- Le CORC a fait valoir que la demande continue pour les LLD dans ces circonscriptions indique que l’offre concurrentielle de services téléphoniques locaux d’affaires est présente dans chacune des circonscriptions des FST qui utilisent les LLD. Le CORC a aussi indiqué que, dans la mesure où cela s’applique, l’abstention de la réglementation des LLD soulève la crainte que celle-ci ne perturbe la continuité du marché concurrentiel existant pour ces services dans ces circonscriptions, ce qui va à l’encontre du paragraphe 34(3).
- Quant à la section 3 de la partie c), le CORC a fait valoir qu’il n’y a toujours pas d’élément de preuve montrant que les critères d’abstention de la décision de télécom 2006-15 ont été respectés pour les services téléphoniques locaux d’affaires dans les 11 circonscriptions ciblées. Le CORC a précisé que l’abstention de la réglementation des LLD dans ces circonscriptions soulève des préoccupations concernant la probabilité que cela perturbe la continuité du marché concurrentiel existant pour les services téléphoniques locaux d’affaires, ce qui va à l’encontre du paragraphe 34(3) de la Loi.
ITPA/CCSA
- L’ITPA/CCSA ont demandé que le Conseil rejette la demande de Bell Canada et qu’il continue de réglementer les tarifs des LLD jusqu’à ce que le service AHV de gros dégroupé de Bell Canada soit pleinement opérationnel dans l’ensemble de l’Ontario et du Québec, moment où le Conseil pourra accorder une abstention de la réglementation. Autrement, à tout le moins, le Conseil ne devrait pas s’abstenir de réglementer les LLD jusqu’à ce que les tarifs et les modalités du nouveau service AHV de gros dégroupé de Bell Canada aient été approuvés par le Conseil, jusqu’à ce que les tarifs aient été établis par Bell Canada, et jusqu’à ce que ces tarifs et modalités soient opérationnels.
- L’ITPA/CCSA ont signalé qu’il n’existe actuellement aucune solution de rechange viable aux LLD pour les services de gros dans les circonscriptions en question. Elles ont fait valoir que, même si Bell Canada soutient que ses services AHV existants constituent des solutions de rechange crédibles aux LLD, ces catégories de services comportent des restrictions inhérentes qui les empêchent de fournir des solutions pratiques du point de vue du fournisseur de services comme de celui de l’utilisateur final.
Résultats de l’analyse du Conseil
Options d’évaluation de l’abstention de la réglementation
- La Loi prévoit deux approches différentes par lesquelles le Conseil peut s’abstenir de réglementer la totalité ou une partie d’un service de télécommunication. L’une de ces approches consiste à effectuer une analyse des politiques en vertu du paragraphe 34(1) de la Loi, et l’autre approche consiste à déterminer, en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi, si la concurrence est suffisante pour protéger les intérêts des utilisateursNote de bas de page 15. Le Conseil procède habituellement à une évaluation du pouvoir de marché pour déterminer si les exigences du paragraphe 34(2) de la Loi sont respectéesNote de bas de page 16. Puisque le Conseil a déjà évalué de la même façon le pouvoir de marché des LLD lors de l’évaluation du caractère essentiel décrite dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, et qu’il a déterminé que le retrait du service ne devrait pas empêcher ou diminuer grandement la concurrence, le Conseil estime qu’il n’est pas nécessaire d’effectuer une autre évaluation complète du pouvoir de marché en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi. Par conséquent, le Conseil examinera la demande d’abstention en vertu du paragraphe 34(1) de la Loi.
Paragraphe 34(1) de la Loi
- Selon le paragraphe 34(1) de la Loi, « [l]e Conseil peut s’abstenir d’exercer — en tout ou en partie et aux conditions qu’il fixe — les pouvoirs et fonctions que lui confèrent normalement les articles 24, 25, 27, 29 et 31 à l’égard des services — ou catégories de services — de télécommunication fournis par les entreprises canadiennes dans les cas où il conclut, comme question de fait, que son abstention serait compatible avec la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication ». Les objectifs de la politique les plus pertinents pour ce qui est de la demande de Bell Canada sont ceux qui figurent aux alinéas 7c)Note de bas de page 17, 7f) et 7g) de la Loi.
