Décision de radiodiffusion CRTC 2016-353

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Référence : 2016-191

Ottawa, le 31 août 2016

Société Radio-Canada
L'ensemble du Canada

Demande 2016-0257-4, reçue le 3 mars 2016

Radio 2 et ICI Musique – Modifications de licence

Le Conseil refuse la demande présentée par la Société Radio-Canada en vue de modifier les licences de radiodiffusion des réseaux et stations d'ICI Musique et de Radio 2 pour permettre à ces services de continuer à diffuser de la publicité nationale payée jusqu'au 31 août 2018. L'autorisation de diffuser ce genre de publicité sur ces services expirera donc le 31 août 2016, la date d'expiration actuelle.

Historique

  1. Dans la décision de radiodiffusion 2013-263, le Conseil avait renouvelé les licences de radiodiffusion des réseaux et stations d'Espace Musique (maintenant ICI Musique) et de Radio 2 de la Société Radio-Canada (SRC).
  2. Dans cette décision, le Conseil avait conclu que l'autorisation donnée à la SRC de diffuser un volume limité de publicité nationale payéeRetour à la référence de la note de bas de page 1 sur les ondes d'Espace Musique et de Radio 2 aiderait le radiodiffuseur à préserver le caractère distinct et la haute qualité de leur programmation, surtout dans le contexte de nouvelles réductions des crédits parlementaires. Par conséquent, le Conseil avait imposé une condition de licence qui autorisait les services à diffuser un volume limité de publicité nationale payée, pour un total maximum de quatre minutes par heure d'horloge. Cette condition de licence, dont le libellé le plus récent est énoncé dans la décision de radiodiffusion 2014-135Retour à la référence de la note de bas de page 2 se lit comme suit :

    11. La titulaire ne doit diffuser aucune publicité (catégorie 5), sauf :

    a) la publicité nationale payée;

    b) au cours d'émissions qu'elle ne peut obtenir que par commandite; ou

    c) afin de satisfaire aux exigences de la législation du Parlement canadien relatives aux élections.

    Aux fins de la présente condition, la titulaire ne peut diffuser plus de quatre minutes de publicité nationale payée par heure d'horloge.

    La programmation musicale ne peut être interrompue plus de deux fois au cours de chaque heure d'horloge pour la publicité nationale payée. Aux fins de l'application du présent paragraphe, la mention du nom du commanditaire ou l'intégration d'un message de commandite dans une émission commanditée ne sont pas considérées comme une interruption de la programmation musicale.

  3. Étant donné la vive opposition des auditeurs et des représentants de l'industrie de la radiodiffusion et puisque l'introduction de publicité nationale payée sur les ondes de ces services constituerait un changement majeur dont les répercussions étaient difficiles à prévoir, le Conseil a autorisé la diffusion de publicité nationale payée jusqu'au 31 août 2016 seulement, soit une période de trois ansRetour à la référence de la note de bas de page 3. Après cette date, les services ne seraient autorisés à diffuser que la publicité telle que précisée aux conditions de licence 11 b) et c) ci-dessusRetour à la référence de la note de bas de page 4.
  4. Dans la décision de radiodiffusion 2013-263, le Conseil a indiqué que si la SRC souhaitait continuer à diffuser de la publicité nationale payée après la période de trois ans, elle devrait présenter une demande en ce sens au Conseil et prouver qu'elle s'était jusqu'alors conformée aux quatre critères suivants : a) la publicité n'avait pas eu d'incidence négative indue sur les marchés publicitaires, b) les auditeurs n'avaient pas été indûment incommodés par la publicité, c) le niveau d'investissement de la SRC en radio avait été maintenu, et d) la programmation offerte par ICI Musique et Radio 2 était toujours aussi variée et diversifiée. Le Conseil a déclaré que cette mesure lui donnerait, ainsi qu'à la SRC et aux Canadiens, la possibilité de réévaluer l'incidence de la publicité sur la programmation des services, ainsi que sur le système canadien de radiodiffusion.

