ARCHIVÉ - Décision de télécom CRTC 2014-398

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Référence au processus : Avis de consultation de télécom 2013‑685

Ottawa, le 31 juillet 2014

Numéros de dossiers : 8620-C12‑201317230 et 8620-C12‑201312082

Itinérance des services sans fil mobiles de gros au Canada – Situation de discrimination injuste ou de préférence indue

Le Conseil conclut qu’il y a eu des cas évidents de discrimination injuste et de préférence indue de la part du Rogers Communications Partnership en ce qui a trait à i) l’imposition de clauses d’exclusivité dans les ententes d’itinérance des services sans fil mobiles de gros conclues avec certains nouveaux joueurs, de même qu’aux ii) tarifs d’itinérance des services sans fil mobiles de gros imposés à certains nouveaux joueurs. Par conséquent, le Conseil interdit l’inclusion de dispositions relatives à l’exclusivité dans les ententes d’itinérance des services sans fil mobiles de gros que concluent entre elles des entreprises canadiennes en vue de la prestation de services au Canada. Puisque la mise en œuvre de l’article 27.1 de la Loi sur les télécommunications permet d’atténuer le risque que surviennent d’autres cas de discrimination injuste en ce qui a trait aux tarifs d’itinérance des services sans fil mobiles de gros, le Conseil ne mettra pas de mesures correctives en place à cet égard.

Introduction

  1. Le service d’itinérance permet aux clients de détail d’une entreprise de services sans fil mobiles d’accéder automatiquement à des services de voix, de données et de messagerie texte en utilisant le réseau d’un autre fournisseur (aussi appelé le réseau hôte) lorsqu’ils se trouvent à l’extérieur de la zone couverte par le réseau de leur fournisseur. Pour que cela soit possible, le fournisseur du client et le fournisseur du réseau établi dans la zone où se trouve alors le client doivent avoir conclu, au préalable, une entente d’itinérance des services sans fil mobiles de gros (entente d’itinérance de gros). Ces ententes peuvent être unidirectionnelles (c.-à-d. que les clients de l’un des fournisseurs peuvent utiliser le réseau sans fil de l’autre fournisseur) ou bidirectionnelles/réciproques (c. à d. que les clients des deux fournisseurs peuvent accéder au réseau de l’autre fournisseur). De même, ces ententes peuvent concerner des services d’itinérance nationale ou internationale.
  2. Les entreprises de services sans fil mobiles sont assujetties aux conditions de licence fixées par Industrie Canada en vertu de la Loi sur la radiocommunication pour pouvoir utiliser le spectre nécessaire à la prestation des services sans fils mobilesRetour à la référence de la note de bas de page 1. Entre autres choses, les conditions de licence en question exigent des entreprises de services sans fil mobiles qu’elles offrent des services d’itinérance de gros dont les modalités et les tarifs ont été négociés sur des bases commerciales. Si ces entreprises ne parviennent pas à négocier une entente d’itinérance de gros dans les 60 jours suivant la présentation d’une proposition d’itinérance, elles peuvent avoir recours à l’arbitrage, conformément aux Règles et procédures d’arbitrage d’Industrie CanadaRetour à la référence de la note de bas de page 2.

