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Ottawa, le 27 mars 1985
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Avis public CRTC 1985-67
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Appel d'observations sur la radiotélé diffusion autochtone dans le Nord
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Le 14 décembre 1984, le Conseil a émis l'avis public CRTC 1984-310 relatif à la radiotélédiffusion autochtone dans le Nord, dans lequel il annonçait qu'il chargeait un Comité de la radiotélédiffusion autochtone dans le Nord (le Comité) composé du vice-président du CRTC, M. Réal Therrien, et du conseiller Paul McRae, sous la présidence de ce dernier, de cerner les problèmes reliés à la radiodiffusion que connaissent actuellement les sociétés de communications autochtones subventionnées par le Programme d'accès des autochtones du Nord à la radiodiffusion (PAANR).
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Le Comité a tenu des réunions consultatives non officielles avec des représentants de la Société Radio- Canada, de la Direction des citoyens autochtones du Secrétariat d'État qui administre le PAANR et des représentants de la plupart des treize sociétés de communications autochtones subventionnées par l'intermédiaire du PAANR. Non seulement cette consultation a permis au Comité de mieux évaluer les questions complexes auxquelles les groupes visés par le PAANR, Radio-Canada et les autres font face, mais elle contribuera aussi à l'élaboration d'une politique plus complète en matière de radiotélédiffusion autochtone dans le Nord.
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HISTORIQUE
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Au fur et à mesure que les services de radio et de télévision ont pénétré dans le Nord, les citoyens autochtones ont commencé à mettre sur pied leurs propres services de radiodiffusion. De même, au fur et à mesure que la disponibilité des services du Sud augmentait, la nécessité d'un équilibre plus grand dans les services de radio diffusion s'est accrue, créant du même coût une demande pour un nombre accru d'émissions autochtones.
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En 1967, Radio-Canada a introduit ses émetteurs en régions éloignées, lesquels, jusqu'au début des années 1970, offraient des émissions sur bande magnétoscopique pour les résidents du Sud vivant temporairement dans 21 collectivités administratives et sites d'exploitation de ressources nordiques. Généralement, ces émissions influaient peu sur la culture et les langues autochtones.
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En novembre 1972, le satellite Anik A-1 de Télésat Canada a été lancé et en février 1973, Radio-Canada a commencé à télédiffuser des émissions en direct dans le Nord.
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La mise en place de nombreux services de radio et de télévision dans les collectivités autochtones du Nord a commencé en 1974 avec l'introduction du Plan de rayonnement accéléré de Radio-Canada (PRA), qui offrait des services nationaux dans la langue officielle des collectivités de plus de 500 personnes. On compte actuellement des stations PRA dans plus de 600 localités éloignées réparties dans tout le pays y compris 125 collectivités à prédominance autochtone. Le PRA prévoyait l'achat, l'exploitation et l'entretien de matériel de réception par satellite et d'émetteurs de faible puissance. Aucun fonds n'était affecté à la production d'émissions dans les régions desservies étant donné que le PRA avait pour principal objectif d'étendre le service d'émissions national aux régions éloignées et à celles du Nord.
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C'est en 1978 que les autochtones du Nord ont eu l'occasion pour la première fois de produire et de distribuer leurs propres émissions de télévision par l'entremise d'un programme à l'essai parrainé par le ministère fédéral des Communications et utilisant le satellite ANIK B. Deux projets inuit, l'un appelé "Inukshuk", sous les auspices de l'Inuit Tapirisat du Canada et l'autre mené par la Taqramiut Nipingat Inc. assuraient des services de télévision pilotes aux collectivités inuit de l'Est de l'Arctique et du Nord du Québec respectivement. Ces expériences novatrices ont montré que les autochtones voulaient satisfaire les besoins culturels et linguistiques de leurs diverses sociétés, qu'il leur fallait le faire et qu'ils pouvaient fournir des émissions de télévision répondant à ces objectifs.
