À propos des quotas relatifs à la diffusion de la musique (2012)

 

Le 9 février 2012

 

Préparé par :
Shelley Stein-Sacks
Brock + Chaloux Group Inc.


Table des matières

Introduction

Dans la dernière partie du vingtième siècle, les quotas ont fait l’objet de discussions et de débats et, dans certains cas, ils ont été introduits afin de résoudre les problèmes et les défis liés à la diffusion de la musique locale dans divers pays et territoires.

Selon des opinions répandues, la diffusion sans restriction de contenu étranger sur la radio nationale nuit à la création de musique locale et à l’accès à celle-ci (des éléments essentiels de la culture et du commerce d’un pays), et la musique locale est supplantée par la musique étrangère.

Nous ferons usage du terme « musique locale » pour désigner la musique qui est créée, produite et jouée par les citoyens du territoire.

Dans les pages qui suivent, nous ferons un bref examen de la nature des quotas, des justifications souvent invoquées lorsque ces derniers sont appliqués, ainsi que des observations qui pourraient être intéressantes dans la réflexion sur la réaction aux quotas, et l’usage de ceux-ci, lorsqu’ils sont appliqués à la diffusion de la musique locale sur la radio terrestre.

Les questions explorées dans le présent examen et les observations qui les accompagnent pourraient contribuer à une discussion sur la meilleure façon d’appuyer la musique locale.

NOTA : Les constatations relatées découlent de la consultation de documents publics. Dans certains cas, il est probable que des renseignements supplémentaires puissent être obtenus à partir de documents privés non accessibles au public. 

Environnement actuel

Comme l’a indiqué le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) en 2006, l’évolution massive de la technologie et de la concurrence, en particulier au cours des dix dernières années, rend difficile la diffusion de musique sur la radio terrestre.

Qu’il s’agisse de dispositifs de musique personnels, comme le iPod (et maintenant le iPad, le Kindle Fire et d’autres tablettes), de la diffusion en continu, de la radio Internet ou de la radio par satellite, pour n’en nommer que quelques-uns, les choix offerts aux collectivités et aux personnes qui souhaitent découvrir la musique, et y avoir accès, sont nombreux et ne cessent d’augmenter.

Étant donné que bon nombre des nouvelles méthodes de découverte de la musique, et d’accès à celle-ci, sont ou peuvent être touchées par des quotas, la question de la viabilité, du fondement et des objectifs de ces derniers dans la réalité d’aujourd’hui est d’intérêt immédiat et de grande importance.

Comme c’est le cas pour une vaste gamme de produits et d’expériences, aujourd’hui, la musique est plus librement accessible aux consommateurs et aux amateurs que jamais auparavant. 

Les cerbères du passé, y compris les plus dominants de la dernière partie du vingtième siècle (les maisons de disques, la radio et les détaillants), ont désormais beaucoup moins d’influence sur la disponibilité de la musique en ce qui a trait à sa découverte et sa consommation locales et mondiales. Il s’agit ici d’une tendance qui se poursuivra très certainement.

Non seulement les consommateurs peuvent décider de ce qu’ils veulent, du moment où ils le veulent et de la façon dont ils le veulent, mais ils ont aussi montré qu’ils sont heureux d’avoir ce contrôle, qu’ils le privilégient et qu’ils le considèrent comme fondamental pour leur style de vie et leurs options.

Dans cet environnement, quelles sont donc les possibilités pour la radio terrestre et plus particulièrement pour les quotas?

Justification des quotas

De nombreuses raisons ont été invoquées à l’appui de l’application de quotas à la diffusion de la musique. En ce qui a trait aux politiques et aux résultats attendus, elles peuvent être généralement regroupées sous l’une ou l’autre des rubriques « Culture » ou « Commerce », ou les deux.

Dans certains cas, ces deux objectifs sont cités en référence et sont inextricablement liés. Un argument type à l’appui des quotas veut qu’en garantissant une fenêtre pour l’écoute et, on l’espère, la consommation de la musique locale, le créateur, l’artiste, la maison de disques, l’éditeur et le distributeur, entre autres parties, feraient de bonnes affaires, ce qui susciterait un investissement accru dans l’artiste ou un investissement dans d’autres artistes qui évoluent peut-être déjà dans le milieu ou pourraient être mis sous contrat à l’avenir.

Voici des exemples réels (qui se recoupent quelque peu) de justifications des quotas :

Quotas au Canada

Selon l’article 3 de la Loi sur la radiodiffusion, le système canadien de radiodiffusion :

Par sa programmation, la radio offre un service public essentiel au maintien et à la valorisation de l’identité nationale et de la souveraineté culturelle.

Les quotas sur la diffusion de contenu musical local au Canada visent à faciliter l’atteinte des objectifs énoncés.

En échange du privilège d’avoir accès aux ondes et aux fréquences publiques du Canada et comme condition d’obtention d’une licence, les diffuseurs privés doivent atteindre les objectifs politiques, sociaux, économiques et culturels prévus dans la loi et qui visent à appuyer, à renforcer et à valoriser les objectifs susmentionnés. L’application de quotas sur la diffusion de contenu musical local fait partie de leur engagement.

La proximité physique et culturelle aux États-Unis, en particulier le phénomène d’une certaine réalité culturelle nord-américaine partagée à des degrés variables avec les États-Unis dans les domaines du contenu audio et audiovisuel anglophone, rend le Canada unique.