Contexte

  1. Depuis le milieu des années 1990, le Conseil s’abstient de réglementer les services sans fil mobiles, mais il conserve les pouvoirs que lui confère l’article 24 et les paragraphes 27(2), 27(3) et 27(4)Retour à la référence de la note de bas de page 3 de la Loi sur les télécommunications (Loi). Cette abstention exonère les entreprises de services sans fil mobiles, entre autres, de soumettre à l’approbation préalable du Conseil les tarifs et les modalités applicables aux services sans fil mobiles, dont l’itinérance de gros. Cependant, le Conseil a conservé le pouvoir d’imposer des conditions relatives à l’offre et la prestation de services (article 24) et de tirer des conclusions quant à l’exercice d’une préférence indue ou d’une discrimination injuste [paragraphes 27(2), 27(3) et 27(4)].
  2. Au milieu de l’année 2013, le personnel du Conseil a entrepris un exercice d’établissement des faits destiné à évaluer l’incidence des ententes d’itinérance de gros sur la compétitivité de l’industrie canadienne des services sans fil et sur les choix offerts aux Canadiens. Dans le cadre de cet exercice, le 30 août 2013, le personnel du Conseil a demandé à certaines entreprises de services sans fil mobiles canadiennes de lui communiquer des renseignements sur les services d’itinérance, notamment en lui remettant des copies des ententes d’itinérance de gros conclues avec d’autres entreprises canadiennes et américaines. Le personnel du Conseil a également rencontré des représentants de certaines entreprises de services sans fil mobiles canadiennes afin d’obtenir des renseignements additionnels ainsi que des précisions.
  3. À la lumière des renseignements recueillis lors de l’exercice d’établissement des faits, le Conseil a conclu que certaines entreprises de services sans fil mobiles canadiennes imposaient ou proposaient d’imposer aux autres entreprises de services sans fil mobiles canadiennes des tarifs beaucoup plus élevés qu’aux entreprises américaines pour les l’itinérance des services sans fil mobiles de gros. À titre d’exemple, les tarifs que certaines entreprises canadiennes se sont engagées à payer ou qui leur ont été demandés étaient nettement supérieurs à ceux payés par les entreprises américaines, surtout dans le cas des services de données. En outre, certaines entreprises canadiennes étaient sujettes à des modalités plus restrictives que celles qui s’appliquaient aux entreprises américaines.
  4. Ces disparités dans les tarifs et les modalités se rattachant à l’itinérance des services sans fil mobiles de gros ont donné lieu à des craintes à l’effet que certaines entreprises de services sans fil mobiles canadiennes fassent l’objet de discrimination injuste ou une préférence indue, ce qui va à l’encontre du paragraphe 27(2) de la Loi. Par conséquent, le 12 décembre 2013, le Conseil a amorcé la présente instance afin d’examiner s’il existe ou non, comme question de fait, une situation de discrimination injuste ou de préférence indue en ce qui concerne les ententes d’itinérance de gros au Canada.
  5. Le Conseil a également annoncé qu’il amorcerait une deuxième instance pour examiner le marché des services sans fil mobiles de gros de manière plus vaste et pour déterminer si ce dernier est suffisamment concurrentiel (deuxième instance sur les services sans fil). Cette instance a été amorcée par l’avis de consultation de télécom 2014‑76, en février 2014.
  6. Le 28 mars 2014, le ministre des Finances a déposé le projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d’autres mesures, lequel comprenait une proposition de modification de la Loi visant à établir des plafonds pour empêcher les entreprises canadiennes d’imposer à d’autres entreprises canadiennes, pour l’itinérance des services sans fil mobiles de gros, des tarifs plus élevés que ceux qui s’appliquent à leurs propres clients pour les services mobiles de voix, de données et de messagerie texte. Le projet de loi C-31 a reçu la sanction royale le 19 juin 2014, et les plafonds en question font maintenant partie d’un nouvel article de la Loi, à savoir l’article 27.1.

Instance

  1. Le Conseil a reçu des interventions des compagnies BellRetour à la référence de la note de bas de page 4, du Rogers Communications Partnership (RCP) et de la Société TELUS Communications (STC) [collectivement les entreprises de services sans fil nationales]; de Bragg Communications Inc., exerçant ses activités sous le nom d’Eastlink, de Data & Audio-Visual Enterprises Wireless Inc. (Mobilicity), de Québecor Média inc., au nom de Vidéotron s.e.n.c. et de Globalive Wireless Management Corp. (WIND) [collectivement les nouveaux joueurs]; de MTS Inc., de Saskatchewan Telecommunications et de TBayTel (collectivement les entreprises de services sans fil régionales); du Bureau de la concurrence; de Lynx Mobility (Lynx); et de Benjamin Klass, du Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. (CORC), de Fibernetics Corporation, de Mobilexchange Ltd., du Centre pour la défense de l’intérêt public (PIAC)Retour à la référence de la note de bas de page 5 et de Vaxination Informatique (collectivement les autres intervenants). Des membres du grand public ont également déposé des mémoires.
  2. On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 5 juin 2014. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca, sous l’onglet Instances publiques ou au moyen des numéros de dossiers indiqués ci-dessus.
  3. Les ententes d’itinérance de gros déposées au dossier de la présente instance, de même que plusieurs parties des interventions des parties, ont été déposées à titre confidentiel. Bien que les renseignements déposés à titre confidentiel ne puissent être divulgués dans la présente décision, le Conseil a analysé et tenu compte de l’ensemble du dossier de la présente instance pour tirer ses conclusions.

