ARCHIVÉ -Décision de radiodiffusion CRTC 2011-726

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Référence supplémentaire : 2011-726-1
Référence au processus : 2011-188

Ottawa, le 24 novembre 2011

Cogeco inc.
Montréal (Québec)

Audience publique dans la région de la Capitale nationale
17 mai 2011

Plainte relative à la diffusion de musique vocale de langue française par CKOI-FM Montréal

Dans la présente décision, le Conseil conclut que Cogeco inc. a fait une utilisation inappropriée des montages, contournant ainsi le Règlement de 1986 sur la radio en ce qui a trait à la diffusion de musique vocale de langue française. Par conséquent, le Conseil impose une condition de licence en vue de limiter l’utilisation de montages.

Introduction

1.      Le 17 décembre 2010, le Conseil a reçu une plainte de l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) alléguant que certaines stations de radio de langue française, dont CKOI-FM Montréal, étaient en non-conformité quant aux exigences du Règlement de 1986 sur la radio (le Règlement) à l’égard de la musique vocale de langue française (MVF). L’ADISQ attribuait cette situation de non-conformité à une utilisation abusive des montages dans la programmation musicale des stations concernées. Dans sa plainte, l’ADISQ a affirmé que les stations concernées « qualifient à tort de montage une simple succession de pièces anglophones diffusées presque intégralement pour ensuite considérer ce montage comme une seule pièce anglophone aux fins de calculs des quotas de musique vocale de langue française ». La plainte de l’ADISQ ainsi que la réponse de Cogeco inc. (Cogeco) à celle-ci ont été déposées au dossier public de la présente instance.

2.      Les 6 et 7 janvier 2011, la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) et l’Association des professionnels de l’édition musicale (APEM) ont déposé des lettres en appui à la plainte de l’ADISQ.

3.      Le 16 mars 2011, le Conseil a publié l’avis de consultation de radiodiffusion 2011-188. Dans cet avis, le Conseil notait que le titulaire pourrait avoir omis de se conformer aux articles 2.2(5) et 2.2(10) du Règlement à l’égard de la diffusion de MVF durant la semaine de radiodiffusion du 30 mai au 5 juin 2010, et entre 6 h et 18 h, du lundi au vendredi de cette même semaine. Dans ce même avis, le Conseil a ajouté qu’il entendait discuter avec le titulaire de la possibilité d’imposer des mesures additionnelles en ce qui a trait à la diffusion de montages (p. ex. l’imposition de conditions de licence limitant la durée et la fréquence des montages).

4.      Bien que la station du titulaire ne soit pas en situation de renouvellement de licence, le Conseil a demandé au titulaire de se présenter à une audience publique afin de démontrer pourquoi il ne devrait pas rendre une ordonnance l’obligeant à se conformer aux dispositions des articles du Règlement mentionnés ci-dessus.

5.      Le Conseil a reçu des commentaires relativement à la situation de Cogeco. Le dossier public de la présente instance peut être consulté sur le site web du Conseil, www.crtc.gc.ca, sous « Instances publiques ».

Les interventions et la réplique

6.      Le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine du Québec (le Ministère) et l’ADISQ ont soumis des commentaires dans le cadre de la présente instance. Dans son commentaire, le Ministère réitère la position qu’il a défendue dans le cadre du processus de l’avis public de radiodiffusion 2006-158 (la Politique de 2006 sur la radio commerciale), voulant que le niveau de MVF procure une fenêtre importante de diffusion aux chansons de langue française. Il demande au Conseil de redoubler de vigilance en assurant le respect intégral de ses propres dispositions réglementaires.

7.      L’ADISQ indique que l’intervention actuelle du Conseil est tout à fait justifiée, car les radiodiffuseurs ont été avertis en 2006 d’une telle possibilité. Selon l’ADISQ, il ne faut pas se limiter à un seul passage de l’ensemble de la réglementation pour se considérer en situation de conformité.

8.      La SOCAN, l’APEM et la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec appuient la position avancée et les solutions proposées par l’ADISQ.

