ARCHIVÉ -Décision de radiodiffusion CRTC 2011-765

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Référence supplémentaire : 2011-765-1

 

Ottawa, le 12 décembre 2011

Plainte déposée par Société TELUS Communications contre BCE inc., Bell Canada ou Bell Mobilité inc. alléguant une préférence et un désavantage indus contraires aux dispositions de l’Ordonnance d’exemption des nouveaux médias

Dans la présente décision, le Conseil conclut que BCE inc., Bell Canada ou Bell Mobilité inc., en s’accordant une préférence indue et en assujettissant Société TELUS Communications à un désavantage indu, a enfreint l’ordonnance de radiodiffusion 2009-660 (l’Ordonnance d’exemption relative aux nouveaux médias) dans la mesure où elle a obtenu des droits exclusifs de programmation pour diffuser le contenu populaire de la Ligue nationale de hockey et de la Ligue nationale de football sur sa plate-forme mobile.

Les parties

1.      Société TELUS Communications (TELUS) est fournisseur national d’un large éventail de produits et de services de communications, y compris des services filaires et sans fil de transmission de données, de la voix et d’applications vidéo.

2.      Bell Mobilité inc. (Bell Mobilité), une filiale de Bell Canada, est un fournisseur de services sans fil.

La plainte

3.      Dans une plainte en date du 26 janvier 2011, TELUS allègue que le détenteur des droits sur le contenu du service de télévision mobile de Bell – que ce soit Bell Canada ou de Bell Mobilité (collectivement, Bell) – détient l’exclusivité sur le contenu populaire de la Ligue nationale de hockey (LNH) et de la Ligue nationale de football (LNF). TELUS affirme avoir tenté à plusieurs reprises sans succès d’obtenir de la LNH et de la LNF, ainsi qu’auprès de Bell, des droits sur la transmission sans fil du contenu en question. Selon TELUS, le fait que Bell détienne l’exclusivité pour diffuser sur la plate-forme sans fil un contenu sélectif de la LNH et de la LNF constitue une préférence indue pour Bell, un désavantage indu pour le service mobile TELUS et une infraction à l’ordonnance de radiodiffusion CRTC 2009-660 (l’Ordonnance d’exemption relative aux nouveaux médias).

4.      À l’appui de son argumentation, TELUS indique que le contenu en question, offert exclusivement aux abonnés de la téléphonie mobile Bell, comprend les parties de la LNF aux heures de grande écoute, la partie Pro Bowl et toutes les parties éliminatoires, y compris le super Bowl XLV, de même que l’accès à la programmation du réseau NFL Network, aux matchs de la LNH et aux moments forts sur vidéo, dont est exclue la plate-forme mobile de TELUS.

5.      TELUS fait valoir qu’étant donné la popularité du contenu qui fait l’objet de ce différend, l’exclusivité accordée à Bell entraîne, et continuera d’entraîner, une incidence négative importante à l’endroit de TELUS, étant donné que le contenu vidéo, et celui des sports en particulier, gagne de l’importance pour les appareils et tablettes mobiles. Selon TELUS, tandis que les sports sont en voie de devenir le principal incitatif de la demande sur le marché de la vidéo mobile, les droits de la LNF et la LNH sont les plus attrayants dans le domaine.

6.      En outre, selon TELUS, [traduction] « dans la mesure où le groupement des services joue un rôle déterminant dans la valeur proposée au consommateur, l’effet d’une “distribution de contenu” (le contenu de Bell) exclusive sur les plates-formes mobiles risque de compromettre la percée naissante de TELUS sur le marché de la distribution de radiodiffusion » et d’avoir une incidence négative sur sa capacité concurrentielle dans le marché sans fil puisque, de plus en plus, les consommateurs tiennent compte des applications vidéo pour choisir leur fournisseur de téléphonie sans fil. TELUS fait de plus valoir que les répercussions négatives des exclusivités Bell en télédiffusion mobile pourraient être d’autant plus importantes qu’on encourage généralement le consommateur à signer un contrat de plusieurs années pour son service de téléphonie sans fil.

7.      TELUS note également que le Conseil interdit depuis longtemps l’exclusivité de contenu parmi les entreprises de télécommunications – qu’il faut distinguer de l’exclusivité du contenu de programmation – et que, sur les plates-formes traditionnelles, le Conseil a pris diverses mesures pour s’assurer qu’aucune entreprise de distribution de radiodiffusion (EDR) ne puisse détenir l’exclusivité sur un service de programmation autorisé. TELUS fait aussi valoir que le Conseil a étendu cette interdiction aux services de vidéo sur demande.

8.      TELUS ajoute que l’exclusivité des droits sur la télédiffusion d’un contenu est contraire aux objectifs de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi) et à la politique canadienne en matière de radiodiffusion.