- Les LLD permettent aux concurrents d’offrir un service téléphonique filaire et un service Internet à basse vitesse aux utilisateurs finals. Le Conseil est d’avis que la décision de s’abstenir de réglementer les LLD serait conforme à l’alinéa 7c) de la Loi. Plus précisément, les ESLT et les clients de gros pourraient de plus en plus abandonner les LLD afin d’adopter des technologies avancées pour fournir des services téléphoniques et Internet aux utilisateurs finals. Cette transition aurait comme conséquence de fournir au Canada un système de communications de calibre mondial.
- Le Conseil estime que la décision de s’abstenir de réglementer les LLD serait conforme à l’objectif de la politique énoncé à l’alinéa 7f) de la Loi. Dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a déterminé que la suppression de l’accès imposé aux LLD ne devrait probablement pas empêcher ou diminuer grandement la concurrence dans les marchés de détail des services téléphoniques filaires locaux de résidence et d’affaires peu importe la circonscription ou le territoire d’exploitation de l’ESLT. Le Conseil estime donc que l’abstention favoriserait le libre jeu du marché en ce qui concerne la prestation de services de télécommunication en amont (de gros) et en aval (de détail).
- Inversement, le maintien de la réglementation d’un service qui a peu d’incidence sur la concurrence constituerait une application inefficace de la réglementation. Par exemple, le maintien de la réglementation du prix des LLD pourrait entraîner une distorsion de la demande pour les LLD ou d’autres services de gros.
- De plus, l’abstention de la réglementation des LLD pourrait pousser les clients de gros à éliminer les LLD au profit de solutions de rechange avancées sur le plan technologique pour fournir des services téléphoniques de détail (p. ex., voix sur IP) ou des services Internet de détail (p. ex., services AHV de gros) aux utilisateurs finals. Inversement, le maintien de la réglementation des LLD pourrait entraîner les clients de gros à continuer de recourir à la technologie traditionnelle pour fournir des services téléphoniques ou Internet aux utilisateurs finals, ce qui, d’après le Conseil, constituerait une application inefficace de la réglementation.
- Le Conseil estime que la décision de s’abstenir de réglementer les LLD serait conforme à l’objectif de la politique énoncé à l’alinéa 7g) de la Loi. Plus précisément, le Conseil estime que l’élimination des LLD pourrait encourager les concurrents à prendre d’autres dispositions d’approvisionnement, ce qui stimulerait la recherche et le développement dans l’industrie des télécommunications canadiennes et encouragerait l’innovation dans la prestation des services de télécommunication, comme l’élaboration de services téléphoniques IP novateurs. Comme il est indiqué dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, la décision de ne plus imposer la fourniture des LLD pourrait favoriser l’adoption par les consommateurs de services évolués ou nouveaux; par exemple, les concurrents qui font passer leurs utilisateurs finals des LLD à leurs propres installations ou à des services fournis grâce aux services AHV de gros permettraient à leurs utilisateurs finals d’accéder à de nouveaux contenus ou applications qui étaient auparavant inaccessibles.
Paragraphe 34(3) de la Loi
- Le Conseil est également tenu d’évaluer la demande de Bell Canada conformément au paragraphe 34(3) de la Loi, lequel indique ce qui suit : « Le Conseil ne peut toutefois s’abstenir, conformément au présent article, d’exercer ses pouvoirs et fonctions à l’égard des services ou catégories de services en question s’il conclut, comme question de fait, que cela aurait vraisemblablement pour effet de compromettre indûment la création ou le maintien d’un marché concurrentiel pour leur fourniture. »
- Le Conseil est d’avis que s’abstenir de réglementer les LLD dans les circonscriptions de Bell Canada où des décisions sur l’abstention de la réglementation des services téléphoniques locaux de résidence ou d’affaires ont été prises en fonction de la disponibilité des LLD (p. ex., circonscriptions figurant dans la partie c) du cadre d’analyse proposé par Bell Canada) ne risque pas de nuire indûment au maintien d’un marché concurrentiel pour la prestation de services téléphoniques de détail.
