ARCHIVÉ -  Décision CRTC 94-670

Cette page Web a été archivée dans le Web

Information archivée dans le Web à des fins de consultation, de recherche ou de tenue de documents. Les décisions, avis et ordonnances (DAO) archivés demeurent en vigueur pourvu qu'ils n'aient pas été modifiés ou annulés par le Conseil, une cour ou le gouvernement. Le texte de l'information archivée n'a pas été modifié ni mis à jour depuis sa date de mise en archive. Les modifications aux DAO sont indiquées au moyen de « tirets » ajoutés au numéro DAO original. Les pages archivées dans le Web ne sont pas assujetties aux normes qui s'appliquent aux sites Web du gouvernement du Canada. Conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada, vous pouvez obtenir cette information dans un autre format en communiquant avec nous.

Décision

Ottawa, le 23 août 1994
Décision CRTC 94-670
Shaw Cablesystems Ltd., on behalf of DMX Canada Ltd.
Edmonton, AlbertaMontréal, Quebec
Nouvel examen des décisions CRTC 93-235 et CRTC 93-236 concernant des demandes de licences d'exploitation de nouvelles entreprises de programmation sonore payante.
À la suite d'une audience publique tenue le 21 avril 1994 dans la région de la Capitale nationale, le Conseil a procédé à un nouvel examen et à l'audition des questions exposées dans le Décret en conseil C.P. 1993-1799 du 23 septembre 1993. Après avoir examiné à nouveau ces questions conformément à l'article 28 de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi), et pour les raisons énoncées dans la présente décision, le Conseil, par vote majoritaire, annule les décisions CRTC 93-235 et CRTC 93-236.
I Historique
a) Attribution des licences en 1993
Dans les décisions CRTC 93-235 et CRTC 93-236, toutes deux en date du 25 juin 1993, le Conseil a approuvé les demandes présentées par la Shaw Cablesystems Ltd. (la Shaw), au nom de la DMX Canada Ltd., et par la Cogeco Radio-Télévision Inc. (la Cogeco) en vue d'obtenir des licences de radiodiffusion afin d'exploiter de nouvelles entreprises de programmation sonore payante. Dans chacun des cas, le Conseil a attribué une licence pour une période d'application de cinq ans.
Les entreprises devaient transmettre par satellite un service de programmation sonore à des télédistributeurs affiliés partout au Canada afin qu'ils le distribuent à leurs abonnés à titre facultatif. Les deux requérantes avaient proposé des services de musique, composés essentiellement d'enregistrements numériques, assemblés selon la formule ou le thème, et distribués sans messages publicitaires et avec très peu de créations orales, sinon aucune. Chaque formule musicale devait être distribuée à son propre canal audionumérique.
Le service de la Cogeco devait comprendre au départ 38 canaux audionumériques, la plupart contenant une programmation produite par le partenaire américain de la Cogeco, MusicChoice (anciennement la Digital Cable Radio). MusicChoice est l'un des deux producteurs de services de programmation audionumérique transmis par satellite actuellement en exploitation aux États-Unis. Six des 38 canaux devaient présenter une programmation produite au Canada, dont deux consacrés à la musique de langue française. Un septième canal de programmation canadienne devait s'ajouter au cours de la deuxième année d'exploitation. Le contenu canadien de deux des canaux de programmation produite au Canada devait s'élever à 100 %, tandis que les cinq autres canaux devaient avoir un contenu de musique canadienne d'au moins 50 %.
La Shaw avait proposé d'offrir 33 canaux audionumériques au début de l'exploitation. La programmation de trois canaux devait être produite au Canada et l'un de ces canaux devait présenter de la musique de langue française. Les autres canaux devaient présenter une programmation produite aux États-Unis par l'International Cablecasting Technologies Inc. (l'ICT), une concurrente de MusicChoice détenant 20 % des actions de la société requérante. Un autre canal de programmation produite au Canada devait s'ajouter au cours de chacune des deux premières années d'exploitation. La demande prévoyait pour ces cinq canaux des niveaux minimums de contenu musical canadien de 30 %, 40 %, 50 %, 60 % et 100 % respectivement. La licence de la Shaw était assujettie à la condition que cette dernière ajoute deux autres canaux de programmation produite au Canada, ayant chacun un niveau de contenu canadien minimal de 30 %, avant la fin de la quatrième année de la période d'application de la licence.
La Cogeco avait proposé de transmettre la programmation produite au Canada par ligne terrestre jusqu'à New York, d'où elle devait être acheminée par liaison ascendante jusqu'à un satellite américain avec la programmation produite par MusicChoice. Pour sa part, la Shaw avait l'intention d'utiliser des installations canadiennes de transmission par satellite pour distribuer sa programmation produite au Canada à des affiliés. Les canaux non canadiens produits par l'ICT devaient être transmis séparément aux têtes de ligne de télédistributeurs du Canada au moyen d'un satellite américain.
