ARCHIVÉ -  Avis Public CRTC 85-274

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Avis public

Ottawa, le 19 décembre 1985
Avis public CRTC 1985-274
La radiotélédiffusion autochtone dans le Nord
Documents connexes: "Les années 1980: décennie de la pluralité" (Rapport du Comité sur l'extension du service aux petites localités éloignées et à celles du Nord, juillet 1980) et avis public du 16 octobre 1980; "Le choix, à quel prix?" (Rapport du Groupe de travail sur l'accès aux services de télévision dans les collectivités mal desservies, 25 février 1985) et avis public 1985-60 du 22 mars 1985; "La radiotélédiffusion autochtone dans le Nord", avis public CRTC 1984-310 du 14 décembre 1984; "Appel d'observations sur la radiotélédiffusion au tochtone dans le Nord", avis public CRTC 1985-67 du 27 mars 1985; et CRTC - Avis d'audience publique 1985-72 du 2 août 1985.
I. HISTORIQUE
La radiodiffusion a d'abord pénétré dans le Nord canadien pour satisfaire aux besoins de communications des résidents du Sud vivant temporairement dans des bases militaires et collectivités administratives dans le Nord. La création par la Société Radio-Canada de son Service du Nord en 1958 a permis à la radio de rejoindre progressivement un grand nombre de collectivités autochtones.
Avec le temps, les langues autochtones ont commencé à se faire entendre au Service du Nord de la Société Radio-Canada. Plus particulièrement, les langues inuit en sont venues à devenir une composante importante du service par ondes courtes de la Société Radio-Canada en provenance de Montréal.
A mesure que la radio devenait une partie intégrante de la vie courante dans le Nord, la population autochtone a commencé à exiger un plus grand nombre d'émissions la concernant. Dès 1961, le ministère fédéral des Affaires indiennes appuyait l'implantation de la radiodiffusion communautaire dans des localités éloignées, notamment Fort Simpson et Pond Inlet (T.N.-O.) et Poste-de-la-Baleine/Kuujjuarapik (Québec). D'autres initiatives locales en matière de communications ont suivi et, à partir de 1970, le CRTC a attribué des licences d'exploitation de stations de radio communautaire à Tuktoyaktuk, Rankin Inlet, Longlac et Baker Lake.
A l'heure actuelle, le Service radiophonique du Nord de la Société Radio-Canada offre un précieux et heureux choix d'émissions d'information, de divertissement et de nouvelles et affaires publiques régionales dans plusieurs langues et dialectes autochtones et il rejoint la plupart des localités du Yukon, du Labrador, des Territoires du Nord-Ouest et du Nord du Québec.
Plus de 250 stations de radio des servent aujourd'hui le Nord et un bon nombre sont exploitées par des sociétés de communications autochtones locales. La Société Radio-Canada offre l'accès local à ses émetteurs de radio dans 22 localités autochtones.
L'avènement de la télévision dans le Nord s'est d'abord fait au moyen des émetteurs en régions éloignées de la Société Radio-Canada qui, de 1967 au début des années soixante-dix, ont offert des enregistrements magnétoscopiques d'émissions réseau du Sud aux résidents de 21 localités du Nord.
Vers la fin de 1972, le satellite Anik A-1 a été lancé et, au début de 1973, la Société Radio-Canada a commencé à télédiffuser son service de télévision du Sud au complet dans le Nord. Certaines localités autochtones ont, au départ, refusé l'avènement de la télévision, craignant qu'elle ne cause un tort irréparable à leurs langues, cultures et habitudes traditionnelles.
Afin de profiter pleinement des avantages inhérents à la distribution par satellite, le Cabinet fédéral a, en 1974, approuvé des crédits spéciaux de l'ordre de 50 millions de dollars aux fins du Plan de rayonnement accéléré (PRA) de la Société Radio-Canada, en vue d'offrir par trajsmission directe les services de radio et de télévision de langues anglaise et française de la Société à toutes les localités de 500 âmes ou plus. Les crédits ainsi affectés à l'extension des services nationaux de radiodiffusion sont maintenant épuisés.
A partir de la fin des années soixante-dix, les gouvernements du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest ont complété le PRA de la Société Radio-Canada par l'installation de matériel de réception par satellite dans des localités encore plus petites, certaines comptant même aussi peu que 60 ménages.
Le Conseil a pris note et félicite TVOntario de son initiative relativement à l'extension de son service de télévision éducative aux plus petites localités du Nord de l'Ontario. Le signal de ce service est distribué au moyen d'un satellite différent de celui qu'utilise la Société Radio-Canada, ce qui nécessite du matériel de réception additionnel.
Les techniques de distribution par satellite constituaient le meilleur moyen de régler le problème des grandes distances entre les établissements dans le Nord et elles ont abouti à un certain nombre d'expériences à court terme en matière de radiodiffusion autochtone locale et régionale. Des crédits fédéraux spéciaux ont aidé à financer des expériences de radio par satellite de la Wawatay, la société de communications autochtone du Nord de l'Ontario, ainsi que NAALAK VIK I, organisée par la Taqramiut Nipingat Inc. (la TNI), la société de communications inuit du Nord du Québec. Au moment de cette dernière expérience, ces localités ne bénéficiaient ni du service de télévision de la Société Radio-Canada ni du service téléphonique de base. Un projet ultérieur, NAALAKVIK II, a permis d'implanter le premier service de télévision inuit dans le Nord du Québec en 1978, tandis que le projet INUKSHUK, sous les auspices de l'Inuit Tapirisat du Canada, a assuré un service de télévision inuit aux localités de l'Est et du Centre de l'Arctique.
Le Conseil félicite les populations autochtones du Canada d'avoir su maîtriser des techniques de communications complexes afin de relier par des émissions valables et pertinentes de vastes régions du Nord unies par les liens d'une langue commune. A partir d'expériences de radio communautaire faisant appel au matériel et aux capacités de production les plus rudimentaires, les populations autochtones de tout le Nord du Canada ont, en l'espace d'à peine quelques années, réussi à prouver leurs talents de radiodiffuseurs, de communicateurs et de gardiens de leur patrimoine culturel.
Le Conseil appuie depuis nombre d'années les entreprises de radiotélédiffusion autochtone et il a encouragé activement l'évolution de cet important aspect du système de la radiodiffusion canadienne.