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Dans son rapport approfondi de 1980, le Comité sur l'extension du service aux petites localités éloignées et à celles du Nord (le Comité Therrien) a reconnu la nécessité d'un choix accru dans les émissions de radio et de télévision et le tort possible qu'un tel apport pourrait avoir sur la culture et la langue autochtones. Nombre de ces cultures ont vécu en quasi-réclusion durant des siècles, et leurs chefs de file étaient convaincus que les influences du Sud ne devaient pas dominer leurs coutumes. Ils disaient craindre notamment que la jeunesse autochtone perde sa langue traditionnelle. Lorsqu'il a étudié la question, le Comité Therrien a recommandé que:
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Le Canada doit s'acquitter de ses obligations et encourager le développement d'un milieu permet tant aux autochtones de préserver l'usage de leurs langues, et de favoriser la préservation et le développement de leurs propres cultures grâce à des services de radiodiffusion et de communication.
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Pour corriger le peu de choix d'émissions offert aux collectivités éloignées et à celles du Nord, le Conseil a autorisé en 1981 Les Communications par Satellite Canadien Inc. (la CANCOM), parmi plusieurs requérants, à distribuer une gamme de services de radio et de télévision canadiens du Sud aux collectivités éloignées et mal desservies. La licence exige que la CANCOM fournisse dans le Nord une liaison ascendante vidéo et deux liaisons ascendantes audio pour des émissions du Nord et qu'elle remplace jusqu'à 10 heures par semaine d'émissions en provenance du Sud par des émissions de télévision autochtones.
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Lorsqu'il a attribué une licence à la CANCOM, le Conseil a également accordé des licences à la Société inuit de télédiffusion (la SIT) et au Conseil des Indiens du Yukon et de la Nation dénée.
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La politique de radiotélédiffusion dans le Nord
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Le 10 mars 1983, le gouvernement fédéral a annoncé l'établissement d'une politique de radiotélédiffusion dans le Nord incluant une série de cinq principes et prévoyant un mécanisme de financement (le Programme d'accès des autochtones du Nord à la radiodiffusion) en vue de faciliter la production d'émissions indigènes dans le nord du Canada.
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Les cinq principes qui établissaient le mandat de Radio-Canada et des radiodiffuseurs privés desservant le Nord sont les suivants:
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1. En tirant parti des possibilités techniques, il faudrait mettre à la portée des habitants du Nord un plus vaste choix de programmation;
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2. Les autochtones du Nord devraient avoir la possibilité de prendre une part active aux travaux du CRTC visant à déterminer le caractère, la quantité et l'ordre de priorité des émissions diffusées dans les localités à prédominance autochtone;
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3. Les autochtones du Nord devraient avoir un accès équitable aux systèmes de distribution d'émissions dans le Nord, afin de préserver et d'enrichir leurs cultures et leurs langues;
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4. Des émissions conformes aux intérêts des autochtones, comprenant des contenus créés par des autochtones, devraient être réalisées aux fins de distribution par les services de radiodiffusion du Nord, là où les autochtones constituent une proportion importante du public desservi;
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5. Les représentants des autochtones du Nord devraient être consultés régulièrement par les organismes gouvernementaux qui établissent des politiques de radiodiffusion susceptibles d'influer sur leurs cultures.
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En même temps, le gouvernement a demandé à Radio-Canada de présenter un plan pour un service amélioré d'émissions de radio et de télévision dans le Nord, et a chargé le Conseil de mettre en oeuvre ces principes.
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Programme d'accès des autochtones du Nord à la radiodiffusion
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Le PAANR, que le gouvernement fédéral a doté de 40,3 millions de dollars sur une période de quatre ans, a pour objet d'aider les sociétés de communications autochtones du Nord à produire des émissions de radio (jusqu'à 20 heures par semaine) et de télévision (jusqu'à 5 heures par semaine). Administré par le Secrétariat d'État, le programme a commencé le 1er avril 1983.
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La définition du Nord canadien repose sur la ligne Hamelin, qui est généralement acceptée, avec de légères modifications afin de tenir compte des frontières reconnues par tradition.
