Décision de télécom CRTC 2011-44

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Référence au processus : Avis de consultation de télécom 2010-803

Ottawa, le 25 janvier 2011

Facturation à l’utilisation concernant les services d’accès par passerelle et les services d’accès Internet de tiers

Numéro de dossier : 8661-C12-201015975

Dans la présente décision, le Conseil détermine que les tarifs de facturation à l’utilisation concernant les services d’accès par passerelle de résidence de gros d’une compagnie de téléphone titulaire, ou les services équivalents, et les services d’accès Internet de tiers d’un câblodistributeur titulaire doivent être réduits de 15 % par rapport aux tarifs de facturation à l’utilisation comparables des entreprises pour leurs services Internet de détail.

Introduction

1.      Dans l’avis de consultation de télécom 2010-803, le Conseil a amorcé une instance en vue d’établir les niveaux tarifaires concernant la facturation à l’utilisation des services d’accès par passerelle de résidence de gros des entreprises de services locaux titulaires (ESLT), ou des services équivalents, et des services d’accès de tiers de gros des grands câblodistributeurs[1].

2.      La facturation à l’utilisation est une pratique de gestion du trafic Internet (PGTI) de nature économique qui vise à gérer le trafic Internet sur les installations d’une ESLT. Lorsqu’une entreprise titulaire ou un câblodistributeur a des tarifs de facturation à l’utilisation, les structures tarifaires de son service Internet de détail et de son service d’accès par passerelle ou de son service d’accès Internet de tiers sont généralement les mêmes : il y a une composante de tarif fixe, qui couvre l’accès et comprend une limite d’utilisation, ainsi qu’une composante de facturation à l’utilisation, selon laquelle l’utilisation au-delà d’un seuil préétabli est assujettie à des frais additionnels.

3.      La présente décision traite de la question sur laquelle l’avis de consultation de télécom 2010-803 sollicitait des observations. Il s’agit de la question visant à déterminer si les tarifs de facturation à l’utilisation, en ce qui concerne les services d’accès par passerelle et les services d’accès Internet de tiers, devraient ou non être établis à des niveaux inférieurs à ceux des services Internet de détail respectifs comparables des entreprises et, dans l’affirmative, de préciser la mesure dans laquelle ce devrait être fait. Elle traite aussi des questions connexes liées à la mise en œuvre.

4.      Le Conseil a reçu des mémoires des ESLT et de câblodistributeurs qui facturent ou peuvent facturer des frais suivant une tarification à l’utilisation pour des services de gros et de câblodistributeurs qui paient ou peuvent avoir à payer ces frais[2]. Le Conseil a également reçu un grand nombre d’observations du public qui généralement s’opposait à ce type de facturation.

5.      On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 9 décembre 2010. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca, sous l’onglet Instances publiques, ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

Positions des parties

6.      Les câblodistributeurs et les ESLT (collectivement les entreprises), sauf MTS Allstream Inc. (MTS Allstream), ont fait valoir que les tarifs de facturation à l’utilisation des services de gros ne devraient pas faire l’objet d’une réduction par rapport aux tarifs comparables de facturation à l’utilisation des services de détail. Elles ont fait valoir que les tarifs de facturation à l’utilisation orientent le comportement d’un utilisateur final, et que différents tarifs de cette nature mèneraient à différents comportements chez les entreprises et les utilisateurs finals des concurrents. Bell Canada et Bell Aliant Communications régionales, société en commandite (collectivement les compagnies Bell), ainsi que la Société TELUS Communications, ont fait valoir que, sans une réduction des tarifs de facturation à l’utilisation des services de gros, les concurrents peuvent quand même démarquer leurs services de détail, tant en matière de tarifs qu’en utilisant d’autres méthodes. Les compagnies Bell ont fait valoir qu’il n’existe aucun fondement sur lequel repose le caractère approprié du niveau d’une réduction.