- Les conditions du marché ont changé depuis l’établissement du cadre d’abstention de la réglementation des services locaux dans la décision de télécom 2006-15. Plus précisément, les LLD sont de moins en moins utilisées pour fournir des services téléphoniques et Internet de détail. Selon le Rapport de surveillance des communications de 2017, les revenus de l’ensemble de l’industrie provenant de la fourniture de LLD ont diminué de 17,5 % de 2014 à 2016, et de 29,8 % de 2012 à 2016. Selon le dossier confidentiel de la présente instance, il semble que les concurrents utilisent la totalité des LLD pour desservir un très faible pourcentage du marché potentiel total dans le territoire d’exploitation de Bell Canada. La demande en LLD est faible et est en baisse depuis plusieurs années, car les clients et les concurrents passent de plus en plus à la technologie sans fil et à large bande.
- En outre, la présence d’un concurrent doté d’installations de lignes fixes, plus précisément d’un concurrent se servant des LLD pour offrir des services de détail, n’est pas aussi importante qu’elle l’était en 2006 pour ce qui est d’instaurer une discipline dans l’établissement des prix pour les services filaires de détail en raison de l’évolution des services sans fil mobiles. Les services sans fil de détail sont de plus en plus utilisés au lieu des services téléphoniques filaires. Selon le Rapport de surveillance des communications de 2017, les services sans fil représentaient la part la plus importante des revenus des services de télécommunication de détail de l’industrie en 2016 (52 %), alors que les services téléphoniques filaires représentaient environ 18 %. En 2016, on comptait près de 31 000 000 d’abonnements aux services sans fil au Canada, les réseaux sans fil couvraient 99,4 % de l’étendue géographique du Canada, et la pénétration des appareils mobiles était de 84,3 %.
- Le Conseil est également d’avis que s’abstenir de réglementer les LLD dans les circonscriptions où des décisions sur l’abstention de la réglementation des services téléphoniques locaux de résidence ou d’affaires ont été prises en fonction de la disponibilité des LLD ne risque pas de nuire indûment au maintien d’un marché concurrentiel pour la prestation de services Internet de détail.
- Les services AHV de gros sont la principale solution de rechange aux LLD pour la prestation des services Internet. Le Rapport de surveillance des communications de 2017 indique que les revenus des services de télécommunication filaires de gros de l’industrie ont augmenté de 54,2 % de 2013 à 2016, tandis que les abonnements aux services AHV de gros ont augmenté de 43 % au cours de la même période. Plus particulièrement, les abonnements aux services ayant une vitesse de téléchargement de 50 mégabits par seconde et plus ont augmenté de 1 525 % entre 2013 et 2016.
- Le Conseil estime que s’abstenir de réglementer les LLD dans les circonscriptions où les services téléphoniques locaux de résidence ou d’affaires ne font pas l’objet d’une abstention de la réglementation (c.-à-d. les 7 circonscriptions classées dans la partie a) du cadre d’analyse proposé par Bell Canada) ne peut pas avoir d’incidence sur les décisions concernant l’abstention de la réglementation des services téléphoniques locaux, car les services téléphoniques locaux de résidence ou d’affaires continuent d’être réglementés dans le marché de détail dans ces circonscriptions, et les services sans fil représentent probablement la principale solution de rechange concurrentielle, plutôt qu’une concurrence axée sur les LLD. Par conséquent, le Conseil est d’avis que l’abstention de la réglementation des LLD dans ces circonscriptions ne risque pas de nuire indûment à l’établissement ou au maintien d’un marché concurrentiel pour la fourniture de services téléphoniques locaux dans ces circonscriptions.
- Le Conseil estime également que l’abstention de la réglementation des LLD ne devrait pas avoir d’incidence sur les décisions concernant l’abstention de la réglementation des services téléphoniques de détail locaux dans les circonscriptions où l’abstention de la réglementation a été octroyée en raison de la concurrence suffisante exercée par un concurrent du secteur filaire ne louant pas d’installations (p. ex. entreprise de câblodistribution), c.-à-d. dans les circonscriptions figurant dans la partie b) du cadre d’analyse proposé par Bell Canada. Le critère de présence de concurrents a précédemment été respecté dans l’ensemble des 16 circonscriptions pour les services locaux de résidence, et dans 1 circonscription pour les services locaux d’affaires. Dans les 15 circonscriptions dans lesquelles l’abstention de la réglementation n’a pas été octroyée pour les services locaux d’affaires, l’abstention de la réglementation des LLD ne peut pas avoir d’incidence sur les décisions concernant l’abstention locale des services locaux d’affaires, car ces services continuent d’être réglementés dans le marché de détail dans ces circonscriptions.
