ARCHIVÉ - Décision CRTC 2000-72

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Décision CRTC 2000-72

Ottawa, le 1 mars 2000
L'Office de la télécommunication éducative de l'Ontario (TVOntario)
Toronto (Ontario) - 199902185
Demande traitée par
l'avis public CRTC 1999-173
du 22 octobre 1999

Sommaire

Le Conseil refuse, par vote majoritaire, la demande de l'Office de la télécommunication éducative de l'Ontario (TVOntario) relative à la distribution au Québec, de son service de télévision éducative de langue française, TFO. La requérante avait demandé au Conseil d'obliger toutes les entreprises de distribution par câble et les SDM de classe 1 desservant le Québec, à distribuer TFO sur un volet analogique facultatif. Ce service aurait été facturé à l'abonné.
Il s'agissait, dans cette instance, de déterminer si le Conseil devait obliger les entreprises de distribution, en vertu de l'article 9(1)h) de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi), à distribuer TFO au Québec, contre une majoration des abonnements. Le Conseil est d'avis qu'il n'y a pas lieu d'approuver la demande de TFO. Il estime que les téléspectateurs du Québec, qui reçoivent déjà le service éducatif de Télé-Québec, ne devraient pas avoir à débourser pour un second service éducatif provenant d'une autre province. Cette demande suscite aussi quelques préoccupations relatives à la juste concurrence entre services.
Le Conseil reconnaît que de nombreuses interventions se sont avérées particulièrement élogieuses à l'égard de la programmation de TFO. Puisque TFO figure sur les listes des services par satellite admissibles du Conseil, les entreprises de distribution par câble du Québec et d'ailleurs au Canada peuvent distribuer TFO à titre facultatif, sans avoir à en demander la permission au Conseil. Ce dernier tient à souligner que les signaux des services par satellite de radiodiffusion directe (SRD) d'ExpressVu et de Star Choice qui desservent le Québec contiennent déjà le signal de TFO. De plus, le système de distribution multipoint (SDM) de Look Communications inc. qui dessert certaines régions du Québec est également autorisé à distribuer TFO à titre facultatif. Les Québécois peuvent donc avoir accès à TFO en s'abonnant à un distributeur qui offre ce service.

La requérante

1.

L'Office de la télécommunication éducative de l'Ontario (TVOntario) est le télédiffuseur éducatif nommé par le gouvernement de l'Ontario en vertu des Instructions au CRTC (Inadmissibilité aux licences de radiodiffusion). Il fournit un service de télévision en français, connu sous le nom de TFO, et un service en anglais.

2.

Le gouvernement de l'Ontario assure la majeure partie du financement de TVOntario, qui génère aussi ses propres revenus par la vente d'émissions, la cotisation des membres, les souscriptions d'entreprises à des productions et la location de canaux de télédiffusion par satellite.

3.

En Ontario, les entreprises de distribution de classe 1 et 2 distribuent TFO au service de base, conformément au Règlement sur la distribution de radiodiffusion (le Règlement).

La demande

4.

TVOntario demandait que le Conseil impose aux entreprises de distribution de radiodiffusion de classe 1 du Québec, l'obligation de distribuer TFO. Le service serait distribué sur un volet analogique facultatif.

5.

De plus, la requérante comptait percevoir un paiement, facturéaux abonnés des entreprises tenues de distribuer TFO au Québec. Les prévisions financières de TVOntario faisaient état d'un tarif de gros mensuel pour la distribution de TFO de 0,24 $ l'abonné pour les entreprises de Vidéotron, et de 0,26 $ l'abonné pour les entreprises de Cogeco. Une majoration tarifaire serait donc imposée aux abonnés au volet analogique facultatif en question.

6.

Pour justifier sa demande, TVOntario a déclaré que les recettes de la distribution obligatoire de TFO au Québec compenseraient l'augmentation des coûts d'acquisition des droits de diffusion nationaux. La requérante a en effet précisé que depuis l'apparition de la distribution par SRD en 1996 et en 1997, et l'arrivée de nouveaux services de programmation spécialisée, les services de langue française achètent les droits nationaux pour leurs émissions. Cette pratique a engendré une augmentation du coût d'acquisition des émissions, pour TFO.

7.

TVOntario a aussi soutenu que les francophones du Québec devraient avoir accès au plus grand nombre possible de services de télévision de langue française. Elle a souligné que TFO est le seul service de langue française que les entreprises de distribution de classe 1 du Québec ne sont pas obligées de distribuer pour se conformer aux règles du Conseil en matière d'accès.

8.

De plus, la requérante a fait remarquer que la grille horaire de TFO se compose surtout d'émissions éducatives et culturelles, dont un grand nombre s'adresse aux enfants. Elle estime qu'une large distribution de TFO au Québec augmenterait le choix et la diversité de la programmation offerte aux téléspectateurs.

9.

La requérante a aussi précisé que la distribution de TFO assurerait une plus grande diffusion des idées et activités culturelles des francophones de l'Ontario auprès de ceux du Québec, contribuant ainsi à une meilleure compréhension entre les deux communautés.

Interventions

10.

La démarche de TVOntario a suscité de nombreuses réactions. Le Conseil a noté que 58% des 1 563 interventions favorables à la demande provenaient du Québec, mais que moins de 1 % ont abordé la question du prix facturé aux abonnées. Douze intervenants se sont opposés à la demande.

11.

Le principal élément invoqué en faveur de la demande se rapportait généralement à l'excellence de la programmation de TFO. On a souligné l'absence de publicité et la haute qualité de ses émissions éducatives, culturelles et pour enfants. Selon les intervenants, la diffusion de ces émissions et des longs métrages présentés par TFO accroîtrait la diversité et la qualité de la programmation offerte au Québec. Certains ont souligné aussi qu'une large distribution de TFO permettrait aux Québécois de recevoir des émissions issues d'une autre culture francophone du Canada.

12.