7.      Les concurrents et MTS Allstream ont fait valoir que les tarifs de facturation à l’utilisation des services de gros devraient être réduits par rapport aux tarifs comparables de facturation à l’utilisation des services de détail. Les concurrents ont généralement indiqué que des tarifs réduits pour la facturation à l’utilisation des services de gros procureraient une marge à partir de laquelle les concurrents pourraient recouvrer les coûts additionnels liés à ce type de facturation, y compris ceux des activités liées aux demandes des consommateurs et aux écarts possibles entre l’utilisation facturée par l’entreprise et celle qui est consignée dans les registres des concurrents. Les concurrents ont aussi généralement indiqué que, comme les frais facturés à l’utilisation ne sont pas prépayés, il existe un risque que les consommateurs ne les paient pas. En général, les concurrents ont allégué que le risque financier est plus grand pour les concurrents que pour les entreprises parce que contrairement à ces dernières, dont les tarifs de facturation à l’utilisation pour les services de détail ne sont pas fondés sur les coûts, les concurrents doivent payer les tarifs de facturation à l’utilisation des services de gros aux entreprises comme un coût direct.

8.      Les concurrents ont aussi généralement indiqué que des tarifs réduits de facturation à l’utilisation des services de gros permettraient aux services de détail de se démarquer de façon continue. Ils ont fait valoir que l’autorisation d’une réduction atténuerait ce qu’ils qualifient d’interfinancement anticoncurrentiel des entreprises par les concurrents menant à une situation où les tarifs de facturation à l’utilisation des services de gros ne sont pas fondés sur les coûts. Ils ont généralement aussi ajouté que les services d’accès par passerelle et les services d’accès Internet de tiers représentent un intrant parmi d’autres qu’ils utilisent pour la fourniture de services Internet de détail, que ces services de gros ne sont pas des versions de revente des services Internet de détail des entreprises et que, par conséquent, la symétrie des frais facturés à l’utilisation pour les services de gros est inappropriée. Le Canadian Network Operators Consortium (CNOC) a proposé que les tarifs de facturation à l’utilisation des services de gros soient réduits d’un minimum de 50 % par rapport aux tarifs de détail, pour redresser la situation existante empreinte de divers désavantages auxquels font face les concurrents par rapport aux entreprises.

Résultats de l’analyse du Conseil

9.      Le Conseil signale que les tarifs de facturation à l’utilisation des services de détail des entreprises sont basés sur le marché et ne doivent pas faire l’objet d’une approbation préalable par le Conseil – c’est-à-dire que ces services sont soustraits à la réglementation. Le Conseil signale aussi que la composante de coût fixe des tarifs relatifs aux services Internet de détail des entreprises permet de recouvrer la majeure partie, voire la totalité, des coûts associés à la facturation à l’utilisation des services de détail. Le Conseil est d’avis que cette situation donne aux entreprises la souplesse nécessaire pour rajuster ou renoncer à imposer les tarifs de facturation à l’utilisation pour les services de détail sur une base promotionnelle.

10.  Toutefois, le Conseil estime que, pour les concurrents, les tarifs de facturation à l’utilisation des services de gros des entreprises constituent un coût additionnel, direct et inévitable que les concurrents devront recouvrer à partir des tarifs payés par les clients de leur service de détail. Le Conseil estime aussi que les tarifs de facturation à l’utilisation pour les services de gros conduiront à des coûts additionnels de service à la clientèle pour les concurrents, y compris un examen des registres pertinents d’utilisation des services de gros des entreprises et des frais facturés à l’utilisation connexes.

11.  De plus, le Conseil rappelle son opinion exposée dans la politique réglementaire de télécom 2010-632 selon laquelle les services fournis par des plus petits concurrents amènent une discipline en matière d’établissement des prix, de l’innovation et du choix pour le consommateur sur le marché des services Internet de détail. Le Conseil estime qu’en l’absence d’une réduction applicable aux tarifs de facturation à l’utilisation des services de gros des entreprises, relativement aux tarifs comparables de ces dernières pour les services de détail, la capacité des petits concurrents à continuer à se démarquer en matière de services Internet serait indûment compromise.

12.  À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut que les tarifs de facturation à l’utilisation des services de gros devraient faire l’objet d’une réduction par rapport aux tarifs de facturation des services de détail comparables des entreprises et qu’en l’absence d’une telle réduction, les tarifs de facturation à l’utilisation des services de gros ne seraient pas justes et raisonnables, contrairement à ce que prévoit le paragraphe 27(1) de la Loi sur les télécommunications (la Loi).

13.  En ce qui concerne le montant de la réduction en question, le Conseil estime que s’il est trop grand, l’efficacité de la facturation à l’utilisation en tant que PGTI sera réduite tandis que s’il est trop petit, la capacité des concurrents à recouvrer les coûts sera minée.