Au cours des années 1960, le désir d’appuyer et de promouvoir la musique canadienne s’est manifesté. La musique créée et produite aux États-Unis dominait fortement la radio (à partir d’ici, le terme « radio » désigne la radio terrestre, à moins d’indication contraire). Durant ces années, les 40 premières places aux palmarès des stations de radio AM au Canada correspondaient à une liste de diffusion fortement dominée par les grands succès américains de l’époque, suivant les tendances musicales à la mode déterminées par la radio et la télévision américaines, et fortement favorisées par les publications liées à la musique et au mode de vie.

L’intérêt stratégique d’ouvrir les ondes aux artistes canadiens s’est heurté à l’opinion des diffuseurs, lesquels soutenaient que la qualité des enregistrements canadiens n’était pas suffisante pour bien livrer concurrence au contenu diffusé sur les ondes et que le répertoire des genres n’était pas assez vaste pour fournir de façon adéquate le contenu nécessaire pour satisfaire aux objectifs à mesure de leur élaboration et de leur définition.

Par la suite, la décision d’introduire des quotas a été jumelée à un engagement de fournir un financement public qui permettrait aux artistes canadiens, par l’entremise de leurs maisons de disques, de leurs distributeurs et de leurs imprésarios, d’avoir accès à des budgets plus importants afin d’accroître le nombre d’enregistrements et (par la suite) de les mettre en marché, même si les montants rendus disponibles semblaient minimes par rapport à ceux que les entreprises multinationales pourraient engager et engageraient pour la promotion de leurs artistes au Canada.

À la suite des initiatives de financement, qui comprenaient des fonds publics ainsi que des contributions provenant des diffuseurs, la commercialisation de l’industrie du disque a pris de l’importance au Canada et particulièrement au Québec.

Au Canada anglais, la vaste majorité (au moins 80 %) des enregistrements et des artistes étaient contrôlés par un petit nombre de maisons de disques multinationales (un nombre beaucoup plus important que les quatre maisons de disques actuelles, qui ne seront bientôt plus que trois).

Dans les années 1970 et au début des années 1980, grâce en grande partie à l’appui des gouvernements du Québec et du Canada, l’industrie de la musique du Québec se composait d’une communauté vibrante d’artistes et de créateurs musicaux en évolution, et d’un nombre croissant de maisons de disques et de distributeurs. Bien que des maisons de disques et des distributeurs multinationaux aient mis sous contrat certains artistes francophones, la très grande majorité a été encadrée, mise en valeur et soutenue par l’industrie de la musique du Québec.

Aujourd’hui, l’industrie de la musique enregistrée du Québec continue de représenter avec succès un bon pourcentage d’artistes qui ont été mis sous contrat par des maisons de disques du Québec et d’occuper une position critique au sein des communautés musicales québécoises et canadiennes.

Si l’on peut avancer que le Canada exigeait des quotas pour protéger, promouvoir et développer ses artistes et son industrie de la musique, on pourrait en faire de même à l’égard de l’industrie de la musique du Québec, en particulier quant à son rôle dans les carrières et l’expression des artistes et des créateurs francophones canadiens.

Des points de vue linguistique et culturel, la réalité du Québec au sein du Canada et de l’Amérique du Nord est unique, sans doute en raison des défis qu’elle comporte, mais surtout à cause de ses réussites.

Ce qui rend la situation du Canada et du Québec encore plus remarquable et digne de réflexion est que les conditions d’application du système de quotas en place ne sont pas les mêmes pour la diffusion de musique francophone par les stations de radio francophones que pour les diffuseurs anglophones dans le même marché. Dans le présent examen, nous n’avons pas trouvé d’autre exemple dans les quotas examinés qui représentait une dualité de quotas au sein du même territoire. 

Un examen de la pertinence des quotas dans la réalité d’aujourd’hui, et en particulier l’évaluation des quotas au sein de la dynamique francophone, devrait nécessairement comprendre une réflexion sur les avantages et les désavantages concurrentiels de différents quotas lorsqu’ils sont appliqués au sein d’un même territoire. Afin de mettre la question en contexte et de pouvoir disposer d’une évaluation significative, il faudrait déterminer les résultats qui doivent et devaient être générés par l’existence de systèmes de quotas et établir clairement si ces résultats ont été atteints comme prévu.

Exemples de quotas

La présente section donne un aperçu des quotas sur la musique locale. Les sections qui suivent présentent une réflexion plus approfondie.

À l’exception des cas mentionnés, nous n’avons pas trouvé de quotas de diffusion pour la musique locale ou de matériel relatif aux quotas de diffusion pour la musique locale dans les pays et les territoires ayant deux ou plusieurs langues officielles, comme c’est le cas pour le Canada (par exemple, la Belgique, la Suisse, le Luxembourg ou la Finlande).

CANADA

Au Canada, les stations de radio francophones et anglophones doivent s’assurer qu’au moins 35 % de la musique populaire (catégorie 2) qu’elles diffusent chaque semaine est du contenu canadien. Les stations commerciales doivent également s’assurer que 35 % de la musique populaire qu’elles diffusent entre 6 h et 18 h, du lundi au vendredi, est du contenu canadien. Bien qu’il existe des exceptions dans des cas précis, ces quotas sont prédominants.

Dans le cas de la radio par satellite, le contenu canadien est appliqué de façon globale à l’ensemble du forfait d’abonnement de diffusion. Les diffuseurs de radio par satellite autorisés doivent offrir un nombre minimal de canaux de production canadienne comprenant au moins 85 % de contenu canadien sur ces services. Il n’existe aucun quota sur le restant des services de diffusion qu’ils offrent.