Les opposants à la demande de TVOntario, regroupaient notamment des associations représentant les industries de la télédiffusion, de la câblodistribution, des services spécialisés et de la production, ainsi qu'Action Réseau Consommateur, un organisme de consommateurs. Les objections des intervenants visaient, en particulier, la proposition de la requérante visant àfaire payer les abonnés qui recevraient TFO. Cinq d'entre eux ont souligné qu'ils appuieraient la distribution de TFO au Québec si elle était offerte gratuitement, et selon une entente ne constituant pas un traitement de faveur, par rapport à d'autres services de programmation.

13.

L'une des préoccupations soulevées par la proposition de TFO touchait le maintien du service par câble, à un coût abordable. Action Réseau Consommateur a rappelé qu'un fort pourcentage de la population n'a qu'une capacité limitée de payer pour des services de télévision. En dépit de cela, pour bon nombre de personnes à faible revenu, qui ne peuvent recevoir une gamme de services de télévision en direct, l'abonnement au câble demeure leur unique source de divertissement. L'organisme estime donc que le Conseil ne devrait pas adopter de mesures qui augmenteraient le tarif des abonnements.

14.

Certains intervenants ont fait valoir que la demande de TVOntario modifierait profondément la nature du service de TFO, le faisant passer de service éducatif à service spécialisé. Selon eux, pareil changement ne devrait être autorisé que dans le cadre d'un processus concurrentiel où TFO serait tenue de respecter les mêmes engagements que les services spécialisés. Ils ont ajouté que, dans un système de distribution obligatoire et payante, TFO serait injustement avantagée par rapport à d'autres services spécialisés, compte tenu de son financement direct par le gouvernement de l'Ontario.

15.

Selon plusieurs intervenants, l'approbation de la demande créerait une discrimination contre les autres télédiffuseurs éducatifs du Canada, puisqu'aucun d'eux n'a la garantie d'être distribué hors de sa province d'origine.

16.

Pour d'autres intervenants, l'utilisation de l'article 9(1)h) de la Loi dans les présentes circonstances s'avère un sujet d'inquiétude. Ils ont souligné que le Conseil n'y a eu recours auparavant qu'à deux reprises : d'abord pour faciliter la distribution nationale du réseau TVA, puis du Réseau de télévision des peuples autochtones (RTPA).

La décision du Conseil

17.

Il s'agit dans cette instance de déterminer si le Conseil doit obliger les entreprises de distribution, en vertu de l'article 9(1)h) de la Loi, à distribuer TFO au Québec, moyennant un coût supplémentaire pour les abonnés.

18.

Le Conseil tient à souligner que de nombreux intervenants ont fait l'éloge de l'excellente programmation de TFO. Il reconnaît que ses émissions éducatives et culturelles, de même que sa vaste programmation pour enfants contribuent à accroître la qualité et la diversité des émissions de télévision de langue française au Canada.

19.

Toutefois, après un examen minutieux des opinions des parties et des objectifs de la politique énoncés dans la Loi, le Conseil est majoritairement d'avis qu'il n'est pas dans l'intérêt public d'aquiescer à la demande. Ainsi qu'il est indiqué dans la décision CRTC 97-573 approuvant, à titre exceptionnel, une demande de TFO en vue de faire payer la distribution de son service au Nouveau-Brunswick, « le Conseil n'a pas pour politique d'autoriser des tarifs de gros pour la distribution au service de base ou des tarifs pour la distribution au volet facultatif de services de radiodiffusion conventionnels et de services éducatifs provinciaux ».

20.

Le Conseil note que TFO est un télédiffuseur éducatif qui diffuse en direct à partir de l'Ontario. Or, en vertu de l'article 17(1)b) du Règlement, les entreprises de distribution par câble du Québec ne sont pas tenues de distribuer TFO à titre de signal prioritaire, pour la raison suivante : il ne s'agit pas d'un service de programmation de télévision éducative dont l'exploitation relève d'une autorité éducative, nommée par la province où est située la zone de desserte autorisée de ces entreprises.

21.

En outre, le Conseil estime qu'il ne serait pas approprié d'obliger les abonnés du Québec à payer pour un service de télédiffusion de langue française exploité par le télédiffuseur éducatif de l'Ontario. En effet, par leurs impôts, ils paient déjà pour Télé-Québec, le télédiffuseur éducatif du Québec. L'abordabilité du service de câblodistribution et du service par SDM constitue une préoccupation constante du Conseil.

22.

Le Conseil craint par ailleurs, qu'en approuvant la distribution obligatoire de TFO et la majoration des tarifs d'abonnement au Québec, il lui accorde un avantage concurrentiel par rapport au service de télédiffusion éducative du Québec. TFO profiterait alors des recettes provenant des abonnés d'entreprises de distribution, tout en étant financée par le gouvernement de l'Ontario. Par contre, le télédiffuseur éducatif du Québec ne pourrait compter que sur deux sources principales de financement : les fonds publics et les recettes publicitaires.

23.

Comme il a été mentionné, TFO est actuellement distribuée au Nouveau-Brunswick par Fundy Cable Ltd./ltée (Fundy). Dans la décision CRTC 97-573, le Conseil a autorisé TVOntario à percevoir 0,13 $ par abonné par mois, auprès des entreprises de Fundy qui distribuent TFO au service de base, au Nouveau-Brunswick. Ce tarif a été autorisé afin de permettre à TVOntario de recouvrer ses frais afférents aux droits de licences pour la région de l'Atlantique et aux droits d'auteurs sur les productions de TFO.

24.

Le Conseil note cependant que la distribution de TFO au Nouveau-Brunswick s'est réalisée dans des circonstances particulières qui ne commandaient pas d'ordonnance de distribution obligatoire en vertu de l'article 9(1)h) de la Loi. Le Nouveau-Brunswick n'a pas de télédiffuseur éducatif provincial, alors que le Québec est desservi par Télé-Québec. Le Conseil souligne que dans le cas du Nouveau-Brunswick, le gouvernement provincial et le principal distributeur terrestre ont appuyé la distribution de TFO au tarif mensuel de gros de 0,13 $ par abonné.

25.