14.  Le Conseil conclut qu’une réduction de 15 % applicable aux tarifs de facturation à l’utilisation des services de gros des entreprises, relativement aux tarifs des services de détail de ces dernières, tient adéquatement compte de toutes ces considérations.

Mise en œuvre

15.  Le CNOC a réclamé une période minimale de 90 jours pour la mise en œuvre. Les compagnies Bell ont fait valoir que la mise en œuvre des conclusions tirées dans la présente décision ne doit pas retarder la mise en œuvre des tarifs de facturation à l’utilisation des services de gros, comme il est indiqué dans la décision de télécom 2010-802. Les compagnies Bell ont également fait valoir qu’elles auraient besoin de 60 jours à partir de la date de la présente décision pour mettre en œuvre tout changement qui serait requis à leurs systèmes de facturation.

16.  Le Conseil signale que les tarifs de facturation à l’utilisation des services de gros ont été approuvés pour les compagnies Bell dans la décision de télécom 2010-255, laquelle a été rendue le 6 mai 2010. Le Conseil estime que les tarifs de facturation à l’utilisation pour les services de gros concernant les services d’accès par passerelle devraient être mis en œuvre par les compagnies Bell sans délai. Le Conseil estime que la période proposée par les compagnies Bell pour la mise en œuvre des tarifs réduits de facturation à l’utilisation des services de gros est indûment longue.

17.  Par conséquent, le Conseil enjoint aux compagnies Bell, ainsi qu’aux câblodistributeurs qui utilisent des tarifs de facturation à l’utilisation dans le cadre de la fourniture de services d’accès Internet de tiers, de mettre en œuvre des tarifs réduits de facturation à l’utilisation pour leur service de gros conformément à la présente décision d’ici le 1er mars 2011. En outre, le Conseil enjoint aux câblodistributeurs dont les tarifs de gros comportent une facturation à l’utilisation de déposer des tarifs révisés reflétant les conclusions tirées dans la présente décision d’ici le 1er mars 2011.

Instructions

18.  Le Conseil estime que les conclusions qu’il a tirées dans la présente décision mettent de l’avant les objectifs stratégiques énoncés aux alinéas 7b), c) et f) de la Loi[3]. Le Conseil estime aussi que ses conclusions sont conformes aux exigences des Instructions[4] selon lesquelles (a) les mesures en question doivent être efficaces et proportionnelles aux buts visés et ne faire obstacle au libre jeu d’un marché concurrentiel que dans la mesure minimale nécessaire pour atteindre les objectifs et (b) les mesures en question ne doivent pas décourager un accès au marché propice à la concurrence et efficace du point de vue économique ni favoriser un accès à un marché inefficace du point de vue économique.

19.  Le Conseil fait remarquer les services d’accès par passerelle de gros et les services d’accès Internet de tiers de gros sont des mesures de réglementation liées aux régimes d’accès au réseau. Le Conseil estime que les conclusions qu’il a tirées dans la présente décision sont conformes aux exigences des Instructions voulant que les conclusions liées à de tels régimes garantissent la neutralité concurrentielle dans la plus grande mesure du possible.

Secrétaire général

Documents connexes



Notes de bas de page :

[1]     Les services d’accès par passerelle et les services des ESLT équivalents ainsi que les services d’accès Internet de tiers des câblodistributeurs sont des services de gros prescrits que les concurrents utilisent comme intrants pour fournir divers services de détail, dont des services Internet de détail.

[2]     Dans la présente décision, le terme « ESLT » fait référence à Bell Aliant Communications régionales, société en commandite, à Bell Canada, à MTS Allstream Inc., à Saskatchewan Telecommunications, et à la Société TELUS communications; le terme « câblodistributeurs » fait référence à Cogeco Cable Inc., Quebecor Média inc. au nom de son affiliée Vidéotron ltée., Rogers Communications Inc., et Shaw Communications Inc.; et le terme « concurrents » fait référence à l’Association canadienne des fournisseurs Internet, au Canadian Network Operators Consortium, à Distributel Communications Limited et à Vaxination Informatique.

[3]     Voici les objectifs visés de la Loi :

               7b) permettre l’accès aux Canadiens dans toutes les régions – rurales ou urbaines – du Canada à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité;

               7c) accroître l’efficacité et la compétitivité, sur les plans national et international, des télécommunications canadiennes;

               7f) favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication et assurer l’efficacité de la réglementation, dans le cas où celle-ci est nécessaire.

[4]     Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication, C.P. 2006-1534, 14 décembre 2006.

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