Demande

  1. La SRC a déposé une demande en vue de modifier les licences de radiodiffusion des réseaux et stations d'ICI Musique et de Radio 2 afin de prolonger jusqu'au 31 août 2018 la période au cours de laquelle ces services sont autorisés à diffuser de la publicité nationale payée. Dans sa demande, la titulaire a fourni des informations en vue de démontrer que chacun des quatre critères établis par le Conseil avait été respecté :
    • Incidence sur les marchés publicitaires – Les revenus de publicité d'ICI Musique et de Radio 2 se sont révélés bien inférieurs aux prévisions, ne représentant que moins de 1 % du total des revenus publicitaires de la radio commerciale en 2014 et 2015. Pour ces services, la croissance dans les revenus provenant de la publicité nationale payée était de moins de 5 % en 2014 et, selon les prévisions, ils devraient rester stables en 2015. Selon la SRC, le volume des revenus publicitaires de ces services ne peut être considéré comme la cause d'une incidence négative indue sur les marchés publicitaires de la radio commerciale.
    • Auditeurs non incommodés par la publicité – Des plaintes ont été reçues de quelques auditeurs lorsque la publicité a été introduite, mais ont été traitées par les processus internes de la SRC; aucun auditeur ne s'est plaint auprès du Conseil. De plus, tant Radio 2 qu'ICI Musique continuent de bénéficier de très hauts taux d'approbation dans les sondages de la titulaire, et l'arrivée de publicité sur les services n'a pas eu d'incidence néfaste sur les parts d'écoute. Ainsi, les trois façons pour les auditeurs de manifester leur mécontentement – par des plaintes, par des réponses négatives aux sondages sur la qualité du service et par les cotes d'écoute – n'ont rien indiqué qui puisse démontrer que l'arrivée de la publicité sur les services avait indûment incommodé les auditeurs.
    • Maintien des investissements en radio – En raison des réductions des crédits parlementaires, il s'est avéré impossible de continuer à investir autant qu'avant dans ICI Musique et Radio 2. En conséquence, les coûts de programmation et de production pour ces deux services ont dû être réduits dans les mêmes proportions que les coupures imposées aux autres services. Cependant, dans le contexte de l'ensemble des activités de la SRC, ICI Musique et Radio 2 ont conservé un financement solide.
    • Diversité et variété du service – Les grilles de programmation fournies pour les deux services ont démontré que chaque service avait conservé sa spécificité dans sa langue respective, offrant toute une gamme de musique non disponible sur d'autres stations de radio traditionnelle. Les deux services ont dépassé de façon importante les seuils imposés en matière de diffusion de pièces musicales distinctes (soit 3 000 pièces par mois de radiodiffusion pour ICI Musique et 2 800 pour Radio 2)Retour à la référence de la note de bas de page 5.
  2. La SRC a déclaré que malgré des revenus de la publicité nationale payée inférieurs aux prévisions, cette publicité lui apporte des revenus supplémentaires indispensables étant donné que les nouveaux crédits parlementaires (c.-à-d. 75 millions de dollars pour l'exercice 2016-2017 et 150 millions de dollars par an de 2017-2018 à 2020-2021) ne couvriront que les deux tiers de son budget annuelRetour à la référence de la note de bas de page 6.
  3. La SRC a ajouté que l'inclusion de publicité dans les deux services de radio lui a permis de décrocher des contrats de publicité nationaux et qu'elle souhaitait continuer à pouvoir offrir à ses annonceurs un ensemble complet de plateformes pour leur publicité, y compris la radio. Selon la titulaire, l'impossibilité de vendre de la publicité à la radio réduirait l'attrait de son offre publicitaire sur l'ensemble de ses diverses plateformes et aurait une incidence néfaste sur sa capacité générale à générer des revenus publicitaires.

Interventions

  1. Le Conseil a reçu des interventions d'autres radiodiffuseurs, d'associations de l'industrie, d'agences de publicité et de particuliers. Le dossier public de la présente demande peut être consulté sur le site web du Conseil, www.crtc.gc.ca, ou en utilisant le numéro de la demande indiqué ci-dessus.
  2. Certains intervenants se sont opposés à la demande parce qu'ils estiment que les nouveaux engagements du gouvernement fédéral en ce qui a trait au financement de la SRC invalident la prémisse qui, à l'origine, avait justifié d'autoriser la diffusion de publicité sur ICI Musique et Radio 2. Ils font valoir que les deux services profiteraient suffisamment de ce nouveau financement pour remplir adéquatement leur mandat sans devoir diffuser de la publicité.
  3. Un certain nombre d'intervenants estiment que la SRC, à titre de radiodiffuseur public, ne devrait pas faire concurrence à des intérêts commerciaux. Durham Radio Inc., par exemple, fait valoir que l'approbation de la demande entraînerait une autre baisse des revenus de la radio privée canadienne. D'autres, y compris Québecor Média inc., suggèrent que les modifications au caractère des services découlant de l'introduction de la publicité rendraient les services plus compétitifs avec les stations de radio privées. L'Association nationale des radios étudiantes et communautaires soutient que la publicité nationale est une source de revenus importante pour plusieurs radios étudiantes et communautaires.
  4. D'autres intervenants en opposition allèguent que la diffusion de publicité sur ICI Musique et Radio 2 perturbait l'écoute.
  5. Des agences de publicité ont appuyé la demande de la SRC en précisant que l'auditoire des deux services correspondent tout à fait à leur marché cible. Certains particuliers estiment que la diffusion de publicité est acceptable dans la mesure où elle génère des revenus assurant la survie de la SRC et prévenant des coupures dans la programmation.

