Décision de télécom CRTC 2007-36
Ottawa, le 25 mai 2007
Suivi de la décision 2006-75 - Proposition de subdivision des échelles tarifaires
Référence : 8661-C12-200606965
Dans la présente décision, le Conseil rejette une proposition de Bell Canada, de NorthernTel, Limited Partnership et de Télébec, Société en commandite visant à mettre en ouvre une échelle tarifaire publique à l'intérieur d'une échelle tarifaire confidentielle plus vaste.
Le Conseil conclut que, lorsqu'une entreprise de services locaux titulaire (ESLT) propose de subdiviser le tarif facturé d'un service pour lequel la subdivision est autorisée, l'ESLT peut lui demander d'approuver une échelle tarifaire dans laquelle le tarif maximal ou le tarif minimal, ou les deux, sont précisés dans le tarif et rendus publics.
L'opinion minoritaire du conseiller Langford est jointe à la présente.
Introduction
1. Dans l'avis Échelles tarifaires applicables aux services autres que les services de communication vocale sur protocole Internet, Avis public de télécom CRTC 2006-8, 9 juin 2006 (l'avis 2006-8), le Conseil a amorcé une instance sur l'établissement de lignes directrices qui régiraient la façon de traiter les demandes visant l'approbation d'échelles tarifaires s'appliquant à des services autres qu'aux services de communication vocale sur protocole Internet.
2. Au cours de l'instance amorcée par l'avis 2006-8, Bell Canada, NorthernTel, Limited Partnership et Télébec, Société en commandite (anciennement la Société en commandite Télébec) (collectivement les Compagnies) ont proposé notamment le concept d' « échelle à l'intérieur d'une échelle » dans le cadre de leur modèle d'échelle tarifaire. Ce concept consistait en une échelle tarifaire publique à l'intérieur d'une échelle tarifaire confidentielle plus vaste.
3. Dans la décision Échelles tarifaires applicables aux services autres que les services de communication vocale sur protocole Internet, Décision de télécom CRTC 2006-75, 23 novembre 2006 (la décision 2006-75), le Conseil a approuvé l'utilisation d'échelles tarifaires avec les limites des échelles confidentielles et à un prix public établi, et il a autorisé les entreprises de services locaux titulaires(ESLT) à modifier à tout moment le tarif public réellement facturé à l'intérieur d'une échelle tarifaire confidentielle approuvée en publiant une page de tarif révisée sans qu'il faille demander son approbation.
4. Dans la décision 2006-75, le Conseil a également fait remarquer les liens entre la proposition des Compagnies relative à la subdivision des échelles tarifaires et la question d'une subdivision accrue des tarifs abordée dans l'instance relative à l'avis Examen du cadre de plafonnement des prix, Avis public de télécom CRTC 2006-5, 9 mai 2006 (l'avis 2006-5). Par conséquent, le Conseil a décidé d'attendre de rendre sa décision sur la subdivision des tarifs qui découlera de l'instance amorcée par l'avis 2006-5 avant de se prononcer sur la proposition relative à la subdivision des échelles tarifaires.
5. Dans la décision Cadre de plafonnement des prix applicable aux grandes entreprises de services locaux titulaires, Décision de télécom CRTC 2007-27, 30 avril 2007 (la décision 2007-27), le Conseil a éliminé l'interdiction de subdiviser davantage les tarifs des services de résidence, y compris les services locaux de résidence optionnels. Les ESLT peuvent donc facturer des tarifs différents pour le même service à des abonnés différents dans la même circonscription. Le Conseil a précisé que ces tarifs différents seraient assujettis à un tarif minimal devant respecter le test d'imputation et à un tarif maximal devant respecter la restriction applicable dans le cadre du régime de plafonnement des prix.
6. Les parties suivantes ont formulé des observations sur la proposition de subdivision des échelles tarifaires des Compagnies au cours de l'instance relative à l'avis 2006-8 : Bell Aliant Communications régionales, société en commandite (Bell Aliant), MTS Allstream Inc. (MTS Allstream), Saskatchewan Telecommunications (SaskTel), Cogeco Cable Inc., Quebecor Média inc., Rogers Communications Inc. et Shaw Communications Inc. (collectivement les Concurrents) et le Centre pour la défense de l'intérêt public, au nom des Groupes de défense des consommateurs (les Groupes de défense des consommateurs). Le dossier de l'avis 2006-8 a été fermé le 28 juillet 2006.