Questions

  1. La présente décision porte sur les questions suivantes :
    • Existe-t-il, comme question de fait, une situation de discrimination injuste ou de préférence indue en ce qui concerne les tarifs et les autres modalités qu’imposent les ententes d’itinérance de gros au Canada?
    • Dans l’affirmative, quel est le redressement approprié?

Discrimination injuste ou préférence indue en ce qui concerne les ententes d’itinérance de gros au Canada

  1. Plusieurs parties, y compris les nouveaux joueurs, Lynx et les autres intervenants, ont allégué que les entreprises de services sans fil nationales exercent une discrimination injuste à l’endroit d’autres entreprises ou s’accordent une préférence indue en se livrant à une ou plusieurs des activités suivantes :
    • imposer ou proposer d’imposer des tarifs d’itinérance pour les services sans fil mobiles de gros aux services de voix, de données et de messagerie texte qui sont beaucoup plus élevés que :
      • les tarifs qu’ils imposent aux entreprises de services sans fil mobiles américaines;
      • les tarifs qu’ils imposent aux autres entreprises de services sans fil mobiles canadiennes;
      • les tarifs qu’ils imposent à leurs propres clients de détail pour ces services;
      • les coûts qu’ils doivent assumer pour fournir des services d’itinérance des services sans fil mobiles de gros;
    • imposer ou proposer d’imposer d’autres modalités restrictives dans les ententes d’itinérance de gros, y compris en matière d’exclusivitéRetour à la référence de la note de bas de page 6 et d’itinérance transparenteRetour à la référence de la note de bas de page 7.
  2. De manière générale, ces parties ont soutenu que les entreprises de services sans fil nationales sont en mesure de se livrer à une discrimination injuste ou d’accorder une préférence indue parce qu’elles sont beaucoup mieux placées pour négocier que les nouveaux joueurs et les petites entreprises de services sans fil mobiles. Cet écart sur le plan de la position de négociation vient du fait que les petites entreprises doivent conclure des ententes d’itinérance de gros avec les entreprises de services sans fil nationales afin de pouvoir offrir à leurs propres clients de détail des services sans fil à l’échelle nationale, ce qu’ils doivent d’ailleurs faire pour attirer des clients de détail et demeurer concurrentiels.
  3. Plusieurs parties ont fait remarquer qu’en 2008‑2009, à la suite de la vente aux enchères de licences de spectre pour les services sans fil évolués (vente aux enchères des SSFE) d’Industrie Canada, la plupart des nouveaux joueurs pouvaient conclure des ententes d’itinérance avec une seule entreprise nationale, pour des raisons liées à la technologie réseau. La plupart des nouveaux joueurs souhaitaient bénéficier de l’itinérance des services sans fil mobiles de gros par l’intermédiaire de réseaux fondés sur la technologie GSM (Global System for Mobile Communications). Cette décision s’appuyait sur de nombreux facteurs, dont la disponibilité des combinés, tout particulièrement des téléphones intelligents qui fonctionnent uniquement sur ces réseaux. Comme WIND l’a fait remarquer, le RCP était le seul opérateur de services sans fil au Canada dont le réseau permettait l’itinérance à l’aide de la technologie GSM à ce moment-là. Ainsi, la plupart des nouveaux joueurs qui avaient acquis une licence de spectre dans le cadre de la vente aux enchères des SSFE ont conclu des ententes d’itinérance avec le RCP.
  4. Les nouveaux joueurs ont indiqué que leurs ententes d’itinérance de gros actuelles augmentent leurs coûts, ce qui nuit à leur capacité de livrer une concurrence sur le marché de détail. Ils ont également fait valoir que l’arbitrage n’est pas un mécanisme approprié pour contrer le déséquilibre dans les positions de négociation, puisque ce processus est long et coûteux. Ils ont ajouté qu’il n’y a pas de directives sur lesquelles s’appuyer pour déterminer si les tarifs sont raisonnables sur le plan commercial.
  5. Selon le Bureau de la concurrence, les entreprises de services sans fil nationales peuvent utiliser les ententes d’itinérance de gros comme outil stratégique pour veiller à ce que les nouveaux joueurs ne soient pas et ne puissent devenir de véritables concurrents. Le Bureau a indiqué que lorsqu’un nouveau joueur n’est pas en mesure de livrer une concurrence notable, le risque qu’il soit confiné à un créneau ayant peu d’effet sur le plan de la concurrence ou qu’il quitte tout simplement le marché canadien des services sans fil mobiles est élevé.
  6. Les entreprises de services sans fil nationales ont nié s’être livrées à une discrimination injuste ou avoir accordé une préférence indue en ce qui concerne i) les tarifs qu’elles imposent pour les services d’itinérance des services sans fil mobiles de gros, de même que ii) d’autres modalités de leurs ententes d’itinérance de gros, notamment en ce qui concerne l’exclusivité et l’itinérance transparente.
  7. Selon les entreprises de services sans fil nationales, les ententes d’itinérance de gros conclues avec des entreprises de services sans fil mobiles américaines ne sont pas comparables aux ententes conclues avec les entreprises canadiennes de services sans fil mobiles, puisque les ententes conclues avec des entreprises américaines sont généralement bidirectionnelles et celles avec les entreprises canadiennes sont généralement unidirectionnelles. En outre, elles ont soutenu que le marché national et le marché international ne se prêtent pas non plus à la comparaison. Dans le même ordre d’idée, elles ont indiqué qu’il est impossible de comparer les tarifs des services sans fil mobiles de détail avec ceux de l’itinérance des services sans fil mobiles de gros, puisque les clients de détail des entreprises nationales ne font pas d’itinérance, ils demeurent sur les réseaux domestiques et n’accèdent pas à d’autres réseaux.
  8. Les entreprises de services sans fil nationales ont soutenu que les différences entre les divers tarifs d’itinérance des services sans fil mobiles de gros sont fondées sur différents facteurs, notamment la réciprocité, le volume et l’équilibre du trafic, l’accès à une couverture géographique vaste ou unique, le moment où est conclue l’entente d’itinérance de gros et la nature de cette dernière, à savoir si elle fait partie ou non d’une relation plus vaste, par exemple dans le contexte d’une installation conjointe ou d’une entente de partage de réseau.
  9. En ce qui a trait aux autres modalités, les entreprises de services sans fil nationales ont soutenu, de manière générale, que l’exclusivité donne habituellement lieu à des tarifs plus bas. Elles ont également indiqué que l’itinérance transparente n’est pas offerte dans une très grande mesure aux partenaires internationaux.
  10. Les entreprises de services sans fil nationales ont déclaré que si les nouveaux joueurs estiment que tout tarif d’itinérance des services sans fil mobiles de gros ou que toute autre modalité n’est pas raisonnable sur le plan commercial, ils peuvent demander la tenue d’un processus d’arbitrage conformément aux Règles et procédures d’arbitrage d’Industrie Canada, lequel est habituellement réalisé dans un délai serré. Elles ont également fait valoir que diverses options s’offrent actuellement aux nouveaux joueurs en matière d’itinérance de gros.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. L’analyse du Conseil relativement à une allégation de préférence indue ou de désavantage déraisonnable, aux termes du paragraphe 27(2) de la Loi, s’effectue en deux étapes :
    • le Conseil doit d’abord déterminer si le comportement en question est de nature discriminatoire ou constitue une préférence;
    • après avoir rendu une décision à cet égard, le Conseil doit déterminer si la discrimination est injuste ou si la préférence est indue.