Réplique de Bell

9.      Bell fait valoir que la plainte de TELUS est sans fondement et doit être rejetée. Bell soutient entre autres que rien n’empêche TELUS de mettre du contenu de la LNF et de la LNH à la disposition des abonnés de son propre service sans fil, et qu’il n’y a, par conséquent, aucune préférence indue. Bell a aussi fait valoir que, dans le cas de la LNF, l’exclusivité de contenu accordée à Bell Mobilité pour la distribution, sur plateforme mobile, des matchs en direct ne porte que sur une fraction de la saison régulière de la LNF. Bell ajoute que la plainte de TELUS ne fait pas état de la disponibilité de droits de distribution et de mise en marché qui circulent au Canada pour d’autres émissions de sports hautement prisés capables de rallier d’importants auditoires. Selon Bell, il existe du contenu mobile comparable qu’on peut obtenir par d’autres moyens que l’octroi de sous-licences.

10.  Bell allègue également que TELUS a eu la possibilité d’obtenir des droits d’exclusivité pour le contenu dont il est question par un processus concurrentiel, mais qu’elle ne les a pas obtenus.

11.  Bell fait de plus valoir que TELUS devrait être tenu de chercher d’autres solutions offertes sur le marché, en se procurant par exemple des droits de mobilité sur un contenu comparable, plutôt que réclamer une intervention réglementaire. Bell soutient que cette façon de faire serait conforme à l’intention du Conseil, comme il l’a formulée dans l’avis public de radiodiffusion 2008-100, de réglementer le système de radiodiffusion en faisant autant que possible confiance aux forces du marché.

12.  Bell note que TELUS n’a pas démontré comment le fait de ne pas avoir accès aux blocs de contenu de la LNH et de la LNF dont Bell détient les droits aurait une incidence négative sur sa capacité concurrentielle, compte tenu en particulier de l’absence de preuves relatives aux droits disponibles, ainsi qu’à sa tentative de se procurer de tels droits pour la diffusion mobile d’autres émissions populaires. Bell ajoute que TELUS n’a pas fourni les statistiques du marché pour démontrer dans quelle mesure le choix d’un fournisseur de services sans fil est influencé au Canada par son choix de contenu d’émissions mobiles.

13.  Bell fait valoir que TELUS a parlé elle-même du succès qu’ont remporté ses services de mobilité au cours du dernier trimestre de 2010, et fait paraître un communiqué de presse qui mentionne une importante augmentation (36 %) de ses revenus pour la transmission des données par rapport à la même période en 2009. Bell ajoute que seul un infime pourcentage d’abonnés dispose d’un appareil mobile capable de capter du contenu vidéo et que les revenus de Bell attribuables en particulier à la transmission de contenu vidéo ne représentent qu’une somme minime par rapport à l’ensemble de ses revenus en téléphonie mobile.

14.  Bell allègue que les décisions antérieures du Conseil auxquelles TELUS fait référence n’ont aucune pertinence dans le cas de la présente plainte et qu’il en va de même pour les renvois à la décision de radiodiffusion 2010-782 et à la décision de radiodiffusion 2011-48.

Enjeu

15.  Le Conseil note que la plainte faisant l’objet de la présente instance concerne les droits sur les émissions offertes par les services mobiles. Le Conseil estime que la question sur laquelle il doit se pencher est la suivante : Bell a-t-il accordé à Bell Mobilité une préférence indue et assujetti le service mobile de TELUS à un désavantage indu au sens où l’entend le Conseil dans l’Ordonnance relative aux nouveaux médias?

Analyse et décision du Conseil

16.  Lorsqu’il étudie une plainte alléguant une préférence ou un désavantage indus, le Conseil doit d’abord décider si une entreprise a bel et bien accordé une préférence ou fait subir un désavantage à une autre personne. Si le Conseil trouve qu’une préférence a en effet été accordée ou qu’une personne a subi un désavantage, il décide ensuite si, dans les circonstances, cette préférence ou ce désavantage sont indus.

17.  Pour pouvoir décider si la préférence ou le désavantage sont indus, le Conseil a l’habitude de déterminer si la préférence ou le désavantage ont eu, ou pourrait avoir, une incidence néfaste importante sur le plaignant ou sur toute autre personne. Il examine également l’incidence que cette préférence ou ce désavantage ont eue, ou auront sur l’atteinte des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion énoncés dans la Loi.

18.  En vertu de l’Ordonnance d’exemption relative aux nouveaux médias, lorsqu’un plaignant réussit à démontrer qu’une préférence a été accordée ou qu’une personne a subi un désavantage, il incombe à l’entreprise qui a accordé une préférence ou a fait subir un désavantage à une personne de démontrer que cette préférence ou ce désavantage ne sont pas indus.

19.  Le Conseil note qu’aucune partie ne conteste le fait que l’Ordonnance d’exemption relative aux nouveaux médias s’applique aux circonstances invoquées dans ce différend. À cet égard, le Conseil estime que Bell, en mettant le contenu dont il est question à la disposition des abonnés de son service sans fil, agit en tant qu’entreprise de radiodiffusion de nouveaux médias assujettie à l’Ordonnance d’exemption relative aux nouveaux médias.