Les deux requérantes avaient proposé de consacrer au moins 2 % de leurs recettes brutes annuelles au paiement de droits d'auteur, en attendant que la Commission du droit d'auteur du Canada rende une décision concernant une structure adéquate régissant le paiement de droits par ces nouveaux services audionumériques.
La demande de la Shaw avait été entendue à l'audience publique du 21 septembre 1992 dans la région de la Capitale nationale et celle de la Cogeco, à l'audience publique du 17 février 1993 à Moncton. Bien que les demandes aient été examinées dans le cadre d'instances publiques distinctes, la Shaw et la Cogeco avaient toutes deux indiqué, avant les audiences, qu'elles étaient disposées à accepter un cadre d'attribution de licences dans lequel elles devraient livrer concurrence, pour la distribution de leurs services à l'échelle du pays par des distributeurs affiliés, l'une à l'autre ainsi qu'à d'autres services similaires qui pourraient être autorisés dans l'avenir. Elles s'étaient également engagées à ne pas insister, dans leurs négociations avec d'éventuels affiliés, sur la distribution exclusive de leurs services respectifs par les entreprises de télédistribution. Chacune était convaincue d'être en mesure d'exploiter une entreprise viable malgré la présence sur le marché d'un autre service semblable.
B+>b) Décret en conseil
Par suite de la publication des décisions CRTC 93-235 et 93-236, trois requêtes en révision ont été déposées auprès du gouverneur en conseil. Deux d'entre elles présentaient les préoccupations des industries de la musique et des milieux artistiques de langues anglaise et française à l'égard des décisions du Conseil. D'autres préoccupations ont été formulées dans une requête en révision de Télésat Canada Inc. Dans le Décret en conseil C.P. 1993-1799, le gouverneur en conseil a renvoyé les deux décisions au Conseil aux fins d'un nouvel examen et d'une audience devant porter plus particulièrement sur les questions suivantes soulevées dans les requêtes :
Le gouverneur en conseil est d'avis qu'il serait pertinent qu'au moment du réexamen et de la nouvelle audience, le Conseil évalue en profondeur la disponibilité des enregistrements musicaux canadiens pour ce qui est des formules utilisées dans les services audionumériques, et explique :
a) pourquoi lesdites entreprises ne peuvent pas faire une plus grande utilisation de contenu musical canadien;
b) la justification de l'approbation de différents niveaux de contenu canadien pour les deux licences.
Le gouverneur en conseil est aussi d'avis qu'il serait pertinent qu'au moment du réexamen de ces décisions et de la nouvelle audience, le Conseil examine à fond et explique :
a) pourquoi lesdites entreprises ne devraient pas faire appel au maximum aux ressources des installations canadiennes de télécommunications pour la distribution de la programmation canadienne au Canada;
b) le fait qu'il n'exige pas que ces services soient offerts dans toutes les régions du Canada.
Le 8 octobre 1993, le Conseil a envoyé des lettres à la Shaw et à la Cogeco pour les inviter à lui faire part de toute observation relative à leurs demandes et de toute modification qu'elles aimeraient y apporter eu égard aux préoccupations soulevées dans le Décret en conseil.
Dans des lettres en date des 19 et 30 novembre 1993, la Shaw et la Cogeco ont déposé leurs observations respectives concernant les questions soulevées dans le Décret en conseil. En réponse à des questions complémentaires, la Cogeco a présenté des renseignements supplémentaires le 21 janvier 1994. Les requérantes ont déposé des pièces établissant que des copies de la documentation soumise au Conseil ont également été envoyées à toutes les parties ayant présenté des interventions relatives aux demandes initiales.
Le Conseil a invité tous les intervenants inscrits au dossier à lui présenter des observations écrites sur les questions exposées dans le Décret en conseil ainsi que sur les observations susmentionnées de la Shaw et de la Cogeco à cet égard. Comme il a été signalé précédemment, le Conseil a procédé à un nouvel examen de ces questions suite à une audience publique tenue le 21 avril 1994.