Proposition des Compagnies visant la subdivision des échelles tarifaires
7. Au cours de l'instance relative à l'avis 2006-8, les Compagnies ont proposé que, pour un élément tarifaire donné, il y aurait une échelle tarifaire absolue assortie de tarifs confidentiels minimal et maximal. Elles ont également proposé une échelle tarifaire publique restreinte, à l'intérieur de cette échelle tarifaire confidentielle, selon laquelle le service serait tarifé au public. Les Compagnies ont fait valoir que le tarif minimal de l'échelle tarifaire absolue devrait satisfaire au test d'imputation et que le tarif maximal devrait respecter les restrictions au niveau de la limite maximale de l'élément tarifaire imposées par le régime de plafonnement des prix.
8. Les Compagnies ont également proposé de pouvoir établir le prix du service en utilisant tout tarif à l'intérieur de l'échelle tarifaire publique restreinte et de modifier la valeur du tarif maximal ou du tarif minimal de cette échelle tarifaire à tout moment sans avoir à demander l'approbation du Conseil, simplement en publiant une page de tarif révisée. Elles ont également proposé que le tarif réellement facturé en tout temps, à un abonné, ne soit connu ni du public ni des Concurrents.
9. Les Compagnies ont fait valoir que cette méthode de subdivision d'une échelle tarifaire accroîtrait les avantages concurrentiels et réglementaires des échelles tarifaires et permettrait de se fier le plus possible au libre jeu du marché et de limiter autant que possible les mesures réglementaires intrusives. Elles ont également fait valoir que la proposition de subdivision d'une échelle tarifaire donnerait une plus grande souplesse en matière de tarification dans le contexte des garanties réglementaires actuelles et simplifierait davantage le processus de dépôt en évitant d'avoir à faire plusieurs dépôts pour la facturation de tarifs à l'intérieur d'une échelle absolue.
10. Bell Aliant et SaskTel ont appuyé la proposition de subdivision des échelles tarifaires des Compagnies.
11. MTS Allstream, les Concurrents et les Groupes de défense des consommateurs se sont opposés à la proposition. Ils ont dit craindre que son objet consiste à procéder à une nouvelle subdivision des tarifs ou à quelque autre comportement anticoncurrentiel, qu'elle conduise à une discrimination de prix entre les clients et que le Conseil ait de la difficulté à faire en sorte que les services réglementés continuent de satisfaire aux règles de tarification et aux garanties actuelles.
Analyse et conclusions du Conseil
12. Après que le dossier de l'instance relative à l'avis 2006-8 ait été fermé, la gouverneure en conseil a publié le Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en oeuvre de la politique canadienne de télécommunication, C.P. 2006-1534 (les instructions), dans lesquelles elle a ordonné notamment au Conseil de :
- prendre, lorsqu'il a recours à la réglementation, des mesures qui sont efficaces et proportionnelles aux buts visés et qui ne font obstacle au libre jeu d'un marché concurrentiel que dans la mesure minimale nécessaire pour atteindre les objectifs de cette politique;
- prendre, lorsqu'il a recours à la réglementation, des mesures qui, lorsqu'elles sont de nature économique, ne découragent pas un accès au marché propice à la concurrence et efficace économiquement ni n'encouragent un accès au marché inefficace économiquement;
- utiliser les mécanismes d'approbation tarifaires les moins intrusifs et les moins onéreux possible.
13. Les instructions sont entrées en vigueur le 14 décembre 2006. Bien que les instructions ne s'appliquent pas à la présente instance1, le Conseil a tenu compte de leur esprit pour rendre ses conclusions dans la présente décision.
14. L'article 25 de la Loi sur les télécommunications (la Loi) stipule que :
25(1) L'entreprise canadienne doit fournir les services de télécommunication en conformité avec la tarification déposée auprès du Conseil et approuvée par celui-ci fixant - notamment sous forme de maximum, de minimum ou des deux - les tarifs à imposer ou à percevoir.
25(3) La tarification est déposée puis publiée ou autrement rendue accessible au public, selon les modalités de forme et autres fixées par le Conseil; celui-ci peut par ailleurs préciser les renseignements devant y figurer.