Le contenu canadien est déterminé par le système MAPL (musique, artiste, production et paroles).

Les politiques et les règlements du CRTC aident à maintenir une présence francophone à la radio et offrir une exposition aux artistes francophones.

Les stations de radio francophones doivent consacrer 65 % de l’ensemble de la musique populaire (catégorie 2) diffusée chaque semaine à des sélections francophones. Les stations commerciales doivent également s’assurer que les sélections francophones comptent pour au moins 55 % de la musique populaire qu’elles diffusent entre 6 h et 18 h, du lundi au vendredi.
Les quotas sur la diffusion de musique vocale francophone visent à encourager le développement d’une industrie de la musique francophone au Canada et à fournir aux francophones canadiens un accès à la musique qui reflète leur culture.
Des quotas sur la diffusion de la musique locale ont également été introduits dans les cas décrits ci-après.

NOTA : Dans certains cas de fourniture de diffusion ou de production de contenu local, aucun quota n’a été introduit. Ces cas ne sont pas inclus dans le présent examen.

AUSTRALIE

En 1992, la nouvelle Broadcasting Services Act a incorporé le contenu local dans un code d’autoréglementation à l’intention des diffuseurs commerciaux et communautaires.

Le quota actuel est de 25 % pour les stations de succès contemporains, de rock grand public et de rock alternatif, dont un quart (6,25 %) doit être considéré comme étant du nouveau matériel de musique locale (Nota : Aucune information particulière n’a été repérée concernant la nature de ce qui constitue du nouveau matériel).

Il existe des quotas moins élevés pour d’autres catégories de musique, le plus bas étant de 5 % pour la diffusion de jazz.

Les quotas s’appliquent à la musique diffusée durant la journée (entre 6 h et 18 h) chaque jour ouvrable.

En dépit de l’introduction de quotas, les artistes internationaux sont toujours prédominants et jusqu’à aussi récemment que l’année dernière, selon AirCheck, 9 des 10 chansons les plus jouées à la radio commerciale australienne étaient celles d’artistes américains.

FRANCE

La Loi du 1er février exige que 40 % de la musique diffusée pendant les heures de grande écoute soient des titres francophones, dont la moitié doit provenir de nouveaux artistes ou être de nouvelles productions. Le concept des nouveaux artistes et des nouvelles productions est traité plus loin dans le présent examen.

Les conditions ont été modifiées en 2000 pour attribuer des quotas différents aux stations rejoignant un auditoire dont les caractéristiques démographiques sont différentes.

IRLANDE

Le 25 février 2010, le Joint Oireachtas Committee on Arts, Sports and Tourism a demandé aux stations d’augmenter le quota sur la musique nationale. Un quota de 20 % a été proposé à la suite de commentaires selon lesquels il relevait du devoir national de passer plus de musique irlandaise.
Les stations indépendantes (par opposition aux stations publiques ou exploitées par l’État) comprenant des stations nationales, multivilles, régionales et locales réglementées par la Broadcasting Commission of Ireland (BCI), sont obligées de jouer des niveaux convenus de musique locale (dans la plupart des cas de 30 %).

PAYS-BAS

En juillet 2011, un quota a été introduit pour la musique en langue hollandaise sur Radio2 (le diffuseur public), exigeant que 35 % de la musique populaire diffusée entre 7 h et 19 h soient produits aux Pays-Bas.

NIGÉRIA

Le quota sur la diffusion de la musique locale est de 80 %. La musique est considérée comme une pierre angulaire de la vie et des rituels traditionnels.

PHILIPPINES

Les stations de radio philippines doivent faire jouer quatre compositions philippines à l’heure.

PORTUGAL

Selon la Radio Law (Law 4/2000 modifiée par la law 7/2006), le quota minimal de diffusion de musique locale varie entre 25 % et 40 %. De ce quota, une proportion d’au moins 60 % de la musique diffusée doit être composée ou chantée en portugais par des citoyens de l’Union européenne. Au moins 35 % du quota doivent être composés de musique produite dans les 12 derniers mois.

AFRIQUE DU SUD

Le South African Music Local Content Regulation (1997) a recommandé un quota de musique de 20 % devant être appliqué entre 5 h et 23 h et distribué de façon égale pendant les périodes de temps pertinentes. Le quota a été appliqué aux stations de radio commerciales, publiques et communautaires.

En août 2003, le quota pour les stations de radio communautaires et publiques a été augmenté à 40 %, et celui pour les stations de radio commerciales à 25 %.
La White Paper on Broadcasting Policy (1998) exigeait que l’Independent Communications Authority of South Africa s’assure que le contenu sud-africain prédomine dans les diffusions sud-africaines au cours des 10 prochaines années.

ESPAGNE (catalane)

En vertu de la législation catalane (Loi 1/1998 sur la politique linguistique), les chansons interprétées par des artistes catalans doivent représenter au moins 25 % du matériel diffusé.

UKRAINE

En novembre 2011, le quota a été réduit de 50 % à 25 %.

URUGUAY

Le quota sur la diffusion de la musique locale est de 30 %.

VENEZUELA

Des quotas ont été introduits en 2004 (Loi sur la responsabilité sociale à la radio et la télévision). Les stations publiques et exploitées par l’État, ainsi que celles des régions frontalières, doivent diffuser au moins 70 % de musique locale entre 7 h et 23 h.