II L'audience
a) Discussion des modifications apportées aux demandes
En réponse à l'invitation du Conseil à modifier sa demande, la Shaw a fait savoir qu'elle commencerait par offrir six canaux de programmation produite au Canada plutôt que trois, comme elle avait initialement prévu de le faire au cours de la première année. Bien que ses conditions de licence aient porté qu'un septième canal de programmation produite au Canada soit ajouté avant la fin de la quatrième année, la Shaw a proposé d'ajouter ce canal au cours de la cinquième année. Elle s'est engagée à augmenter à 50 % les niveaux minimums de contenu canadien de 30 % et de 40 % exigés à l'égard de quatre de ces canaux dans la décision CRTC 93-235. Le contenu canadien d'un cinquième canal devait demeurer à 50 % et les deux autres canaux devaient diffuser exclusivement un contenu canadien. Selon la Shaw, l'ensemble du contenu musical canadien de ses canaux de programmation produite au Canada passerait ainsi de 48,6 % à au moins 64,3 %. Compte tenu du fait que le service compterait en tout 33 canaux, ce pourcentage équivaudrait à une augmentation du niveau minimal de contenu canadien pour l'ensemble du service, qui passerait de 9 % à environ 12 %, soit essentiellement le même niveau que la Cogeco avait proposé dans sa demande initiale.
La Shaw a indiqué qu'en plus de la musique vocale de langue française proposée au départ pour l'un de ses canaux de programmation produite au Canada, les formules de trois de ses autres canaux contiendraient [TRADUCTION] "une partie considérable" de musique de compositeurs et de musiciens francophones et qu'elle envisageait une autre formule de langue française pour l'un des deux canaux supplémentaires exigés dans ses conditions de licence.
Pour sa part, la Cogeco a proposé de commencer par offrir sept canaux de programmation produite au Canada plutôt que six, comme il était prévu au départ, et d'en ajouter deux autres au début de la deuxième et de la troisième année d'exploitation, pour un total de 11 canaux de programmation produite au Canada. Des formules vocales de langue française occuperaient quatre de ces canaux plutôt que deux, comme il était initialement envisagé. La Cogeco a indiqué que ces modifications feraient passer le niveau minimum global de contenu canadien du service de 12 % à 17 %.
La Cogeco a informé le Conseil que les 11 canaux de programmation produite au Canada seraient transmis à des affiliées par satellite canadien plutôt qu'américain. Cette requérante a également proposé de modifier son engagement relatif au paiement de droits d'auteur en le faisant passer d'un minimum de 2 % des recettes brutes annuelles à un montant représentant environ 20 % de ses recettes annuelles provenant des tarifs de gros, montant qui serait imposé aux abonnés à titre de frais imputables. Selon les prévisions de la requérante, les détenteurs de droits d'auteur recevraient ainsi, sur une période de sept ans, un montant d'environ douze fois supérieur au montant initialement prévu.
De loin, la modification la plus importante à cette demande est venue de la conclusion de la Cogeco selon laquelle elle ne pourrait plus livrer une concurrence directe à la Shaw à l'échelle du pays. La Cogeco a plutôt insisté sur le fait que sa proposition serait financièrement viable seulement si elle était autorisée comme service monopolistique jouissant de l'exclusivité territoriale.
Pour expliquer ce volte-face par rapport à sa demande initiale, la Cogeco a fait remarquer les incompatibilités entre le matériel du système audionumérique qu'elle propose d'utiliser et celui de la Shaw, de même que les coûts d'immobilisation considérables que les télédistributeurs affiliés devront engager pour acquérir l'équipement et les décodeurs afin d'offrir l'un ou l'autre service sonore payant à leurs abonnés. Selon la requérante, les télédistributeurs pourraient choisir d'offrir un tel service, mais certainement pas deux; ils ne passeraient probablement pas non plus d'un service à l'autre une fois qu'ils en auraient choisi un.
La Cogeco a également insisté sur les coûts supplémentaires découlant de ses engagements relatifs à une augmentation du contenu musical canadien et sur les sommes versées aux détenteurs de droits d'auteur. Elle a soutenu que le tarif de gros majoré qu'elle devrait imposer aux télédistributeurs affiliés de même que les frais imputables proposés à l'égard du paiement de droits d'auteur l'empêcheraient de livrer concurrence à la Shaw.
La requérante a également mentionné l'accroissement de la concurrence pour obtenir des abonnés ainsi que la capacité de canaux réduite des télédistributeurs qu'entraînerait l'approbation des demandes de licences de nouveaux services de télévision payante et spécialisés dont le Conseil était alors saisi.
La Cogeco a déclaré que ces deux facteurs retarderaient l'implantation de services sonores payants et augmenteraient les risques financiers de quiconque chercherait à offrir un tel service.
En conséquence, la Cogeco a proposé que le Conseil l'autorise à desservir en exclusivité les provinces de l'Atlantique, le Québec et tout l'Ontario, à l'exception de la région métropolitaine de Toronto. En vertu de ce plan, Toronto et le reste du pays formeraient le territoire autorisé exclusif de la Shaw. La Cogeco a déclaré que cette répartition permettrait aux deux requérantes d'avoir accès à environ le même nombre d'abonnés des entreprises de télédistribution de classe 1. Elle a également confirmé qu'elle ne serait pas disposée à accepter une licence à d'autres conditions que celles-là.