De plus, le Conseil est conscient que l'évolution de la radiotélédiffusion autochtone jouera un rôle crucial dans la conservation des particularités culturelles et linguistiques qui sont propres aux populations autochtones du Canada.
II. INITIATIVES DU CRTC
Vers la fin de 1979, le CRTC a constitué le Comité sur l'extension du service aux petites localités éloignées et à celles du Nord, sous la présidence de M. Réal Therrien, vice-président du CRTC; le comité était composé de représentants des provinces, des sociétés de communications autochtones et du Conseil. Le Comité a tenu des audiences publiques dans plusieurs localités du Nord, a reçu plus de 400 mémoires et a servi de tribune publique dans le cadre de la quelle on a examiné et débattu les besoins de nombreux groupes d'intérêt en matière de radiotélédiffusion.
En juillet 1980, le Comité a déposé son rapport (le "rapport Therrien"), dans lequel il soulignait fortement les préoccupations et les besoins des populations autochtones du Nord du Canada. Ces préoccupations portaient principalement sur les répercussions des services de télévision du Sud sur les langues et cultures indigènes. Le besoin cerné le plus important était la prestation de services de radiotélédiffusion produits par des autochtones de manière à compenser l'intrusion de valeurs et de langues du Sud.
Le rapport renfermait un certain nombre de recommandations à l'appui de la radiotélédiffusion autochtone, portant entre autres choses sur le financement, la consultation, le rôle du secteur privé et les rôles des divers paliers de gouvernement. Le CRTC a appuyé et entériné ces aspects du "rapport Therrien" dans un avis public en date du 16 octobre 1980.
La quatrième recommandation de ce rapport préconisait la reconnaissance que la radiotélédiffusion autochtone constitue une composante essentielle du système de la radiodiffusion canadienne:
Le Canada doit s'acquitter de ses obligations et encourager le développement d'un milieu permettant aux autochtones de préserver l'usage de leurs langues, et de favoriser la préservation et le développement de leurs propres cultures grâce à des services de radiodiffusion et de communication.
A la suite de la publication du "rapport Therrien", le Conseil a lancé un appel de demandes de licence pour l'extension du service aux collectivités éloignées et à celles qui sont mal desservies. Le 14 avril 1981, le Conseil a octroyé à Les Communications par Satellite Canadien Inc. (la CANCOM) une licence d'exploitation d'un réseau de radiotélédiffusion à canaux multiples aux fins de distribuer toute une gamme de services de programmation du Sud aux collectivités éloignées et mal desservies. Parallèlement, le Conseil a attribué des licences à la Société inuit de télédiffusion et au Conseil des Indiens du Yukon et de la Nation dénée, en vue de satisfaire aux besoins de programmation propres à leurs collectivités (les décisions CRTC 81-255 et 81-256).
III.  POLITIQUE DU GOUVERNEMENT EN MATIÈRE DE RADIOTÉLÉDIFFUSION DANS LE NORD
En 1982, le ministère fédéral des Communications a entrepris une étude approfondie de la radiotélédiffusion autochtone dans le Nord et il a, à cette fin, consulté les sociétés de communications autochtones et divers ministères et organismes du gouvernement. Le gouvernement a annoncé l'établissement de sa Politique de radio télédiffusion dans le Nord le 10 mars 1983. La politique incluait cinq principes conformes aux priorités cernées dans le "rapport Therrien" et prévoyait un mécanisme de financement destiné à faciliter la production d'émissions indigènes dans le Nord du Canada. Les cinq principes sont les suivants:
1.  En tirant parti des possibilités techniques, il faudrait mettre à la portée des habitants du Nord un plus vaste choix de programmation;
2.  Les autochtones du Nord devraient avoir la possibilité de prendre une part active aux travaux du CRTC visant à déterminer le caractère, la quantité et l'ordre de priorité des émissions diffusées dans les localités à prédominance autochtone;
3.  Les autochtones du Nord devraient avoir un accès équitable aux systèmes de distribution d'émissions dans le Nord, afin de préserver et d'enrichir leurs cultures et leurs langues;
4.  Des émissions conformes aux intérêts des autochtones, comprenant des contenus créés par des autochtones, devraient être réalisées aux fins de distribution par les services de radiodiffusion dans le Nord, là où les autochtones constituent une proportion importante du public desservi;
5.  Les représentants des autochtones du Nord devraient être consultés régulièrement par les organismes gouvernementaux qui établissent des politiques de radiodiffusion susceptibles d'influer sur leurs cultures.
Le gouvernement a également demandé à la Société Radio-Canada de présenter un plan pour un service amélioré d'émissions de radio et de télévision dans le Nord et il a chargé le Conseil de mettre en oeuvre ces principes.
Le Programme d'accès des autochtones du Nord à la radiodiffusion (le PAANR), que le gouvernement fédéral a institué le 1er avril 1983 et doté de près de 40 millions de dollars sur une période de quatre ans, a pour objet d'aider les sociétés de communications autochtones du Nord à produire jusqu'à concurrence de cinq heures par semaine d'émissions de télévision et jusqu'à concurrence de 20 heures par semaine d'émissions de radio. Les niveaux-repères de 5 et 20 s'inspirent d'un modèle européen fixant le niveau minimal requis au maintien de la langue et de la culture.
Administré par la Direction des citoyens autochtones du Secrétariat d'État, le programme a principalement pour objectif de fournir une aide financière aux sociétés de communications autochtones du Nord afin de leur permettre de produire des émissions de radio et de télévision qui satisfont aux besoins des populations autochtones. Pour être admissibles à de l'aide financière dans le cadre du PAANR, les groupes de communications autochtones étaient tenus de conclure au préalable un contrat de distribution avec un radiodiffuseur déjà établi dans le Nord, et il s'ensuivait que certains groupes devaient accepter des tranches de temps qui ne leur convenaient pas.
Aux fins du PAANR, le Nord a été réparti en 13 régions, principalement en fonction de la communauté de langue et de culture et des frontières administratives reconnues par tradition. Les sociétés de communications autochtones représentant chaque région ont reçu des fonds. Douze des sociétés sont maintenant opérationnelles et la treizième commencera à diffuser des émissions en avril 1986. Bien que certaines régions parlent différentes langues, chacun des groupes subventionnés doit satisfaire les besoins linguistiques particuliers cernés.