- Le Conseil estime également que l’abstention de la réglementation des LLD ne devrait pas avoir d’incidence sur les décisions concernant l’abstention de la réglementation des services téléphoniques de détail locaux dans les circonscriptions où l’abstention de la réglementation a été octroyée, à des degrés variables, pour les services de résidence et d’affaires en fonction de la disponibilité des LLD, c.-à-d. dans les circonscriptions figurant dans la partie c) du cadre d’analyse proposé par Bell Canada. Le Conseil estime que l’élargissement des réseaux sans fil concurrentiels depuis la prise de ces décisions sur l’abstention de la réglementation, jumelé à la disponibilité accrue de solutions de rechange concurrentielles dans les marchés de gros et de détail, sera suffisant pour atténuer toute condition d’abstention locale négative découlant d’éventuels changements à la disponibilité des LLD dans ces circonscriptions.
- Le Conseil fait remarquer que les services AHV groupés sont disponibles et sont utilisés dans 86 des 88 circonscriptions (les 2 circonscriptions où ils ne sont pas utilisés – Lucknow [Ontario], et Stoke [Québec] – sont classées dans la partie a) du cadre d’analyse proposé par Bell Canada; autrement dit, les tarifs des services téléphoniques de détail demeurent réglementés dans ces circonscriptions). Par conséquent, une solution de rechange concurrentielle est offerte aux clients de gros si les LLD devaient être retirées du service ou si Bell Canada devait augmenter considérablement le prix de son service de LLD. Cependant, le Conseil est d’avis qu’il est important que Bell Canada fournisse un préavis suffisant aux clients de gros si, après l’obtention d’une abstention de la réglementation, la compagnie décide de retirer du service les LLD dans une ou plusieurs de ses circonscriptions. Ce préavis devrait laisser aux concurrents suffisamment de temps pour prendre d’autres dispositions.
Interventions des parties à l’instance
- En ce qui a trait à :
- la demande déposée par Allstream afin que l’abstention de la réglementation des LLD dans une circonscription ne soit pas octroyée moins de deux ans avant que les tarifs et les modalités permanents ne soient établis pour les services AHV de gros dégroupés dans la circonscription;
- la demande déposée par l’ITPA/CCSA afin que l’abstention de la réglementation soit reportée jusqu’à ce que les services AHV de gros dégroupés de Bell Canada soient entièrement opérationnels partout en Ontario et au Québec;
- Pour ce qui est de la proposition d’Allstream d’établir un prix plafond pour les LLD, le Conseil estime que cela irait à l’encontre de l’objectif de la politique énoncé à l’alinéa 7f) de la Loi, c’est-à-dire favoriser le libre jeu du marché, et du sous-alinéa 1a)(i) des Instructions, lequel ordonne au Conseil de se fier, dans la plus grande mesure du possible, au libre jeu du marché comme moyen d’atteindre les objectifs de la politique en matière de télécommunications.
- En ce qui a trait à la préoccupation du CORC, qui craint que l’abstention de la réglementation des LLD dans les 88 circonscriptions nuise au maintien du marché concurrentiel existant pour les services téléphoniques locaux, ce qui va à l’encontre du paragraphe 34(3) de la Loi, le Conseil fait remarquer que les LLD ont fait l’objet d’une période d’élimination progressive de trois ans dans la politique réglementaire de télécom 2015-326. D’après le Conseil, cette période était suffisante pour permettre aux clients de gros fournissant des services de détail à l’aide des LLD de prendre d’autres dispositions d’approvisionnement.
- Pour ce qui est des préoccupations de l’ITPA/CCSA concernant les limites des services AHV existants par rapport aux LLD, le Conseil est d’avis que les solutions de rechange ne doivent pas nécessairement constituer une solution de rechange idéale pour chaque situation pour instaurer une discipline dans l’établissement des prix. En ce qui a trait à la fonctionnalité vocale des LLD, comme il a été mentionné précédemment, la combinaison des solutions de rechange de détail (p. ex., services sans fil) et de gros (p. ex., AHV de gros) offertes dans le territoire d’exploitation de Bell Canada aura un effet disciplinant suffisant sur le comportement de la compagnie en matière d’établissement de prix des services téléphoniques filaires.
