Avis public de radiodiffusion CRTC 2007-53

Ottawa, le 17 mai 2007

Décisions portant sur certains aspects du cadre de réglementation de la télévision en direct

Dans cet avis public, le Conseil présente ses décisions à l'égard de certains aspects du cadre de réglementation de la télévision canadienne en direct. Ses décisions clés sont les suivantes :

Cet avis public est l'un des deux avis publiés aujourd'hui à la suite de l'examen par le Conseil des questions soulevées dans l'avis d'audience publique en radiodiffusion 2006-5 et qui ont été étudiées à l'audience publique tenue à partir du 27 novembre 2006 dans la région de la Capitale nationale. Le second avis public est Nouvelle politique de sous-titrage codé pour malentendants, avis public de radiodiffusion CRTC 2007-54, 17 mai 2007.

Introduction

1. Dans l'avis d'audience publique en radiodiffusion 2006-5 (l'Avis), le Conseil a annoncé la tenue d'une audience publique à compter du 27 novembre 2006 en vue d'étudier divers aspects du cadre de réglementation de la télévision en direct et il a sollicité des commentaires sur les points énumérés dans l'Avis.

2. Le Conseil décrit dans l'Avis les progrès technologiques actuels et prévient que les bouleversements technologiques à venir ainsi que les changements d'attitudes et de demandes des téléspectateurs risquent d'influencer profondément la situation de la télévision en direct.

3. Le Conseil déclare dans l'Avis :

Afin que les titulaires de services de télévision en direct se préparent au prochain renouvellement de leur licence, le Conseil croit nécessaire de demander l'opinion du public sur la manière dont la télévision canadienne en direct, à l'échelle de l'ensemble de l'industrie, devrait réagir aux pressions exercées en faveur de changements. Le cadre réglementaire de la télévision est basé sur un équilibre entre d'une part, garantir des contributions appropriées aux objectifs sociaux et culturels de la Loi [sur la radiodiffusion] et, d'autre part, créer des conditions favorisant la rentabilité du secteur privé. L'objectif sous-jacent de cette instance sera de faire en sorte que cet équilibre soit maintenu compte tenu de la structure existante de l'industrie et de celle en devenir.

4. Le Conseil annonce dans l'Avis que certains aspects du cadre réglementaire de la télévision en direct, comme les dépenses au titre des émissions canadiennes, la réglementation de la publicité et la transition au numérique, seront examinés au cours de cette instance, mais que la politique télévisuelle de 19991 ne fera pas l'objet d'une révision complète car certains de ses éléments - dont l'examen n'était pas prévu dans l'Avis - demeurent appropriés.

5. L'Avis présente les objectifs de cette révision :

  1. Faire en sorte que les titulaires de services de télévision en direct contribuent le plus efficacement possible à la production, à l'acquisition et à la diffusion d'une programmation canadienne de haute qualité qui attire de plus en plus de téléspectateurs.
  2. Clarifier les normes réglementaires ayant une incidence sur certains coûts et revenus afin que les titulaires de services de télévision en direct puissent proposer des contributions maximales à la production, à l'acquisition et à la diffusion d'émissions canadiennes de haute qualité.
  3. Examiner les moyens les plus efficaces de distribution de signaux canadiens de télévision numérique/haute définition (HD) à la population canadienne.
  4. Analyser la situation économique actuelle et future des stations de télévision des petits marchés.

6. Le Conseil a reçu des centaines de mémoires en réponse à l'Avis et il a entendu 54 parties à l'audience. Ont participé à cette audience des citoyens, des membres de syndicats et de guildes, des télédiffuseurs de la télévision commerciale et sans but lucratif, des titulaires d'entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR), des représentants de l'industrie de la production indépendante et d'autres intervenants. Le dossier public de cette instance, avec les commentaires et preuves soumises par les parties, peut être consulté sur le site Web du Conseil, www.crtc.gc.ca, sous l'onglet « Instances publiques ».

7. Le Conseil a analysé tous les commentaires écrits et oraux de la présente instance. Selon lui, ses conclusions doivent prendre en considération trois questions fondamentales et quelques questions secondaires :

Questions secondaires :

Des revenus suffisants pour les télédiffuseurs en direct

8. Le Conseil remarque dans l'Avis que la part d'écoute des services canadiens payants et spécialisés est passée de 23 % à 35,8 % entre 1998-1999 et 2004-2005, tandis que celle des services de télévision en direct a diminué, passant de 47,2 % à 41,4 %. Le Conseil note toutefois qu'une grande partie du déclin de la part d'écoute de la télévision en direct s'est produite au début de cette période et que, depuis 2002-2003, cette part se situe entre 40 % et 42 %. D'après les données d'écoute de BBM/Neilson, les services de télévision en direct obtenaient environ 40 % de l'écoute totale en 2005-2006. Il convient donc d'insister sur le rôle décisif que continue à jouer le secteur de la télévision en direct au sein du système canadien de radiodiffusion - tant pour ce qui est de l'auditoire que du soutien à la programmation canadienne.

9. L'écoute des services payants et spécialisés prise comme un tout se rapproche de celle du secteur de la télévision en direct, mais elle est répartie sur plusieurs dizaines de chaînes. À l'inverse, l'essentiel de l'écoute de la télévision en direct profite à neuf services de télévision traditionnelle : CTV, Global et le réseau CH de CanWest MediaWorks Inc. (CanWest), City et les stations A-Channel de CHUM limitée (CHUM), TVA, TQS et les services de langues anglaise et française de la Société Radio-Canada (la SRC). Les services individuels de télévision en direct continuent donc à attirer l'auditoire le plus nombreux et, par voie de conséquence, à drainer les recettes publicitaires les plus importantes même si la télévision traditionnelle ne représente qu'une fraction des chaînes de télévision accessibles à la plupart des téléspectateurs.

10. La télévision en direct joue toujours un rôle prépondérant dans la fourniture et la production d'émissions canadiennes car elle retient un nombreux public. En fait, les dépenses des télédiffuseurs en direct au titre de la programmation canadienne atteignent environ 1,2 milliard $, soit 57 % des 2,1 milliards $ dépensés à ce titre par les titulaires canadiens en 2005-2006.

11. Les stations de télévision en direct jouent également un rôle crucial au sein du système de radiodiffusion car elles proposent une programmation locale qui reflète les besoins et les intérêts des collectivités qu'elles sont autorisées à desservir.

12. Malgré le rôle primordial qu'il joue au sein du système de radiodiffusion, le secteur de la télévision en direct doit relever plusieurs défis. La fragmentation de l'auditoire et l'évolution technologique entraîneront un déclin continu de l'écoute des stations en direct et modifieront profondément la formule et la fourniture des messages publicitaires tout en augmentant les coûts supplémentaires associés à la transition au numérique. Le Conseil exprime dans l'Avis sa crainte que les coûts plus élevés de la conversion au numérique/HD, combinés à une baisse éventuelle des recettes publicitaires, ne favorisent la stagnation des contributions des titulaires de la télévision en direct à la programmation canadienne à un moment où il est vital d'investir au maximum dans la production d'émissions canadiennes HD de qualité.

13. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil pose plusieurs questions dans l'Avis :

Tarif de distribution des stations locales

Aperçu des arguments

14. Tous les grands groupes de télédiffusion de langue anglaise - CTV Inc. (CTV), CanWest et CHUM - approuvent l'adoption d'un tarif d'abonnement pour la distribution des stations locales en direct par les EDR. L'idée séduit également Quebecor Média inc. (Quebecor) et Cogeco inc. (Cogeco) qui contrôlent chacune des EDR par câble et des stations de télévision en direct au Québec.

15. Les groupes de télévision en direct de langue anglaise allèguent que ce tarif est essentiel pour assurer leur viabilité à long terme car la hausse de la fragmentation de l'auditoire sape leur assiette publicitaire. Quebecor et Cogeco vont dans le même sens et indiquent qu'elles n'auraient aucun problème à transférer ces tarifs d'abonnement de leurs EDR par câble à leurs stations de télévision affiliées en direct et à celles d'autres télédiffuseurs.

16. La plupart des télédiffuseurs privés en faveur d'un tarif d'abonnement justifient leur soutien par la nécessité économique et ne garantissent pas que les nouvelles recettes serviront à accroître, voire à maintenir, la quantité d'émissions canadiennes qu'ils diffusent actuellement - à l'exception de CTV, qui propose de consacrer 50 % des recettes découlant de ce tarif à des émissions prioritaires canadiennes supplémentaires et 50 % à d'autres projets approuvés par le Conseil.

17. Le tarif d'abonnement suggéré pour la distribution des stations de télévision en direct va de 0,10 $ à 1 $ par mois et par station. Pour sa part, Quebecor propose que les télédiffuseurs et les distributeurs négocient ce montant entre eux. Celle-ci croit qu'en négociant avec tous les services de programmation, il y aurait moyen de réduire au minimum l'augmentation globale des tarifs d'abonnement. CanWest cite les résultats d'une enquête de consommation de Pollara Inc. qui révèlent que le public accepterait de payer jusqu'à 4,96 $ en moyenne de plus par mois pour avoir accès à un bouquet de stations locales canadiennes; CTV cite la recherche de Strategic Inc. qui conclut que les consommateurs seraient très nombreux à approuver un tarif inférieur à 1 $, et soutient que sa proposition de 0,10 $ ne représente qu'une hausse minimale.

18. La SRC allègue qu'il est crucial d'imposer un tarif d'abonnement à la télévision en direct pour s'assurer de pouvoir continuer à assumer ses obligations réglementaires de radiodiffuseur public. La SRC croit que les nouvelles recettes devraient appuyer des objectifs d'intérêt public, dont la production d'un plus grand nombre d'émissions canadiennes, mais suggère d'étudier l'utilisation et le montant précis de ce tarif lors des procédures de renouvellement de licence.

19. Les syndicats et les associations de l'industrie de la production approuvent l'imposition d'un tarif de distribution des stations de télévision en direct à condition que les revenus supplémentaires de ces stations soient affectés à la production et à la diffusion d'un plus grand nombre d'émissions canadiennes.

20. Plusieurs titulaires de services facultatifs - Communications Alliance Atlantis inc., Astral Media inc., Faith & Spirit Media Inc. (Vision TV) et Allarco Entertainment Inc. - s'opposent à l'introduction d'un tarif de distribution des stations de télévision en direct car elles croient que celui-ci exercerait une pression à la baisse sur les droits d'affiliation que souhaitent payer les exploitants des EDR et que la hausse de la facture mensuelle des services des EDR par câble et par satellite de radiodiffusion directe (SRD) pourrait inciter les abonnés à réduire le nombre de services de programmation qu'ils achètent.

21. Les exploitants des EDR, dont Communications Rogers Câble inc. (Rogers), Shaw Communications Inc. (Shaw), Bell ExpressVu Limited Partnership2 (Bell ExpressVu) et Telco TV, qui représente Telus Inc., Saskatchewan Telecommunications et MTS Allstream Inc., s'opposent tous à l'imposition d'un tarif de distribution des stations de télévision en direct et évoquent les hausses des tarifs d'abonnement qui résulteraient d'une telle mesure. Ils affirment que les abonnés réagiraient négativement à une hausse qui ne serait accompagnée d'aucun nouvel avantage, avec pour corollaire le risque que ceux-ci réduisent leur bouquet de services spécialisés ou se tournent vers les distributeurs des marchés noirs ou gris.

22. Certains exploitants allèguent qu'en vertu de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi), le Conseil n'a pas le pouvoir d'imposer un tarif de distribution et ajoutent que le régime de droit d'auteur et les lois internationales interdisent au Conseil d'agir en ce sens. Plusieurs font valoir qu'un tel tarif aurait concrètement pour effet d'introduire une nouvelle taxe, ce qui excède les pouvoirs du Conseil découlant de la Loi.

Pouvoir du Conseil d'autoriser l'imposition d'un tarif de distribution

23. Après avoir soigneusement analysé les arguments juridiques des parties opposées au tarif d'abonnement, le Conseil exprime cependant un autre avis. Pour mettre en oeuvre les objectifs stratégiques d'envergure de la Loi, le Conseil s'est vu confier de vastes pouvoirs de réglementation. Il peut notamment attribuer des licences aux conditions qu'il estime indiquées. Le Conseil estime que l'introduction d'un tarif de distribution s'inscrit dans le cadre de son mandat et que la Loi lui accorde le pouvoir d'agir ainsi.

Faut-il adopter un droit de distribution?

24. Le Conseil a soigneusement soupesé les arguments qui lui ont été présentés à l'appui de l'introduction d'un tarif de distribution des stations de télévision locales en direct par les EDR, y compris ceux des radiodiffuseurs qui estiment que les recettes publicitaires ne suffisent plus à soutenir le modèle commercial de la télévision en direct et qu'il est vital d'augmenter les revenus liés aux tarifs d'abonnement.

25. Selon les rapports annuels déposés au Conseil, les revenus et les bénéfices avant intérêts et impôt (BAII) du groupe des stations canadiennes privées de la télévision en direct ont connu une baisse au cours de l'année de radiodiffusion 2006, mais celles-ci ont enregistré un taux de croissance annuelle composé des revenus de 3,8 % et une marge moyenne de BAII s'élevant à environ 10 % entre les années de radiodiffusion 2002 et 2006 inclusivement.

26. Notamment, les revenus de la télévision privée de langue française en direct ont augmenté de 1 % entre 2005 et 2006, enregistrant ainsi un taux de croissance annuelle composé de 3,8 % entre 2002 et 2006. Bien que les BAII de ce secteur aient diminué de 36 % en 2006, la marge moyenne de BAII a été d'environ 11 % pour la période de 2002 à 2006.