IV.  LE PROCESSUS D'EXAMEN
A)  Première étape - le Comité de la radiotélédiffusion dans le Nord
Vers la fin de 1984, le Conseil a été informé qu'un grand nombre des sociétés de communications autochtones éprouvaient de la difficulté à obtenir l'accès aux systèmes de distribution dans le Nord. Diverses questions se posaient: comment déterminer les radiodiffuseurs qui devraient distribuer les émissions financées en vertu du PAANR; ce qu'est l'"accès équitable"; et à quelles méthodes il faudrait recourir pour mettre en oeuvre les objectifs de la Politique de radiotélédiffusion dans le Nord.
Le 14 décembre 1984, le Conseil a annoncé la constitution du Comité de la radiotélédiffusion dans le Nord, composé de M. Réal Therrien, vice-président du CRTC, et de M. Paul McRae, conseiller, sous la présidence de ce dernier, et chargé de cerner les problèmes reliés à la radiotélédiffusion qui se posaient pour les sociétés de communications autochtones financées par l'intermédiaire du PAANR (l'avis public CRTC 1984-310).
Par la suite, le Conseil a tenu des réunions avec des représentants de la plupart des 13 sociétés de communications autochtones et de la Société Radio-Canada, ainsi qu'avec des fonctionnaires de la Direction des citoyens autochtones du Secrétariat d'État.
Le 27 mars 1985, le Conseil a lancé un appel d'observations sur la radiotélédiffusion autochtone dans le Nord (l'avis public CRTC 1985-67) et a posé 10 questions en vue d'obtenir les points de vue de toutes les parties intéressées sur un certain nombre de sujets cernés au cours du processus antérieur de consultation.
Le Conseil a reçu 22 mémoires en réponse à son appel. Indépendamment des opinions divergentes exprimées dans ces mémoires, il en est clairement ressorti que le Conseil devrait étudier de manière approfondie les questions, préoccupations et solutions possibles dans le cadre d'audiences publiques.
B)  Seconde étape - les audiences publiques de 1985
Le 2 août 1985, le Conseil a annoncé qu'il tiendrait des audiences publiques en vue d'établir un cadre de politique en matière de radiotélédiffusion autochtone dans le Nord. Les audiences ont débuté à Whitehorse (Yukon), le 23 septembre, à Thompson (Manitoba), le 27 septembre, à Kuujjuaq/Fort Chimo (Québec), le 1er octobre, et dans la région de la Capitale nationale, le 8 octobre 1985.
Au cours de ces audiences, le Conseil a entendu les témoignages des 13 sociétés de communications autochtones financées par l'intermédiaire du PAANR, de la Société Radio-Canada, de radiodiffuseurs privés, notamment la CANCOM, des gouvernements de l'Ontario et du Manitoba et d'autres parties intéressées. Le Conseil remercie de leur contribution toutes les parties à l'instance. L'échange de points de vue divergents et d'expériences variées a grandement aidé le Conseil à comprendre et à bien saisir le rôle de la radiotélédiffusion autochtone.
Le Conseil a largement profité des discussions approfondies avec les radiodiffuseurs autochtones et de visites à plusieurs studios et centres de production, et la qualité des émissions qui y sont produites l'a impressionné. De toute évidence, leurs auditoires sont bien servis par la pertinence de ces émissions d'information, d'actualités et de divertissement qui satisfont à des besoins linguistiques, régionaux et culturels particuliers. Il est ressorti des témoignages que la culture et la langue sont intrinsèquement liées et que les jeunes des populations autochatones manifestaient un regain d'intérêt pour leurs langues respectives, les utilisaient de plus en plus et prenaient mieux conscience des traditions et valeurs autochtones.
Un autre point important est l'avantage économique provenant de la création de près de 200 emplois directs, principalement dans les régions du Nord où les taux de chômage sont de puis toujours élevés. On a aussi relevé d'autres avantages connexes, notamment: des occasions d'emplois pour les artistes, musiciens et techniciens; un moyen pour les enseignants et les professionnels de la santé de mettre leurs connaissances à la portée d'un plus grand nombre; et une tribune publique aux fins de discuter de l'évolution du rôle des autochtones dans la société canadienne.
La plupart des mémoires ont souligné le peu de pertinence des émissions du Sud, en particulier pour des régions comme le Grand Nord où la population autochtone est souvent unilingue. Un grand nombre de mémoires ont fait état que les auditoires autochtones sont souvent offensés par la violence et les représentations sexuelles que renferment les services de télévision du Sud. Ils on fait remarquer que ces influences et les fréquentes représentations stéréotypées des autochtones ont contribué à l'affaiblissement de la vie familiale.
On a souvent mentionné que l'insuffisance de fonds constituait une grave source de préoccupation, principale ment faute d'engagements à long terme de la part des divers organismes de financement. On a reconnu que certains des gouvernements provinciaux et territoriaux appuyaient fortement les groupes de communications autochtones, mais que d'autres ne les ont pas appuyé suffisamment jusqu'à maintenant. Dans la plupart des cas, la publicité n'est pas considérée comme étant une option valable, du fait de la rareté des entreprises commerciales dans le Nord.
La formation est une autre question que les groupes considèrent comme étant indispensable pour atteindre les normes professionnelles d'expertise en matière de journalisme, de gestion et de production. Étant donné que des crédits du PAANR ne sont pas affectés à la formation, les groupes doivent se livrer concurrence les uns les autres pour obtenir des crédits par l'intermédiaire de la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada.
Les radiodiffuseurs autochtones étaient d'avis que des modifications législatives fondamentales, notamment à la Loi sur la radiodiffusion, s'imposent pour que les radiodiffuseurs autochtones puissent occuper la position qui leur revient de droit comme élément crucial du système de la radiodiffusion.
Mme Rosemarie Kuptana, de la Société inuit de télédiffusion, a résumé ainsi la position fondamentale de la SIT [TRADUCTION]:
 Nous estimons que la conservation de notre langue est la clé de notre survie comme population distinctive. Nous devons pouvoir communiquer dans notre propre langue. La position que nous avons adoptée, c'est qu'en notre qualité de population autochtone du Canada, nous avons le droit aux services publics fondamentaux dans notre langue, notamment l'éducation, la justice et la radiotélédiffusion. Nous estimons que le Canada a l'obligation morale et juridique de dûment reconnaître notre statut particulier dans les lois fédérales. Compte tenu de ce qui précède, la SIT propose que le paragraphe 3e) de la Loi soit modifié de manière à inclure les langues autochtones représentatives.