Lorsqu'il a été demandé à la Shaw de présenter des observations sur la proposition de la Cogeco concernant un cadre d'attribution de licences qui établirait l'exclusivité territoriale pour les deux services sonores payants, elle a fait remarquer qu'elle avait rejeté ce plan dès qu'il avait été présenté par l'autre requérante dans des réunions qui ont suivi la publication du Décret en conseil et elle a insisté lors de l'audience sur le fait qu'elle demeurait fermement opposée à un tel plan parce qu'un cadre de concurrence servirait mieux le consommateur et le système de radiodiffusion. D'après ses recherches, la Shaw a affirmé qu'une augmentation des canaux de programmation produite au Canada ou du contenu canadien de ceux-ci qui serait supérieure aux nombres ou aux niveaux proposés dans sa demande modifiée ferait grimper le coût du service à un niveau tel qu'il n'attirerait plus suffisamment d'entreprises de télédistribution ou d'abonnés pour le rendre financièrement viable :
[TRADUCTION] Compte tenu de ces facteurs, le plan d'entreprise est devenu économiquement non viable... Nous préférerions livrer concurrence et avoir la possibilité de survivre.
La Shaw a confirmé que, même si sa demande était approuvée et celle de la Cogeco, refusée, elle ne serait pas disposée à accroître ses engagements relatifs au nombre de canaux de programmation produite au Canada ou au contenu canadien de ceux-ci. Plus tard au cours de l'audience, la Shaw a fait l'observation suivante :
[TRADUCTION] Le Conseil doit principalement se pencher sur deux questions. Premièrement, il  doit déterminer si le niveau de contenu canadien... approuvé pour ces services est approprié compte tenu de la disponibilité de musique canadienne; et deuxièmement, il doit déterminer s'il y a lieu de modifier la démarche d'attribution de licences utilisée dans ses décisions initiales et attribuer des licences exclusives plutôt que concurrentes.
b) Interventions
Des intervenants inscrits au dossier de l'instance ayant manifesté leur appui aux demandes, on compte la Télésat Canada Inc., qui a pris note du fait que la Cogeco a modifié sa demande afin de distribuer ses canaux de programmation produite au Canada au moyen d'installations canadiennes de transmission par satellite. Plusieurs télédistributeurs et leur organisme représentatif, l'Association canadienne de télévision par câble, ont également présenté des interventions à l'appui de l'introduction de services sonores payants. La plupart d'entre eux étaient favorables au modèle concurrentiel et non exclusif proposé par la Shaw.
Plusieurs sociétés, associations, syndicats et guildes nationaux et provinciaux représentant un vaste éventail d'artistes de l'industrie du disque, de musiciens, de compositeurs, d'éditeurs de musique et de producteurs de disques canadiens ont présenté des interventions catégoriquement défavorables aux deux demandes. Des représentants de huit de ces groupes et ceux de la Société Radio-Canada ont comparu à l'audience pour expliquer leurs préoccupations.
La plupart de ces intervenants ont soutenu qu'aucune des requérantes n'a répondu adéquatement ni aux préoccupations soulevées dans le Décret en conseil ni aux objectifs de la Loi. En dépit des modifications apportées par la Shaw et la Cogeco, presque tous les intervenants qui ont comparu à l'audience étaient d'avis que, dans les deux cas, le niveau global de contenu canadien, le nombre de canaux de programmation produite au Canada et le nombre de canaux de langue française demeurent inadéquats. Quelques intervenants ont reconnu que les formules de musique spécialisée ne permettraient qu'un niveau modeste de contenu canadien à certains canaux, même dans le cas d'un service de source canadienne. La plupart, cependant, ont insisté sur l'importance qu'ils accordent à une répartition uniforme, au sein de plusieurs formules, du contenu canadien de tout service sonore payant, comme c'est le cas pour les stations radiophoniques traditionnelles et les services d'autres entreprises de musique autorisées, plutôt qu'à une concentration de pièces musicales canadiennes dans un nombre relativement petit de canaux.
Certains intervenants ont soutenu qu'il n'y a pas eu suffisamment d'études sur la disponibilité du contenu canadien qui conviendrait aux types de formules de musique spécialisée demandé. Certains ont demandé que l'instance actuelle soit suspendue jusqu'à la publication des conclusions et des recommandations du groupe de travail de l'industrie de la musique. D'autres ont continué de soutenir que le Conseil devrait avant tout procéder à un examen de politique sur la question des services sonores payants.
Dans ce contexte, certains intervenants ont également soutenu que l'instance actuelle ne prévoyait pas l'examen d'autres demandes concurrentes, notamment celles qui pourraient présenter des propositions relatives à un service "entièrement canadien" ou à l'utilisation de matériel non exclusif et moins coûteux. Ils ont laissé entendre que la confirmation d'une décision approuvant l'une ou l'autre des présentes demandes écarterait la possibilité que de telles éventualités se produisent dans l'avenir.