- Le Conseil réitère qu’il a déterminé et réaffirmé dans plusieurs décisionsNote de bas de page 18 que les LLD sont un service non essentiel que les ESLT ne devraient plus être tenues de fournir à titre obligatoire. Ces conclusions ont été tirées en se fondant sur les nombreux éléments de preuve et arguments présentés, notamment la disponibilité de solutions de rechange aux LLD, dont les services AHV de gros. Les clients des LLD ont eu trois ans pour prendre d’autres dispositions, sachant que les LLD ne seraient plus obligatoires et pourraient être retirées des offres de services ou faire l’objet d’une abstention de la réglementation à la fin de la période de trois ans.
Conclusion
- Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que le service de LLD de Bell Canada répond aux critères d’abstention de la réglementation en vertu du paragraphe 34(1) de la Loi; ainsi la décision de s’abstenir de réglementer les LLD dans les 88 circonscriptions de Bell Canada où il y a une demande pour le service serait conforme aux objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7c), 7f), et 7g) de la Loi.
- Le Conseil conclut également que le service de LLD de Bell Canada répond aux critères d’abstention de la réglementation en vertu du paragraphe 34(3) de la Loi. Plus précisément, le Conseil ne conclut pas, comme question de fait, que s’abstenir de réglementer les LLD dans les 88 circonscriptions en question serait susceptible de nuire indûment au maintien d’un marché concurrentiel pour les services téléphoniques et Internet de détail dans ces circonscriptions.
- Par conséquent, le Conseil approuve la demande d’abstention de la réglementation de Bell Canada. Plus précisément, le Conseil déclare que, à compter de la fin de la période d’élimination progressive de trois ans des LLD (c.-à-d. le 22 juillet 2018), les articles 25, 29 et 31 et les paragraphes 27(1), 27(5) et 27(6) de la Loi ne s’appliqueront pas à l’égard des 88 circonscriptions pour lesquelles Bell Canada n’a pas déjà obtenu une abstention de la réglementation pour ses LLD.
- Le Conseil conserve le pouvoir d’imposer des conditions relatives à un service conformément à l’article 24 de la Loi, ainsi que le pouvoir d’éviter toute préférence indue ou discrimination injuste conformément aux paragraphes 27(2) et 27(4) de la Loi. Ces dispositions fourniront au Conseil la souplesse nécessaire pour aborder les plaintes futures.
- Conformément à l’article 24 de la Loi, le Conseil exige de Bell Canada qu’elle fournisse un préavis écrit d’au moins six mois aux clients de gros si, après l’obtention d’une abstention de la réglementation, la compagnie décide de retirer du service les LLD dans l’une ou l’autre de ses circonscriptions.
Instructions
- Le Conseil est tenu, dans l’exercice de ses pouvoirs et fonctions aux termes de la Loi, de mettre en œuvre les objectifs de la politique énoncés à l’article 7 de la Loi, conformément aux Instructions. Le Conseil estime que les conclusions énoncées dans la présente décision sont conformes aux Instructions pour les raisons mentionnées
ci-dessous. - Les questions à l’examen dans le cadre de la présente instance concernent la prestation des services et son incidence connexe sur la concurrence au sein du marché en aval des services locaux de détail et des services Internet de détail, notamment la question de savoir si le Conseil devrait s’abstenir de réglementer les services. Par conséquent, les sous-alinéas 1a)(i) et 1a)(ii) et les sous-alinéas 1b)(i), 1b)(ii) et 1b)(iv) des Instructions s’appliquent aux conclusions du Conseil dans la présente instance.
- En vertu du sous-alinéa 1b)(i) des Instructions, le Conseil estime que les conclusions tirées dans la présente décision favorisent l’atteinte des objectifs de politique énoncés aux alinéas 7c), 7f) et 7g) de la Loi.
- Conformément aux sous-alinéas 1a)(i), 1a)(ii) et 1b)(ii) des Instructions, le Conseil estime que les mesures réglementaires prises sont efficaces et proportionnelles aux buts visés et ne font obstacle au libre jeu d’un marché concurrentiel que dans une mesure minimale, et ne découragent pas un accès au marché qui est propice à la concurrence et qui est efficace économiquement, ni n’encouragent un accès au marché qui est non efficace économiquement. Le Conseil estime que l’abstention de la réglementation des LLD favorise le libre jeu du marché en ce qui concerne la prestation de services téléphoniques et Internet de détail aux utilisateurs finals de Bell Canada et de ses clients de gros.