15. Comme il est indiqué dans la décision 2006-75, le Conseil estime que les échelles tarifaires assureraient une plus grande souplesse de tarification aux ESLT et allégeraient également le fardeau réglementaire des ESLT et du Conseil puisque les demandes tarifaires seraient moins nombreuses et moins compliquées.
16. Le Conseil estime que l'exigence énoncée dans la décision 2006-75 voulant que les ESLT publient une page de tarif révisée contenant le tarif public réellement facturé serait un moyen onéreux et inefficace de mettre en oeuvre une subdivision des tarifs comme le permet la décision 2007-27, car chaque prix établi nécessiterait une page de tarif différente.
17. Le Conseil fait remarquer que la proposition de subdivision des échelles tarifaires des Compagnies permettrait aux ESLT de subdiviser le tarif d'un service donné, car elles pourraient facturer à chaque abonné n'importe quel prix pour ce service à l'intérieur d'une échelle publique, en tout temps, sans l'approbation du Conseil.
18. Le Conseil fait également remarquer que, selon la proposition de subdivision des échelles tarifaires des Compagnies, les ESLT pourraient facturer à un client, en tout temps, n'importe quel prix à l'intérieur de l'échelle tarifaire confidentielle plus vaste approuvée sans avoir à obtenir l'approbation du Conseil simplement en publiant une page de tarif révisée pour modifier l'échelle publique restreinte. Par conséquent, les limites de l'échelle publique restreinte ne représenteraient pas le véritable tarif maximal absolu ou le véritable tarif minimal absolu susceptible d'être facturé aux clients.
19. Le Conseil estime que l'un des aspects fondamentaux des tarifs à facturer aux clients est que l'information sur le tarif du service de télécommunication soit précisée dans le tarif et rendue publique. Le Conseil estime également qu'au moins une des données suivantes associées au tarif stipulé au paragraphe 25(1) de la Loi doit être ainsi précisée : le tarif, le tarif maximal de l'échelle, le tarif minimal de l'échelle ou les tarifs maximal et minimal de l'échelle.
20. Le Conseil conclut donc que la subdivision des échelles tarifaires que les Compagnies ont proposée ne serait pas conforme aux exigences du paragraphe 25(1) de la Loi puisque le tarif maximal ou le tarif minimal approuvé, ou le tarif réellement facturé, ne serait pas rendu public.
21. Toutefois, le Conseil estime qu'il existe une autre approche qui irait dans le sens des objectifs mentionnés plus haut de la décision 2006-75 et de l'article 25 de la Loi et qui offrirait une certaine souplesse en matière de tarification, comme celle associée à la proposition des Compagnies, afin de mettre en oeuvre la subdivision des tarifs applicables à un service conformément à la décision 2007-27. Le Conseil juge qu'il conviendrait que les ESLT proposent des échelles tarifaires pour les services pour lesquels la subdivision des tarifs est autorisée, à condition que l'un des aspects suivants soit précisé dans le tarif et rendu public :
- le tarif maximal à facturer;
- le tarif minimal à facturer;
- le tarif maximal et le tarif minimal à facturer.
22. Le Conseil fait remarquer que le tarif maximal devrait satisfaire à la restriction au niveau de l'élément tarifaire applicable et à la restriction au niveau de l'indice de l'ensemble des services du régime de plafonnement des prix établi dans la décision 2007-27, et que le tarif minimal devrait satisfaire au test d'imputation2. Lorsque l'ESLT ne rend public que le tarif maximal ou le tarif minimal, l'autre limite de l'échelle pourrait demeurer confidentielle. Lorsque la subdivision des tarifs est autorisée et que le Conseil a approuvé une échelle tarifaire, l'ESLT serait autorisée à facturer à chaque client n'importe quel tarif à l'intérieur de l'échelle approuvée.
23. Le Conseil estime que cette approche est également conforme aux instructions puisqu'elle fait appel à un mécanisme d'approbation des tarifs qui est le moins intrusif et le moins onéreux possible.