De plus, plusieurs intervenants s'opposant aux demandes sont d'avis que les deux requérantes, et plus particulièrement la Shaw, n'ont présenté aucune proposition sérieuse relative au versement de droits d'auteur.
IIl Décision du Conseil
Dans le Décret en conseil, il est demandé au Conseil, entre autres choses, d'examiner à fond et d'expliquer pourquoi les services ne devraient pas utiliser des installations canadiennes de télécommunications (par satellite ou autre) pour distribuer de la programmation canadienne. Cette question a été soulevée parce que la Cogeco avait proposé d'utiliser un satellite non canadien pour transmettre ses canaux de programmation produite au Canada et, selon le Conseil, elle a été résolue par la modification de la demande de la Cogeco prévoyant une entente avec Télésat Canada Inc. pour la distribution de ces canaux.
Dans le Décret en conseil, il est également demandé au Conseil d'expliquer les raisons pour lesquelles il n'exige pas que ces services soient offerts dans toutes les régions du Canada. Cette préoccupation venait du fait que les installations de transmission par satellite utilisées par les partenaires américains de la Shaw et de la Cogeco n'ont pas de faisceau terrestre suffisamment étendu pour distribuer leurs canaux de programmation américaine dans le Grand Nord canadien ou dans la partie est de Terre-Neuve.
À l'audience, la Shaw a déclaré que les coûts d'immobilisation et d'exploitation du service proposé seraient tels que l'exploitant d'une entreprise de télédistribution comptant moins de 10 000 abonnés ne trouverait probablement pas rentable d'offrir le service. La Cogeco a indiqué que, pour essentiellement les mêmes raisons, elle n'a inclus dans son plan d'entreprise que les titulaires d'une licence de télédistribution de classe 1 comme éventuelles affiliées. Par conséquent, selon les deux requérantes, la seule collectivité éventuellement touchée par les limites du rayonnement des satellites américains, c'est-à-dire la seule collectivité dont l'entreprise de télédistribution compte suffisamment d'abonnés pour éventuellement justifier les dépenses d'immobilisation nécessaires pour offrir un service sonore payant, est celle de St. John's.
Le Conseil prend note que la préoccupation possible entourant cette question a effectivement été dissipée à l'audience du mois d'avril par suite de l'engagement des deux requérantes de distribuer la partie américaine de leurs blocs de canaux respectifs à St. John's au moyen de lignes terrestres ou d'installations de transmission par micro-ondes.
Dans le Décret en conseil, il est également demandé au Conseil d'expliquer pourquoi les entreprises ne peuvent pas faire une plus grande utilisation de contenu musical canadien et pourquoi, dans ses décisions de 1993, il a approuvé différents niveaux de contenu musical canadien pour la Shaw et pour la Cogeco.
Dans l'avis public CRTC 1993-94, qui faisait fonction de préambule à ces décisions, le Conseil a noté, entre autres choses, la nature innovatrice et non éprouvée des services sonores payants au Canada et le fait que ces services devaient être entièrement facultatifs, qu'ils attireraient probablement un très petit nombre d'abonnés dans l'ensemble du pays et qu'ils entreraient finalement en concurrence pour l'accès à ces abonnés lors des négociations avec d'éventuels télédistributeurs affiliés. Par conséquent, le Conseil a décidé d'accepter ce qu'il estimait alors être, pour chaque entreprise, "la meilleure utilisation possible des ressources [canadiennes]". Le Conseil a cependant déclaré clairement que les niveaux minimums de contenu musical canadien approuvés pour les deux services demeureraient fixes pour une période de cinq ans seulement :
Le Conseil estime... que le nombre de canaux canadiens exigés des deux requérantes et les niveaux de contenu canadien particuliers à chacun de ces canaux sont des conditions minimums raisonnables à respecter au cours des premières années d'exploitation. La décision du Conseil à cet égard est fondée en grande partie sur le fait que la possibilité de commercialisation des services de programmation sonore payante reste à être éprouvée au Canada. Pour ces mêmes raisons, cependant, le Conseil estime raisonnable d'attribuer des licences pour une période de cinq ans seulement. Cette période permettra aux requérantes de s'implanter tout en donnant l'occasion au Conseil d'évaluer, au moment du renouvellement des licences, s'il y a lieu de maintenir ou d'augmenter les exigences en matière de contenu canadien mentionnées plus haut, en tenant compte du succès financier de ces services dans le marché canadien de la télédistribution.