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Treize régions particulières ont été identifiées, principalement sur la base de la communauté de culture et de langue et des frontières provinciales. Les sociétés de communications autochtones représentant chaque région ont reçu des fonds.
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Des treize sociétés, douze sont maintenant opérationnelles. Parmi celles- ci, sept diffusent déjà des émissions et les autres commenceront bientôt leur programmation. Bien que certaines régions parlent différentes langues, chacun des groupes subventionnés doit satisfaire les besoins linguistiques particuliers identifiés dans son projet de recherche.
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Certaines sociétés sont formées de radiodiffuseurs expérimentés qui participent à la programmation radiophonique ou à la production télévisée communautaire ou régionale depuis plusieurs années, tandis que d'autres sont relativement nouvelles dans la radiodiffusion. Dans tous les cas, le Comité a été impressionné par l'enthousiasme, le dévouement et le professionnalisme dont ces sociétés de communications ont fait preuve.
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Préoccupations soulevées par les radiodiffuseurs autochtones du Nord
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La question de l'accès aux systèmes de distribution d'émissions dans le Nord est une des principales préoccupations des sociétés subventionnées par le PAANR. Il s'agit d'un problème permanent pour les radiodiffuseurs régionaux comme la SIT, la TNI et d'autres qui possèdent, exploitent et entretiennent leurs propres studios et matériel de production, et dans certains cas, leurs propres émetteurs, mais qui doivent s'en remettre à la liaison par satellite des Services du Nord de Radio-Canada ou à des systèmes terrestres par micro-ondes pour distribuer leurs émissions à leurs collectivités cibles dispersées. Il faut noter que les Services du Nord de Radio-Canada ont permis de fournir une gamme d'émissions de radio et quelques émissions de télévision en langue autochtone dans tout le Nord. Toutefois, la capacité de la Société d'accorder un plus grand accès à ses systèmes de distribution pour le nombre croissant d'émissions produites par les autochtones au cours des prochaines années est sérieusement compromise du fait que ses installations doivent d'abord servir à distribuer ses propres émissions.
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Lors d'une rencontre récente en janvier, le Comité a été informé de certaines préoccupations fondamentales et générales soulevées par les sociétés ainsi que des problèmes particuliers auxquels certaines ont été confrontés.
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Dans leurs pourparlers avec le Comité, les sociétés subventionnées par le PAANR ont insisté sur la nécessité d'un changement fondamental d'orientation des Services du Nord de Radio-Canada, pour permettre aux autochtones un plus grand accès régional au cours de périodes appropriées. Cela nécessiterait la suppression ou le remplacement de segments de l'horaire habituel des Services du Nord.
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Il est souvent plus facile de satisfaire les besoins régionaux pour la radio que pour la télévision. TV Ontario et la WaWaTa Native Communications Society ont conclu une entente en vertu de laquelle le service de radio de la WaWaTa est présentement distribué à 23 collectivités par une sous-porteuse du transpondeur du satellite de TV Ontario, l'objectif étant de desservir éventuellement 40 collectivités.
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On pourrait aussi réserver un transpondeur de satellite à l'usage exclusif des radiodiffuseurs autochtones du Nord. Ainsi se pose la question de savoir qui financerait un tel transpondeur et qui contrôlerait la présentation des émissions.
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Dans d'autres cas, la distribution par satellite peut ne pas être nécessaire si le radiodiffuseur autochtone peut avoir accès à un radiodiffuseur privé local ou régional. Cela nous amène à mettre en question le rôle que joueront les radiodiffuseurs privés qui ont été autorisés à desservir des collectivités qui comprennent et dont les signaux rejoignent une population autochtone importante.