Toutefois, le Conseil appuie la distribution de TFO, au Québec et dans le reste du Canada, sur une base non obligatoire. Il note que TFO est inscrite sur les listes des services par satellite admissibles en vertu de la partie 2 et de la partie 3 qui se trouvent dans l'avis public CRTC 2000-7. Les entreprises de distribution par câble de classe 1 et 2 du Québec et d'ailleurs au Canada peuvent donc distribuer TFO à titre facultatif, sans avoir à en demander la permission au Conseil. Les entreprises de distribution par câble de classe 3 de l'extérieur de l'Ontario peuvent distribuer TFO au service de base ou à titre facultatif, pourvu que TFO ne s'y objecte pas.

26.

Le Conseil fait remarquer que les signaux des services par SRD d'ExpressVu et de Star Choice qui desservent le Québec contiennent déjà le signal de TFO. Le SDM de Look Communications inc. qui dessert certaines régions du Québec est également autorisé à distribuer TFO à titre facultatif. Les Québécois peuvent donc avoir accès à TFO en s'abonnant à un distributeur qui offre ce service.

27.

En conclusion, le Conseil refuse la demande par vote majoritaire.
Document connexe du CRTC :

. Décision CRTC 97-573 : Distribution de TFO par Fundy Cable Ltd/ltée

Secrétaire général
La présente décision est disponible, sur demande, en média substitut et peut également être consultée sur le site Internet suivant :  http://www.crtc.gc.cattp://www.crtc.gc.ca

Opinion minoritaire du conseiller Stuart Langford

Je suis en désaccord avec la décision majoritaire dans cette affaire. Le refus de la demande en instance ne sert pas l'intérêt public et ne respecte pas l'esprit et la lettre manifestes de la politique canadienne de radiodiffusion établie depuis longtemps.
Cette demande donnait au Conseil une rare occasion de donner corps et âme à quelques-unes des dispositions clés de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi), l'élément moteur de la politique de radiodiffusion au pays. En disant non à la distribution par câble élargie de TFO au Québec, la majorité a laissé échapper cette occasion. Sur le plan culturel, c'est le Canada qui s'en trouve le grand perdant.

La demande :

TFO n'a pas demandé d'ordonnance obligeant les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) par câble de classe 1 au Québec à distribuer son service de programmation de télévision éducative de langue française au service de base, même si, selon moi, elle aurait pu fortement justifier l'approbation d'une telle demande. Sa demande visait un redressement de bien moins grande portée.
Étant donné que TFO éprouve beaucoup de difficulté à persuader les grands câblodistributeurs du Québec d'offrir son service à des conditions acceptables, TVOntario a demandé l'aide du Conseil. Elle avait comme objectif de voir offrir son service de programmation aux abonnés à un volet de services analogiques facultatifs, tout comme les services spécialisés de langue française sont offerts au Québec. Les abonnés auraient alors le loisir soit de commander et de payer le volet contenant TFO, soit de consacrer leurs ressources de consommation à autre chose. Aucun téléspectateur ne se serait vu imposer le service contre sa volonté.
Rejeter une telle demande comme la majorité l'a fait, c'est aller à l'encontre de la nette intention du Parlement de créer un système de radiodiffusion qui « . offre, par sa programmation essentiellement en français et en anglais, un service public essentiel pour le maintien et la valorisation de l'identité nationale et de la souveraineté culturelle ». (article 3(1)b) de la Loi)

Le modèle canadien :