Une proportion d’au moins 50 % de la musique vénézuélienne diffusée doit être traditionnelle (les genres représentant les diverses régions du Venezuela, ainsi que le contenu en langue espagnole et en langues indigènes) et une proportion de 10 % de la musique internationale diffusée doit être écrite et produite par des artistes provenant d’autres pays latino-américains et des Caraïbes.

NOTA : ALLEMAGNE

Il n’existe aucun quota de musique en Allemagne.

Les représentants de l’industrie de la musique estiment que seulement 10 % des chansons des palmarès de la radio allemande sont chantées en allemand (2004). Seulement 55 % des artistes à succès du pays seraient allemands, bien qu’il s’agisse d’un chiffre enviable pour de nombreux autres pays.

Problèmes survenus

Aucune bonne action ne reste impunie... Pourquoi cela serait-il différent pour les quotas? Ce qui suit décrit certains problèmes qui sont survenus à la suite de l’introduction de quotas ou de la décision de ne pas les introduire.

NOUVELLE-ZÉLANDE

Dans les années 1980, la Nouvelle-Zélande a déréglementé son industrie de la radio. Par conséquent, la diffusion de contenu local a chuté sous les 2 % de la musique jouée. Comme ce problème a été largement signalé, le gouvernement de la Nouvelle-Zélande a par la suite dépensé chaque année des millions de dollars pour rebâtir son industrie grâce à des programmes de subventions.

OBSERVATION : Il s’agit ici d’une question intéressante et l’on doit réfléchir aux résultats escomptés possibles. Selon les rapports sur les événements, il semble qu’en fin de compte, grâce à des programmes de subventions substantielles, la Nouvelle-Zélande dispose d’une industrie de la musique robuste, et que la musique locale soit jouée volontairement à la radio commerciale nationale. En partie en raison de l’engagement du gouvernement, l’on doit présumer que ce résultat était celui escompté. Il ne s’agit pas de remettre en question le montant dépensé ni la pertinence de cette intervention. On peut en conclure que le gouvernement a choisi de prendre ces mesures pour obtenir un résultat en intervenant directement avec un financement. Des quotas sur la radio auraient-ils eu le même effet? Notre analyse ne montre pas de façon concluante que les quotas, agissant isolément, contribuent à construire une industrie de la musique locale solide.

AUSTRALIE

En juillet 2010, l’Australian Communications and Media Authority (ACMA) a décidé que, pendant au moins les trois prochaines années, les quotas minimaux pour la musique locale ne s’appliqueraient pas aux stations exclusivement numériques. Dans le cadre de la formulation d’une observation, la Commercial Radio Australia (CRA) a déclaré qu’il était « insoutenable et inéquitable » pour ses membres d’avoir à respecter des quotas de musique locale alors que ce n’est pas le cas pour les stations Internet.

JOAN WARNER, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE LA CRA : « Devant l’environnement concurrentiel plus dynamique créé par l’émergence de services de musique en ligne, appliquer des quotas de musique australienne exclusivement aux stations de radio qui constituent des « cibles faciles » placerait le secteur dans une position de désavantage concurrentiel et économique particulier. » [traduction libre]

Il s’agit d’un exemple clair du problème lié à la non-application de quotas aux plateformes relativement nouvelles et émergentes qui font concurrence à la radio terrestre, et qui sont une source de plus en plus attrayante de musique et de découverte de musique pour les auditoires internationaux et locaux.

OBSERVATION : Des conditions équitables seraient bien entendu désirables, mais on peut se demander si cela est possible ou probable. Si l’on ignore pour le moment l’opinion publique concernant le monde sans restriction d’Internet, un quota pour le contenu local à la radio australienne, diffusé en continu à la radio Internet, est possible. Toutefois, comme il a été démontré et relaté de façon exhaustive, la possibilité d’imposer des restrictions ou des quotas sur le contenu et les plateformes Web qui dépassent les frontières d’un territoire peut être remise en question. La légalité de telles mesures, dans les cas où elles ont été envisagées, soulève de nombreux débats. Il existe également des problèmes concernant l’accès à l’information et la libre circulation du contenu et de la culture. Tous ces éléments garantissent la poursuite du débat.

FRANCE

En France, les chanteurs français chantent de plus en plus en anglais, en partie en raison de la facilité d’exportation au sein de l’Union européenne. Ce phénomène est très répandu et semble s’accroître.

D’autres facteurs comprennent l’accès à un marché mondial plus important pour le contenu enregistré en anglais et les occasions de rémunération possibles au sein de la structure de l’industrie de la musique anglophone.

L’accès à la musique sans quota aurait également contribué à cette tendance des artistes et des créateurs français à se tourner vers le contenu et les prestations en langue anglaise. Le développement étendu des sites Web à contenu social permettant aux artistes de développer des bases d’admirateurs et d’amateurs, et l’intérêt à l’égard de ceux-ci est aussi un facteur.

Un sondage informel auprès de plus de 6 000 artistes et groupes français anglophones a permis de constater que ces derniers trouvaient plus difficile d’obtenir que leur musique soit jouée à la radio française, parce qu’ils sont à l’extérieur du quota francophone et font concurrence à des artistes internationaux pour la part de diffusion restante.

D’autres points importants comprennent le fait qu’entre 2003 et 2011, le nombre d’albums francophones parus est passé de 718 à 158, une réduction de plus de 75 %.