Le Conseil a examiné attentivement les modifications proposées par les requérantes en réponse aux questions soulevées dans le Décret en conseil, de même que les vues et les préoccupations de tous les intervenants concernant le caractère satisfaisant et pertinent de ces modifications.
De l'avis du Conseil, les organismes dont les représentants ont pris la parole au nom des artistes, musiciens et compositeurs canadiens ont particulièrement bien formulé les préoccupations de leurs membres concernant les conséquences éventuelles des services audionumériques en ce qui touche leurs intérêts.
Le Conseil voudrait toutefois souligner que ses décisions initiales prévoyaient la tenue, à une date ultérieure, d'une autre évaluation visant à déterminer si les résultats financiers des entreprises proposées permettraient une hausse des niveaux de contenu musical canadien ou des ratios de canaux de programmation produite au Canada pour les nouveaux services sonores payants.
À cet égard, le Conseil est convaincu qu'il existe une grande quantité de pièces musicales canadiennes qu'un service audionumérique pourrait présenter. Cependant, il faut aussi prendre en compte les coûts présentement liés à la transmission par satellite de tels canaux de programmation produite au Canada et l'incidence de ces coûts sur l'éventuelle viabilité d'un service audionumérique entièrement de source canadienne.
Quant à la question du paiement de droits d'auteur, le Conseil fait remarquer que, depuis le 1er janvier 1994, les titulaires de tels droits disposent d'une mesure législative par laquelle ils peuvent revendiquer ce qui leur est dû.
Nonobstant ce qui précède, le Conseil estime que les modifications apportées à ces demandes par suite de la publication du Décret en conseil, et plus particulièrement l'insistance de la Cogeco pour obtenir l'exclusivité territoriale, ont changé de façon fondamentale le contexte de cette instance. Compte tenu de la préférence de la Shaw de livrer concurrence pour obtenir des télédistributeurs affiliés à l'échelle du pays et de l'affirmation explicite de la Cogeco selon laquelle elle ne serait pas en mesure de mettre le service en oeuvre à moins d'obtenir l'exclusivité territoriale, la décision qu'avait prise le Conseil en 1993, soit l'approbation des deux demandes, ne figure plus parmi les choix possibles.
Par conséquent, comme il a été mentionné à l'audience, les deux questions qui se posent au Conseil sont de savoir s'il y a lieu de modifier sa démarche initiale relative à l'attribution de licences en accor-dant l'exclusivité territoriale et, le cas échéant, de déterminer le niveau de contenu canadien approprié.
En ce qui a trait à la première question, le Conseil a décidé qu'il ne conviendrait pas pour l'instant de modifier sa démarche initiale relative à l'attribution de licences et d'accorder l'exclusivité territoriale à la Cogeco. Par conséquent, le Conseil n'est pas disposé à confirmer son approbation de la demande de la Cogeco telle que modifiée. Cela irait à l'encontre de la pratique habituelle du Conseil qui consiste, en de pareilles circonstances, à tenir d'abord un processus d'examen de demandes concurrentes. Cela ne répondrait pas non plus à l'une des préoccupations soulevées dans le Décret en conseil, du fait que l'approbation de la demande de la Cogeco ne mettrait le service audionumérique qu'à la disposition de la moitié du pays pour l'instant; cela empêcherait également l'attribution ultérieure d'une licence à un concurrent de la Cogeco dans le territoire qui lui serait atttribué à titre exclusif.
De plus, l'approbation de la demande de la Cogeco aurait pour effet de négliger une question qui, selon le Conseil, est d'une grande importance, soit celle de savoir si, compte tenu des tarifs de gros plus élevés et des frais imputables liés aux droits d'auteur proposés par la Cogeco, le service pourrait attirer un nombre suffisant de télédistributeurs affiliés et leurs abonnés pour assurer sa viabilité, même avec l'exclusivité territoriale dont il jouirait dans la majeure partie de l'est du Canada. Le Conseil observe à cet égard que la Cogéco elle-même entrevoyait des difficultés à mettre en oeuvre un service audionumérique en parallèle avec le lancement des services spécialisés et de télévision payante récemment autorisés, dû notamment au manque de canaux qui peut s'ensuivre pour certaines entreprises de télédistribution.
Le Conseil est également préoccupé par le fait qu'en refusant la demande de la Cogeco et en attribuant une licence à la Shaw, même sur une base non exclusive, il donnerait à cette dernière un monopole de facto dans le marché canadien, au début à tout le moins et éventuellement à long terme. Compte tenu des coûts de démarrage élevés et des prévisions des deux requérantes indiquant un marché canadien très restreint pour les services sonores payants, le Conseil convient avec la Cogeco qu'une fois que les télédistributeurs choisiraient d'offrir à leurs abonnés un tel service, il serait peu probable qu'ils changent de service par la suite ou qu'ils en ajoutent un autre. Le Conseil fait remarquer que la Shaw n'a pas mis en doute l'assertion de la Cogeco à cet égard.