Ce n'est pas par hasard que les parlementaires ont retenu l'expression « service public » qui se trouve dans la citation ci-dessus, lorsqu'ils ont modifié la Loi en 1991. Elle a été choisie avec soin. C'est dans le Rapport du groupe de travail sur la politique de radiodiffusion, en 1986, dont les travaux ont précédé l'adoption de la nouvelle Loi, qu'on a cerné la notion d'un service public comme élément indispensable du système canadien de radiodiffusion. Les auteurs de ce rapport ont trouvé un motif de le faire dans l'article 36 de la Loi constitutionnelle de 1982. Cet article, portant le sous-titre Engagements relatifs à l'égalité des chances, stipule que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux du Canada s'engagent à « fournir à tous les Canadiens, à un niveau de qualité acceptable, les services publics essentiels ».
Dans ses tentatives de respecter le volet « égalité de chances » de ce mandat de service public, le Conseil tente depuis longtemps de relever le défi de fournir aux téléspectateurs de langue française du Québec et d'ailleurs un niveau de services de télévision comparable à celui qui est offert aux téléspectateurs de langue anglaise au Canada. Le passage suivant d'une allocation de la vice-présidente (Radiodiffusion) devant le Comité permanent de l'industrie de la Chambre des communes, prononcée le 2 décembre 1999, traduit bien l'ampleur de ce défi :
« . le marché francophone présente des défis uniques compte tenu de sa petitesse par rapport au marché anglophone. Bien que l'on compte environ 6,6 millions d'abonnés au câble dans le marché anglophone, le nombre potentiel d'abonnés francophones n'est que de 2 millions. Le marché francophone a par ailleurs un niveau de pénétration de 10 % inférieur à celui du marché anglophone. Ceci s'explique, en partie, par le fait qu'il existe moins de services en français offerts par rapport aux services en anglais. Les taux et les coûts de ces services sont généralement plus élevés en français, le marché étant plus petit. La dimension du marché crée ainsi des défis économiques de taille pour les entreprises de programmation en termes de publicité et de revenus générés par les abonnés et pour la création d'un contenu de programmation de qualité pertinent pour les Canadiens. »
Comme le démontre clairement la déclaration qui précède, la taille limitée du marché et les taux inférieurs de pénétration du câble au Québec font en sorte que le lancement de services de langue française au Canada n'est pas très attirant. Le Parlement, à l'article 3(1)k) de la Loi, n'en incite pas moins le Conseil, qui est chargé d'appliquer la Loi et de faciliter l'atteinte de ses objectifs, à faire précisément cela : « une gamme de services de radiodiffusion en français et en anglais doit être progressivement offerte à tous les Canadiens, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens. » (les caractères gras et le souligné sont ajoutés)
Dans ses efforts en vue de respecter cet élément de son mandat de service public, le Conseil s'est penché à maintes reprises sur la délimitation et l'atteinte de l'objectif consistant à fournir un plus grand nombre d'émissions de langue française aux téléspectateurs francophones. Voici un petit échantillon de récentes déclarations du Conseil sur ce thème :
Avis public CRTC 1998-46 du 8 mai 1998 intitulé Audience publique portant sur de nouveaux services spécialisés de langue française
« Le Conseil estime que dans les marchés francophones, les services de langue française destinés aux abonnés francophones devraient avoir priorité sur les services spécialisés de langue anglaise autorisés. » (paragraphe 5)
Avis public CRTC 1999-187 du 19 novembre 1999 intitulé Rapport sur la création d'un service spécialisé national de télévision de langue française axé sur les arts
« Le 6 août 1999, Son Excellence le gouverneur général en conseil a demandé au CRTC de faire rapport dans les meilleurs délais, et au plus tard à l'automne 1999, sur la création, le plus tôt possible, d'un service national de télévision de langue française axé sur les arts qui tienne compte du caractère unique de la culture québécoise et des besoins et particularités des communautés francophones d'autres régions du Canada (décret C. P. 1999-1454). » (paragraphe 1)
« Après avoir analysé attentivement les interventions reçues, le Conseil est d'avis que la création d'un service national de télévision de langue française axé sur les arts, qui tienne compte du caractère unique de la culture québécoise et des besoins et particularités des communautés francophones d'autres régions du Canada, pourrait, si certaines conditions étaient remplies, apporter une contribution significative à l'atteinte des objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. » (paragraphe 22)
« Il pourrait notamment contribuer à un enrichissement et à une diversification de la programmation culturelle de langue française de haute qualité offerte par le système canadien de radiodiffusion et créer de nouvelles occasions et sources de recettes pour les producteurs, les créateurs et les artistes canadiens. » (paragraphe 23)
Avis public CRTC 1999-89 du 21 mai 1999 intitulé Attribution de licences à de nouvelles entreprises d'émissions spécialisées de langue française - Préambule
« Depuis les premiers services spécialisés autorisés en 1984, le Conseil a cherché à atteindre un équilibre raisonnable dans l'offre de services spécialisés de langues française et anglaise mis à la disposition de la population canadienne. » (paragraphe 4)
« Le Conseil y a vu aussi l'occasion de redresser le déséquilibre dans l'offre de services spécialisés de langue française en élargissant la gamme des services présentement disponibles. » (paragraphe 8)
« Les francophones ont clairement démontré au cours des ans leur préférence pour des émissions offertes dans leur langue. Année après année, les émissions de télévision de langue française occupent les premières places lors des sondages d'écoute. » (paragraphe 14)
Compte tenu de ce fort appui de la Loi et de la politique du Conseil à l'égard de l'égalité de chances pour les téléspectateurs de langues française et anglaise, le refus de la majorité d'approuver la demande de TFO laisse perplexe. De toute évidence, l'article 9(1)h) de la Loi donne au Conseil les outils dont il a besoin pour ce faire. Le fait même qu'il n'ait pas rendu une telle ordonnance avant aujourd'hui n'est pas une pierre d'achoppement. Le cliché selon lequel « il y a toujours une première fois » est fort éloquent, et le Conseil a invoqué l'article 9(1)h) dans ce sens à deux reprises tout récemment pour ordonner la distribution obligatoire de TVA et d'APTN à l'échelle nationale, dans ce dernier cas au service de base au coût de 0,15 $ par mois par abonné.

Appui massif :