Étape 1 : Détermination de discrimination ou de préférence

  1. En ce qui concerne la première partie de la vérification, il convient d’établir que les services d’itinérance sans fil mobiles de gros se traduisent tous par la même fonctionnalité, et ce, qu’ils soient offerts i) à l’échelle nationale ou à des entreprises américaines, ou encore ii) conformément à des ententes d’itinérance de gros unidirectionnelles ou bidirectionnelles. Par conséquent, le Conseil estime que nonobstant les différences dans la façon dont ils sont fournis, il est possible de comparer ces services afin de déterminer s’il y a discrimination ou préférence aux termes du paragraphe 27(2) de la Loi. Selon le Conseil, les distinctions entourant les circonstances et les compromis se rattachant aux ententes d’itinérance de gros se révèlent pertinentes lorsqu’il s’agit de déterminer si la discrimination ou la préférence est injuste ou indue.
  2. Le Conseil a examiné toutes les ententes d’itinérance de gros versées au dossier de la présente instance et a conclu que les tarifs figurant dans ces ententes variaient beaucoup. Le Conseil conclut que l’écart observé dans les tarifs constitue une discrimination ou une préférence au sens de la Loi.
  3. En outre, le Conseil fait remarquer que le RCP a conclu des ententes d’itinérance de gros exclusives avec certains nouveaux joueurs, mais pas avec d’autres entreprises de services sans fil mobiles. Le Conseil conclut que l’inclusion de clauses d’exclusivité dans les ententes d’itinérance de gros du RCP conclues avec certains nouveaux joueurs constitue une discrimination ou une préférence au sens de la Loi.