- Conformément au sous-alinéa 1b)(iv) des Instructions, le Conseil estime que les mesures réglementaires prises donnent lieu, dans toute la mesure du possible, à des ententes d’interconnexion de réseaux ou à des régimes d’accès neutres sur le plan de la technologie et de la concurrence, pour permettre aux nouvelles technologies de faire concurrence et pour ne pas favoriser artificiellement les entreprises canadiennes ou les revendeurs.
Secrétaire général
Documents connexes
- Managed Network Systems, Inc. – Demande de révision et de modification de certaines conclusions énoncées dans la politique réglementaire de télécom 2015-326 concernant l’élimination progressive de l’accès obligatoire aux lignes locales dégroupées, Décision de télécom CRTC 2016-247, 29 juin 2016
- Allstream Inc. – Demande de révision et de modification de certaines conclusions énoncées dans la politique réglementaire de télécom 2015-326 concernant l’élimination progressive de l’accès obligatoire aux lignes locales dégroupées, Décision de télécom CRTC 2016-246, 29 juin 2016
- Examen du cadre des services filaires de gros et des politiques connexes, Politique réglementaire de télécom CRTC 2015-326, 22 juillet 2015; modifiée par la Politique réglementaire de télécom CRTC 2015-326-1, 9 octobre 2015
- Bell Canada – Demandes d’abstention de la réglementation des services locaux d’affaires, Décision de télécom CRTC 2007-87, 13 septembre 2007; modifiée par la Décision de télécom CRTC 2007-87-1, 29 novembre 2007
- Abstention de la réglementation des services locaux de détail, Décision de télécom CRTC 2006-15, 6 avril 2006; modifiée par le Décret C.P. 2007-532, 4 avril 2007
- Concurrence locale, Décision de télécom CRTC 97-8, 1er mai 1997
- Examen du cadre de réglementation, Décision de télécom CRTC 94-19, 16 septembre 1994
Annexe 1 à la Décision de télécom CRTC 2018-200
Description détaillée du cadre d’analyse proposé par Bell Canada
Partie a)
Bell Canada a proposé de classer 7 circonscriptions dans la partie a) de son cadre d’analyse. Conformément à la partie a), les lignes locales dégroupées (LLD) seraient automatiquement soustraites à la réglementation dans toutes les circonscriptions où aucune abstention de la réglementation des services téléphoniques locaux (c.-à-d. de résidence ou d’affaires) n’a été octroyée. Elle a fait valoir que, comme aucune forme d’abstention locale n’a été octroyée dans ces circonscriptions, l’abstention de la réglementation des LLD ne peut pas avoir une incidence sur les décisions concernant l’abstention locale rendues précédemment. Bell Canada a précisé que, par conséquent, il n’y a aucune raison de continuer à réglementer les LLD en se fondant sur l’incidence potentielle des décisions antérieures en matière d’abstention locale.
Partie b)
Bell Canada a proposé de classer 16 circonscriptions dans la partie b) de son cadre d’analyse. Conformément à la partie b), les LLD seraient automatiquement soustraites à la réglementation dans toutes les circonscriptions où l’abstention, dans la mesure où il y a une abstention locale, a apparemment été octroyée en raison de la concurrence suffisante exercée par un concurrent du secteur filaire ne louant pas d’installations (p. ex. LLD). Bell Canada a précisé qu’une abstention de la réglementation des services de résidence a été octroyée dans 15 des 16 circonscriptions et que dans 1 circonscription (Winnipeg, Manitoba), une abstention de la réglementation des services de résidence et d’affaires a été accordée. Elle a indiqué que l’abstention de la réglementation de la fourniture de LLD n’aurait donc pas d’incidence sur l’abstention locale dans ces circonscriptions.