Même si de saines pratiques de réglementation et des stratégies gagnantes sur le plan de la popularité sont souvent incompatibles, la présente demande se signalait par le fait que l'opinion publique penchait nettement en faveur de l'orientation donnée par la Loi et par la politique établie du Conseil. Pas moins de 1563 interventions font partie du dossier de l'instance. Seulement 12 interventions défavorables ont été reçues; les autres 1551, soit plus de 99 % des interventions, étaient favorables à la demande de TFO.
Une seule des 12 interventions défavorables venait d'un particulier, M. Rolland Saumure, de Grenville (Québec), qui a déclaré qu'il ne voulait pas payer pour TFO. Neuf des 11 autres interventions défavorables (un groupe de consommateurs et le Bloc québécois, comme M. Saumure, ne voulaient pas payer) provenaient d'intervenants de l'industrie qui, d'une façon ou de l'autre, semblent considérer les intérêts de TFO comme contraires aux leurs.
La population s'est exprimée autrement. Les centaines de particuliers qui ont ajouté leur appui à la demande de TFO ont fait état de la haute qualité de ses émissions pour enfants et de ses émissions éducatives et de la soif au Québec pour un plus grand nombre d'émissions culturelles et, de fait, pour de plus nombreuses émissions de langue française en général. Il y a également lieu de noter l'argument d'un grand nombre selon lequel l'accès à TFO donnerait aux téléspectateurs du Québec une rare occasion de voir des émissions traitant d'autres collectivités francophones au Canada. TFO, compte tenu de son statut unique de télédiffuseur éducatif de langue française en Ontario et au Nouveau-Brunswick, se trouve dans une position unique pour jouer un tel rôle et, ainsi, favoriser la compréhension et les communications qui sont si indispensables à la survie et à l'enrichissement culturels. Les Québécois qui ont incité le Conseil à exiger que les entreprises de câblodistribution distribuent les émissions de TFO n'avaient cure que TFO ne soit pas un télédiffuseur du Québec. Ils voulaient davantage d'émissions éducatives et culturelles canadiennes de langue française. Peu importe la source.
Chose intéressante à signaler, le Conseil a, dans sa récente décision par laquelle il a renouvelé les licences du réseau de télévision de langue française de Radio-Canada (la décision CRTC 2000-2), fait écho au genre d'attentes exprimées dans un grand nombre des interventions favorables à la présente demande. Dans le paragraphe 9 de cette décision, le Conseil a déclaré : « Lors de ses discussions portant sur la télé de Radio-Canada, le Conseil a noté que le téléspectateur accorde plus d'importance au contenu d'une émission qu'à l'endroit où elle a été produite. Pour le téléspectateur, l'émission qu'il regarde doit d'abord l'interpeller. Pour le Conseil, la Société doit avant tout remplir adéquatement son mandat, c.-à-d. exposer la diversité culturelle québécoise et canadienne et répondre aux besoins des téléspectateurs francophones et francophiles de l'ensemble du Canada. »
Le Conseil a, dans la décision CRTC 2000-2, constaté que le plus important de ces besoins était l'appétit non rassasié pour des émissions pour enfants et des émissions culturelles de langue française. Il était si préoccupé par la baisse du nombre d'heures consacrées à des émissions culturelles et à des émissions pour enfants que, pour le renouvellement de la licence du réseau de télévision de langue française de la SRC, il a imposé des conditions de licence l'obligeant à accroître le nombre d'heures d'émissions de musique, de danse et de variétés et d'émissions pour enfants dans sa grille-horaire. La triste ironie, c'est que, bien que le Conseil ait jugé qu'il n'avait d'autre choix que d'obliger le radiodiffuseur public national du Canada à consacrer plus de ressources à la culture et aux enfants, il refuse presque simultanément la demande de TFO d'accroître ces mêmes genres d'émissions au Québec, le plus grand marché de télévision francophone du Canada.
Une condition jointe à la licence de la SRC l'oblige à diffuser « . au moins 4 heures par semaine de radiodiffusion d'émissions originales canadiennes destinées aux enfants de moins de douze ans ». La grille-horaire de TFO révèle que, si la demande avait été approuvée, les téléspectateurs francophones du Québec abonnés au câble auraient instantanément eu accès à 48,25 heures supplémentaires par semaine d'émissions pour enfants et adolescents. C'est plus de 10 fois le nombre d'heures supplémentaires exigées de la SRC.
Le nombre additionnel d'heures d'émissions culturelles que la distribution obligatoire de TFO offrirait aux téléspectateurs francophones du Québec n'a pas été ventilé par heure. Toutefois, étant donné que les émissions culturelles sont un élément clé du mandat de TFO, l'augmentation constituerait indubitablement un important et heureux supplément aux niveaux actuels. Ce genre d'émissions fait tellement figure de parent pauvre que le Parlement est intervenu lorsque le Conseil, dans le cadre du dernier exercice d'attribution de licences à des services spécialisés de langue française, n'a pas autorisé de canal culturel. Le Conseil s'est vu ordonner de réexaminer sa décision et, à la suite de ce réexamen, il a récemment publié l'avis CRTC 2000-18 dans lequel il sollicite des demandes de licences pour un service de langue française axé sur les arts. Dans l'intervalle, les Québécois sont privés des émissions culturelles de TFO.

Le contre :

Les avantages d'approuver la demande de TFO sont évidents. Son caractère abordable remplit le critère de l'intérêt public établi dans la Loi et satisfait les besoins depuis longtemps reconnus des téléspectateurs francophones et exposés dans de nombreuses déclarations publiques du CRTC. Néanmoins, on a soulevé des objections que la majorité a jugées convaincantes dans la présente instance. Selon moi, ces objections ne sont pas fondées.
Tel que noté ci-dessus, des intervenants ont déclaré qu'ils ne voulaient pas payer pour TFO. Quel poids faut-il accorder à une telle objection? Quand on a le choix entre un service gratuit et un service payant, qui voudrait payer? Les services de programmation distribués sur des volets facultatifs sont vendus aux abonnés, ils ne leur sont pas donnés.
Des intervenants ont soutenu que TFO cherchait à obtenir les avantages conférés aux services spécialisés sans devoir présenter de demande de licence de service spécialisé. La question du statut n'est pas pertinente. TFO est le seul service de programmation de langue française canadien à ne pas être distribué à la grandeur du Québec. Il ne peut convaincre les deux principaux câblodistributeurs du Québec de l'offrir à leurs abonnés à des conditions raisonnables. Il a saisi le Conseil de son cas en vertu de l'article 9(1)h), qui donne au Conseil le pouvoir de régler précisément ce genre de problème de distribution. L'argument de statut spécialisé est un faux-fuyant.
Des intervenants avaient des réserves au sujet du caractère sans précédent de la demande de TFO et se demandaient si celle-ci pouvait désavantager les autres télédiffuseurs éducatifs au Canada. On ne sait pas au juste à quoi rime cette objection. Il est difficile de comprendre quel tort précis cette demande pourrait causer aux télédiffuseurs éducatifs dans des provinces comme l'Alberta ou la Colombie-Britannique, par exemple.
D'autres encore, notamment le télédiffuseur éducatif du Québec, Télé-Québec, ainsi que des fournisseurs de services spécialisés, ont agité le spectre d'une concurrence injuste. Une analyse comparative des grilles-horaires en question révèle que la plupart des émissions de TFO complètent celles qui sont déjà offertes au Québec, qu'elles ne leur livrent pas concurrence. Même s'il y avait de fortes incidences sur le plan de la concurrence, toutefois, le résultat pourrait fort bien être positif. À mon avis, l'influence de quelques radiodiffuseurs sur les émissions de télévision spécialisées de divertissement du secteur privé au Québec est si profonde que l'entrée en scène d'un concurrent serait bonne pour le marché. Quant à Télé-Québec, l'arrivée d'un concurrent direct pourrait inciter le gouvernement provincial à lui rétablir son financement, de sorte que son propre télédiffuseur éducatif puisse mieux remplir son mandat. Il s'agirait là d'un autre stimulant pour la télédiffusion de langue française.
Des intervenants ont mis en doute l'utilisation du tarif d'abonnement proposé par TFO plutôt que le fait même d'un tarif. On a avancé que l'argent pourrait servir à éponger la dette du télédiffuseur et, ainsi, avantager la population de l'Ontario au détriment du Québec. L'argument ne tient pas, dans ce sens que les abonnés qui acceptent d'acheter le service de TFO le feront de leur propre gré, car on peut supposer qu'ils estimeraient en obtenir pour leur argent. Ils veulent le produit et sont disposés à payer pour l'obtenir. Si l'acheteur consentant et le vendeur consentant en viennent à une entente, pourquoi de tierces parties devraient-elles se préoccuper de ce que le vendeur veuille faire ou ne pas faire du produit de la vente? Toutefois, pour apaiser les préoccupations des intervenants qui avaient soulevé ce point, TFO s'est engagé à consacrer toutes les recettes venant du Québec aux frais accrus de fourniture du service à ces téléspectateurs et à la production ou à l'achat d'émissions au Québec.
Il est vrai que TFO figure déjà dans la liste des services par satellite admissibles et qu'ainsi, il est déjà accessible pour fins de distribution au Québec. Invoquer cet argument, comme le fait la majorité, comme preuve que le Conseil n'a pas besoin de faire quoi que ce soit d'autre pour appuyer la cause des téléspectateurs francophones du Québec qui veulent avoir accès à TFO, c'est s'appuyer sur une technicalité. Les deux principaux câblodistributeurs du Québec ne distribuent pas TFO, et les tentatives de TFO de négocier une entente de distribution acceptable avec eux ont échoué.
De même, il est vrai que le Québec compte déjà un télédiffuseur éducatif, Télé-Québec. Il est également vrai que la très faible part du marché de Télé-Québec (1,1 % en 1997 et 1,3 % en 1998, selon les statistiques disponibles) révèle que peu de téléspectateurs dans la province regardent ce réseau. Faudrait-il pénaliser les téléspectateurs francophones du Québec qui veulent les services de programmation que TFO offre simplement parce qu'ils ont déjà accès à un télédiffuseur éducatif? Rien dans la loi ou la politique de radiodiffusion au Canada ne commande une telle conclusion ou même ne s'y prête.
Enfin, il est vrai que l'approbation de la demande de TFO équivaudrait à ordonner aux entreprises de distribution par câble de classe 1 de distribuer le service à un moment où la capacité analogique du câble est limitée. Cependant, lorsque le Parlement a constitué le Conseil et l'a chargé de surveiller la Loi sur la radiodiffusion, un de ses principaux objectifs visait à assurer la promotion de la radiodiffusion canadienne. La capacité analogique du câble est limitée, quoique moins au Québec que dans certains des grands centres urbains à l'extérieur de cette province, mais des canaux sont disponibles. S'il fallait sacrifier un service américain ou un autre comme un canal de télé-achats pour faire place à TFO, ce serait payer bien peu pour donner aux téléspectateurs francophones l'option de s'abonner à un autre service canadien de langue française.
En conclusion, j'aurais approuvé cette demande. Elle satisfait à la fois les exigences des téléspectateurs, comme en témoigne le dossier, et les objectifs du Parlement établis dans la Loi. La refuser, c'est rejeter les deux, et j'estime qu'il s'agit là d'une décision déraisonnable dans les circonstances et contraire au mandat du Conseil.

