Incidence des nouvelles technologies sur la télévision communautaire

David Keeble
Keeble Consulting
31 mars 2008


Le Conseil note qu'il n'a pas participé à la formulation des positions énoncées dans le présent rapport et que les opinions exprimées sont celles de l'auteur et ne lient en aucune façon le Conseil.


Table des matières


Note à l'intention du lecteur : le présent rapport a été rédigé le 31 mars 2008. Depuis, l'élément communautaire du système de radiodiffusion a connu un certain nombre de changements. Par exemple, le système de câblodistribution Campbell River Cooperative, largement décrit dans ce rapport, a été acheté par Shaw Cable et n'est plus exploité. Les grandes conclusions énoncées dans ce document demeurent néanmoins une base valide de discussion.

David Keeble, 22 septembre 2009

Le secteur de la télévision communautaire

Commandé par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), le présent rapport est une évaluation de l'incidence courante et potentielle des nouvelles technologies sur le secteur de la télévision communautaire. Ce secteur est réputé comprendre un certain nombre d'entités : exploitations de canaux communautaires par des entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR), groupes communautaires qui fournissent de la programmation aux canaux communautaires et en assurent parfois la gestion et services de télévision communautaire de faible puissance radiodiffusant en direct en vertu d'une licence délivrée par le Conseil.

Ces entités composent la partie du secteur « communautaire » décrit dans la Loi sur la radiodiffusion, qui divise le système de radiodiffusion canadien en trois éléments : « privé, public et communautaire » . Bien que l'élément communautaire soit de bien moindre importance sur le plan économique, il est également tenu en vertu de la Loi d'offrir, « par sa programmation essentiellement en français et en anglais, un service public essentiel pour le maintien et la valorisation de l'identité nationale et de la souveraineté culturelle » .

Dans ce rapport, la discussion de « l'incidence » porte principalement sur les changements touchant la capacité du secteur de remplir les fonctions qui lui incombent, définies ci-dessus dans la Loi de même que dans les politiques du Conseil.

Incidence et but de la politique sur les médias communautaires

Le Conseil a formulé la fonction de la télévision communautaire dans le système à diverses occasions dans les politiques qu'il a publiées. Ainsi, il en a décrit les objectifs en 2002, dans une nouvelle politique faisant l'objet de l'Avis public de radiodiffusion CRTC 2002-61 (10 octobre), Cadre stratégique pour les médias communautaires. Ces objectifs étaient les suivants :

Dans l'évaluation de l'incidence, le présent rapport se penche sur ces deux objectifs, mais aussi sur deux autres buts non explicitement énoncés dans l'avis public susmentionné, mais prépondérants dans l'esprit des répondants oeuvrant dans le secteur communautaire, et qui aident à la réalisation des objectifs explicites.

Le premier but est l'obtention d'un auditoire important, qui contribue à attirer de nouveaux fournisseurs de programmation. Ce facteur pousse les fournisseurs de programmation à chercher à produire des images de qualité, afin de concurrencer les autres offres télévisées.

Le deuxième but est l'utilisation de la télévision pour développer la collectivité, tant par la programmation que par le processus de réalisation des émissions. Plusieurs groupes communautaires ont indiqué que le canal communautaire est né pour servir d'outil non seulement pour refléter la réalité locale, mais aussi, grâce au processus de création, pour faire croître les liens, la conscience et la cohésion de la collectivité. Ce but appuie l'objectif des solutions de remplacement et des nouveaux venus tout en correspondant étroitement à la formulation de la Loi, dans le sens que l'identité nationale peut être construite sur les identités locales.

Dans ce rapport, la technologie est donc étudiée en fonction de l'incidence qu'elle a sur la réalisation de quatre objectifs :

Les technologies et les effets potentiels

Quatre nouveaux développements techniques sont examinés dans cette étude.

Dans cette section du rapport, nous examinons la possibilité qu'ont ces technologies de changer la télévision communautaire. Dans la section suivante, nous évaluerons la réalité perçue par divers intervenants du secteur communautaire. Dans cette section, un cinquième développement technique – la transmission numérique par voie hertzienne – sera aussi étudié relativement aux exploitations communautaires de faible puissance.

Technologie de production semi-professionnelle

La télévision communautaire n'a jamais disposé des mêmes ressources financières que les télévisions publiques et privées et, en conséquence, a toujours dû faire un compromis entre qualité d'image acceptable et prix du matériel.

Au début des années 70, les canaux de câblodistribution communautaires ont fait ce compromis en demeurant le plus souvent en studio, se servant parfois d'installations d'enregistrement mobiles. Ils ont tiré parti des premières générations de matériel professionnel de bas de gamme – utilisant de la bande de 1 po alors que la bande de 2 po était la norme professionnelle et même des magnétoscopes portatifs ½ po pour l'enregistrement vidéo à main, bien qu'il fût difficile de produire une image stable avec ces appareils. Ils sont arrivés tardivement à la couleur et disposaient souvent d'installations de montage et de postproduction plutôt primitives.

Avec le temps, et la consolidation de la câblodistribution, les installations et la qualité technique de la programmation communautaire se sont énormément améliorées. Il est toutefois à noter que même dans les débuts, le contenu de la programmation compensait la piètre qualité de l'image. Et il s'agit là d'une réalité pour tous les niveaux de télévision – n'oublions pas que des émissions commerciales parmi les plus écoutées, comme America's Funniest Home Videos, étaient largement composées de films amateurs captés au départ sur bande VHS, un format maison de basse qualité.