27. Les revenus de la télévision privée de langue anglaise en direct ont diminué de 0,6 % de 2005 à 2006, mais ce secteur affiche néanmoins au cours de la période quinquennale 2002-2006 un taux de croissance annuelle composé des revenus de 3,8 %. Bien que ses BAII aient diminué de 70 % en 2006, sa marge moyenne de BAII s'élève à environ 10 % pour la période de 2002 à 2006.

28. En prenant en considération le déclin en 2006 des revenus et des BAII dans le contexte du rendement financier de l'industrie pour toute la période 2002-2006, le Conseil n'est pas convaincu que le rendement financier de cette seule année constitue un déclin permanent de la rentabilité de la télévision en direct. Il note à cet égard la nature cyclique de l'industrie de la radiodiffusion qui dépend de l'attirance du public pour chaque grille de programmation à un moment donné.

29. Par ailleurs, le Conseil estime que la question de l'acceptation d'un nouveau tarif d'abonnement par les consommateurs n'a pas été suffisamment approfondie et qu'il est impossible de bien évaluer l'incidence ultime sur l'ensemble du système d'un tarif de distribution de la télévision en direct. Même si le secteur des services spécialisés affiche une marge totale de BAII d'environ 22 % en 2006, le Conseil observe notamment qu'une grande partie des profits est attribuable au solide rendement des 49 services analogiques. En fait, la marge moyenne de BAII des 87 services spécialisés numériques est de -9 % en 2006. Puisque les recettes d'abonnement comptent pour plus de 80 % des revenus totaux des services spécialisés numériques, le Conseil s'inquiète particulièrement des conséquences que pourrait avoir un tarif de distribution de la télévision en direct sur l'abonnement des consommateurs à de tels services.

30. Sans données fiables et convaincantes prouvant que l'imposition d'un tarif de distribution des services de télévision en direct ne nuirait pas à la santé financière des services spécialisés, notamment les services numériques, et à leur capacité de respecter leurs obligations réglementaires, le Conseil n'est donc pas persuadé que le système de radiodiffusion tirerait nettement avantage de cette approche - tant sur le plan de l'accroissement des dépenses au titre des émissions canadiennes que sur celui de l'offre de services canadiens de programmation aux téléspectateurs.

31. Par conséquent le Conseil n'est pas convaincu de l'opportunité de modifier autant en profondeur la structure des revenus du système de radiodiffusion. Les arguments des parties ne l'incitent pas davantage à conclure que cette proposition permettrait en bout de ligne d'atteindre les objectifs de la Loi.

Signaux éloignés

32. CTV fait valoir que, outre l'introduction d'un tarif de distribution des signaux locaux, les télédiffuseurs devraient être autorisés à refuser la distribution de leurs stations en direct en tant que signaux éloignés lorsqu'ils ne peuvent pas négocier un dédommagement équitable avec les EDR. Les stations en direct sont vues comme des « signaux éloignés » dans les marchés en dehors de leur périmètre de rayonnement autorisé. Selon CTV, la fourniture des signaux éloignés devrait être traitée comme une question commerciale de libre marché.

33. À l'heure actuelle, le Conseil autorise les EDR à distribuer des signaux éloignés sous réserve de certaines dispositions réglementaires visant à protéger les droits de diffusion acquis pour leurs marchés par les stations de télévision locales et régionales. Le Conseil estime que la défense des droits de diffusion acquis par les entreprises canadiennes de programmation de télévision est essentielle au maintien de l'intégrité du marché canadien des droits et à la protection de l'assiette publicitaire des stations de télévision locales et régionales sans laquelle celles-ci ne peuvent remplir leurs engagements au titre de la programmation canadienne.

34. Les EDR par SRD sont autorisées à distribuer n'importe quelle station de télévision traditionnelle en vertu des dispositions de l'article 39a) du Règlement sur la distribution de radiodiffusion (le Règlement des EDR). Pour protéger les droits de diffusion des stations locales, le Conseil a fixé aux EDR par SRD, en vertu du Règlement des EDR, des obligations de retrait et substitution des services de programmation simultanés ([article 42[1] [a] et b)]) et de retrait des services de programmation non simultanés (article 43).

35. Le Conseil a aussi autorisé, par condition de licence, certaines EDR terrestres à distribuer les signaux éloignés de stations de télévision traditionnelle à titre facultatif et en mode numérique. Afin de protéger les droits de diffusion des stations locales, le Conseil a aussi imposé à ces EDR terrestres des exigences de retrait d'émissions énoncées à l'article 43 du Règlement des EDR concernant ces signaux.

36. Par la suite, le Conseil a exempté les EDR terrestres et par SRD des obligations de retrait d'émissions et a instauré diverses mesures de remplacement. Ainsi, les EDR par SRD ont dû commencer à distribuer les stations de télévision des petits marchés et contribuer à un fonds d'émissions locales des petits marchés; quant aux EDR terrestres, ces mesures incluaient entre autres l'approbation des ententes avec l'Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) visant à protéger les droits de diffusion. Toutes ces mesures venues à échéance en août 2006 ont été prolongées ou reconduites en attendant l'issue de la présente instance.

37. Le Conseil croit que la suggestion de CTV d'autoriser les télédiffuseurs à refuser la distribution de signaux éloignés élargirait le cadre des négociations qui devraient alors tenir compte de nouveaux facteurs dont certains dépasseraient les limites de la protection des droits acquis par les télédiffuseurs locaux. Le Conseil n'est pas convaincu qu'il soit justifié de changer son approche actuelle prévoyant un dédommagement en cas d'incidence négative sur la publicité dans le marché local.

38. Le Conseil compte que l'achèvement de la révision de la politique télévisuelle relancera les négociations des ententes entourant la suspension des obligations de retrait d'émissions. Selon le Conseil, le seul but de ces ententes devrait être de s'assurer de dédommager justement et équitablement les télédiffuseurs locaux et régionaux en direct de l'incidence des signaux éloignées sur les droits de diffusion qu'ils ont acquis. Les parties qui ne parviennent pas à s'entendre pourraient se tourner vers le Conseil, et notamment utiliser ses procédures de règlement des litiges pour résoudre les questions en suspens. Dans le cadre du règlement d'un litige, le Conseil estime que la question centrale porte sur le dédommagement en cas d'incidence négative et il tiendra compte de ce qui suit :

Publicité

39. La plupart des parties ne s'opposent pas à la déréglementation des formules publicitaires non traditionnelles telles que le placement de produits, la « publicité virtuelle » ou la modification des images par voie numérique. CTV, Quebecor et CanWest suggèrent d'éliminer immédiatement ou à plus long terme la limite de 12 minutes de messages publicitaires par heure.

40. D'un autre côté, TQS inc. (TQS) ainsi que plusieurs titulaires de services spécialisés et des télédiffuseurs indépendants des petits marchés s'opposent à la suppression de cette limite de temps et affirment que cette mesure profiterait sans doute aux réseaux nationaux de télévision en direct établis au détriment des petits réseaux, des exploitants indépendants et des services spécialisés. L'Association canadienne des annonceurs s'oppose aussi à cette suppression car elle craint qu'elle multiplie indûment les interruptions publicitaires et qu'elle réduise ainsi l'efficacité des messages.