Pour cette raison, même si une tierce partie envisageait de présenter une demande de licence d'exploitation d'un service similaire dans l'avenir, l'attribution d'une licence à la Shaw, à l'heure actuelle, découragerait un tel concurrent de présenter une demande, compte tenu de la probabilité que la Shaw soit en mesure d'obtenir une part prépondérante du marché éventuel avant que l'autorisation d'un nouveau service ne soit mise en oeuvre.
Cette décision amène le Conseil à examiner si les ressources canadiennes, créatrices et autres, devant être utilisées par le service proposé par la Shaw, conformément à sa demande modifiée, sont suffisantes pour satisfaire aux exigences de l'alinéa 3(1)f) de la Loi.
Le Conseil demeure convaincu que, compte tenu de la nature du service, et notamment du nombre de canaux proposés et de la nature très spécialisée de la programmation musicale de chacun, il serait pratiquement impossible à une entreprise sonore payante canadienne de faire appel de manière prédominante aux ressources canadiennes, créatrices et autres, pour la conception et la présentation de sa programmation. Par conséquent, le Conseil doit évaluer si la proposition de la Shaw représente la meilleure utilisation possible de ces ressources, compte tenu du changement fondamental du contexte de cette instance. Dans les circonstances, compte tenu que l'attribution d'une licence à la Shaw équivaudrait à accorder à cette entreprise un monopole à l'échelle du Canada, le Conseil en a conclu que le niveau de contenu canadien proposé par la Shaw ne correspond pas à ce qui représenterait la meilleure utilisation possible des ressources, créatrices et autres, canadiennes. Par conséquent, le Conseil n'est pas disposé à confirmer son approbation de la demande de la Shaw, telle que modifiée.
Le Secrétaire général
Allan J. Darling
OPINION MINORITAIRE DES CONSEILLERS PETER L. SENCHUK ET GARTH DAWLEY POUR LA DÉCISION CRTC 94-670
Dans les décisions CRTC 93-235 et 93-236 du 25 juin 1993, le Conseil a approuvé deux demandes de licences d'exploitation de services de programmation sonore payants présentées par la Shaw Cablesystems Ltd. (la Shaw), au nom de la DMX Canada Ltd., et la Cogeco Radio-Télévision Inc. (la Cogeco). Les décisions ont été rendues à la suite de deux audiences distinctes qui se sont déroulées devant deux comités différents. Les deux services approuvés ont été autorisés à utiliser la technique numérique pour offrir aux abonnés canadiens du câble des services de musique de qualité CD, diffusés 24 heures par jour et sans messages publicitaires.
En septembre 1993, dans le décret en conseil C.P. 1993-1799, le gouverneur en conseil a renvoyé les deux décisions au CRTC en vue d'un nouvel examen et d'une nouvelle audience.
Le décret indiquait que le gouverneur en conseil est d'avis qu'il serait pertinent qu'au moment du réexamen et de la nouvelle audience, le Conseil évalue en profondeur la disponibilité des enregistrements musicaux canadiens pour ce qui est des formules utilisées dans les services audionumériques, et explique :
a) pourquoi les entreprises ne peuvent pas faire une plus grande utilisation de contenu musical canadien; et
b) la justification des différents niveaux de contenu canadien pour les deux licences.
De plus, le décret a ordonné au Conseil d'examiner à fond et d'expliquer :
a) pourquoi lesdites entreprises ne devraient pas faire appel aux ressources des installations canadiennes de télécommunications pour la distribution de la programmation canadienne au Canada; et
b) le fait qu'il n'exige pas que ces services soient offerts dans toutes les régions du Canada.
Suite au décret en conseil C.P. 1993-1799, le Conseil a, le 21 avril 1994, tenu une audience publique afin de procéder à un nouvel examen des décisions CRTC 93-235 et 93-236.
Après un examen attentif et approfondi des pièces et de la preuve présentés au cours de cette audience publique, nous sommes d'avis que le Conseil aurait dû confirmer la décision CRTC 93-235 attribuant une licence à la Shaw pour qu'elle offre aux abonnés canadiens du câble un service sonore payant national. Nous soutenons et nous sommes entièrement convaincus que la Shaw a abordé toutes les questions soulevées dans le décret en conseil C.P. 1993-1799 et qu'elle y a répondu de façon satisfaisante.
Nous convenons avec l'opinion majoritaire que la décision CRTC 93-236 approuvant la demande de la Cogeco devrait être annulée. La nature régionale exclusive de la demande révisée ferait en sorte que le service ne serait pas offert à tous les abonnés canadiens du câble, ce qui s'écarte de façon trop importante de la demande approuvée dans la décision que le Conseil a dû examiner à nouveau.