Bell Canada a fait valoir que dans le cadre de l’instance ayant mené à la décision de télécom 2006-15, elle avait fourni des éléments de preuve démontrant que, dans ces 16 circonscriptions, un concurrent pouvait fournir des services locaux à au moins 75 % des lignes de services téléphoniques à l’aide de ses propres installations. Bell Canada a indiqué que, comme rien n’indique que l’abstention de la réglementation des LLD aura une incidence sur l’abstention locale de l’une ou l’autre de ces 16 circonscriptions, le Conseil peut s’abstenir de réglementer la fourniture des LLD dans ces circonscriptions sans avoir à revoir les décisions antérieures sur l’abstention locale.
Partie c)
Bell Canada a proposé de classer les 65 circonscriptions restantes dans la partie c) de son cadre d’analyse. La compagnie a fait valoir que la concurrence relative aux LLD avait vraisemblablement joué un rôle dans la décision du Conseil d’octroyer l’abstention de la réglementation des services téléphoniques de détail locaux de résidence ou d’affaires dans ces circonscriptions. Elle a précisé que dans ces circonscriptions, bien que la disponibilité des LLD puisse initialement avoir influé sur la décision du Conseil d’octroyer l’abstention locale, le paysage concurrentiel a évolué au point où les LLD n’ont désormais plus d’incidence sur la concurrence dans le marché des services téléphoniques locaux. Bell Canada a divisé les 65 circonscriptions en 3 sections, selon l’abstention locale dans chaque circonscription.
La compagnie s’est également reportée au critère de la présence de concurrents, établi dans la décision de télécom 2006-15, qui stipule qu’une abstention de la réglementation peut être accordée dans les cas suivants :
l’entreprise de services locaux titulaire (ESLT) offre des services locaux de résidence, il y a sur ce marché, en plus d’elle, au moins deux autres fournisseurs de services de télécommunication indépendants dotés d’installations, y compris les fournisseurs de services sans fil mobiles, qui offrent des services locaux de résidence et ont la capacité d’assurer des services de télécommunication sur au moins 75 % du nombre de lignes de services locaux de résidence qu’elle est elle-même en mesure d’exploiter, et, en plus d’elle, au moins un de ces autres fournisseurs est un fournisseur de services de télécommunication filaires doté d’installations;
l’ESLT offre des services locaux d’affaires, il y a sur ce marché, en plus d’elle, au moins un autre fournisseur de services de télécommunication filaires indépendants doté d’installations qui offre des services locaux d’affaires et a la capacité d’assurer des services de télécommunication sur au moins 75 % du nombre de lignes de services locaux d’affaires qu’elle est elle-même en mesure d’exploiter.
Section 1
Bell Canada a indiqué que la section 1 compte 4 circonscriptions pour lesquelles une abstention de la réglementation des services locaux de résidence a apparemment été octroyée selon la disponibilité des LLD, mais où aucune abstention de la réglementation des services locaux d’affaires n’a été octroyée.
Bell Canada a fait valoir qu’elle avait déterminé qu’il existe actuellement un concurrent du secteur filaire en mesure de respecter le critère de la présence de concurrents dans les 4 circonscriptions où l’abstention de la réglementation des services de résidence a probablement été octroyée initialement en raison de la disponibilité des LLD. Elle a indiqué que le Conseil peut être assuré que l’abstention de la réglementation des LLD dans ces circonscriptions n’exigera pas de revoir les décisions précédentes sur l’abstention locale.
Section 2
Bell Canada a indiqué que la section 2 compte 50 circonscriptions où une abstention de la réglementation des services locaux d’affaires a été octroyée en raison de la disponibilité des LLD, mais où une abstention de la réglementation des services locaux de résidence a été octroyée parce qu’un concurrent utilise ses propres installations pour y fournir un service local. Elle a précisé que dans ces circonscriptions, la capacité d’une entreprise de câblodistribution à desservir au moins 75 % des lignes de services téléphoniques à l’aide de ses propres installations a déjà été établie pour le marché des services téléphoniques de détail de résidence. Bell Canada a fait valoir que, comme la présence d’une entreprise de câblodistribution a été établie dans ces circonscriptions, on peut raisonnablement déduire qu’un fournisseur de services filaires est en mesure de desservir 75 % des lignes de services d’affaires à l’aide de ses propres installations une fois que l’entreprise de câblodistribution a confirmé qu’elle offre des services locaux aux clients d’affaires. Bell Canada a indiqué que compte tenu des conclusions du Conseil dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, selon lesquelles la concurrence dans le marché des services téléphoniques locaux d’affaires ne dépend pas de la disponibilité des LLD, il ne fait aucun doute que les clients des services d’affaires dans ces circonscriptions continueront de profiter d’une concurrence suffisante une fois que les LLD seront soustraites à la réglementation.