41. Bien qu'il considère ni justifié, ni opportun d'imposer un tarif d'abonnement, le Conseil admet que les perspectives financières du secteur de la télévision traditionnelle sont incertaines et que la fragmentation de l'auditoire continuera à influencer à la baisse les recettes publicitaires de la télévision en direct.

42. Le Conseil reconnaît aussi que les services de télévision en direct continueront à court terme à attirer les auditoires les plus importants et à fournir la plus grande contribution à la production et à la présentation d'émissions canadiennes, y compris d'émissions locales, de qualité.

43. Par conséquent, le Conseil estime essentiel d'offrir aux télédiffuseurs en direct toute la souplesse voulue pour leur permettre de maximiser leurs recettes publicitaires et de réagir aux effets néfastes de la fragmentation de l'auditoire. Dans cette optique, le Conseil prendra donc les mesures ci-dessous :

44. Cette approche graduelle de la déréglementation des messages publicitaires traditionnels laissera au marché le temps de s'ajuster et permettra de s'assurer d'optimiser la valeur de l'inventaire additionnel de la publicité.

45. Afin de mettre en oeuvre ces mesures, le Conseil publiera une proposition de modification du Règlement sur la télédiffusion et sollicitera des commentaires à cet égard. La modification devrait entrer en vigueur à compter du 1er septembre 2007.

46. Le Conseil compte revoir les conséquences du relèvement de la limite de temps publicitaire aux audiences de renouvellement des licences, au printemps de 2008, afin de s'assurer que cette nouvelle souplesse profite clairement au système de radiodiffusion.

47. Le Conseil note qu'il maintiendra sa surveillance réglementaire du contenu publicitaire et que les télédiffuseurs devront continuer à se conformer à tous les codes et normes applicables de l'industrie. Puisque les émissions étrangères populaires contiennent déjà plus de 15 minutes d'interruption par heure, l'augmentation de la limite actuelle de 12 minutes par heure ne devrait pas entraîner une hausse des interruptions.

48. Le Conseil s'attend à ce que les recettes additionnelles liées à cette mesure permettront aux titulaires de la télévision traditionnelle d'accroître leur contribution à la production et à la présentation d'émissions canadiennes.

49. Les modifications des limites de temps des messages publicitairesauront une incidence sur les programmes de mesures incitatives en faveur des dramatiques annoncés dans les avis publics 2004-93 et 2005-8. Toutefois, compte tenu du caractère progressif de ces modifications, le Conseil supprime par la présente la limite actuelle de 14 minutes par heure de messages publicitaires pouvant être diffusés par le biais des crédits aux dramatiques, pour les télédiffuseurs qui souhaitent provisoirement continuer à bénéficier des mesures incitatives en faveur des dramatiques.

Transition à la télédiffusion numérique/HD

50. Dans l'Avis, le Conseil déclare que la transition à la télédiffusion numérique/HD progresse lentement au Canada - surtout par rapport aux États-Unis - depuis la publication de l'avis public 2002-31, qui adopte le principe d'une approche de transition guidée par le marché. Le Conseil observe aussi que cette approche, qui n'impose aucune date butoir obligatoire à la conversion au numérique, est contraire à celle des États-Unis qui ont fixé au 17 février 2009 la fin de la transmission en mode analogique et le début de la transmission en mode numérique de tous les signaux de la télévision en direct.

51. Le Conseil a aussi expliqué qu'il craignait que les téléspectateurs qui ont investi dans des récepteurs HD et se sont abonnés à des services HD offerts par des EDR canadiennes ne puissent avoir accès qu'à une faible quantité d'émissions canadiennes en HD. Ces derniers pourraient alors se tourner vers des services étrangers, avec pour corollaire la possibilité qu'il soit difficile de les réorienter vers des services canadiens même lorsque ceux-ci proposeront un plus grand nombre d'émissions canadiennes en HD.

52. Le Conseil prend note des inquiétudes de ceux qui pensent que le coût de remplacement des installations de transmission en mode analogique existantes puisse freiner la conversion à la télédiffusion numérique/HD. Il retient aussi l'argument voulant qu'il soit plus approprié d'investir financièrement dans la production d'émissions canadiennes HD devant être distribuées par les EDR que dans la construction d'émetteurs numériques en direct, surtout compte tenu de la proportion relativement faible de Canadiens qui dépendent toujours de la réception en direct.

53. Dans ce contexte, le Conseil a sollicité des commentaires sur les moyens de distribution des signaux canadiens numériques/HD les plus appropriés et les plus efficaces et a demandé aux titulaires des stations en direct de l'informer précisément sur les coûts de la conversion au numérique des installations analogiques existantes.

54. Après analyse des commentaires sur la transition à la télédiffusion numérique/HD, le Conseil est d'avis qu'il convient d'approfondir les questions suivantes :

Fermeture des émetteurs analogiques

55. Il y a consensus mais pas unanimité quant à la date d'arrêt de la transmission analogique, la majorité optant pour un décalage d'environ deux ans sur les États-Unis. CanWest affirme qu'en fixant une date de fermeture, on garantit la parité concurrentielle entre télédiffuseurs tout en les aidant à planifier leurs besoins en capitaux.

56. Le ministère de l'Industrie (Industrie Canada) fait valoir qu'en vue d'assurer la gestion efficace et efficiente du spectre des radiofréquences, il serait important de fixer une date pour la fermeture des émetteurs de télévision analogique en direct. Cette date devrait s'aligner sur l'échéancier du marché nord-américain pour permettre aux Canadiens de capter la télévision numérique canadienne en direct.

57. Même si la plupart des intervenants sont en faveur d'une date exécutoire, il s'en trouve encore pour prôner la loi du marché. CTV suggère au Conseil d'autoriser les télédiffuseurs traditionnels à fermer graduellement leurs émetteurs analogiques.

58. TQS pour sa part propose au Conseil d'adopter la méthode énoncée dans l'avis public 2003-61, selon laquelle une EDR peut demander au Conseil de l'autoriser à abandonner la distribution des signaux analogiques une fois que 85 % de ses abonnés sont en mesure de capter les services numériques.

59. Selon Shaw, une offre stimulante de services analogiques peut faire partie d'un modèle d'affaires rentable, donc le Conseil ne devrait pas fixer le moment où la transmission analogique en direct doit cesser.

60. Le Conseil estime qu'en fixant une date définitive pour mettre fin à la transmission analogique, on aide les télédiffuseurs à planifier leurs besoins en capitaux et à prévoir les installations qui serviront après la transition. Il s'accorde avec Industrie Canada pour dire que la gestion efficace et efficiente du spectre des radiofréquences exige que la date de cessation des transmissions analogiques s'insère dans l'échéancier du marché nord-américain. Le spectre sera fort difficile à gérer quand les États-Unis auront achevé leur conversion au numérique tandis que le Canada continuera de transmettre ses signaux en direct à la fois en mode analogique et en mode numérique. C'est pourquoi le Conseil croit que fixer une date à court terme pour fermer les émetteurs analogiques, environ deux ans après la fermeture définitive aux États-Unis, est la meilleure façon de faire progresser la transmission numérique.