Opinion minoritaire du conseiller Andrew Cardozo

La demande en instance m'a grandement impressionné. Selon moi, TFO fournit un service de télévision de langue française de haute qualité. Il s'agit d'un service canadien à fort contenu canadien, qui fait activement appel à des producteurs québécois pour ses émissions, auquel les téléspectateurs québécois feraient bon accueil et qui aurait contribué pour beaucoup à renforcer les liens entre les francophones du Québec et ceux de l'Ontario.
Je suis conscient que, compte tenu des technicalités sur le plan de la réglementation, le cas était difficile à trancher et je comprends parfaitement le raisonnement de la majorité qui a été clairement exposé dans sa décision. Je suis nettement d'accord avec l'évaluation de mes collègues selon laquelle les émissions offertes par TFO « contribuent à accroître la qualité et la diversité des émissions de télévision de langue française au Canada », tel que noté dans le paragraphe 18 de la décision majoritaire.
Toutefois, je suis respectueusement en désaccord avec la majorité dans cette affaire, car je crois que nous aurions dû approuver la demande.

Point de départ

Mon point de départ dans cette affaire est que, malgré l'existence de plusieurs services bien établis, les téléspectateurs du Québec ont besoin de plus d'émissions de langue française de haute qualité. On a souvent fait valoir ce point de vue au Conseil. Compte tenu du caractère unique de la francophonie au Canada, un service canadien a généralement plus à apporter aux téléspectateurs du Québec ou de toute autre province qu'un service étranger. En appliquant ce principe au dossier de l'instance, j'en suis venu à la conclusion qu'il existe de bonnes raisons d'approuver cette demande, même si j'estime qu'on aurait pu le faire en y apportant des modifications afin de tenir compte des interventions défavorables.
Comme M. Serge Allen, Directeur général, Communauté urbaine de Québec, l'a souligné dans son intervention : « Depuis quelques années, les Québécois n'ont plus accès à ce service, et compte tenu de la situation de la langue française au Canada, il nous semble important de multiplier les canaux pouvant offrir de la programmation de qualité. »
Dans le dossier, on a fait valoir qu'une forte proportion des canaux offerts aux téléspectateurs francophones à Montréal sont en anglais. Un tel pourcentage n'est pas inhabituel ailleurs dans la province. Dans certains cas, la majorité des canaux sont en anglais. Bien qu'il puisse s'agir de bons services, il est important que les téléspectateurs aient le plus vaste choix possible dans leur langue officielle de prédilection.
Ce qui me frappe, c'est l'appui massif pour cette demande comme en fait foi le dossier. 99,3 % des 1 563 interventions sont favorables à la demande. Il m'est difficile de rejeter un pourcentage aussi élevé.
TFO a démontré qu'il a à cour les valeurs que les services de télévision au Québec véhiculent, à savoir, un service de langue française de haute qualité et des émissions de qualité pour enfants sans violence et sans publicité. L'attribution d'une licence à TFO contribue aussi aux objectifs du Conseil en matière de diversité dans les émissions, de diversité dans la propriété et de mise en place d'un système qui permet aux services de radiodiffusion de grandir et de devenir de solides acteurs.
J'analyse les interventions comme suit :