La Société Radio-Canada a également demandé un examen de la Loi sur la radiodiffusion, afin d'établir s'il y a lieu ou non d'y mentionner expressément les langues autochtones.
La plupart des groupes ont proposé qu'un autochtone fasse partie des membres du CRTC afin que les préoccupations des autochtones soient considérées adéquatement.
V. QUESTIONS
A)  Accès équitable
La politique du gouvernement en matière de radiotélédiffusion dans le Nord stipule que "les autochtones du Nord devraient avoir un accès équitable aux systèmes de distribution d'émissions dans le Nord, afin de préserver et d'enrichir leurs cultures et leurs langues".
Le "rapport Therrien" a dégagé deux aspects importants de cet accès:
 Une mise au point importante s'impose en ce qui concerne l'"accès" aux services. Ce terme est utilisé en son sens passif, c'est-à-dire le fait de fournir aux gens l'accès aux services de radiodiffusion, et en son sens actif, c'est-à-dire le fait de revendiquer l'accès aux installations de transmission et de télévision par câble de façon à pouvoir diffuser des émissions destinées à la collectivité et des émissions en langue autochtone. Il ne suffit pas de fournir l'accès, en son sens passif, sans plus. L'accès présente peu de valeur pratique sans l'apport d'employés et de techniciens ayant reçu une formation et sans les fonds destinés à la production d'émissions appropriées.
Le PAANR a fourni des fonds aux fins de la production d'émissions autochtones mais n'a pas, jusqu'à présent, disposé de fonds suffisants pour assurer l'accès aux installations de distribution.
Dans son appel d'observations et tout au cours des audiences publiques, le Conseil a sollicité des points de vue sur les critères d'établissement de l'"accès équitable". La plupart des groupes étaient d'avis que l'accès devrait être fourni là où la population autochtone compte pour une proportion importante de la population. La Société de communication Atikamekw/Montagnais (la SoCAM) a déclaré qu'il devrait y avoir accès aux stations publiques ou privées là où plus de 200 autochtones parlent le même dialecte.
La plupart des groupes estimaient que les niveaux-repères de production prescrits par le PAANR (soit cinq heures par semaine d'émissions de télévision et 20 heures par semaine d'émissions de radio) constituaient des lignes directrices appropriées aux fins du calcul de la quantité de temps d'accès. D'autres, notamment la Taqramiut Nipingat Incorporated, étaient d'avis que l'accès devrait être garanti pour autant d'émissions qu'il est possible d'en produire. La Société Radio-Canada a avancé que trois critères devraient être appliqués: les particularités démographiques de l'auditoire, les services existants et la souplesse du système de distribution.
Le Conseil note qu'il est difficile de définir le terme "équitable" au sens où il est utilisé dans l'expression "accès équitable". La Société Radio-Canada comme la Société inuit de télédiffusion ont reconnu que le terme était subjectif et se prêtait à interprétation.
Mme Marion Telep, de la Northern Native Broadcasting du Yukon, a avancé ce qui suit [TRADUCTION]:
 Pour réussir, c'est toujours le même obstacle qu'il faut surmonter. Il s'agit de l'"accès garanti" des radiodiffuseurs autochtones aux systèmes publics et privés de distribution déjà en place dans le Nord du Canada. Les nouvelles politiques supposaient que les groupes autochtones auraient accès aux systèmes de distribution au pays ... La leçon a été très dure pour nous. "Devrait" ne signifie pas nécessairement "doit". Malgré nos meilleurs efforts, notre réussite dépend de la volonté des radiodiffuseurs existants de nous accorder l'accès équitable.
La plupart des mémoires ont reconnu que toute une gamme de facteurs, notamment les particularités démographiques, les options technologiques et les diverses capacités de production des sociétés de communications autochtones, influeraient tant sur les besoins des groupes que sur les solutions possibles. Un bon nombre de groupes ont précisé qu'en plus de la radio, la télévision deviendra un moyen de communications de plus en plus important, aggravant ainsi davantage les problèmes de distribution.
Quant à la manière dont il faudrait mettre en oeuvre le principe de l'accès, le gouvernement de l'Ontario a recommandé ce qui suit [TRADUCTION]:
 Nous estimons que, pour établir les modalités et conditions précises de l'accès, notamment le nombre total d'heures à fournir et l'échelonnement de périodes d'accès pour les autochtones, il est indispensable de disposer d'une démarche de réglementation souple. Une démarche individuelle, souple, à la question de l'accès équitable conviendrait beaucoup mieux qu'un règlement général.
L'accès comporte une question corollaire soit celle de la qualité du temps d'accès. La plupart des groupes ont déclaré qu'ils étaient insatisfaits des heures de diffusion de leurs émissions ou craignaient qu'une fois passés à la production d'émissions de télévision, ils auraient de la difficulté à négocier du temps d'accès convenable. Les quatre groupes inuit qui distribuent à l'heure actuelle leurs émissions par l'intermédiaire du Service du Nord de la Société Radio-Canada voient souvent leurs émissions céder la place à des émissions prioritaires. En outre, un grand nombre de leurs émissions sont reléguées à des tranches de temps en fin de soirée, ce qu'ils considèrent comme étant inacceptable.
Le Conseil se préoccupe de la qualité du temps d'accès et il souligne qu'il ne suffit pas d'obtenir l'accès aux ondes si les émissions ne sont pas accessibles à leurs auditoires cibles à des périodes qui leur conviennent.
Le Conseil est d'accord avec ces observations et, tel qu'il est signalé plus loin dans le présent document, il constituera un comité qui sera chargé de mettre en oeuvre les principes d'accès équitable. Il entend aussi adopter un processus de mise en oeuvre souple qui fera, en premier lieu, appel à la consultation et à la bonne volonté plutôt qu'à l'imposition de conditions de licence ou de règlements d'application générale. Il serait toutefois disposé à imposer une démarche plus rigoureuse, si la chose se révélait nécessaire.