Réplique de la titulaire

  1. La SRC a indiqué qu'elle devait maximiser toutes ses sources de revenus, y compris la publicité à la radio, étant donné que les nouveaux crédits parlementaires ne couvriraient que les deux tiers de son budget total pour les années de radiodiffusion 2016-2017 et 2017-2018. La titulaire a ajouté que, face à la baisse continue des revenus publicitaires pour le marché de la publicité télévisée, causée par la réallocation de sommes vers Internet et d'autres médias, elle ne peut plus compter sur le maintien de ses revenus de ce marché. Elle avance que le marché publicitaire de la radio, pour sa part, lequel continue d'être relativement stable et, selon les prévisions, continuera de l'être, peut se révéler un moyen de maintenir et même d'accroitre ses revenus publicitaires. La SRC a aussi rappelé que l'engagement du gouvernement de réinvestir dans CBC/Radio-Canada demeure conditionnel à l'utilisation des fonds à des fins d'allègement des pressions financières actuelles et de dynamisation de la transformation en cours de la SRC dans l'espace numérique public en réinvestissant dans la création de nouveau contenu et de nouvelles émissions et en assurant la prestation de services améliorés.
  2. La SRC s'oppose à l'argument à l'effet que ses services ont changé de façon à devenir plus commerciaux et qu'il en découle une plus grande concurrence avec les stations de radio privées. Elle a noté que Radio 2 et ICI Musique sont assujettis à des conditions de licence qui assurent que leur programmation soit différente de celle des autres stations de radio. La titulaire a ajouté que les revenus générés par ses deux services n'ont pas eu et n'auraient pas à l'avenir d'incidence néfaste sur le secteur de la radio commerciale qui, à son avis, se porte assez bien.