Étape 2 : Nature injuste de la discrimination et nature indue de la préférence

  1. Une discrimination ou une préférence en soi ne va pas à l’encontre de la Loi; pour qu’il s’agisse d’un cas de non-conformité, la discrimination doit être injuste ou la préférence doit être indue. Étant donné le temps et les coûts que suppose la mise sur pied de réseaux sans fil mobiles, pour que les nouveaux joueurs puissent livrer une concurrence notable aux entreprises de services sans fil nationales dont le réseau offre une couverture considérable, ils doivent conclure des ententes d’itinérance de gros avec ces entreprises, afin d’être en mesure d’offrir des services sans fil mobiles à l’échelle nationale à leurs clients de détail. Cette situation pourrait créer un déséquilibre important dans les positions de négociation entre les entreprises de services sans fil nationales et les entreprises de services sans fil mobiles de plus petite envergure, y compris les nouveaux joueurs.
  2. À la suite de la vente aux enchères des SSFE, les nouveaux joueurs n’avaient d’autre choix que de conclure des ententes d’itinérance de gros avec le RCP, car, étant donné la technologie visée, le RCP possédait le seul réseau national accessible au Canada pouvant permettre d’offrir des services d’itinérance aux clients de ces nouveaux joueurs.
  3. Le Conseil fait remarquer que les tarifs qu’a imposés le RCP à certains nouveaux joueurs étaient considérablement plus élevés que ceux s’appliquant à plusieurs grandes entreprises de services sans fil mobiles américaines et à d’autres entreprises de services sans fils mobiles canadiennes, plus particulièrement en ce qui concerne les services d’itinérance de données sans fil mobiles de gros. Le Conseil reconnaît que des facteurs comme la réciprocité, le moment où est conclue l’entente, la couverture géographique offerte au partenaire des services d’itinérance et le volume du trafic, expliqueraient vraisemblablement certaines des différences relevées dans les tarifs d’itinérance de gros que le RCP a imposés à d’autres entreprises. Toutefois, le Conseil estime que ces facteurs ne justifient pas l’ampleur de ces différences.
  4. En ce qui concerne la question de l’exclusivité, selon le dossier de la présente instance, il semble que les clauses d’exclusivité ne sont pas courantes dans les ententes d’itinérance de gros actuelles. Le Conseil estime que l’inclusion de clauses d’exclusivité dans les ententes que le RCP a conclues avec certains nouveaux joueurs découlait de la position de négociation plus solide dont disposait le RCP. Ces clauses ont empêché les entreprises de services sans fil mobiles de se négocier de meilleurs tarifs et modalités avec d’autres entreprises de services sans fil mobiles qui ont mis en place des réseaux compatibles.
  5. À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut que le RCP s’est livré à une discrimination injuste et a accordé une préférence indue relativement i) aux tarifs d’itinérance des services sans fil mobiles de gros qu’elle a imposés à certains nouveaux joueurs pour les services de voix, de données et de messagerie texte et ii) à l’imposition de clauses d’exclusivité dans les ententes d’itinérance de gros qu’elle a conclues avec certains nouveaux joueurs, ce qui va à l’encontre des dispositions du paragraphe 27(2) de la Loi.