Il faut aussi tenir compte d'une question connexe, celle de l'accès fondamental aux services de télévision et de radio de base. Les gouvernements du Manitoba et de l'Ontario, la Taqramiut Nipingat Incorporated, la Makivik Corporation, la Wawatay, l'OKala Katiget Society et d'autres ont fortement fait valoir que des douzaines de petits établissements autochtones n'ont encore accès ni à la radio ni à la télévision de la Société Radio-Canada. Ces localités n'ont pas, non plus, les ressources financières voulues pour acheter le matériel nécessaire pour capter les signaux de radiodiffusion distribués par satellite. Le Conseil continue d'être gravement préoccupé par le fait qu'un grand nombre de ces petites localités ne reçoivent pas de service de radiodiffusion. Ces localités sont parmi celles pour lesquelles les émissions autochtones financées par le gouvernement fédéral sont produites.
Tel qu'il est signalé dans la recommandation n° 25 du Rapport du Groupe de travail du CRTC sur l'accès aux services de télévision dans les collectivités mal desservies ("Le Choix, à quel prix?"), le Conseil est conscient qu'un certain nombre de programmes d'aide fédéraux, provinciaux et municipaux existent à l'heure actuelle et visent à favoriser le développement accru de la radiodiffusion. Il faudrait examiner ces programmes pour que les petites localités et les régions rurales puissent profiter de ces services.
B)  Le rôle des radiodiffuseurs privés
Dans son rapport de 1980, le Comité Therrien a déclaré que les radiodiffuseurs privés doivent assumer leur part de responsabilité pour la production d'émissions à l'intention d'auditoires autochtones, "même si ces collectivités ne représentent qu'une infime proportion de la population desservie".
Le rapport y allait ensuite de la recommandation ci-après:
 Il faudrait considérer la possibilité que le secteur privé de l'industrie de la radiodiffusion vienne en aide aux organismes autochtones qui entreprennent des activités de radiodiffusion.
 Il existe 65 stations de radio et de télévision commerciales dans le Nord canadien, soit sept stations de télévision, 48 stations de radio MA et 10 stations de radio MF. Peu d'entre elles produisent des émissions autochtones, même si un grand nombre desservent d'importants secteurs de la population autochtone.
On a longuement discuté, au cours des audiences publiques, du rôle que ces stations devraient jouer dans la diffusion d'émissions produites par des autochtones. Toutes les parties qui se sont penchées sur la question étaient d'accord que les radiodiffuseurs utilisant des fréquences publiques ont l'obligation de satisfaire aux besoins des localités qu'ils sont autorisés à desservir. La plupart des radiodiffuseurs autochtones ont fait valoir qu'il faudrait leur accorder gratuitement un minimum de temps d'antenne, jusqu'à concurrence des niveaux-repères de cinq et 20 heures. Depuis plusieurs années, certains radiodiffuseurs autochtones doivent acheter du temps d'antenne de radiodiffuseurs commerciaux pour rendre leurs émissions accessibles à de grandes parties des auditoires autochtones.
Le gouvernement du Manitoba, qui subventionne la Native Communications Inc. (la NCI) de Thompson, a fait part d'une préoccupation particulière au sujet de l'accès payé [TRADUCTION]:
 Le gouvernement du Manitoba estime que, lorsqu'un organisme autochtone sans but lucratif produit des émissions à l'intention d'une population autochtone qui représente une partie importante de l'auditoire d'une station de radio commerciale, elle devrait obtenir du temps convenable pour la distribution de ses émissions si la station commerciale ne produit pas elle-même un niveau équivalent d'émisions autochtones. Nous sommes préoccupés par le fait qu'une partie importante des crédits que nous versons à la NCI soit consacrée à l'achat de temps d'antenne de stations de radio qui ont la responsabilité de desservir tout l'auditoire de la région.
 Bien que le gouvernement de l'Ontario recommande que les radiodiffuseurs qui desservent des localités autochtones soient tenus, par condition de licence, de fournir l'accès, il n'en est pas moins conscient qu'un grand nombre d'entre eux exploitent leurs entreprises avec de très faibles marges de profit et que, par conséquent, on ne pourrait s'attendre à ce qu'ils fournissent gratuitement tout le temps d'antenne nécessaire.
D'autres mémoires, notamment celui de l'Ontario, ont soulevé la possibilité de commerce d'émissions comme moyen d'obtenir l'accès aux ondes. En vertu de cette proposition, les producteurs autochtones achèteraient des blocs de temps d'antenne des stations de radio ou de télévision et vendraient de la publicité pour en compenser les coûts.
Plusieurs radiodiffuseurs autochtones ont proposé que les stations privées soient tenues d'acheter des émissions autochtones et ils ont fait valoir qu'une telle initiative aiderait le radiodiffuseur à remplir son mandat et compenserait une partie des coûts de production.
Le Conseil est conscient qu'il n'existe pas de solution unique qui tiendrait compte de toutes les circonstances propres aux diverses régions. Dans certains cas, par exemple, le Native Broadcasting Network de la Colombie-Britannique, il faudra un amalgame de stations publiques et privées pour rejoindre toutes les localités cibles. Dans bien d'autres cas, l'accès devra se faire par l'intermédiaire de stations appartenant à la localité.
Le Conseil souscrit aux principes énoncés dans le "rapport Therrien" au sujet du rôle du secteur privé. De plus, il estime que les radiodiffuseurs privés, conformément à la responsabilité qui leur incombe de satisfaire aux besoins variés de leurs zones de desserte autorisées, de vraient fournir gratuitement du temps d'accès pour la diffusion d'émissions autochtones là où les auditoires le justifient, dans la mesure où ils sont incapables d'offrir eux-mêmes les émissions.
Le Conseil prendra, au besoin, les mesures voulues pour garantir que les émissions autochtones puissent rejoindre les auditoires cibles. Les niveaux-repères de temps d'antenne gratuit de cinq heures par semaine d'émissions de télévision et de 20 heures par semaine d'émissions de radio serviront pour le moment de lignes directrices au Conseil, aux producteurs autochtones et aux stations privées. Étant donné que la radiotélédiffusion autochtone évolue rapidement pour ce qui est de l'expertise et de la quantité d'émissions produites, le Conseil suivra de près l'efficacité de ces lignes directrices.
L'accès à du temps d'antenne en sus des niveaux prescrits dans le cadre du PAANR pourrait venir du commerce d'émissions ou d'autres ententes mutuellement satisfaisantes.