OBSERVATION : Vu l’accès libre et sans restriction à la publication et à la fourniture de contenu en ligne, les artistes et les créateurs, qui sont souvent séparés de leur auditoire par un seul degré, ont des occasions de joindre et de développer des auditoires ainsi que de mener des carrières durables sans compter sur la radio terrestre. Étant donné la nature inconditionnelle du paysage technologique, la voie restreignante vers la diffusion sur les ondes de la radio terrestre est déconcertante pour de nombreux artistes qui, comme il fallait s’y attendre, choisissent de présenter leur musique et de joindre leurs auditoires en suivant d’autres voies.

Cela ne veut pas dire que la radio terrestre n’est pas importante dans la fourniture d’un accès à la musique, ainsi que dans la promotion de cette dernière, ni qu’elle ne participe pas au développement de carrières réussies pour certains artistes; toutefois, pour de nombreux artistes et créateurs, la radio terrestre n’est qu’une possibilité parmi tant d’autres.

IRLANDE et FRANCE

En 2010, un débat tenu en Irlande cherchait à établir la teneur du contenu diffusé, et non pas à déterminer si le contenu était diffusé ou non. Plus précisément, la question ne concernait pas la non-diffusion de la musique irlandaise, mais plutôt le fait que la radio irlandaise ne diffusait pas la musique que les organismes de réglementation souhaitaient voir diffusée. Il s’agissait en partie d’une question d’artistes émergents qui est traitée plus loin dans le présent examen.

En France, David El Sayegh du Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) a été cité comme ayant affirmé que « Les stations de musique FM utilisent seulement 15 disques 45 tours pour atteindre 90 % de leur quota. »

Le débat se poursuit concernant la perception à savoir que les diffuseurs choisissent d’utiliser un éventail étroit de titres et de les diffuser de façon répétitive afin de respecter l’objectif du quota et, en même temps, de plaire à leur auditoire.

OBSERVATION : La question concernant le contenu diffusé et sa pertinence se posera aussi longtemps que les quotas existeront, peut-être même plus longtemps. Quel est le contenu approprié? Qui est un artiste admissible et, par conséquent, « dénombrable »? Ces questions continuent d’être posées alors même que les définitions concernant les qualifications ont fait partie du processus. La pertinence des critères, en particulier en ces temps changeants, continuera de faire l’objet de débats.

IRLANDE et AFRIQUE DU SUD

En 2010, un débat s’est tenu en Irlande concernant le fait que de nombreux spectacles étaient diffusés en dehors des heures de grande écoute, en particulier aux petites heures du week-end, une période de temps au cours de laquelle un plus petit auditoire est joint que pendant les heures de grande écoute.

On note également une réflexion en Afrique du Sud concernant le fait que 25 % du quota de musique locale étaient systématiquement ignorés en raison d’échappatoires tels que la diffusion de contenu local en dehors des heures de grande écoute, la non-application de quotas et le recours par les radiodiffuseurs à des solutions de rechange admissibles (entrevues auprès de musiciens sud-africains qui diffusent de la musique en direct) pour remplacer le contenu de musique locale.

Il existe des rapports de même nature aux Philippines et en Uruguay où les diffuseurs mettent peu en œuvre les règlements, et les organismes de réglementation ne veillent pas à leur mise en application.

OBSERVATION : La question de contourner l’objectif du quota en diffusant de la musique locale pendant des périodes de temps au cours desquelles un plus petit auditoire est joint est en voie d’être traitée par certains organismes de réglementation, en précisant les périodes de temps applicables pendant lesquelles les quotas doivent être respectés et calculés, et en surveillant la radio afin de s’assurer que les diffuseurs respectent la distribution tout au long de ces périodes de temps.

Au Canada, les règlements exigent qu’au moins 35 % des sélections de musique populaire (catégorie 2) diffusées entre 6 h et 18 h, du lundi au vendredi, au cours de toute semaine de diffusion, soient des sélections canadiennes, et qu’au moins 55 % des sélections de musique vocale populaire (catégorie 2) diffusées par des stations francophones chaque semaine, entre 6 h et 18 h, du lundi au vendredi, au cours de toute semaine de diffusion, soient des sélections francophones.

UKRAINE

En 2011, l’Ukraine a réduit les quotas de musique locale de 50 % à 25 %, en partie parce que les radiodiffuseurs ont fait valoir avec succès qu’ils ne disposaient pas de suffisamment de contenu pour respecter le niveau de 50 %, même avec de nombreuses répétitions. Certains ont fait valoir qu’aucun quota ne devrait exister. Lorsque cette réduction du quota a été annoncée, elle a été présentée comme étant un compromis entre 0 % et 50 %.

OBSERVATION : La question de la quantité et de la qualité de l’approvisionnement en contenu de musique locale est souvent soulevée. Dans les années 1980, le Canada a élaboré une approche complète de la création et de la production d’enregistrements sonores de qualité en réponse aux observations des diffuseurs canadiens. Les quotas, en soi, sont de valeur moindre lorsque la quantité et la qualité de musique locale sont insuffisantes pour la diffusion. Les quotas bien réfléchis, lorsqu’ils sont appuyés par des mesures et des programmes visant à soutenir la création, la production et la commercialisation de contenu de musique locale, donnent lieu à de meilleurs résultats.

CANADA

Un rapport publié en juin 2011 par l’Observatoire de la culture et des communications du Québec (OCCQ) de l’Institut de la statistique du Québec, utilisant les données de SoundScan, comprenait ce qui suit :

La situation n’est pas encourageante, en particulier lorsqu’on y ajoute la dégringolade globale des montants bruts à partir desquels ces montants sont calculés.