Redressement approprié

  1. Plusieurs nouveaux joueurs ont demandé la mise en place d’une mesure de redressement provisoire, soit d’ici à la conclusion de la deuxième instance sur les services sans fil, afin de les protéger contre des préjudices irréparables. Ils ont ainsi demandé à ce que l’on fixe les tarifs d’itinérance des services sans fil mobiles de gros provisoires de manière à ce qu’ils soient équivalents aux tarifs de détail s’appliquant à l’accès au réseau d’une entreprise de services sans fil nationale. En outre, plusieurs parties, notamment les nouveaux joueurs, Lynx et quelques-uns des autres intervenants, ont indiqué que la mesure de redressement permanente devrait prendre la forme d’un tarif de gros réglementé ou d’un plafond tarifaire.
  2. Les compagnies Bell et la STC ont soutenu que, si le Conseil conclut qu’une entreprise s’est livrée à une discrimination injuste à l’endroit d’une autre entreprise ou s’est accordée une préférence indue dans une entente d’itinérance de gros, cette conclusion ne peut être attribuée à toute entreprise autre que celle ayant adopté le comportement discriminatoire ou préférentiel et la mesure de redressement devrait se limiter à l’entente en cause.
  3. Les entreprises de services sans fil régionales ont soutenu que l’application universelle de plafonds aux tarifs d’itinérance des services sans fil mobiles de gros se révélerait considérablement désavantageuse pour elles, puisque les entreprises de services sans fil nationales seraient alors en mesure d’accéder à leurs réseaux à des tarifs qui ne seraient pas suffisamment élevés pour générer les recettes requises pour appuyer l’investissement continu dans les collectivités rurales et éloignées.
  4. Le PIAC a fait valoir que tout cadre d’itinérance de gros devrait s’appliquer universellement à toutes les entreprises de services sans fil afin de garantir l’équité, la certitude et la prévisibilité, et que le Conseil devrait s’employer à surveiller continuellement les ententes d’itinérance de gros.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. L’article 27.1 de la LoiRetour à la référence de la note de bas de page 8, qui est entré en vigueur au cours de la présente instance, établit des plafonds pour toutes les entreprises de services sans fil mobiles canadiennes en ce qui concerne les tarifs d’itinérance des services sans fil mobiles de gros s’appliquant aux services de voix, de données et de messagerie texte en fonction des tarifs de détail applicables à ces services. Le Conseil est responsable de la mise en application de cette section.
  2. Le Conseil estime que la mise en œuvre de l’article 27.1 de la Loi réduit le risque que surviennent à l’avenir d’autres cas de discrimination injuste en ce qui concerne les tarifs d’itinérance des services sans fil mobiles de gros, en plus d’offrir à la plupart des nouveaux joueurs une mesure de redressement semblable à la mesure de redressement provisoire qu’ils ont proposée. Par conséquent, le Conseil conclut que, pour les besoins de la présente instance, il ne mettra pas en place une mesure de redressement pour la discrimination injuste en ce qui a trait aux tarifs d’itinérance des services sans fil mobiles de gros.
  3. En ce qui concerne les dispositions relatives à l’exclusivité dans les ententes d’itinérance de gros, le Conseil estime que, pour traiter la conclusion de discrimination injuste et de préférence indue dans le cas du RCP, il est nécessaire et approprié d’interdire la présence de telles dispositions dans les ententes que le RCP conclut avec d’autres entreprises de services sans fil mobiles. En outre, afin de s’assurer que d’autres entreprises ne se livrent pas à de tels comportements, le Conseil estime qu’il est nécessaire et approprié d’interdire les dispositions relatives à l’exclusivité dans toutes les ententes d’itinérance de gros conclues entre les entreprises de services sans fil mobiles canadiennes. Le Conseil est d’avis que cette interdiction favorisera également la concurrence au sein du marché de gros dans l’industrie des services sans fil mobiles au Canada.
  4. Par conséquent, conformément au paragraphe 24 de la Loi, le Conseil détermine que l’offre et la prestation de services d’itinérance par les entreprises de services sans fil mobiles canadiennes doivent respecter la condition selon laquelle il est interdit à ces entreprises d’inclure des dispositions relatives à l’exclusivité dans les ententes d’itinérance de gros conclues avec d’autres entreprises de services sans fil mobiles canadiennes. Les clauses d’exclusivité figurant dans les ententes d’itinérance de gros actuelles conclues entre les entreprises canadiennes sont donc rendues inapplicables, et ce, à compter de la date de la présente décision.