Le Conseil rappelle toutefois aux titulaires que, conformément au paragraphe 3c) de la Loi sur la radiodiffusion, chacun d'eux est entièrement responsable des émissions diffusées par son entreprise, quelle qu'en soit la provenance.
S'il advenait que les titulaires s'inquiètent que le fait de donner accès aux producteurs autochtones pour la diffusion d'émissions en anglais, en français ou en langues autochtones puisse réduire leur contrôle sur le contenu des émissions, le Conseil pourrait envisager des mesures appropriées pour protéger leurs intérêts, notamment des contrats, une assurance convenable ou des licences de réseaux.
C) La CANCOM
Dans la décision CRTC 81-252, par la quelle il approuvait l'attribution d'une licence de réseau à la CANCOM pour l'extension de services de radiodiffusion aux collectivités du Nord et aux localités éloignées, le Conseil a signalé que "l'introduction dans le Nord, et en particulier dans les collectivités autochtones, de services de radiodiffusion provenant du Sud engage du même coup les promoteurs à favoriser le développement des services de radiodiffusion autochtones dans le Nord". A cet égard, la CANCOM a pris plusieurs engagements, notamment de fournir une liaison ascendante vidéo et deux liaisons ascendantes audio dans des localités du Nord pour les émissions produites par les autochtones; de substituer, aux heures appropriées, jusqu'à 10 heures par semaine d'émissions de télévision produites par les autochtones; de nommer un représentant autochtone vice-président aux fins de coordonner et de programmer les émissions autochtones; et de consulter et d'aider les sociétés de communications autochtones. Le Conseil a également exigé de la CANCOM, comme condition de licence, qu'elle permette la suppression de n'importe lequel de ses signaux dans une collectivité à prédominance autochtone.
La CANCOM dessert à l'heure actuelle un peu plus de 200 localités dans le Nord, dont 47 sont considérées comme étant à prédominance autochtone.
La CANCOM a fourni des liaisons ascendantes audio et des sous-porteuses pour la distribution des signaux de radio de la Northern Native Broadcasting, au Yukon, et de la Native Communications Society des Territoires du Nord-Ouest, à Yellowknife, en février et septembre de cette année. En outre, le vice-président aux relations autochtones de la CANCOM, M. Ross Charles, a longuement consulté les radiodiffuseurs autochtones partout au pays.
Le Conseil note aussi que la CANCOM était à l'origine d'une série autochtone en provenance du Sud, intitulée "Native Express", et que la CANCOM entend donner suite à cette initiative par une autre série intitulée "Pi-wapic-II", dans les mois qui viennent.
Toutefois, le Conseil reste préoccupé par le fait que les engagements relatifs à la fourniture de la liaison ascendante vidéo et à la substitution de 10 heures d'émissions autochtones n'aient pas encore été remplis. Ces questions ont fait l'objet de discussions avec la titulaire à l'audience portant sur le renouvellement de sa licence, le 28 avril 1985.
Lors de l'audience publique du 9 octobre 1985, la CANCOM a fait valoir que ces émissions autochtones pour raient comporter un segment en langue autochtone, mais qu'à son avis la langue anglaise s'imposerait [TRADUCTION] "pour faire le lien entre les pensées et les segments des émissions". Le Conseil note que ces éléments d'émissions pourraient être en anglais, en français ou en langues autochtones. Le Conseil tient à réitérer aujourd'hui qu'il s'attend à ce que la CANCOM remplisse les engagements qu'elle a pris au moment de l'attribution de sa première licence, concernant les communications autochtones.
Dans son appel d'observations, le Conseil a soulevé la question du meilleur moyen d'utiliser ces 10 heures de substitution d'émissions. La plupart des mémoires ont noté que la CANCOM ne constitue qu'une de plusieurs options de distribution. Certains groupes, notamment la Wawatay dans le Nord de l'Ontario et la Société des communications cries de la Baie James et la TNI dans le Nord du Québec, ont fait remarquer que le service de la CANCOM n'était généralement pas disponible dans leurs régions particulières et que, du fait de son coût élevé, il est probable qu'il le restera dans un avenir prévisible. La plupart des groupes estimaient qu'ils devraient disposer de ces 10 heures de substitution et que ceux qui veulent y participer devraient constituer un consortium aux fins de négocier l'inscription à l'horaire et la diffusion des émissions.
Compte tenu des caractéristiques de ses techniques de brouillage, la CANCOM a signalé qu'il lui serait difficile de débrouiller la composante d'émissions de télévision autochtones de sorte qu'elle soit accessible à toute collectivité dotée du matériel de réception approprié. En conséquence, les émissions autochtones qu'elle distribuerait ne pourraient être captées que dans les localités avec lesquelles elle a passé des contrats d'affiliation.
Quant à la mise en oeuvre de la liaison ascendante vidéo, la CANCOM a fait remarquer le peu d'émissions de télévision autochtones dans le Nord et elle a indiqué que, lorsque la demande serait suffisante, elle installerait la liaison ascendante dans une localité du Nord convenable, en consultation avec les radiodiffuseurs autochtones.
Le Conseil estime que, dans un premier temps, la CANCOM devrait immédiatement accepter de substituer n'importe quelle quantité d'émissions autochtones qui existe à l'heure actuelle, même si elle est inférieure au niveau convenu de 10 heures.
D) Le rôle de la Société Radio-Canada
La Société Radio-Canada est bien connue comme étant une productrice d'émissions de radio et de télévision en langues autochtones et une ardente partisane du PAANR. A cause de restrictions financières, la Société a dû abandonner ses projets immédiats d'amélioration des services de radio et de télévision dans le Nord, comme il lui était demandé de le faire dans la Politique du gouvernement en matière de radiotélédiffusion dans le Nord.
Les services de radio et de télévision de la Société Radio-Canada dans le Nord sont, pour la plupart, distribués par satellite. Le Service de radio du Nord offre actuellement un grand nombre d'émissions autochtones en huit langues autochtones et il jouit à juste titre de la réputation de se composer d'émissions de qualité et variées.
La Société Radio-Canada considère son Service du Nord comme étant régional, car il dessert le Nord du Québec, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest. La population se compose d'environ 55 % d'autochtones.