Conclusion
24. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil rejette la proposition de subdivision des échelles tarifaires des Compagnies. Le Conseil conclut que, lorsqu'une ESLT propose de subdiviser le tarif facturé d'un service pour lequel la subdivision des tarifs est autorisée, l'ESLT peut demander que le Conseil approuve une échelle tarifaire dans laquelle le tarif maximal ou le tarif minimal, ou les deux, sont précisés dans le tarif et rendus publics, sous réserve des considérations ci-dessus sur les restrictions concernant le tarif maximal et le tarif minimal. Le Conseil fait remarquer que le régime des échelles tarifaires énoncé dans la décision 2006-75 continue de s'appliquer aux services pour lesquels la subdivision des tarifs n'est pas autorisée.
25. L'opinion minoritaire du conseiller Langford est jointe à la présente.
Secrétaire général
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Notes de bas de page
[1] Conformément au paragraphe 11(2) de la Loi sur les télécommunications (la Loi), les instructions peuvent s'appliquer aux affaires en instance devant le Conseil. Cependant, conformément au paragraphe 11(3) de la Loi, une instruction ne s'applique pas à une affaire en instance devant le Conseil si les mémoires définitifs sont déposés au cours de l'année précédant l'entrée en vigueur des instructions.
[2] En ce qui concerne le service local de base de résidence, le tarif minimal dans les zones de desserte à coût élevé ne serait généralement pas inférieur au tarif réellement facturé, car le tarif de ce service est en règle générale inférieur aux coûts. Le tarif maximal du service local de base de résidence dans les zones autres que les zones de desserte à coût élevé ne serait pas supérieur au tarif réellement facturé, car le tarif de ce service est plafonné au niveau tarifaire actuel.
Opinion minoritaire du conseiller Stuart Langford
Je dénonce la décision de la majorité dans ce dossier. Pourquoi? Parce qu'elle donne aux géants de la téléphonie encore plus de pouvoir pour manipuler les prix de détail et empêcher les concurrents de pénétrer leurs marchés. Pour ce qui est de l'efficacité en matière de réglementation, cette décision majoritaire risque de causer plus de tort que de bien.
Un nouveau monde
Le processus qui a mené à la décision majoritaire dévoilée aujourd'hui remonte à un an, presque jour pour jour. Le contexte de la réglementation des télécoms était alors bien différent de ce qu'il est aujourd'hui. En effet, deux initiatives fédérales et une décision du Conseil ont tellement modifié le contexte de réglementation qu'il est désormais méconnaissable.
Le 14 décembre 2006, les instructions de la gouverneure générale ordonnant au Conseil de se fier au libre jeu du marché plutôt que de recourir à la réglementation, dans la plus grande mesure du possible, ont pris effet (voir le paragraphe 12 de la décision majoritaire). Ces instructions, bien qu'elles ne s'appliquent pas à certaines instances amorcées avant le 14 décembre 2006, ont largement influé sur la façon de penser du Conseil. Voir le paragraphe 13 de la décision majoritaire.
Le 4 avril 2007, le gouvernement a pris un décret instaurant un critère simple, fondé sur la présence concurrentielle, que le Conseil doit appliquer lorsqu'il établit si certains marchés sont prêts à être déréglementés. Les commentateurs avisés s'attendent donc qu'à pareille date l'an prochain, entre 60 % et 65 % des consommateurs canadiens pourront compter sur la concurrence plutôt que sur une surveillance réglementaire pour être assurés d'une protection en matière de prix lorsqu'ils achèteront des services téléphoniques.
Le 30 avril 2007, dans la Décision de télécom CRTC 2007-27, le Conseil a instauré un nouveau régime de plafonnement des prix (troisième régime de plafonnement des prix) qui s'applique aux régions du pays où les forces de la concurrence sont trop faibles pour protéger les consommateurs. Comme je l'ai déjà exprimé dans cette opinion minoritaire, il est peu probable que le troisième régime de plafonnement des prix permette de protéger les clients vulnérables ou de stimuler l'implantation de la concurrence. Au lieu de corriger les lacunes inhérentes au troisième régime de plafonnement des prix, la décision majoritaire d'aujourd'hui risque plutôt de les amplifier.