Section 3
Bell Canada a indiqué que dans la section 3, on compte 11 circonscriptions où l’abstention de la réglementation des services locaux de résidence et d’affaires a vraisemblablement été accordée en raison de la disponibilité des LLD. En utilisant la même méthode que celle utilisée pour déterminer la présence de concurrents dans la section 1 de la partie c), Bell Canada a précisé qu’un concurrent est en mesure de desservir au moins 75 % des lignes de services de résidence. Elle a fait valoir qu’elle pouvait confirmer qu’une entreprise de câblodistribution est en mesure de respecter le critère de la présence de concurrents dans 10 des 11 circonscriptions.
Pour ce qui est de la circonscription restante (Inverary [Ontario]), Bell Canada a soumis, à titre confidentiel, des éléments de preuve démontrant que les utilisateurs finals des services de résidence et d’affaires dans cette circonscription continueront de profiter d’un marché de services téléphoniques locaux concurrentiel, peu importe la disponibilité des LLD. Elle a fait valoir que l’abstention de la réglementation des LLD n’influera donc pas sur l’abstention de cette circonscription.
Bell Canada a indiqué que l’abstention de la réglementation des LLD n’aura pas d’incidence sur l’abstention locale dans ces 11 circonscriptions. Bell Canada a fait valoir que les LLD devraient donc être soustraites à la réglementation dans toutes ces circonscriptions.
Annexe 2 à la Décision de télécom CRTC 2018-200
Liste des circonscriptions selon le cadre d’analyse proposé par Bell Canada
Partie a)
Cameron, Ont.
Fergus, Ont.
Gananoque, Ont.
Lucknow, Ont.
Oakwood, Ont.
Renfrew, Ont.
Stoke, Qc
Partie b)
Blind River, Ont.
Cooksville, Ont.
Cornwall, Ont.
Gloucester, Ont.
Ingersoll, Ont.
Kingston, Ont.
LaSalle, Ont.
Lévis, Qc
Lindsay, Ont.
Midland, Ont.
North Bay, Ont.
Orangeville, Ont.
Sault Ste. Marie, Ont.
Thornhill, Ont.
Winnipeg, Man.
Woodstock, Ont.
Section 1 de la partie c)
Elora, Ont.
Napanee, Ont.
Petawawa, Ont.
Sudbury, Ont.
Section 2 de la partie c)
Ajax-Pickering, Ont.
Barrie, Ont.
Boucherville, Qc
Brampton, Ont.
Brantford, Ont.
Burlington, Ont.
Castlemore, Ont.
Chatham, Ont.
Chicoutimi, Qc
Chomedey, Qc
Clarkson, Ont.
Clinton, Ont.
Drummondville, Qc
Galt, Ont.
Guelph, Ont.
Halifax, N.-É.
Hamilton, Ont.
Kanata-Stittsville, Ont.
Kitchener-Waterloo, Ont.
Lachine, Qc
London, Ont.
Longueuil, Qc
Malton, Ont.
Maple, Ont
Markham, Ont.
Montréal, Qc
Newmarket, Ont.
Oakville, Ont.
Oshawa, Ont.
Ottawa-Hull, Ont./Qc
Owen Sound, Ont.
Peterborough, Ont.
Pointe-Claire, Qc
Pont-Viau, Qc
Québec, Qc
Richmond Hill, Ont.
Sarnia, Ont.
Sherbrooke, Qc
Southampton, Ont.
St. Catharines-Thorold, Ont.
St-Hyacinthe, Qc
St-Lambert, Qc
Stoney Creek, Ont.
Stratford, Ont.
Streetsville, Ont.
Toronto, Ont.
Trois-Rivières, Qc
Unionville, Ont.
Windsor, Ont.
Woodbridge, Ont.
Section 3 de la partie c)
Aurora, Ont.
Goderich, Ont.
Hanover, Ont.
Harriston, Ont.
Inverary, Ont.
Listowel, Ont.
Mount Forest, Ont.
Palmerston, Ont.
Pembroke, Ont.
Tecumseh, Ont.
Walkerton, Ont.
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