Sauf au Québec, les parties septentrionales des autres provinces n'ont pas accès à des sources d'émissions de télévision du Service du Nord. Elles bénéficient plutôt de services en provenance d'administrations régionales du Sud.
Le peu d'émissions de télévision du Nord produites par la Société Radio-Canada et quelques émissions d'accès des autochtones sont alimentées durant des tranches de temps régionales. Étant donné que son Service de télévision du Nord n'est pas doté d'installations spécialisées de distribution par satellite, la Société ne peut accroître la quantité d'émissions d'accès des autochtones sans bouleverser gravement les horaires de ses stations du Sud. C'est pourquoi les émissions d'accès sont reléguées en troisième place, après les émissions nationales et régionales, et sont souvent remplacées par des émissions de sports ou des émissions spéciales d'une durée imprévue.
Le Service de télévision du Nord n'est pas doté de ses propres bulletins de nouvelles. Les localités de l'Est et du Centre de l'Arctique, notamment Baker Lake, reçoivent les nouvelles de St. John's (Terre-Neuve), tandis que celles de l'Ouest de l'Arctique captent les bulletins de nouvelles de Vancouver.
Comme question de politique, la Société Radio-Canada ne permet pas que des émissions clés de télévision nationales ou régionales, y compris des émissions étrangères, soient remplacées par des émissions d'accès des autochtones. Toutefois, faute d'autres options de distribution dans un grand nombre de régions, la Société restera, pour quelque temps encore, un important véhicule de distribution d'émissions autochtones.
Indépendamment des limitations de ses installations de distribution, la Société Radio-Canada a conclu des ententes avec 10 sociétés de communications autochtones. Quant aux trois autres, deux sont distribuées par la CANCOM et l'autre, par TVOntario. La plupart des groupes sont insatisfaits de la qualité du temps d'antenne qui leur est attribué et ont fait part de leurs préoccupations quant à la capacité de la Société Radio-Canada de distribuer des quantités accrues d'émissions.
La Société Radio-Canada a fait valoir que [TRADUCTION] "des hausses importantes du temps d'accès exigeront des solutions de rechange, notamment une plus grande participation de la part des radiodiffuseurs privés ... ou l'utilisation d'installations de distribution supplémentaires".
Tout au cours des audiences publiques, les radiodiffuseurs autochtones ont insisté sur l'importance du rôle de la Société Radio-Canada dans la distribution d'émissions produites par des autochtones. Certains ont proposé que la Société renonce à son rôle de productrice d'émissions de télévision en langues autochtones et agisse exclusivement comme distributrice d'émissions produites par le secteur privé. D'autres étaient en désaccord, soutenant que la Société devrait maintenir ou accroître sa participation aux émissions autochtones du Nord tout en offrant des occasions d'accès supplémentaires aux radiodiffuseurs autochtones.
La Société Radio-Canada a déclaré à l'audience qu'étant donné les opinions contradictoires quant à son mandat dans le Nord, des éclaircissements sur celui-ci pourraient être utile à la Société.
Dans son mémoire au Conseil, la Société Radio-Canada a fait remarquer que son service de télévision [TRADUCTION] "n'a pu offrir suffisamment d'émissions répondant aux préoccupations des autochtones". La Société attribue cet état de choses à des crédits de production insuffisants et à un manque de temps de transmission par satellite.
La Société estime que l'horaire de son Service de télévision du Nord, conformément au mandat qui lui est fixé dans la Loi sur la radiodiffusion, [TRADUCTION] "doit être un service équilibré qui renseigne, éclaire et divertisse tous les résidents du Nord de tous les âges, aux intérêts et aux goûts divers, proportionnellement au pourcentage de la population qu'ils constituent". Le Conseil souscrit sans réserve à cette déclaration et il s'attend à ce que la Société prenne toutes les mesures voulues pour garantir que sa grille-horaire atteigne ces objectifs.
Jusqu'ici, rien n'indique que les auditoires non autochtones s'opposent aux émissions d'accès des autochtones. Certains radiodiffuseurs autochtones ont signalé qu'ils ont reçu des réactions positives d'auditeurs et de téléspectateurs non autochtones.
On s'est aussi fortement prononcé en faveur de rendre un plus grand nombre d'émissions du Nord accessibles à tous les Canadiens, en particulier des documentaires, des nouvelles et de l'information. Le Conseil fait remarquer que le Nord du Canada fait partie intégrante de la réalité culturelle et politique canadienne et il estime carrément que ce fait devrait mieux se refléter dans les émissions offertes aux Canadiens dans toutes les régions du pays.
Plusieurs mémoires ont fait part de préoccupations au sujet de l'annulation de l'émission radiophonique intitulée "Our Native Land". Le Conseil prend note de ces préoccupations et il discutera de la question avec la Société Radio-Canada à l'audience portant sur le prochain renouvellement de sa licence.
Le Conseil encourage la Société Radio-Canada à entreprendre les études voulues pour formuler un plan à long terme qui tiendrait compte de l'intégration à ses grilles-horaires d'un plus grand nombre d'émissions de qualité produites par des autochtones.
La Société Radio-Canada loue actuellement neuf transpondeurs d'Anik D. Deux servent à la distribution des délibérations de la Chambre des communes. Quatre sont utilisés pour la distribution des réseaux nationaux de langues anglaise et française dans divers fuseaux horaires. Les trois autres transpondeurs sont qualifiés de voies "omnibus" et servent au rassemblement de nouvelles, à des relais interprovinciaux et à la prédistribution ou comme transpondeurs auxiliaires aux autres.
Le Conseil recommande fortement à la Société Radio-Canada de réexaminer sans délai ses priorités de diffusion pour ces voies omnibus, de manière à assurer de plus grandes possibilités d'accès des autochtones à sa grille-horaire du Service de télévision du Nord. Comme l'ont proposé certains mémoires, la Société devrait envisager de permettre aux groupes autochtones l'accès à du temps inutilisé des transpondeurs servant à la distribution des délibérations de la Chambre des communes.