Les intervenants favorables

Il semblait y avoir un consensus impressionnant entre un vaste éventail d'intervenants dont le principal message était que TFO offre un service francophone de haute qualité qui favoriserait une meilleure compréhension entre les francophones du Québec et ceux de l'Ontario. Dans le domaine de la culture, ces intervenants comprenaient des écrivains comme M. Michel Tremblay et Mme Antonine Maillet et des groupes comme Le Conseil de la vie française en Amérique et la Fédération culturelle canadienne-française. M. Tremblay a déclaré : « La programmation de TFO ajouterait au choix d'émissions de langue française, surtout que cette chaîne (que j'ai la chance de capter à la campagne, mais pas à Montréal) produit, à mon avis, des émissions éducatives de qualité. »
Dans le secteur du film et de la production, l'Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films a appuyé la demande. Son président, M. Richard J. Paradis, a fait remarquer que : « La diffusion du signal de TFO au Québec permettra de bonifier l'offre de programmation en langue française au moment où le nombre de chaînes de langue anglaise se multiplie et où l'évolution technologique ne cesse d'accroître le nombre de chaînes étrangères disponibles. »
Divers producteurs indépendants, comme M. André Monette d'Action film Ltée, ont souligné le caractère complémentaire du service, faisant valoir que « la programmation divertissante de TFO à caractère culturel et éducatif accroîtra les choix télévisuels des téléspectateurs du Québec et viendra ainsi compléter les services actuels du Québec ».
TVA, le plus gros télédiffuseur privé de langue française, était un important partisan de la demande. Son président, M. Daniel Lamarre, a déclaré « qu'il est essentiel que les artistes, talents et produits culturels provenant des différentes communautés francophones, et particulièrement celles de l'Ontario, soient accessibles au public québécois par la voie d'une institution télévisuelle qui leur est propre, soit TFO ». Il a ajouté que la distribution de TFO ajouterait à la diversité des émissions déjà offertes par Radio-Canada et par la distribution de TVA partout au Canada.
Au nombre des établissements d'enseignement se trouvaient des institutions comme les Frères des écoles chrétiennes (District du Canada francophone, Administration provinciale) et la Fédération canadienne pour l'alphabétisation en français, ainsi que divers éducateurs.
Les milieux politiques ont accordé un vaste appui à cette demande et aux avantages qu'elle apporterait, comme en font foi des interventions de membres du Sénat, de la Chambre des communes, de l'Assemblée nationale du Québec et l'Assemblée législative de l'Ontario. L'Association parlementaire Ontario-Québec était aussi du nombre des importants partisans, ayant adopté une résolution à cet effet.
Même le seul intervenant des milieux politiques qui s'opposait au moyen d'obtenir l'autorisation et la distribution en cause était en faveur de la distribution de TFO au Québec, justement à cause de sa qualité et de son intérêt pour les téléspectateurs.
La Communauté séfarade du Québec et Le centre de recherche-action sur les relations raciales ont présenté des observations favorables, ce qui témoigne de la diversité intrinsèque de la francophonie du Québec.
Le plus important, c'est le nombre de lettres que nous avons reçues de particuliers de diverses régions de la province, qui ont écrit pour exprimer leur appui à cette demande - des Québécois qui jugeaient qu'il s'agit là d'un bon service auquel ils aimeraient avoir accès. Certaines de ces observations venaient de téléspectateurs de la région de Hull-Aylmer-Gatineau qui captent le signal et qui estiment qu'il serait d'un grand intérêt et d'une grande pertinence pour leurs concitoyens de la province.

Intervenants de l'extérieur du Québec

Chose intéressante à signaler, nous avons aussi reçu des interventions de l'extérieur du Québec, principalement de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick. Comme il est souligné dans la décision majoritaire, ce service est offert au Nouveau-Brunswick (paragraphe 19); j'ai donc trouvé fort instructif l'apport des Néo-brunswickois, étant donné qu'ils regardent un service d'une autre province qui, de toute évidence, leur est pertinent et utile.
L'apport des Ontariens me semble véhiculer un message central, peut-être le mieux résumé par Mme Gisèle Lalonde de SOS Montfort!, qui a déclaré : « Comme francophones minoritaires, il est indispensable pour nous de créer des liens importants avec toutes les communautés francophones du Canada et surtout avec le Québec. Il serait impensable de voir la seule province majoritairement francophone refuser l'accès à une télévision qui offrirait à tous les Québécois et Québécoises une diversité de l'offre télévisuelle. »
Un courant sous-jacent ressortait nettement d'un grand nombre des mémoires venant de l'Ontario, à savoir, la fierté que ce service de langue française de l'Ontario soit d'assez haute qualité pour être distribué au Québec et raffermir les liens entre les Ontariens et leurs homologues francophones du Québec.
Les avantages sociaux, culturels et nationaux d'un tel service non seulement me semblent clairs, mais sont également parfaitement compatibles avec les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi). Bien que, de toute évidence, la Loi ne nous oblige pas à approuver cette demande, elle ne nous en pave pas moins la voie pour le faire.

Les partisans pancanadiens

Du point de vue de l'ensemble du Canada, des lettres d'appui sont venues d'un éventail intéressant d'organismes fédéraux, notamment la Commissaire aux langues officielles, Téléfilm Canada, le Centre national des Arts, la Commission de la capitale nationale et le Musée canadien des civilisations.
Des groupes de la société civile ont également écrit, notamment la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada, la Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises et la Commission nationale des parents francophones.

Les intervenants défavorables

L'opposition à la demande est venue de 12 intervenants, dont un seul était un particulier. La plupart des opposants estimaient que TFO cherchait à obtenir le statut de service spécialisé et qu'ainsi, il devrait passer par le même processus concurrentiel que les autres services spécialisés, comme ceux qui se sont livré concurrence lors de la dernière série d'attribution de licences en 1998-1999. Certains estimaient que le moyen choisi pour obtenir la distribution (le recours à l'article 9(1)h) de la Loi) n'était pas justifié. Action Réseau Consommateur s'est opposé à la demande principalement parce que les consommateurs devraient payer un tarif supplémentaire pour le service. Mes collègues se sont déclarés généralement d'accord avec les préoccupations soulevées par les intervenants défavorables. À mon humble avis, ces interventions ne sont effectivement pas à négliger, mais le moyen d'attribution de licence que j'aurais approuvé en aurait tenu compte dans une large mesure.