Autres questions

  1. Le Conseil fait remarquer qu’il y a eu des allégations de discrimination injuste ou de préférence indue concernant d’autres modalités des ententes d’itinérance de gros, comme celles relatives à l’itinérance transparente. Plusieurs parties ont également proposé la réglementation des tarifs d’itinérance des services sans fil mobiles de gros.
  2. Puisque ces questions sont à l’étude dans la deuxième instance sur les services sans fil, le Conseil estime qu’il conviendrait davantage de les aborder dans cette instance. Plus particulièrement, dans cette instance, le Conseil étudie la possibilité de réaffirmer ses pouvoirs pour appliquer certaines dispositions de la Loi qui font actuellement l’objet d’une abstention de la réglementation. Le Conseil fait remarquer que s’il réaffirmait ses pouvoirs relativement à la réglementation des tarifs et établissait des tarifs pour les services d’itinérance des services sans fil mobiles de gros, ces tarifs l’emporteraient sur les plafonds fixés en vertu de l’article 27.1 de la LoiRetour à la référence de la note de bas de page 9.

Conformité avec les Instructions

  1. Le Conseil estime que la conclusion énoncée dans la présente décision relativement à l’exclusivité est conforme aux InstructionsRetour à la référence de la note de bas de page 10 pour les raisons énoncées ci dessous.
  2. Les Instructions mentionnent que, dans l’exercice des pouvoirs et fonctions que lui confère la Loi, le Conseil doit mettre en œuvre les objectifs de la politique énoncés à l’article 7 de la Loi, conformément aux alinéas 1a), 1b) et 1c) des Instructions.
  3. La mesure réglementaire examinée dans la présente décision concerne les modalités des ententes d’itinérance de gros. Par conséquent, les sous-alinéas 1a)(i) et 1a)(ii) et les sous‑alinéas 1b)(i), 1b)(ii) et 1b)(iv) des Instructions s’appliquent à la conclusion tirée par le Conseil dans la présente décision.
  4. Conformément au sous-alinéa 1b)(i) des Instructions, le Conseil estime que la mesure réglementaire établie dans la présente décision contribue à l’atteinte des objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7b), 7c), 7f) et 7h)Retour à la référence de la note de bas de page 11 de la Loi.
  5. Conformément aux sous-alinéas 1a)(i) et 1a)(ii) des Instructions, le Conseil estime que l’interdiction d’établir des ententes d’itinérance de gros assorties de dispositions d’exclusivité est efficace et proportionnelle au but visé et qu’elle ne fait obstacle au libre jeu du marché que dans la mesure minimale nécessaire pour atteindre les objectifs de la politique susmentionnés. Tel qu’il est susmentionné, le Conseil estime également que l’interdiction d’établir de telles ententes favorisera la concurrence au sein du marché de gros dans l’industrie des services sans fil mobiles.
  6. Conformément au sous-alinéa 1b)(ii) des Instructions, le Conseil estime que l’interdiction d’établir des ententes d’itinérance de gros assorties de dispositions d’exclusivité ne découragera pas un accès au marché qui est propice à la concurrence et qui est efficace économiquement ni n’encouragera un accès au marché qui est non efficace économiquement.
  7. Conformément au sous-alinéa 1b)(iv) des Instructions, le Conseil estime que sa conclusion en ce qui a trait aux arrangements d’interconnexion de réseaux ou aux régimes d’accès aux réseaux est neutre sur le plan de la technologie et de la concurrence, et ne favorise pas artificiellement les entreprises canadiennes ou les revendeurs.

Secrétaire général

Documents connexes

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

CPC-2‑0-17 – Conditions de licence concernant l’itinérance obligatoire, le partage des pylônes d’antennes et des emplacements, ainsi que l’interdiction des emplacements exclusifs (2e édition, mars 2013)

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Note de bas de page 2

CPC-2‑0-18 – Règles et procédures d’arbitrage d’Industrie Canada (2e édition, mars 2013)

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Note de bas de page 3

Les dispositions citées sont :

24. L’offre et la fourniture des services de télécommunication par l’entreprise canadienne sont assujetties aux conditions fixées par le Conseil ou contenues dans une tarification approuvée par celui-ci.

27(2) Il est interdit à l’entreprise canadienne, en ce qui concerne soit la fourniture de services de télécommunication, soit l’imposition ou la perception des tarifs y afférents, d’établir une discrimination injuste, ou d’accorder − y compris envers elle-même − une préférence indue ou déraisonnable, ou encore de faire subir un désavantage de même nature.

27(3) Le Conseil peut déterminer, comme question de fait, si l’entreprise canadienne s’est ou non conformée aux dispositions du présent article ou des articles 25 ou 29 ou à toute décision prise au titre des articles 24, 25, 29, 34 ou 40.