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Dans tous les cas, les sociétés subventionnées par le PAANR ont fait mention de la politique de radiotélédiffusion dans le Nord du gouvernement qui stipule que les autochtones du Nord devraient avoir un accès équitable aux systèmes de distribution d'émissions dans le Nord, afin de préserver et d'enrichir leurs cultures et leurs langues. Certains représentants autochtones estiment que la meilleure façon de garantir un accès équitable serait de modifier la Loi sur la radiodiffusion de manière à y enchasser le droit à la programmation autochtone dans le système de la radiodiffusion canadienne. Les sociétés ont soulevé comme autre préoccupation principale la question de la consultation et de la participation dans l'élaboration d'une politique complète et dans l'établissement de la nature, de la quantié et de la priorité des émissions diffusées dans des collectivités à prédominance au tochtone, telles que définies dans la Politique de radiotélédiffusion dans le Nord du gouvernement.
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Certains représentants ont proposé la formation d'un comité consultatif permanent chargé d'aider le Conseil; d'autres, la nomination d'un autochtone à titre de membre du Conseil
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Les radiodiffuseurs autochtones ont soulevé la question des procédures du CRTC, affirmant que les procédures d'attribution de licences devraient être simplifiées et que les projets à l'essai devraient être approuvés, y compris un certain niveau d'activité commerciale. Enfin, on a précisé qu'une audience publique devrait être tenue afin d'étudier à fond les questions, préoccupations et solutions possibles.
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Avant de déterminer la nécessité d'une audience publique, le Conseil a jugé opportun de demander à toutes les parties intéressées de formuler des observations sur les questions soulevant des préoccupations à l'égard de la radiodiffusion autochtone dans le Nord. Sans limiter la portée des commentaires, le Conseil est particulièrement intéressé à recevoir des réponses aux questions suivantes:
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1. Quels critères devraient servir à déterminer ce qui constitue un "accès équitable" aux "systèmes de distribution d'émissions dans le Nord" et aux "services de radiodiffusion dans le Nord"? Dans quelle mesure la démographie et la dispersion de la population devraient-elles influer sur la détermination de ce qui constitue un "accès équitable"?
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2. Quel rôle la Société Radio-Canada devrait-elle jouer dans la prestation d'émissions autochtones dans le Nord? Quel pourcentage d'émissions autochtones devrait être inclus dans l'horaire des Services du Nord de Radio-Canada? De ce pourcentage, combien devraient être des émissions produites par des sociétés de communications autochtones indépendantes?
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3. Comment départager les besoins de la population non indigène du Nord en émissions de radio ou de télévision provenant du Sud et ceux des canadiens autochtones du Nord en émissions autochtones?
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4. Dans quelle mesure les radiodiffuseurs privés devraient-ils être responsables de la prestation de l'accès pour les producteurs autochtones ou pour la prestation de services à la population autochtone dans les collectivités qu'ils rejoignent? L'accès devrait-il être gratuit ou les groupes de communications autochtones devraient-ils être tenus de payer le temps d'antenne?
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5. Dans quelle mesure la démographie influe-t-elle sur l'établissement de ce qui constitue un "service équilibré"?
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6. Quelles mesures, outre les procédures présentes, devraient être prises pour garantir la participation et la consultation des autochtones dans l'élaboration permanente de la politique du Conseil en matière de radiodiffusion autochtone dans le Nord?
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7. Dans quelle mesure est-il pratique d'utiliser les Services du Nord de Radio-Canada, au cours des heures de non-diffusion, pour transmettre des émissions autochtones à l'intention des collectivités à prédominance autochtone, aux fins de retransmission ultérieure?
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8. Un transpondeur affecté en propre constitue-t-il une solution pratique aux besoins en distribution? Le cas échéant, qui devrait payer pour une telle installation? Qui devrait contrôler, exploiter et fixer les priorités de présentation?
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9. Quel serait le meilleur moyen d'utiliser les 10 heures par semaine réservées par la CANCOM pour la distribution d'émissions de télévision produites par les autochtones?
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10. La radio et la télévision réclament-elles des politiques et des solutions distinctes?
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Les observations doivent être soumises le 24 mai 1985 au plus tard et être adressées à M. Fernand Bélisle, Secrétaire général, CRTC, Ottawa (Ontario), K1A 0N2.
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Le Secrétaire général Fernand Bélisle
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