Confronté à l'imminence d'un univers à canaux multiples, le Conseil exige de plus en plus des émissions canadiennes de grande qualité, plutôt que des émissions canadiennes en plus grande quantité. Dans les récentes décisions autorisant de nouveaux services spécialisés, le Conseil a fait remarquer que le système de radiodiffusion doit relever de nouveaux défis découlant de développements imminents dans le domaine des communications, en particulier dans les nouveaux modes de distribution comme les satellites de radiodiffusion directe (les SRD) de grande puissance et la mise en place par l'industrie de la télédistribution de la compression vidéo numérique (la CVN).
Le Conseil a conclu qu'il fallait réagir rapidement pour assurer une forte présence canadienne dans l'univers des canaux multiples. Il fallait notamment offrir un ensemble diversifié et attrayant de services de télévision traditionnels, spécialisés, de télévision payante et de télévision à la carte présentant une combinaison d'émissions canadiennes et étrangères de grande qualité.
Nous jugeons qu'il existe un impor-tant manque d'uniformité entre la vision du futur exprimée par le Conseil dans des décisions antérieures et cette décision majoritaire qui refuse d'attribuer une licence à un service audionumérique qui pourrait contribuer grandement à offrir aux abonnés du câble des émissions attrayantes, variées et de qualité.
Nous estimons toujours qu'une décision du Conseil autorisant des entrepreneurs canadiens à mettre de nouvelles techniques audionumériques au service du Canada aurait contribué à garder notre système de radiodiffusion à l'avant-garde des communications. Nous sommes d'avis que ces nouveaux services innovateurs seraient une précieuse vitrine nationale pour les talents musicaux canadiens et qu'ils permettraient d'offrir aux Canadiens un plus grand choix ainsi que la possibilité d'avoir accès à des canaux de diffusion ciblée qui répondent à leurs goûts particuliers.
Compte tenu des progrès des techniques de télédistribution en ce qui a trait à l'utilisation de l'espace du spectre ne servant pas à la transmission vidéo et de l'accès à l'espace entre les canaux de services audionumériques, nous sommes convaincus que la capacité de canaux serait suffisante pour faire place à la fois aux services spécialisés canadiens nouvellement autorisés et à un nouveau service de programmation sonore payant. Nous sommes convaincus que le Conseil peut prendre des mesures appropriées pour faire en sorte que les services de télévision spécialisés nouvellement autorisés aient préséance sur un service de programmation sonore payant dans l'espace du spectre réservé à la télédistribution.
Selon nous, la décision de ne pas autoriser pour l'instant de service audionumérique permettra aux systèmes établis aux États-Unis, qui ne sont pas tenus de diffuser des pièces musicales canadiennes, d'atteindre les foyers canadiens au moyen de SRD, que ce soit aujourd'hui ou dans l'avenir. Une fois qu'un tel service sera disponible, les possibilités pour un service établi au Canada d'être viable seraient réduites. De plus, les abonnés canadiens de la télédistribution se voient refuser l'occasion d'écouter des enregistrements canadiens sous forme numérique de grande qualité et les artistes canadiens, celle d'avoir un auditoire.
En outre, contrairement aux nouveaux services de télévision spécialisés récemment autorisés, qui seront assemblés avec d'autres services de télévision pour être offert en bloc, le service audionumérique serait un véritable "service à la carte", offert aux abonnés du câble qui désirent recevoir un service créneau de programmation sonore payant moyennant un tarif mensuel.
Au moment où nous préparons nos industries de l'électronique pour l'autoroute de l'information et les réalités d'une collectivité mondiale des communications, nous devrons faire face à d'autres types de services non traditionnels, notamment les jeux vidéo, dont plusieurs ne présenteront aucun contenu canadien. Nous estimons qu'il est préférable d'attribuer dès que possible des licences à des services présentant un pourcentage raisonnable de contenu canadien afin de prévenir la pénétration sur le marché canadien de services créneau étrangers n'offrant aucun contenu canadien réel. Nous croyons que la structure de la réglementation doit réagir plus rapidement de manière à tenir compte de l'évolution rapide du milieu des communications ainsi que des besoins et des désirs changeants des consommateurs.
Nous estimons qu'il est à la fois souhaitable et nécessaire que les entrepreneurs canadiens soient encouragés à prendre la place qui leur revient de droit au premier plan de la technologie des communications afin de servir le plus avantageusement possible la collectivité créatrice de notre pays. L'approbation de la demande de licence de service audionumérique présentée par la Shaw aurait permis d'offrir aux abonnés canadiens du câble une programmation mettant en vedette des artistes canadiens, au profit du système canadien de radiodiffusion.

Date de modification :