Analyse du Conseil

  1. Le Conseil a examiné la demande à la lumière des politiques et règlements applicables. Il a également examiné les preuves déposées par la SRC en lien avec les critères établis dans la décision de radiodiffusion 2013-263.
  2. Compte tenu de la croissance des revenus de publicité nationale de la radio commerciale canadienne en 2014 et 2015, ainsi que du faible pourcentage que représentent ceux engrangés par ICI Musique et Radio 2 au cours de la même période, le Conseil conclut que la diffusion de publicité nationale payée sur ces services n'a pas eu une incidence néfaste indue sur les marchés publicitaires.
  3. De plus, compte tenu du nombre limité de plaintes relatives à la diffusion de publicité nationale payée sur les services (une seule a été déposée au Conseil, qui l'a rejetéeRetour à la référence de la note de bas de page 7), de la meilleure perception de la qualité de leur programmation, de l'augmentation de la part d'auditoire de ces services depuis l'introduction de la publicité nationale payée ainsi que du respect des exigences imposées à la titulaire quant à la fréquence et à la durée de ces publicités, le Conseil conclut que la diffusion de publicité nationale payée n'a pas indûment incommodé les auditeurs.
  4. De plus, après l'examen de la liste des pièces musicales de mars 2014, 2015 et 2016 et des grilles de programmation de ces services pour 2012 et 2015, le Conseil conclut que la titulaire s'est conformée à la condition de licence exigeant de chaque service diffuse un nombre minimal de pièces musicales distinctes. Il estime qu'ICI Musique et Radio 2 continuent à offrir une large gamme de pièces musicales variées qui ne sont pas disponibles sur d'autres services radiophoniques traditionnels. Dans ces conditions, le Conseil conclut que la programmation offerte par les deux services est toujours aussi variée et diversifiée.
  5. Cependant, après examen des preuves déposées par la SRC, le Conseil s'interroge sur la capacité de la titulaire à maintenir son niveau d'investissement en radio, compte tenu des revenus de publicité nationale d'ICI Musique et de Radio 2. Le Conseil se demande donc s'il est vraiment nécessaire de continuer d'autoriser la diffusion de ce type de publicité. À la suite de l'autorisation accordée de diffuser de la publicité nationale payée sur les services, les investissements de la SRC en radio ont continué de diminuer, ses frais d'exploitation globaux diminuant de 283 millions de dollars au cours de l'année de radiodiffusion 2012-2013 à 261 millions de dollars pour l'année de radiodiffusion 2014-2015.
  6. Lors de sa première demande d'autorisation de diffuser de la publicité nationale payée sur ICI Musique et Radio 2, la SRC avait déclaré que les revenus qui en découleraient lui seraient nécessaires pour compenser la baisse des crédits parlementaires et ses répercussions sur la qualité du service et sur sa contribution à la réalisation des objectifs du mandat de la SRCRetour à la référence de la note de bas de page 8. Elle ajoutait qu'elle n'envisageait pas de mettre fin aux services si sa demande était rejetée. Cependant, en 2014 et 2015, les revenus issus de la diffusion de ces publicités sur ces services étaient bien en deçà des prévisions de la titulaire.
  7. Il incombait à la SRC de démontrer qu'elle avait maintenu ses investissements en radio après la décision du Conseil d'autoriser la diffusion de publicité nationale payée sur ICI Musique et Radio 2 jusqu'au 31 août 2016. Cependant, le Conseil constate que selon les preuves déposées, la SRC n'a pas respecté le critère ci-dessus concernant le maintien de ses investissements en radio. La possibilité de diffuser de la publicité nationale payée avait été accordée afin d'aider la SRC à compenser les effets de la réduction des crédits parlementaires et à maintenir ses investissements en radio. À la lumière des baisses de dépenses d'exploitation en production et en programmation, le Conseil ne peut conclure que la SRC a maintenu son niveau d'investissements en radio.
  8. De plus, compte tenu de l'engagement du gouvernement d'augmenter le financement au cours des cinq prochaines années, le Conseil estime que les services pourront maintenir leur nature distincte et la grande qualité de leur programmation tout en remplissant leur mandat respectif, et ce, sans avoir besoin des revenus provenant de la diffusion de publicité nationale payée.

Conclusion

  1. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil refuse la demande de la Société Radio-Canada en vue de modifier les licences de radiodiffusion des réseaux et stations ICI Musique et Radio 2 afin de les autoriser à diffuser de la publicité nationale payée jusqu'au 31 août 2018. L'autorisation de diffuser ce genre de publicité sur ces services expirera donc le 31 août 2016.

Secrétaire générale

Documents connexes

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

« Publicité nationale payée » désigne du matériel publicitaire acheté par une entreprise ou un organisme ayant un intérêt national pour les consommateurs canadiens.

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Note de bas de page 2

Dans la décision de radiodiffusion 2013-658, le Conseil a approuvé une demande de la SRC en vue de modifier une condition de licence afin d'autoriser la publicité au cours d'émissions qu'elle ne peut obtenir que par commandite. Dans la décision de radiodiffusion 2014-135, le Conseil a approuvé une demande de la SRC en vue de modifier cette condition de licence afin que la mention du nom du commanditaire ou l'intégration d'un message promotionnel comprenant le nom du commanditaire ne soient pas considérées comme une interruption de la programmation musicale.

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Note de bas de page 3

Voir la condition de licence 13 à l'annexe 4 de la décision de radiodiffusion 2013-263.

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Note de bas de page 4

La condition de licence 13 citée ci-dessus a été modifiée dans la décision de radiodiffusion 2014-135 afin d'indiquer clairement que les anciennes restrictions relatives à la publicité sur ces services seraient réinstaurées à compter du 1er septembre 2016.

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Note de bas de page 5

Voir la condition de licence 12 à l'annexe 4 de la décision de radiodiffusion 2013-263.

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Note de bas de page 6

La SRC a déclaré que pour l'exercice 2016-2017, 500 000 $ seraient alloués à la programmation d'ICI Musique et de Radio 2. Pour les années 2017-2018 à 2020-2021, les investissements issus des crédits parlementaires seront conformes au plan Stratégie 2020 : Un espace pour nous tous, qui prévoit rendre le diffuseur public plus numérique, plus local et financièrement viable, et le concentrer sur du contenu de toutes les plateformes.

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Note de bas de page 7

Voir la décision de radiodiffusion 2014-238.

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Note de bas de page 8

Le mandat de la SRC est établi aux articles 3(1) l) et m) de la Loi sur la radiodiffusion.

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