OBSERVATION : Étant donné la réalité de la façon d’accéder à la musique et de la consommer aujourd’hui, non seulement au Canada, mais à l’échelle mondiale, le soutien de l’industrie locale devrait-il être mesuré par les ventes seulement? De plus, la mesure selon laquelle le succès est mesuré devrait-elle être limitée au Canada (ou au Québec) seulement? Étant donné la réalité de l’environnement de la musique d’aujourd’hui, il existe des auditoires potentiels pratiquement partout dans le monde pour la musique québécoise.

Diversité

L’effet négatif des quotas sur la diversité dans la programmation a fait couler beaucoup d’encre et soulevé de nombreux débats. Il semblerait empirique d’affirmer, sans avoir accès à des données permettant de réfuter ou d’appuyer l’argument que, dans les cas où des quotas existent, les diffuseurs ont tendance à pondérer fortement la diffusion d’un relativement petit nombre d’artistes bien connus et d’un encore plus petit nombre de leurs chansons, et ce, afin de satisfaire aux exigences en matière de quotas, de répondre de façon positive aux besoins et aux attentes des auditoires des diffuseurs et de satisfaire les annonceurs, qui sont leur pain et beurre.

Il est utile de se rappeler l’expérience des 40 premières places aux palmarès des stations de radio AM dans les années 1960 et des premières stations de radio FM, où les palmarès étaient souvent courts (pitoyablement courts comparativement aux possibilités d’aujourd’hui), mais le succès lié à l’écoute et, secondairement, aux ventes des produits finis de ces artistes est indiscutable. Il est vrai qu’en tant qu’auditeurs, à l’époque, nous n’avions d’autre choix.

Au fil du temps, des règlements ont été introduits au Canada pour restreindre la fréquence de diffusion d’une sélection particulière à l’intérieur d’une période de temps donnée. Certains considèrent cela comme étant la fin des jours heureux des stations de radio qui présentent des succès.

Les critiques des quotas remettent en question la valeur d’inclure des artistes bien établis et des succès monstres du passé dans le calcul de ce qui est admissible, à l’exclusion peut-être d’autres artistes et de leur contenu qui bénéficieraient de façon plus proportionnelle d’être diffusés.

Artistes émergents

Les artistes émergents font partie du développement de la musique et de l’avenir de la musique et des cultures qu’elle représente.

On se demande de plus en plus si, jusqu’à un certain point, les quotas ne nuisent pas à l’exposition, à la promotion et au développement des artistes émergents.

Un examen des discussions et des opinions sur la question montre que, tandis qu’il existe un enthousiasme pour les artistes émergents et une volonté de veiller à ce qu’ils aient accès à la diffusion, le consensus est moindre quant à ce qu’ils sont par définition. Dans la réflexion qui se poursuit, des questions se posent. Où se situent-ils dans le développement de leurs carrières? Quel contenu est approprié? Peut-il s’agir d’un artiste établi présentant un contenu émergent? Quels sont les chiffres magiques? Le contenu émergent provenant d’artistes émergents devrait-il être pondéré de façon plus importante que celui des artistes établis afin d’agir comme incitatif pour que la radio diffuse un plus grand nombre d’artistes émergents?

FRANCE

La Loi du 1er février exige qu’une proportion de 40 % de la musique diffusée pendant les heures de grande écoute corresponde à des titres francophones, dont la moitié doit provenir de nouveaux artistes et être de nouvelles productions.

Nouvel artiste

Jusqu’à ce qu’un artiste ait deux albums distincts qui ont été certifiés Or (50 000 unités vendues), il est considéré comme étant un nouvel artiste.

Nouvelle production

Une production est définie comme étant « nouvelle » pour une période de six mois à partir de la première diffusion comme titre qui est joué au moins trois fois pendant les heures de grande écoute (de 6 h 30 à 22 h 30) pour deux semaines consécutives.

CANADA

En 2011, après de nombreuses consultations et avec la collaboration de l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ARC), de la Canadian Independent Music Association (CIMA) et de l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ), le CRTC a défini les artistes canadiens émergents à la radio commerciale (Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2011-316).

Artistes anglophones émergents

Un artiste canadien anglophone émergent est un Canadien conformément au critère A du système MAPL et dont aucune des pièces n’a obtenu l’une des 40 premières places des palmarès expressément énumérées ou l’une des 25 premières places des palmarès expressément énumérées.

Un artiste canadien anglophone émergent le demeure pendant une période de 36 mois à compter de la date à laquelle l’une de ses pièces obtient l’une des places décrites ci-dessus.
Lorsqu’un artiste faisant partie d’un groupe à l’identité bien définie lance sa carrière solo ou forme avec d’autres artistes un nouveau groupe sous une nouvelle identité, cet artiste solo ou ce nouveau groupe sera considéré comme étant un nouvel artiste pendant une période de 36 mois à compter de la date à laquelle la pièce diffusée sous la nouvelle identité obtient l’une des places décrites ci-dessus.

Artistes francophones émergents

Un artiste canadien émergent de langue française est un artiste qui satisfait aux deux critères suivants :

Le mot « artiste » comprend les groupes à l’identité bien définie. Si un artiste d’un groupe à l’identité bien définie lance une carrière solo ou crée avec d’autres artistes un nouveau groupe sous une nouvelle identité définie, cet artiste solo ou ce groupe sera considéré comme étant un artiste émergent selon les critères mentionnés ci-dessus.