61. En vue de faciliter la planification, le Conseil entend donc fixer au 31 août 2011 la cessation de la transmission des signaux de télévision en mode analogique. Les licences pour la télévision en direct seront désormais émises ou renouvelées en fonction de cette date, à compter de laquelle les titulaires des services de télévision en direct seront autorisés uniquement en mode numérique.

62. Le Conseil est persuadé qu'une date définitive de fermeture va donner à l'industrie de la télévision les assurances qu'il lui faut pour accélérer la transition de l'analogique au numérique. Cela vaut pour la fermeture des installations, mais aussi pour la production de la programmation HD canadienne. La technologie est encore très nouvelle pour le secteur de la production au Canada et il est indispensable de faire progresser cet aspect de la transition.

63. Le Conseil est conscient que les téléspectateurs qui comptent uniquement sur la réception en direct seront désavantagés par la fermeture des émetteurs analogiques, en particulier dans les localités où il n'y a pas d'émetteurs numériques pour les remplacer.

64. Le Conseil note à cet égard qu'il faudra peut-être conserver quelques émetteurs analogiques en régions éloignées et dans le grand Nord. Il faudra sans doute aussi changer les fréquences, mais on en trouvera facilement sur la nouvelle bande de radiodiffusion dans ces régions éloignées où l'on ne manque pas de fréquences. Dans ces marchés on pourrait poursuivre l'exploitation des émetteurs analogiques jusqu'à ce qu'ils cessent de fonctionner, ou jusqu'à ce que les téléspectateurs les abandonnent pour d'autres technologies de distribution.

65. Pour que les Canadiens ne soient pas privés sans raison de l'accès à la télévision en direct, le Conseil sera prêt à étudier la continuation du service analogique, à titre exceptionnel, dans les régions éloignées et dans le grand Nord où aucun service numérique en direct n'est offert. De telles propositions feront l'objet d'une instance publique et le Conseil rendra une décision après consultation avec Industrie Canada.

Déploiement des installations numériques

66. Au cours de cette instance, le Conseil a étudié deux options pour acheminer la programmation numérique/HD aux Canadiens :

  1. Le modèle « hybride ». Dans les grands marchés, on remplace les installations de transmission analogique par des émetteurs numériques, soit en construisant une installation parallèle, soit en convertissant l'émetteur analogique en émetteur numérique. Dans les marchés plus petits, ce sont les EDR par câble ou par satellite qui distribuent les signaux numériques/HD.
  2. L'élimination des transmissions en direct. Les EDR assurent la distribution des services de programmation numériques/HD dans tous les marchés.

67. Alors que la SRC et CanWest penchent pour le modèle hybride, nombreux sont les télédiffuseurs à faire valoir que la construction d'un émetteur n'est plus rentable, car de moins en moins de téléspectateurs captent la télévision en direct au lieu de passer par une EDR. Par conséquent, ces télédiffuseurs proposent que la programmation numérique/HD soit distribuée par une EDR par câble ou par SRD. Ils voudraient néanmoins que leur service de programmation continue à bénéficier de la distribution prioritaire et de la substitution simultanée, même en n'assurant plus, dans ce cas, le service local en direct.

68. Confier aux EDR toute la distribution de la programmation numérique/HD représente sans doute pour les télédiffuseurs une sérieuse économie, mais le Conseil estime que, du point de vue du consommateur, il y a des avantages certains à conserver les installations de transmission en direct, notamment les suivants :

69. Le Conseil prend note que les deux exploitants de SRD, Réseau de télévision Star Choice incorporée (Star Choice) et Bell ExpressVu, sont d'avis que la distribution des signaux de télévision HD en direct sera sévèrement limitée par la capacité réduite des satellites et les coûts de distribution de ces signaux. Le Conseil sait que les câblodistributeurs et autres distributeurs par voie terrestre font face eux aussi à des coûts importants pour distribuer la programmation HD, en particulier dans les petites localités dont l'infrastructure de communications n'est pas très perfectionnée.

70. Étant donné le coût et le manque de capacité associés à ces technologies de redistribution, il est peut-être impensable d'assurer la distribution de tous les services existants en haute définition sur l'ensemble des marchés. Dans ces conditions, s'en remettre uniquement aux EDR pour assurer la distribution voudrait dire limiter l'accès du consommateur aux services de programmation locaux et régionaux.

71. De plus, le Conseil croit que les télédiffuseurs ont retenu le scénario du pire pour évaluer leur conversion au numérique, et qu'une solution plus économique consiste à conserver en bonne partie l'infrastructure actuelle de transmission. Cela est particulièrement vrai dans les grands centres où la distribution en direct rejoint un nombre encore important de téléspectateurs. Le Conseil constate que les grands télédiffuseurs ont déjà construits des émetteurs numériques en direct, ou sont à la veille de le faire, dans au moins un des grands marchés qu'ils desservent avec leurs émetteurs analogiques3.

72. Par ailleurs, le Conseil reconnaît que le coût d'expansion du service en direct aux régions rurales et éloignées a toujours été élevé, et qu'il n'y a probablement aucun intérêt financier à offrir le service numérique en direct dans ces localités, surtout que de moins en moins de téléspectateurs comptent sur la télévision en direct.

73. Un certain nombre d'intervenants pensent régler la question en suggérant ou en demandant au Conseil de ne plus exiger la distribution des services numériques en direct. Le Conseil note qu'il a établi un certain nombre de mesures réglementaires pour avantager les stations locales et régionales en direct, comme la priorité de distribution par câble, la substitution simultanée et le privilège de solliciter de la publicité locale, moyennant quoi le télédiffuseur assure le service en direct dans la localité.

74. Le Conseil a établi un cadre réglementaire semblable pour les services numériques en direct dans l'avis public 2002-31, en accordant le droit à la distribution par câble uniquement aux télédiffuseurs qui fournissent des services numériques en direct. En outre, même si la distribution des services numériques en direct reste volontaire, l'Avis précise que si le télédiffuseur n'entreprend pas d'exploiter ses fréquences numériques dans un délai raisonnable, il se pourrait qu'on les attribue à d'autres.

75. Le Conseil, tout en laissant la construction d'installations numériques en direct à la discrétion des titulaires, conservera son approche actuelle à l'égard des privilèges réglementaires, comme la priorité de distribution et la substitution simultanée, de façon à encourager l'élargissement des services numériques locaux et régionaux en direct.

76. Le Conseil reconnaît que la transition au numérique aura une incidence directe sur les téléspectateurs canadiens. Les consommateurs devront ou bien acheter des appareils numériques et l'équipement nécessaire pour capter les signaux numériques/HD, ou bien se procurer un décodeur pour convertir les signaux numérique au format analogique de leur appareil actuel. Dans un cas comme dans l'autre, ils devront adapter leur appareil sur le plan technique et dépenser de l'argent pour continuer à recevoir les services dont ils bénéficient actuellement. Pour cette raison, on met actuellement sur pied aux États-Unis un programme de subvention au consommateur destiné aux foyers qui reçoivent la télévision en direct mais n'ont pas les moyens d'acheter un appareil numérique ni d'adapter leur équipement analogique au mode numérique.