9.      En réplique, Cogeco fait valoir que les arguments avancés par l’ADISQ à l’effet que ses stations, dont CKOI-FM, auraient fait une utilisation abusive des montages sont sans fondement et devraient, par conséquent, être rejetés par le Conseil. Cogeco fait également valoir que dans la réglementation, il n’y a aucune indication d’une limite à l’égard de la durée maximale d’un montage ou du nombre de pièces devant être diffusées au cours d’une période donnée, pas plus que de l’obligation d’inclure des pièces musicales canadiennes ou de langue française dans les montages. Cogeco est d’avis que si le Conseil désire appliquer une interprétation plus restrictive à l’égard des montages, il devra modifier sa politique actuelle puisqu’il s’agit, en fait, d’une nouvelle approche réglementaire. Enfin, Cogeco déplore le fait que le Conseil disqualifie tous ses montages.

10.  Après avoir examiné le dossier public de la présente instance compte tenu des politiques et règlements pertinents, le Conseil estime que les questions sur lesquelles il doit se prononcer dans sa prise de décision sont celles de la diffusion de montages et de la diffusion de MVF.

Cadre réglementaire

Les montages

11.  Le Règlement définit un montage comme « une compilation d’extraits de plusieurs pièces musicales, ayant une durée d’au moins une minute, autre qu’un pot-pourri. » Le Règlement définit également le montage comme étant une pièce musicale, laquelle est définie comme suit : « Musique en direct ou enregistrée d’une durée d’une minute ou plus, diffusée sans interruption. S’entend en outre d’un montage et d’un pot-pourri. »

12.  Dans l’avis public 1998-132, le Conseil a fourni au paragraphe 42 les précisions suivantes sur les montages :

[…] pour être classée comme montage, l’émission devrait consister en des extraits musicaux très serrés et liés par des éléments communs comme le rythme ou le thème. Plusieurs extraits de musique sans rapport joués les uns à la suite des autres ne seront donc pas considérés comme constituant un montage, même s’ils sont du même artiste. Dans les cas où il n’est pas clair si l’émission est un montage ou une série de pièces écourtées, le Conseil considérera l’émission comme une série de pièces écourtées.

13.  Dans la Politique de 2006 sur la radio commerciale, le Conseil traitait à nouveau de la question des montages. Aux paragraphes 95 et 96 de cette politique, il indiquait ce qui suit :

95. Bien que le Conseil insiste sur l’importance de diffuser intégralement les pièces musicales, il a déjà reconnu que les montages pouvaient présenter des aspects positifs. Bien utilisés, ceux-ci permettent de découvrir des pièces ou des artistes canadiens qui ne seraient autrement pas mis en ondes. En revanche, le Conseil croit que les montages ne devraient pas servir à contourner les exigences de réglementation liées à la MVF.

96. Par conséquent, le Conseil surveillera de près l’utilisation des montages et réglera chaque problème individuellement, prenant des mesures nécessaires le cas échéant.

Musique vocale de langue française

14.  Les objectifs du Conseil à l’égard de la diffusion de MVF ont été établis au paragraphe 151 de l’avis public 1998-41 :

151. Les exigences du Conseil sont basées sur deux objectifs connexes. Il désire encourager le développement d’une industrie du disque francophone au Canada et permettre aux francophones d’avoir accès à de la musique reflétant leur culture. Le Conseil a toujours jugé que c’est aux radiodiffuseurs francophones qu’il incombait de continuer à s’efforcer de contribuer au développement de l’expression française.

15.  Au paragraphe 38 de la Politique de 2006 sur la radio commerciale, le Conseil a clarifié ses exigences à l’égard de la diffusion de MVF comme suit :

Pour s’assurer que les stations de la radio commerciale de langue française répondent aux besoins et aux intérêts de leur auditoire, l’article 2.2 du Règlement sur la radio stipule qu’au moins 65 % des pièces musicales vocales de catégorie 2 mises en ondes par des stations francophones au cours de chaque semaine de radiodiffusion doivent être des pièces de langue française. Afin de s’assurer que ces pièces ne sont pas reléguées à des périodes d’écoute relativement faible, le Règlement sur la radio prévoit qu’au moins 55 % des pièces musicales vocales de catégorie 2 diffusées au cours d’une semaine de radiodiffusion par les stations de langue française entre 6 h et 18 h, du lundi au vendredi, doivent être des pièces de langue française.

Analyse et décisions du Conseil

16.  Le Conseil réitère son avis selon lequel il incombe aux radiodiffuseurs de langue française de continuer à s’efforcer de contribuer au développement de l’expression française. Tel que mentionné plus haut, le Conseil a indiqué dans la Politique de 2006 sur la radio commerciale que les montages ne devraient pas servir à contourner les exigences de la réglementation liées à la MVF, qu’il surveillera de près l’utilisation des montages et qu’il réglera chaque problème individuellement en prenant des mesures nécessaires le cas échéant.