OBSERVATION : Tandis que le débat se poursuit, les artistes émergents se tournent vers d’autres possibilités pour la distribution et l’accès. Internet et les réseaux sociaux leur procurent un accès à très grande échelle, mais la nécessité de développer des auditoires repose carrément sur leurs épaules lorsqu’ils choisissent cette voie. La diffusion à la radio augmente de façon importante les chances d’un artiste de joindre un auditoire et d’avancer sa carrière.

Découverte de nouveaux artistes

Dans la dernière partie du vingtième siècle, la radio jouait un rôle important dans la façon dont la musique était découverte, appréciée et consommée.

Durant cette période, le monde de la musique était contrôlé par des cerbères, sans le soutien desquels il était difficile de produire la musique en série, de la distribuer et d’y accéder, même si elle était librement créée.

Les maisons de disques, les distributeurs, les diffuseurs et les détaillants s’alliaient dans la promotion de la musique qui se retrouvait dans leur système. Les carrières et les possibilités accessibles aux artistes et aux créateurs qui se retrouvaient à l’extérieur de cette structure devenaient des défis énormes, puisqu’il était difficile pour ces derniers de faire entendre leur musique, et encore plus de développer des carrières durables.

Le monde a changé.

Grâce à la propagation d’Internet pratiquement partout dans le monde, les consommateurs, les admirateurs et les auditoires de musique peuvent découvrir des pièces et choisir la musique qu’ils écoutent, lorsqu’ils le veulent et de la façon dont ils le veulent.

La vente au détail classique (c.-à-d. en magasin), si elle n’est pas encore terminée, vit ses derniers jours comme facteur important pour l’industrie de la musique et les artistes. La radio terrestre, qui était le diffuseur de musique dominant de longue date et l’agent instigateur du goût et de l’appartenance à la communauté, est maintenant une seule plateforme parmi de nombreuses autres auxquelles les auditoires et les admirateurs peuvent avoir recours dans leur recherche continue de bonne musique et de l’expérience qui vient avec la découverte et l’écoute de musique.

Comment les auditoires d’aujourd’hui trouvent-ils leur musique, nouvelle et ancienne?
Pour certains, la radio terrestre continue d’être une source fiable et le fournisseur de la musique dans leurs vies.

Pour d’autres, notamment les générations plus jeunes, la capacité d’accéder à la radio Internet, souvent spécialisée au énième degré, est une avenue de choix. Pouvoir se rendre en ligne et être à un clic de ses artistes et de sa musique préférés est une réalité. De plus, le développement continu de logiciels de recommandations plus évolués est très respecté et apprécié par les mélomanes avides.

Sans oublier que le bouche-à-oreille est un puissant un facteur d’influence pour la découverte de la musique, et qu’il le demeurera.

Résultats et évaluations

Dans l’évaluation du succès de toute mesure, il est important au départ et dans le cadre du processus de déterminer les résultats et les objectifs précis que les quotas doivent atteindre et la façon dont les résultats devraient être mesurés pour évaluer leur efficacité.

Dans le cadre de l’examen des territoires où des quotas ont été introduits, il a été difficile de repérer des résultats attendus quantifiables précis ou des évaluations importantes des résultats à la suite de l’introduction de ces quotas.

En ce qui concerne les objectifs commerciaux, il existe des cas où le quota fait partie d’une trousse à outils plus importante visant la création, la production, la commercialisation et la distribution d’enregistrements sonores locaux de qualité.

La trousse d’outils peut comprendre d’autres lois visant d’autres médias et plateformes, le financement et le soutien publics des œuvres musicales, les incitatifs fiscaux et les autres instruments fiscaux axés sur le soutien et la croissance des processus créatifs et opérationnels.

Depuis quelque temps, il y a un mouvement pour inclure la question de la durabilité dans les discussions concernant le soutien et la promotion des arts par le gouvernement, y compris la musique. La réflexion comprend la prise en considération que le soutien, par des prêts, des subventions et d’autres mesures publiques, devrait permettre au bénéficiaire de devenir autonome et durable avec le temps.

Isolément, il est probable que les quotas ne sont pas aussi efficaces que lorsqu’ils sont inclus dans une approche plus globale visant à soutenir et développer la musique locale. Le défi est de s’assurer de la pertinence stratégique de chaque élément de la trousse d’outils afin qu’il contribue à l’objectif commun ou soit complémentaire dans la réalisation du résultat escompté.

Dans le cas des attentes commerciales, un examen des résultats a été jusqu’à maintenant limité puisqu’il n’y a pas de source importante d’information qui permettrait de faire une évaluation raisonnable du succès des quotas (et d’autres mesures) dans l’établissement du modèle comme prévu. La question des mesures est confondue parce que celles-ci, lorsqu’elles existent, sont fondées principalement ou entièrement sur les ventes en magasin, un vestige de l’industrie de la musique à la fin du vingtième siècle.

Les ventes en magasin des produits enregistrés sont en chute libre depuis 1998, ce qui rend les mesures et les comparaisons d’une année à l’autre quelque peu vides de sens. Lorsque des comparaisons d’une année à l’autre ou d’une période à l’autre ont été invoquées, nous avons constaté qu’elles ne sont pas fiables puisqu’elles tendent à comparer les ventes locales de musique locale (en ce qui a trait à la baisse) avec les ventes globales de musique (également en baisse) comme mesure de succès ou d’échec. La complexité des questions, la possible influence de facteurs extérieurs sur l’ensemble des données et la possible incidence d’éléments indésirables sur l’analyse remettent en question la valeur de ces évaluations.