77. Le Conseil sait aussi qu'un certain nombre de téléspectateurs seront dérangés dans leurs habitudes quand on fermera les services analogiques, surtout s'il n'y a pas de services numériques en direct pour les remplacer et que le seul choix pour eux est de s'abonner au câble ou au SRD.

78. Puisque plusieurs des questions que soulève la transition au numérique ne relèvent pas de sa compétence, le Conseil a l'intention d'en référer à Industrie Canada et au ministère du Patrimoine canadien. Les consultations porteront principalement sur la fourniture des services de télédiffusion HD, en particulier dans les régions éloignées ou mal desservies, et sur l'incidence de la transition sur les consommateurs canadiens.

79. Le Conseil demandera aussi aux télédiffuseurs traditionnels de soumettre le plan de leur déploiement numérique avec leur prochaine demande de renouvellement de licence, afin que les Canadiens sachent dans quelle mesure ils auront accès à la télévision numérique en direct, et aient la chance de commenter ces plans.

80. En plus d'encourager la transition au numérique des télédiffuseurs en direct actuels, le Conseil continuera à accueillir les demandes de nouvelles venues qui désireraient construire uniquement des installations de télévision numérique en direct.

Contribution à la programmation canadienne

81. Comme mentionné plus haut, le secteur de la télévision en direct continue de jouer un rôle essentiel dans le système canadien de radiodiffusion, car c'est celui qui contribue le plus à la production et à la diffusion de la programmation canadienne. Dans l'Avis, le Conseil note les préoccupations engendrées par la politique télévisuelle de 1999 et la suppression des dépenses obligatoires au titre des émissions canadiennes, certains lui attribuant, du moins en partie, le déclin de la production d'émissions canadiennes et surtout de séries dramatiques. Le Conseil fait remarquer que ce déclin a coïncidé par ailleurs avec l'effondrement des marchés d'exportation et la popularité croissante des émissions de téléréalité.

82. Dans l'Avis, le Conseil demande quelles seraient les mesures réglementaires les plus efficaces pour garantir une contribution convenable à la production, l'acquisition et la diffusion d'émissions canadiennes, et si les titulaires de services de télévision en direct devraient être obligés d'engager des dépenses au titre des émissions canadiennes.

83. Les télédiffuseurs de langue anglaise sont opposés à l'idée de rétablir les obligations de dépenses en matière d'émissions. CanWest cite un passage de la politique télévisuelle de 1999 dans lequel le Conseil affirme que les exigences en matière de dépenses sont fort complexes et n'offrent pas toujours aux titulaires, dans un environnement de plus en plus concurrentiel, la latitude requise pour adapter leurs stratégies de programmation de manière à maximiser leurs auditoires et leurs revenus de publicité. CanWest rappelle que l'environnement est encore plus concurrentiel qu'à l'époque, avec un nombre croissant de services spécialisés, chaînes étrangères et sources non réglementées de programmation vidéo.

84. Au lieu de rétablir les dépenses obligatoires, CTV propose de créer un bonus de 200 % pour encourager la production et la diffusion de nouvelles dramatiques canadiennes, et de revoir la définition d'émission prioritaire pour englober les émissions d'intérêt général. Les télédiffuseurs en direct de langue française, Groupe TVA inc. (TVA) et TQS, sont prêts à accepter des obligations en matière de dépenses, pourvu que le Conseil élimine d'autres obligations comme celles qui ont trait aux émissions prioritaires.

85. Les associations et syndicats ouvrant dans l'industrie de la production d'émissions estiment que la suppression des dépenses obligatoires est l'une des principales raisons pour lesquelles il y a de moins en moins d'émissions prioritaires, notamment des dramatiques canadiennes, à la télévision en direct. Ces organisations prétendent que seuls le rétablissement et la mise en vigueur des obligations en matière de dépenses et de diffusion pourraient amener les télédiffuseurs canadiens à contribuer convenablement à la production et la diffusion d'émissions canadiennes.

86. Le Conseil constate qu'en dépit de la suppression des obligations en matière de dépenses depuis la politique télévisuelle de 1999, le total des dépenses engagées par les titulaires de la télévision en direct au chapitre de la programmation canadienne a légèrement augmenté tandis que ce total demeure identique en termes de pourcentage des revenus.

87. Selon les données financières du Conseil, en effet, les dépenses engagées par les télédiffuseurs en direct au titre des émissions canadiennes ont augmenté de pair avec leurs revenus, les dépenses en émissions continuant de représenter, bon an mal an depuis cinq ans, environ 25 % des revenus du côté anglais et 36 % des revenus du côté français.

88. En revanche, tandis que les dépenses engagées par les télédiffuseurs en direct de langue anglaise au titre des émissions canadiennes augmentaient de pair avec leurs revenus, elles accusaient une baisse par rapport à leur budget total de programmation. Les données du Conseil indiquent qu'entre 1999 et 2006, les dépenses des télédiffuseurs en direct de langue anglaise en émissions canadiennes sont passées de 50 % à 40 % du total des dépenses en programmation. Durant la même période, chez les télédiffuseurs en direct de langue française, on a continué de consacrer systématiquement environ 90 % du budget de programmation à des émissions canadiennes.

89. Les sommes annuelles que consacrent les télédiffuseurs en direct de langue anglaise aux dramatiques canadiennes ont baissé elles aussi, d'environ 62 millions de dollars ou 4 % des revenus en 2001, à environ 40 millions de dollars ou 2,3 % des revenus en 2006. Du côté français, les titulaires de la télévision en direct ont augmenté ces dépenses, qui sont passées de 22 millions de dollars ou 6 % des revenus en 2001 pour atteindre un sommet de 35 millions de dollars ou 8,5 % des revenus en 2003 et se stabiliser par la suite autour de 33 millions de dollars, soit environ 7 % des revenus.

90. Devant ces chiffres, le Conseil est satisfait des dépenses que les télédiffuseurs en direct de langue française consacrent à la programmation canadienne et les félicite de leur engagement et de leur contribution à la production et l'acquisition d'émissions canadiennes.

91. Bien que les télédiffuseurs en direct de langue anglaise aient conservé le même pourcentage de dépenses par rapport à leurs revenus, il y a lieu de s'inquiéter de la réduction constante des dépenses en émissions canadiennes par rapport au budget total de programmation.

92. Le Conseil persiste à penser que, dans un environnement toujours plus concurrentiel, les titulaires ont besoin d'une programmation de qualité pour fidéliser leurs auditoires et qu'ils finiront par y consacrer les sommes nécessaires. En outre, le Conseil ne croit pas sage de multiplier les obligations réglementaires au moment où le secteur de la télévision en direct fait face au défi grandissant de concurrencer de nouvelles sources souvent non réglementées de programmation audiovisuelle.