Préférence ou désavantage indus

20.  Le Conseil sait avec certitude que Bell a conclu une entente pour obtenir des droits exclusifs sur la télédiffusion mobile de certains contenus d’émission de la LNH et de la LNF. Compte tenu de ces ententes d’exclusivité, le Conseil estime que Bell s’accorde une préférence. En empêchant TELUS de mettre ce contenu à la disposition de ses propres abonnés sans fil, le Conseil estime que Bell fait subir un désavantage à TELUS. En outre, le Conseil estime que les données présentées par Bell démontrent que le marché canadien de la distribution mobile n’en est encore qu’à ses débuts et que les services mobiles de radiodiffusion de télévision [traduction] « ne feront sans doute pas une véritable concurrence aux services de radiodiffusion traditionnelle ».

Préférence ou désavantage indus

21.  Pour ce qui est de déterminer si la préférence et le désavantage sont indus, le Conseil estime que, même si Bell a présenté des preuves d’une augmentation de revenus pour le marché mobile de TELUS et d’autres preuves du poids relatif des revenus de Bell pour la vidéo en différé en 2010 comparativement aux revenus pour la transmission et les services sans fil en général calculés à part, Bell n’a pas présenté de chiffres concernant la demande à court terme pour le contenu vidéo sur les appareils mobiles. Par conséquent, le Conseil estime que l’information fournie par Bell n’est pas concluante pour déterminer si les actions de Bell doivent être vues comme l’exercice d’une préférence indue dans le marché du contenu mobile.

22.  En outre, bien que Bell reconnaisse la popularité du contenu en litige, le Conseil estime qu’il n’a présenté aucune preuve selon laquelle ce contenu n’avait pas une valeur déterminante pour les abonnés au service mobile.

23.  Le Conseil estime que même si le marché canadien de la distribution mobile de contenu est encore en émergence, il est fort probable que les sports constitueront l’un des principaux incitatifs du marché de la vidéo mobile et que de plus en plus de consommateurs canadiens souhaiteront accéder aux émissions sportives populaires de premier choix sur leurs appareils mobiles. Cette considération rend encore plus plausible le risque que les arrangements pris entre Bell et la LNF et la LNH puissent avoir une incidence néfaste importante sur la capacité de TELUS à attirer des abonnés mobiles pour son contenu de radiodiffusion. À cet égard, le Conseil est d’avis qu’une concurrence saine et viable entre EDR constitue un moyen efficace et approprié d’augmenter l’éventail des choix pour les abonnés et de promouvoir l’innovation dans le but d’atteindre certains des objectifs de politique énoncés à l’article 3 de la Loi. L’un de ces objectifs, énoncé à l’article 3(1)t)(ii), est que les EDR « devraient assurer efficacement, à l’aide des techniques les plus efficientes, la fourniture de la programmation à des tarifs abordables ».

24.  Bien que TELUS ait accès à d’autres contenus de sports professionnels canadiens, nord-américains et internationaux, le Conseil estime que ces contenus ne se comparent pas à ceux qui font l’objet de la présente plainte, compte tenu de la popularité de la LNH et de la LNF. Le Conseil note également que, même si TELUS avait accès à de la programmation de la LNF ne faisant pas partie de l’entente entre Bell et la LNF, il s’agirait de matchs de la saison régulière et non pas de ceux qui sont présentés aux heures de grande écoute ou en période éliminatoire, autrement dit ceux qui ont des chances de générer de la demande chez les abonnés mobiles. Par conséquent, le Conseil estime qu’en s’arrogeant l’exclusivité des droits de programmation pour sa plate-forme mobile, Bell nuit à la capacité de TELUS d’offrir un service concurrentiel parce que TELUS n’a pas accès à ce contenu, et que cette situation empêche l’atteinte de l’objectif de la Loi susmentionné.

25.  Comme mentionnée ci-dessus, la clause du fardeau du renversement de la preuve s’applique aux plaintes déposées en vertu de l’Ordonnance d’exemption relative aux nouveaux médias. Dans le cas présent, le Conseil conclut que Bell n’a pas réussi à démontrer que ses ententes exclusives pour le contenu sur la plate-forme mobile ne risquaient pas de nuire à la concurrence dans ce marché et à l’atteinte des objectifs de politique énoncés dans la Loi. Par conséquent, le Conseil estime que Bell n’a pas démontré que la préférence et le désavantage, au sens que leur confère l’Ordonnance d’exemption relative aux nouveaux médias, ne sont pas indus.

26.  Le Conseil conclut donc que Bell s’est arrogé une préférence indue et qu’elle a assujetti TELUS à un désavantage indu, contrevenant ainsi à l’Ordonnance d’exemption relative aux nouveaux médias.

Actions requises pour remédier aux infractions

27.  Le Conseil exige que Bell dépose un rapport, avant le 30 janvier 2012, décrivant les mesures qu’elle a l’intention de prendre pour que TELUS ait accès à la programmation en litige à des conditions raisonnables et qu’elle fasse parvenir une copie de ce rapport à TELUS.

Secrétaire général

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