Un autre facteur influe sur les restrictions de la Société Radio-Canada pour ce qui est de fournir l'accès aux Canadiens autochtones; c'est la distinction qu'elle fait entre le Grand Nord et la région méso-canadienne. Cette dernière se définit comme étant les parties septentrionales de sept provinces, chacune étant desservie par des relais terrestres intraprovinciaux provenant de centres de production du Sud, par l'intermédiaire d'émetteurs directs alternant entre des localités autochtones et non autochtones. Ces relais régionaux sont conçus de manière unidirectionnelle et ils ne permettent pas d'alimentation d'émissions différentes aux diverses localités qu'ils desservent. Un moyen plus pratique de distribuer des émissions distinctes de télévision et de radio aux localités autochtones méso-nordiques serait la transmission par satellite, ce qui exigerait l'installation de terminaux récepteurs. Le Grand Nord et des parties de la région méso-canadienne pourraient ainsi capter le même Service du Nord.
Le Conseil est d'accord avec la déclaration de la Société Radio-Canada selon laquelle [TRADUCTION] "idéalement, le rôle de la Société Radio-Canada dans la prestation d'émissions autochtones dans la région méso-canadienne devrait être semblable à celui qu'elle joue dans le Grand Nord, c.-à-d., là où le nombre le justifie", et que le Service de télévision du Nord pourait faire oeuvre beaucoup plus utile pour tous les résidents du Nord s'il bénéficiait d'un transpondeur exclusif.
D'ici là, le Conseil encourage la Société Radio-Canada à étudier la possibilité de procéder à une reconfiguration de ses méthodes de distribution dans la région méso-canadienne, de manière à permettre aux localités qui le désirent de capter le Service du Nord relayé par satellite.
Une autre possibilité de distribution dans la région méso-canadienne serait l'installation de relais dédoublés, comme c'est déjà le cas en Saskatchewan, de manière à permettre la distribution d'émissions d'intérêt particulier pour les localités à prédominance autochtone.
VI. AUTRES EXIGENCES DE DISTRIBUTION
Tel qu'il a déjà été signalé, les émissions financées par l'intermédiaire du PAANR sont distribuées à l'heure actuelle par toute une gamme de moyens, notamment le Service du Nord de la Société Radio-Canada, les relais intraprovinciaux et les relais dédoublés de la Société Radio-Canada ainsi que le réseau provincial de télévision éducative de TVOntario, sans compter des stations locales de la Société Radio-Canada, des radiodiffuseurs privés et des stations communautaires. Le Conseil fait état des importantes contributions de toutes ces parties et il les encourage à continuer à faire preuve de bonne volonté et d'esprit de collaboration.
Les radiodiffuseurs autochtones produisent actuellement plus de 92 heures par semaine d'émissions de radio et 6,5 heures par semaine d'émissions de télévision. Ces niveaux devraient grimper sensiblement dans un avenir rapproché. Malheureusement, comme la Société Radio-Canada l'a fait remarquer au cours des audiences publiques, [TRADUCTION] "le système va éclater" s'il n'est pas remédié d'ici peu aux goulots d'étranglement de la distribution et aux problèmes de grilles-horaires.
La question d'un transpondeur exclusif a été soulevée par le Conseil dans son appel d'observations. La majorité des mémoires, notamment ceux de la Société Radio-Canada et du gouvernement de l'Ontario, ont reconnu qu'une telle installation permettrait d'alléger les pressions exercées sur les systèmes de distribution actuels. La plupart des radiodiffuseurs autochtones estiment que cela favoriserait un [TRADUCTION] "Service du Nord homogène", en vertu duquel les localités à prédominance autochtone pourraient bénéficier des émissions du Service du Nord de la Société Radio-Canada et d'émissions produites par des autochtones. Le système complexe de minutage et de contrôle de la Société Radio-Canada pourrait garantir que les émissions autochtones ne soient distribuées qu'aux localités autochtones.
Étant donné que les satellites de la série Anik C n'étendent pas leurs empreintes au Grand Nord, il est de plus en plus manifeste que le seul satellite apte à distribuer des signaux de radio et de télévision aux auditoires autochtones est Anik D. Or, ce satellite approche rapidement de sa pleine capacité. Il est donc indispensable de réserver sans délai des crédits aux fins d'obtenir un transpondeur exclusif pour le Nord.
Une fois que la quantité d'émissions autochtones sera devenue élevée, il faudra peut-être ajouter des émetteurs dans certaines localités, non seulement pour permettre plus de souplesse dans la prestation de l'ensemble des services de la Société Radio-Canada, mais aussi l'implantation de stations autochtones afin de diffuser à temps plein une quantité toujours plus grande d'émissions autochtones.
En outre, des liaisons ascendantes supplémentaires s'imposeront pour permettre la diffusion d'émissions de télévision en direct par des groupes autochtones. Le Conseil note à cet égard que Télésat a proposé une politique révisée concernant la propriété des stations ascendantes, à compter d'avril 1986. De plus, Télésat a implanté un nouveau service radio par satellite, Radio-Net One, qui peut être adapté aux multiples besoins de toute une gamme d'utilisateurs.
Quelles que soient les options de distribution retenues, il est manifeste qu'il faudra trouver des crédits supplémentaires pour permettre aux radiodiffuseurs autochtones d'acquérir les installations de distribution nécessaires. Le Conseil est d'accord avec la majorité des mémoires où il est avancé que le PAANR se voudrait le mécanisme le plus approprié pour l'administration de ces crédits.
VII. PARTICIPATION ET CONSULTATION
Les sociétés de communications autochtones d'Inuvik à Nain ont exprimé leurs sentiments d'isolation du processus décisionnel et ont demandé au Conseil de mettre sur pied un mécanisme plus structuré qui garantira un dialogue permanent entre les radiodiffuseurs autochtones et le CRTC.
Le Conseil accepte la responsabilité de faciliter les communications et de garantir la participation active des radiodiffuseurs autochtones du Nord dans l'élaboration de politiques et il prendra les mesures voulues pour établir un groupe permanent de liaison au sein du CRTC à cette fin.
En outre, le Conseil constituera immédiatement un comité d'action qui sera chargé de se pencher sur les problèmes de l'accès équitable, cernés ailleurs dans le présent avis, et de les régler dans l'intérêt de toutes les parties. Ce Comité abordera les diverses options de distribution une par une, le cas échéant. Il sera composé de représentants des sociétés de communications autochtones, de radiodiffuseurs privés et éducatifs, de la Société Radio-Canada, du CRTC ainsi que des coordonnateurs du PAANR. La composition et le mandat du comité feront l'objet d'un autre avis public.
Le Secrétaire général Fernand Bélisle

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