93. Néanmoins, le Conseil rappelle qu'en vertu de l'article 3(1)f) de la Loi, les entreprises de radiodiffusion sont « tenues de faire appel au maximum, et dans tous les cas au moins de manière prédominante, aux ressources créatrices et autres canadiennes pour la création et la présentation de leur programmation ». Le Conseil a donc l'intention d'aborder cet aspect de leurs dépenses en programmation avec les télédiffuseurs en direct de langue anglaise à l'occasion du renouvellement de leur licence, de manière à s'assurer qu'une part appropriée de leurs ressources financières est allouée à la production et à l'acquisition d'émissions canadiennes.

94. Le Conseil fait remarquer que le présent examen se concentre avant tout sur les aspects financiers du secteur de la télévision en direct, et que le processus de renouvellement des licences, fixé au printemps 2008 pour les grands groupes de télédiffuseurs en direct, constitue un contexte plus approprié pour aborder les questions de diffusion.

95. À ce moment-là, le Conseil a l'intention de revoir sa façon d'aborder la diffusion de la programmation canadienne de manière à donner aux titulaires de la télévision en direct suffisamment de souplesse pour manouvrer dans un environnement éminemment concurrentiel, tout en maximisant leur contribution à la programmation canadienne avec toute l'efficience possible.

Production indépendante

96. L'Avis demande si l'approche actuelle du Conseil à l'égard de la production indépendante assure que le système de radiodiffusion fasse « appel de façon notable aux producteurs canadiens indépendants », comme le prévoit la Loi. Plusieurs organisations du milieu de la création soutiennent avec enthousiasme l'approche du Conseil à l'égard de la production indépendante et en particulier le fait que le Conseil s'attende à ce que 75 % des émissions prioritaires diffusées par les grands groupes de télédiffusion soient confiées à des producteurs indépendants.

97. Tout en reconnaissant l'importance de la production indépendante pour remplir leurs obligations en matière d'émissions prioritaires, les télédiffuseurs favorisent une plus grande souplesse. TVA déclare qu'elle doit être en mesure de produire à l'interne davantage d'émissions prioritaires que ne le prévoient les lignes directrices actuelles pour atteindre ses objectifs financiers. Dans le nouvel environnement multiplateforme, les télédiffuseurs voient de plus en plus d'avantages à détenir tous les droits pour pouvoir rentabiliser le contenu audiovisuel sur plusieurs plateformes. Tandis que les télédiffuseurs expriment le désir d'avoir la mainmise sur les droits auxiliaires, le milieu de la production dénonce le fait que le pouvoir des télédiffuseurs sur le marché rende inéquitables les négociations de droits sur le contenu.

98. Les producteurs indépendants allèguent qu'on leur demande de renoncer aux droits auxiliaires sans rien offrir en échange, ou très peu. Ils suggèrent au Conseil de favoriser la rédaction de lignes directrices leur permettant de juger quelles conditions sont acceptables, un peu comme les protocoles d'industrie sur la violence et les stéréotypes sexuels par exemple. L'Association canadienne de production de film et de télévision (ACPFT) recommande aussi, afin d'assainir les négociations sur les droits entre producteurs indépendants et télédiffuseurs, d'instaurer des mécanismes semblables à ceux que le Conseil a mis sur pied pour régler les différends contractuels entre les EDR et les services de programmation.

99. Sachant que des ententes commerciales offrent la stabilité et la clarté à toutes les parties, le Conseil encourage l'avènement de ce type d'entente entre télédiffuseurs et producteurs indépendants. Par conséquent, le Conseil s'attendra à ce que les titulaires lui soumettent un projet d'entente commerciale ou une entente en bonne et due forme avec les producteurs indépendants au moment de renouveler leur licence. Le Conseil se penchera sur le rôle de la production indépendante lors du renouvellement des licences.

Stations des petits marchés

100. Dans l'Avis, le Conseil signale que, même si le secteur canadien de la télévision en direct est rentable en règle générale, les profits sont surtout concentrés dans les principaux centres urbains. L'incidence de la distribution par SRD, la concurrence exercée par les autres services de programmation et la diminution des revenus de la publicité locale font en sorte qu'il est de plus en plus difficile pour les stations des petits marchés anglophones ou francophones de desservir leur auditoire et d'investir dans la transition vers le numérique.

101. L'Avis énumère ensuite les mesures adoptées par le Conseil pour aider les stations des petits marchés à composer avec la migration du direct au SRD. Ces mesures sont notamment la distribution par SRD d'un certain nombre de stations des petits marchés et la création d'un fonds devant permettre aux titulaires SRD d'aider les stations indépendantes des petits marchés à contribuer à la programmation canadienne et plus particulièrement à honorer leurs engagements en matière de programmation locale (le Fonds de programmation pour les petits marchés). Le Conseil demande entre autres si les mesures d'aide aux stations indépendantes des petits marchés ont eu l'effet escompté, et quelles mesures permettraient de s'assurer que les stations des petits marchés contrôlées par les grands groupes de propriété continuent à respecter leurs obligations au titre de la programmation locale.

102. Les télédiffuseurs indépendants des petits marchés affirment que le Fonds de programmation pour les petits marchés est très efficace puisqu'il leur a permis de respecter, voire d'augmenter la quantité de programmation locale qu'ils sont mesure d'offrir aux communautés qu'ils desservent. Ils soutiennent que le maintien de ce fonds pour une période indéfinie est essentiel à leur rentabilité à long terme.

103. Selon CanWest, même si ses stations de petits marchés bénéficient comme elles le doivent des ressources et des économies d'échelle que leur vaut d'appartenir à un grand groupe, ce type de subventions croisées n'est ni acceptable ni viable à long terme.

104. Tel que mentionné plus haut, le Fonds de programmation pour les petits marchés fait partie d'un ensemble de mesures qui inclut les ententes négociées avec les télédiffuseurs en direct pour soustraire les exploitants de SRD aux obligations de suppression simultanée qui font partie du Règlement des EDR.

105. Bien que la condition de licence la soustrayant de ses obligations en matière de suppression de signaux identiques ait expiré le 12 août 2006, Bell ExpressVu a demandé et obtenu une extension lui permettant de bénéficier de cette condition pendant encore six mois après la date de publication du présent avis. Star Choice continue pour sa part à contribuer au Fonds de programmation pour les petits marchés conformément à sa condition de licence, même si celle-ci expirait aussi en août 2006.

106. Le Conseil estime que les télédiffuseurs indépendants jouent un rôle important en offrant des émissions locales à l'extérieur des grands marchés. Pour être en mesure d'offrir des émissions locales de haute qualité, ils doivent obtenir les ressources financières provenant d'ententes d'affiliation et de soutiens financiers raisonnables. Le Conseil est d'avis que le Fonds de programmation pour les petits marchés atteint ses objectifs en permettant aux stations indépendantes des petits marchés de fournir de la programmation locale aux communautés qu'elles desservent et qu'il devrait faire partie de l'ensemble de mesures dont la négociation est prévue entre exploitants SRD et télédiffuseurs en direct à la suite de la publication du présent avis public.