27(4) Il incombe à l’entreprise canadienne qui a fait preuve de discrimination, accordé une préférence ou fait subir un désavantage d’établir, devant le Conseil, qu’ils ne sont pas injustes, indus ou déraisonnables, selon le cas.

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Note de bas de page 4

Bell Aliant Communications régionales, société en commandite (pour ses filiales KMTS; NorthernTel, Limited Partnership et Télébec, Société en commandite); Bell Mobilité Inc.; Norouestel Inc.; les membres du Comcentric Group (Brooke Telecom Co-operative Ltd., Bruce Telecom, Hay Communications Co‑operative Limited, Huron Telecommunications Co-operative Limited, Mornington Communications Co-operative Limited, Quadro Communications Co-operative Inc., et Tuckersmith Communications Co‑operative Limited)

Retour à la référence de la note de bas de page 4

Note de bas de page 5

Le PIAC, l’Association des consommateurs du Canada, la Fédération nationale des retraités et le Council of Senior Citizens Organizations of British Columbia ont présenté leurs interventions ensemble.

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Note de bas de page 6

Dans le contexte qui nous intéresse, les modalités relatives à l’exclusivité empêchent habituellement le bénéficiaire des services d’itinérance sans fil mobiles de gros de conclure une entente pour ces services avec une autre entreprise offrant le service dans la même zone.

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Note de bas de page 7

L’itinérance transparente permet l’acheminement ininterrompu d’un appel téléphonique d’un réseau domestique à un réseau hôte, et vice versa.

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Note de bas de page 8

27.1(1) La somme exigée au cours d’une année par une entreprise canadienne d’une autre entreprise canadienne pour des services d’itinérance relatifs à la transmission des communications vocales sans fil nationales et aux portions nationales des communications vocales sans fil internationales ne peut excéder le plafond correspondant au résultat du calcul suivant : A/B où : A représente les revenus de détail totaux de cette première entreprise canadienne pour l’année précédente pour la fourniture de services de communications vocales sans fil ayant, à la fois, un point d’origine et un point d’arrivée au Canada à ses abonnés canadiens; B le nombre de minutes allouées pour ces appels pour l’année précédente.

(2) La somme exigée au cours d’une année par une entreprise canadienne d’une autre entreprise canadienne pour des services d’itinérance relatifs à la transmission au Canada de données sans fil ne peut excéder le plafond correspondant au résultat du calcul suivant : A/B où : A représente les revenus de détail totaux de cette première entreprise canadienne pour l’année précédente pour la fourniture de services de transmission de données sans fil au Canada à ses abonnés canadiens; B le nombre de méga-octets alloués pour ces services de transmission de données pour l’année précédente.

(3) La somme exigée au cours d’une année par une entreprise canadienne d’une autre entreprise canadienne pour des services d’itinérance relatifs à la transmission de messages texte sans fil nationaux et aux portions nationales des messages texte sans fil internationaux ne peut excéder le plafond correspondant au résultat du calcul suivant : A/B où : A représente les revenus de détail totaux de cette première entreprise canadienne pour l’année précédente pour la fourniture de services de messages texte sans fil ayant, à la fois, un point d’origine et un point d’arrivée au Canada à ses abonnés canadiens; B le nombre de ces messages texte pour l’année précédente.

(4) L’entreprise canadienne ne peut exiger de l’autre entreprise canadienne le versement de quelque autre somme en lien avec les services d’itinérance visés aux paragraphes (1) à (3).

(5) En cas d’incompatibilité entre la somme, établie par le Conseil, que peut exiger une entreprise canadienne d’une autre entreprise canadienne pour des services d’itinérance et toute somme déterminée au titre de l’un ou l’autre des paragraphes (1) à (3), la somme établie par le Conseil l’emporte.

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Note de bas de page 9

Ibid.

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Note de bas de page 10

Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication, C.P. 2006‑1534, 14 décembre 2006.

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Note de bas de page 11

7b) permettre l’accès aux Canadiens dans toutes les régions − rurales ou urbaines − du Canada à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité;

7c) accroître l’efficacité et la compétitivité, sur les plans national et international, des télécommunications canadiennes;

7f) favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication et assurer l’efficacité de la réglementation, dans le cas où celle-ci est nécessaire;

7h) satisfaire les exigences économiques et sociales des usagers des services de télécommunication.

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