D’autres mesures, y compris les ventes numériques, les reçus d’interprétations en direct ou autres facteurs économiques, comme la publication, devraient être prises en compte dans l’analyse afin de la rendre plus crédible comme outil d’évaluation et de planification.

Étant donné que les revenus provenant des ventes en magasin et par téléchargement continueront de chuter dans les années à venir, un indice plus significatif de succès comprendrait-il les « oreilles », c’est-à-dire le nombre de personnes qui accèdent réellement aux artistes locaux et à leurs créations, et les écoutent?

Si cela est une considération raisonnable, alors la radio n’est qu’une partie de la trousse d’outils (quoiqu’une partie importante), et les industries créatives et opérationnelles de la musique, avec d’autres partenaires comme les diffuseurs et les plateformes, devraient déterminer la meilleure façon d’appuyer la diffusion du contenu local, ainsi que l’accès à celui-ci, en prévision de demain.

Dans le cas de l’évaluation de l’incidence sur les objectifs culturels, nous n’avons trouvé aucun matériel fiable concernant cette question. La question de la protection de la langue ou de la culture, strictement par l’intervention des quotas sur la musique de diffusion, est trop restreignante, puisque de nombreux facteurs influeront sur ce défi intéressant et que cette question devrait être examinée sur une période de temps plus longue plutôt que simplement sur la base d’une comparaison d’une année à l’autre.

Il peut également exister, dans certaines situations, certains faux-fuyants créatifs. Par exemple, au sein de l’Union européenne, il n’est pas possible de discriminer en faveur de la musique locale, mais il est possible de le faire dans le cas de la langue. Cela pourrait mener à croire que lorsque la protection de la langue a été invoquée dans la défense de l’introduction des quotas, l’objectif pouvait être tout autre, quoique similaire, en réalité.

Étant donné les raisons claires pour lesquelles les quotas ont été examinés et adoptés (la détermination de l’objectif et des résultats), il faudrait peut-être déterminer si d’autres mesures, engagements et aides seraient valables, possiblement plus que les quotas ne le sont.

Plus simplement, si le rôle énoncé de la radio en ce qui concerne le contenu local est d’exposer et de promouvoir la musique locale, alors par quels moyens autres que les quotas les diffuseurs pourraient-ils promouvoir activement l’atteinte des objectifs énoncés et y contribuer, qu’il s’agisse d’objectifs culturels, d’objectifs commerciaux, d’une combinaison des deux ou d’autres objectifs à déterminer?

Agir ensemble (planchers et plafonds)

Étant donné la couverture en ligne du débat souvent polarisé sur les quotas qu’entretiennent les intervenants de divers pays, il semble qu’il soit difficile d’atteindre un consensus sur la question des quotas, de leur nature et de leur nécessité.

Ayant participé personnellement aux discussions préalables à l’examen de 2006, l’auteur du présent rapport a connu ce phénomène et offre les observations ci‑dessous à titre de contribution à l’éventuel succès de décisions futures sur les quotas.

Les intérêts des diffuseurs, de l’industrie de l’enregistrement de musique, des créateurs et des artistes sont légèrement divergents en ce qui concerne les quotas. Ces acteurs font face à leurs propres défis dans l’examen de ce qui constitue des quotas équitables et gérables, et ces derniers les touchent de façons différentes.

Une partie du défi à venir est d’établir des objectifs (assortis de résultats escomptés) qui pourraient être acceptés, et qui le seraient en fait, par tous les intervenants, et de faire en sorte que des données soient facilement disponibles ou élaborées pour appuyer la mesure et la réalisation de ces objectifs (et résultats escomptés) ainsi que pour maintenir l’engagement des intervenants.

Comme cela se voit souvent dans des cas comme celui-ci, on soulève la question des planchers et des plafonds. Le quota est-il le plafond, c’est-à-dire le maximum auquel on doit s’attendre et à l’atteinte duquel on n’emploie que les moyens strictement nécessaires? Ou est-il un plancher, c’est-à-dire un minimum, autour duquel les parties intéressées se rallient avec la compréhension que le dépassement des seuils des quotas profiterait aux intervenants déterminés sans désavantager personne.

Les questions de l’évitement, de la conformité et, dans certains cas, de la détermination à savoir si une œuvre musicale ou un artiste se qualifie ou non, créent peut-être des conflits naturels et exigent un consensus.

Défi

Devant cette réalité et devant cette liberté de trouver la musique que l’on veut, au moment où on le veut et de la façon dont on le veut, le défi pour la radio terrestre, qui consiste à continuer d’être pertinente pour les auditoires de musique, est énorme.

La façon d’équilibrer cette dynamique avec les règlements concernant ce qui est diffusé, et de quelle façon, est et continuera d’être un défi important pour les diffuseurs et les organismes de réglementation.

Les artistes, les créateurs, l’industrie de la musique et l’industrie de la diffusion ont besoin l’un de l’autre.

En réunissant les parties et par l’entremise d’une discussion avec elles, ainsi que de leur participation et de leur engagement, et en trouvant des solutions créatives et significatives, les organismes de réglementation et les décideurs peuvent accomplir beaucoup pour promouvoir et améliorer, de la meilleure façon possible, la musique locale et pour l’amener à trouver sa place à l’échelle nationale et internationale.


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