107. Au cours de cette instance, Corus Entertainment Inc. a fait valoir que ses stations de Kingston et de Peterborough devraient pouvoir bénéficier des revenus du Fonds de programmation pour les petits marchés puisque la population dans ces deux marchés est inférieure à 300 000, chiffre cité par le Conseil pour démarquer un petit marché d'un grand. Toutefois, le Conseil constate que Corus ne s'identifie pas comme télédiffuseur « indépendant » dans l'entente originale conclue entre Bell ExpressVu et l'ACR, et dont le Conseil s'est servi pour déterminer quelles stations auraient accès au fonds. Le Conseil estime que la situation n'a pas changé depuis la mise en ouvre du Fonds de programmation pour les petits marchés. Par conséquent, les stations de Corus à Kingston et à Peterborough ne seront pas admissibles à bénéficier du fonds.

108. Les télédiffuseurs indépendants, tout comme les grands groupes de radiodiffusion, affirment que la distribution par SRD de toutes les stations de petits marchés est essentielle à leur survie. Le Conseil est d'avis que le moment idéal pour discuter de cette question sera l'examen du cadre réglementaire des entreprises par SRD qui s'annonce pour bientôt.

Politique du Conseil sur les avantages

109. À l'heure actuelle, le Conseil exige de la part des requérants faisant la demande d'un transfert de propriété ou de contrôle d'une entreprise de télévision qu'ils s'engagent à verser des avantages tangibles clairs et sans équivoque équivalant à 10 % de la valeur de la transaction telle qu'approuvée par le Conseil (la politique des avantages). Dans l'Avis, le Conseil mentionne que les avantages associés aux transferts ont permis d'investir un demi-milliard de dollars dans le système de radiodiffusion depuis 1999, et qu'une bonne part de cet argent a servi à produire des émissions canadiennes. Le Conseil demande ensuite quels changements, s'il en est, on devrait apporter à la politique du Conseil en matière d'avantages.

110. La majorité des intervenants ne proposent pas de changements substantiels à la politique des avantages. Toutefois, CanWest estime qu'il faut l'éliminer comme on l'a fait pour les transferts de propriété des EDR, ou à tout le moins abaisser la contribution à 6 % de la valeur de la transaction pour s'aligner sur la politique des avantages en vigueur dans le secteur de la radio. Les télédiffuseurs indépendants des petits marchés recommandent au Conseil d'exempter de la politique des avantages les stations de télévision en direct ayant un revenu annuel inférieur à 10 millions de dollars.

111. Dans la Politique télévisuelle de 1999, le Conseil énonce ses attentes concernant l'examen des demandes de transfert de propriété ou de contrôle d'une entreprise de télévision et formule comme suit les raisons qui justifient sa politique des avantages :

Le Conseil ne sollicitant pas de demandes concurrentes, il incombe aux requérants de prouver que la demande déposée constitue la meilleure proposition dans les circonstances, et que ses avantages sont proportionnels à l'importance et à la nature de la transaction.

112. Le Conseil demeure convaincu qu'en l'absence d'un processus concurrentiel pour les transactions de propriété, le maintien d'avantages représentant 10 % de la valeur de la transaction est une bonne façon de voir à ce que la transaction serve l'intérêt public. Néanmoins, le Conseil est conscient des difficultés financières qu'éprouvent les télédiffuseurs indépendants des petits marchés. Par conséquent, le Conseil révise par la présente sa politique pour exempter de l'application du critère des avantages les stations de télévision dont le revenu annuel est inférieur à 10 millions de dollars et qui sont, ou qui pourraient être, admissibles au Fonds de programmation pour les petits marchés.

113. Plusieurs associations d'industrie, notamment la Guilde canadienne des réalisateurs, l'Alliance des artistes canadiens du cinéma, de la télévision et de la radio, l'ACPFT et Coalition of Canadian Audio-Visual Unions, demandent instamment au Conseil de réviser sa politique sur les avantages de manière à prévenir une autre situation comme celle de la transaction approuvée dans la décision 2006-309 impliquant Bell GlobeMedia Inc. (connue maintenant sous le nom de CTVglobemedia Inc.). Dans ce cas particulier, aucun avantage n'a été exigé parce que la transaction était appelée « changement » plutôt que « transfert » de contrôle.

114. Le Conseil estime que les circonstances entourant la transaction de Bell Globemedia Inc. étaient tout à fait uniques et qu'il est peu probable que la situation se répète. Le Conseil n'est pas d'avis que cette décision constitue un précédent. Il ne voit donc aucune raison de changer la politique des avantages. Le Conseil ajoute que, dans la décision 2006-309, il prend note des préoccupations des parties concernant les transactions en plusieurs étapes et se réserve le droit, le cas échéant, de réviser à l'avenir la séquence complète des transactions, y compris les étapes antérieures, et non uniquement l'étape finale, avant de déterminer la pertinence du bloc des avantages proposés.

115. Quelques intervenants, nommément British Columbia Institute of Technology, la Fondation du musée canadien de la Radiodiffusion, Canadian Media Research Foundation Consortium et Shaw Rocket Fund, réclament une reconnaissance explicite du Conseil et, pour certains, le droit à un pourcentage minimal établi des contributions à l'appui de leurs activités respectives.

116. Concernant les projets qui impliquent des dépenses en recherche et en immobilisations, le Conseil rappelle que ce type de proposition est déjà admissible à bénéficier des avantages, pourvu de remplir les conditions énoncées dans l'avis public 1993-68.

117. Après avoir examiné les différentes demandes inscrites au dossier public en matière d'avantages, le Conseil est convaincu que les critères d'admissibilité pour les projets, tels qu'énoncés dans l'avis public 1993-68, demeurent appropriés. Le Conseil rappelle toutefois qu'il fera un nouvel examen de la politique des avantages dans le contexte de l'Audience sur la diversité des voix, annoncée dans l'avis d'audience publique de radiodiffusion 2007-5, 13 avril 2007.

Conclusion

118. Le Conseil croit que les mesures annoncées aujourd'hui vont permettre au secteur de la télévision en direct de répondre aux objectifs énoncés dans la Loi, tout en évoluant de manière efficace dans l'environnement en pleine évolution et toujours plus concurrentiel qu'est celui des communications.

119. Le Conseil croit aussi que ces mesures vont aider les télédiffuseurs en direct à préparer leurs demandes de renouvellement de licence de manière à proposer les plus importantes contributions envisageables pour appuyer la programmation canadienne au cours de la prochaine période d'application de leur licence.

Secrétaire général

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Notes de bas de page

[1] La politique télévisuelle au Canada - Misons sur nos succès, avis public CRTC 1999-97, 11 juin 1999.

[2] Bell ExpressVu Inc. (l'associé commandité), et BCE Inc. et 4119649 Canada Inc. (associés dans la société en nom collectif appelée Holdings BCE s.e.n.c., qui est l'associé commanditaire), faisant affaires sous le nom de Bell ExpressVu Limited Partnership

[3] Toronto, Hamilton, Ottawa, Vancouver, Montréal ou Québec.

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