La distribution par les câblodistributeurs

Certains intervenants ont avancé que TFO devrait s'entendre sur sa distribution avec les câblodistributeurs. TFO figure à l'heure actuelle dans les listes de services par satellite admissibles en vertu de la Partie 2 et de la Partie 3, comme il est signalé dans le paragraphe 25 de la décision majoritaire, ce qui signifie que n'importe quel câblodistributeur (à quelques exceptions près) peut distribuer le service aux abonnés, dans la plupart des cas, à un volet facultatif. Sle câblodistributeur doit payer un tarif à TFO, les deux parties doivent s'entendre sur la question sans qu'une intervention du CRTC ne soit nécessaire.
La présente demande a été présentée au Conseil parce que, semble-t-il, les parties ne pouvaient pas en venir à une entente.

Le tarif d'abonnement

TFO a demandé un tarif d'abonnement de 0,24 $ à 0,26 $, principalement afin d'absorber les frais de droits de diffusion accrus. Je constate que le tarif au Nouveau-Brunswick est de 0,13 $. D'après la preuve versée au dossier, j'estime qu'un tarif de 0,18 $ aurait suffi.

Les autres questions

Chose intéressante, presque personne n'a avancé que TFO serait un concurrent de Télé-Québec, le réseau de télévision éducative financé par le gouvernement du Québec et, donc, l'homologue québécois du service de TVO/TFO de l'Ontario. La principale question soulevée à cet égard était que les Québécois paient pour un service éducatif par leurs taxes et ne devraient pas avoir à payer pour un autre par un tarif d'abonnement obligatoire.
Cela soulève plusieurs points. Premièrement, la gamme d'émissions que les services éducatifs offrent à l'heure actuelle est si étendue que ces deux services ne diffusent pour ainsi dire pas d'émissions semblables. Deuxièmement, bien qu'il soit exact qu'une décision favorable du Conseil obligerait les abonnés d'un volet facultatif à fort degré de pénétration à payer pour le service TFO, il n'y a là rien de différent de ce qui se produit dans bien d'autres cas. Je constate que, souvent, les abonnés francophones doivent payer pour des services spécialisés de langue anglaise qu'ils veulent ou ne veulent peut-être pas comme partie d'un bloc. Dans un sens, c'est la même chose que dans divers autres cas où des abonnés, des radiodiffuseurs ou des distributeurs se présentent devant le Conseil pour régler des litiges concernant la distribution. Troisièmement, cette demande vise une licence pour fins de distribution à un volet facultatif, ce qui signifie que le service n'aurait pas le caractère obligatoire qui a servi dans deux autres cas où l'article 9(1)h) de la Loi a été invoqué. L'achat d'un volet par l'abonné est optionnel, bien sûr, mais je crois bien que l'ajout de TFO à un volet rendrait celui-ci beaucoup plus intéressant pour l'abonné francophone.

Les modalités de la licence

Compte tenu de la valeur de ce service pour le Québec et des diverses opinions exprimées au cours de la présente instance, j'aurais préféré une licence dont les modalités auraient été les suivantes :
- L'approbation de la demande pour fins de distribution de ce service par les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) de classe 1 et de classe 2 conformément à l'article 9(1)h) de la Loi, parce que le Québec a besoin de ce genre de service de langue française qui est de haute qualité, est canadien et recueille beaucoup d'appui dans la province, comme il a été prouvé dans l'instance. Sa distribution serait autorisée à un volet facultatif, ce qui fait que l'abonné ne serait pas obliger de l'acheter.
- Le service devrait être distribué dans les 12 mois suivant la décision, ce qui donnerait aux EDR la latitude voulue pour décider de la meilleure date de lancement, au moment soit d'un réalignement de canaux, soit du lancement d'un canal de langue française axé sur les arts, si un tel service était autorisé.
- Le tarif d'abonnement serait de 0,18 $ et ne serait payé que par les abonnés qui ont acheté le volet pertinent.
- La licence inclurait au moins une attente que TFO consacre un minimum de 25 % de son budget d'émissions éducatives au Québec au cours de la période d'application de la licence. (Cette attente est conforme au montant important qu'il y consacre déjà.)
- La licence inclurait une attente qu'environ 50 % de coproductions compteraient des associés québécois. (Cette attente est conforme au montant important qu'il y consacre déjà.)
- La licence inclurait une attente que la programmation de TFO soit différente de celle de Télé-Québec, ce qui est le cas à l'heure actuelle, et garantirait que seul un maximum de 10 % puisse être du même genre. (Cela donnerait effectivement à Télé-Québec le droit de premier refus pour l'acquisition d'émissions.)
Ces exigences, à mon avis, feraient en sorte que les téléspectateurs francophones du Québec aient accès à un service canadien de langue française de haute qualité et imposeraient au service des restrictions qui tiennent compte des arguments des opposants.
La technologie numérique de l'avenir donnera à TFO une option pour rejoindre les téléspectateurs québécois, mais elle n'est pas encore pour demain. Selon moi, la participation massive du public dans la présente instance devrait faire comprendre aux câblodistributeurs la nécessité de reconsidérer sans délai leur position concernant la distribution de ce service. Je pense que la population de la province a une soif grandissante de services francophones, qu'ils viennent du Québec ou d'ailleurs, et que la preuve en a été faite dans l'instance. Rendre TFO accessible aux téléspectateurs y aurait contribué.
Étant donné que j'estime qu'on aurait fort bien pu autoriser la demande aux conditions susmentionnées, je suis respectueusement en désaccord avec la majorité dans cette affaire.

Mise à jour : 2000-03-01

Date de modification :