17.  À l’audience, le Conseil a demandé à Cogeco et à d’autres titulaires de lui faire savoir par écrit leur position respective quant à la possibilité d’instaurer des mesures transitoires, applicables à leurs stations respectives, qui pourraient être mises en place afin de s’assurer que l’utilisation des montages demeure conforme aux objectifs de la réglementation et à l’esprit de la politique du Conseil à l’égard des montages.

18.  En réponse à la demande du Conseil, Cogeco et les autres titulaires se sont concertés pour formuler un engagement corporatif les enjoignant à ne pas consacrer plus de 14 % de la durée de chaque semaine de radiodiffusion aux montages à compter du 1er septembre 2011 jusqu’à la plus rapprochée des deux échéances suivantes, soit a) le 31 août 2013 ou b) la révision globale par le Conseil de l’ensemble des composantes de la politique sur la MVF.

19.  Le Conseil estime que le temps consacré à la diffusion de musique de langue anglaise non canadienne grâce aux montages est préoccupant. L’étude par le Conseil des rubans-témoins et de la liste musicale de CKOI-FM a révélé que pour la semaine du 30 mai au 5 juin 2010, les 101 montages diffusés par le titulaire ont occupé 17,9 % des 126 heures de programmation diffusées au cours de cette semaine de radiodiffusion, et ont tous été comptabilisés comme des pièces de langue anglaise.

20.  Le Conseil prend bonne note des commentaires de Cogeco. Selon le titulaire, le Conseil veut appliquer une interprétation plus restrictive de la réglementation à l’égard des montages. Toutefois, selon le Conseil, l’interprétation faite par Cogeco des règles sur les montages lui permettrait de diffuser des montages :

Le Conseil estime qu’une telle interprétation est contraire aux objectifs de la réglementation sur la MVF ainsi qu’à l’esprit de sa politique sur les montages.

21.  Le Conseil estime que les pratiques de Cogeco lui permettent de maintenir le pourcentage réglementaire requis de MVF tout en diffusant significativement moins de pièces de langue française. En conséquence, le Conseil conclut que ces pratiques constituent une utilisation inappropriée des montages et ont pour résultat de contourner les exigences réglementaires relatives à la MVF.

Conclusion

22.  Le Conseil note la proposition conjointe des titulaires convoqués à l’audience en vue de limiter la durée totale des montages à 14 % de l’ensemble de la programmation diffusée au cours de chaque semaine de radiodiffusion. Toutefois, le Conseil est d’avis que le pourcentage avancé dans la proposition des titulaires est trop élevé et ne saurait assurer le respect des exigences réglementaires relatives à la MVF et au contenu canadien. Par conséquent, étant donné les préoccupations du Conseil à l’égard du pourcentage de pièces musicales de langue anglaise diffusée par Cogeco, le Conseil estime qu’il y a lieu de limiter encore plus la durée totale des montages. Compte tenu de tout ce qui précède, et afin d’inciter le titulaire à diffuser davantage de MVF et ainsi assurer le respect des exigences réglementaires, le Conseil estime donc qu’il y a lieu de limiter la durée maximale des montages diffusés au cours de chaque semaine de radiodiffusion à 10 % de l’ensemble de la programmation, soit à 12 heures et 36 minutes. En conséquence, le Conseil impose la condition de licence suivante, qui entrera en vigueur le 1er avril 2012 :

Le titulaire ne doit pas consacrer plus de 10 % de l’ensemble de la programmation diffusée au cours de chaque semaine de radiodiffusion aux montages. Aux fins de cette condition de licence, l’expression « semaine de radiodiffusion » s’entend au sens du Règlement de 1986 sur la radio.

23.  De plus, au cours de l’audience, certains titulaires ont fait valoir que les définitions et les attentes du Conseil à l’égard des montages laissent place à l’interprétation, et qu’elles devraient par conséquent être clarifiées. Bien que le Conseil ne soit pas de cet avis, il publie néanmoins aujourd’hui le bulletin d’information de radiodiffusion 2011-728 dans lequel il réitère ses objectifs et ses attentes à l’égard de la diffusion de montages par les titulaires de licence de radio, rappelle les articles pertinents de la réglementation, et confirme l’interprétation à donner à certaines expressions.

Secrétaire général

Documents connexes

*La présente décision doit être annexée à la licence.

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