Encore plus de pouvoir aux colosses
La décision majoritaire d'aujourd'hui vient conférer aux grandes compagnies de téléphone titulaires encore plus de pouvoir pour qu'elles maximisent leurs profits dans les secteurs où la concurrence ne suffit pas, à elle seule, à dicter les prix. Aux termes de la décision sur le troisième régime de plafonnement des prix, les compagnies de téléphone titulaires ont reçu le feu vert pour augmenter à leur guise les prix des services optionnels et les forfaits incluant des services optionnels et le service local de base. Elles ont même obtenu l'autorisation de subdiviser les tarifs à l'intérieur des échelles, c'est-à-dire qu'elles ont carte blanche pour fixer différents prix à différents clients dans une même zone de desserte. À ces mêmes compagnies, la décision majoritaire d'aujourd'hui a accordé une autre marge de manouvre, celle de pouvoir négocier avec les consommateurs sans avoir à dévoiler entièrement les limites tarifaires prescrites.
Devant ce renforcement de pouvoirs, certains clients d'une zone rurale donnée se trouveront à subventionner d'autres clients de la même zone de desserte alors que les compagnies de téléphone fortifieront leur défense pour contrer l'entrée des concurrents. Les compagnies de téléphone titulaires pourront faire des offres uniques et spéciales, à bas prix ou truffées de services optionnels aux clients qu'elles craignent de perdre au profit d'un concurrent, tel que Vonage ou Primus. Parallèlement, les compagnies de téléphone titulaires pourront maintenir leurs revenus en imposant des prix plus élevés aux clients fidèles, et ce, sans avoir à obtenir une autorisation quelconque du Conseil.
Grâce aux pouvoirs que les compagnies de téléphone titulaires se sont vu conférer aujourd'hui en matière d'échelles tarifaires, en plus des pouvoirs que le troisième régime de plafonnement des prix prévoit pour ces mêmes compagnies en matière de tarification, ces compagnies pourront, à la grandeur du pays, soutirer des revenus maximaux des clients captifs, compensant donc partiellement l'impact financier des guerres des prix auxquelles elles doivent se livrer pour garder leurs clients dans les régions déréglementées, où la concurrence fondée sur les installations existe.
Le paradoxe de la tarification
Par le passé, le Conseil exigeait que les clients des milieux urbains subventionnent les clients des régions rurales éloignées, là où les coûts de fourniture du service sont élevés. Mais avec le troisième régime de plafonnement des prix et la présente décision, c'est bien le contraire qui risque de se produire. À partir de maintenant, je crois bien que les clients ruraux n'ayant accès qu'à un seul fournisseur de services doté d'installations auront l'impression d'assumer une partie des bas prix dont bénéficient les clients des grandes régions métropolitaines où la concurrence est forte.
Le concept du client rural captif payant plus cher pour compenser les prix inférieurs offerts au client urbain est non seulement injuste et déraisonnable pour le client en tant que tel, mais il semble aller à l'encontre des instructions que le gouvernement a données au Conseil en 2006. D'après la majorité, les instructions ordonnent au Conseil, « lorsqu'il a recours à la réglementation, [de] prendre des mesures qui [.] ne découragent pas un accès au marché propice à la concurrence et efficace économiquement [.] » (voir le point 2, paragraphe 12, de la décision de la majorité).
Dans les régions où les compagnies de téléphone titulaires détiennent un statut de monopole ou de quasi-monopole, utiliser les échelles tarifaires et les subdiviser ne sert qu'à deux choses pour ces compagnies : maximiser leurs profits et « décourager [autrement] un accès au marché propice à la concurrence et efficace économiquement ». Aucun entrepreneur sensé n'injecterait les millions de dollars qu'il faut pour lancer une compagnie de téléphone dotée de ses propres installations dans les régions rurales du Canada alors que la compagnie titulaire, forte de pouvoirs en matière d'établissement de prix, tels que le droit d'établir des échelles tarifaires et de les subdiviser, l'attend patiemment, prête à l'anéantir avant même qu'il n'ait la chance de s'implanter suffisamment pour survivre et prospérer.
J'estime que la majorité a, paradoxalement, dans son empressement à adopter une interprétation simpliste de l'esprit des instructions (voir le paragraphe 13 de la décision), réussi à faire exactement le contraire. Pour les clients des régions où la concurrence n'existe pas, les échelles tarifaires ne constituent qu'un pas de plus vers le précipice créé par la décision de la majorité dans le troisième régime de plafonnement des prix, précipice dans lequel s'échouera le mirage de l'entrée en concurrence dans les régions rurales du Canada. Voilà pourquoi il m'est impossible d'approuver cette décision.
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