Il faut aussi prendre note que la production télévisuelle professionnelle nécessite généralement l'utilisation d'un matériel de prix très élevé. Les caméras professionnelles ont des lentilles et des éléments de formation d'image de qualité supérieure; l'équipement de montage en ligne professionnel peut avoir une interface semblable à celle des systèmes de montage sur PC, mais le matériel employé est plus rapide et plus fiable. Les studios professionnels ont un plus grand nombre de dispositifs d'éclairage, plus chers, de même que des microphones et des appareils d'enregistrement sonore de grande qualité. Tout cet équipement est beaucoup plus durable que le matériel offert aux consommateurs pour la prise et le montage vidéo à la maison, et il est en général d'utilisation plus complexe, exigeant une formation professionnelle.

Cependant, la qualité de l'équipement proposé aux consommateurs a augmenté notablement au cours des dernières années, ce qui a créé une catégorie appelée « pour consommateurs avertis » ou « semi‑professionnelle » . Situé dans la fourchette supérieure de ce que le consommateur peut payer, cet équipement est toutefois capable de produire une qualité qui, dans de nombreux cas, est acceptable pour le tournage de nouvelles ou de documentaires destinés à la télédiffusion. Bien que ce matériel ne soit pas aussi durable que l'équipement professionnel et qu'il ne soit vraisemblablement pas employé dans l'exploitation courante d'une station de télévision, il peut produire des images utilisables, même dans les mains d'amateurs.

L'emploi de matériel semi-professionnel est généralisé et l'utilisation de matériel de moindre qualité est aussi largement répandue. Des images de qualité nettement inférieure, comme celles que produisent les caméras Web, sont déjà courantes dans les vidéos distribuées dans Internet. Les nouveaux enregistreurs vidéo numériques, dont certains peuvent enregistrer en haute définition, quand ils sont jumelés à un logiciel de montage pouvant tourner sur les récents ordinateurs personnels puissants, permettent aux particuliers de créer des productions vidéo soignées et accomplies, à domicile.

La question que soulève le matériel semi-professionnel n'est pas de savoir s'il peut être employé ou non en télévision communautaire – la télévision communautaire a d'évidence toujours utilisé de l'équipement de cette fourchette de prix et en a trouvé la qualité utile. La question est de savoir si cet équipement peut libérer la production communautaire des contraintes liées à une installation centrale de « canal communautaire » pour la mettre entre les mains des individus.

De toute évidence, ce matériel offre la possibilité de changer la façon dont la télévision communautaire se fait. Les groupes communautaires peuvent être libérés des contraintes de la production en studio et des limites de temps imposées dans une installation centrale. Les événements communautaires peuvent être couverts avec des caméras numériques à main, capables de produire une qualité comparable aux remorques « mobiles » multicaméras. Le montage et la postproduction peuvent être exécutés à domicile en cas de difficultés à trouver le temps nécessaire dans les installations de montage du câblodistributeur.

Il est aussi évident que si une personne y consacre suffisamment de temps, le groupe n'est maintenant nécessaire que devant la caméra. La contrainte est devenue une contrainte de temps et non de disponibilité ou même de coût de l'équipement.

Pour résumer, en mettant la puissance de production entre les mains d'un plus grand nombre de personnes, la technologie semi-professionnelle porte le potentiel d'accroître la diversité des voix et les solutions de remplacement et d'augmenter par le fait même la programmation produite localement.

Jusqu'ici dans la discussion, nous avons parlé de possibilités. Il deviendra clair dans la description des comptes rendus des répondants, dans les sections qui suivent, qu'une partie de ces possibilités a déjà été concrétisée, mais qu'il y a des pressions contradictoires, de même que des répercussions inattendues.

Télévision haute définition

La pression contradictoire la plus évidente est l'attente d'une qualité encore meilleure. La plupart des exploitations de télévision communautaire ont des ressources limitées (sauf dans les cas où les entreprises de câblodistribution ont choisi d'augmenter les budgets d'exploitation de leurs propres activités), de sorte que même si elles tirent profit du prix réduit de l'équipement, la norme de l'industrie en matière de qualité d'image atteint des sommets depuis l'arrivée de la télévision haute définition.

Ce changement n'est pas une question d'augmentation progressive de la qualité. La différence fondamentale est facile à décrire – un écran panoramique et un plus grand nombre de lignes de résolution dans chaque image – mais en réalité, la transmission de ces nouvelles images exige le remplacement de pratiquement tous les appareils de la chaîne de production télévisuelle. L'image doit être améliorée avant même d'atteindre la caméra, au moyen d'un maquillage soigné et d'une attention minutieuse portée aux détails sur les plateaux.

Néanmoins, l'adoption de la qualité HD n'est pas entièrement hors d'atteinte pour cause de coûts pour tous les intervenants. Il est possible d'employer Final Cut Studio, qui coûte 1 300 $US, pour faire du montage sur bande haute définition. Il existe des caméscopes haute définition à 2 500 $ sur le marché. Il est donc possible pour un individu de créer et de monter une émission HD et de remettre la bande à une EDR – en supposant que son canal communautaire dispose des autres équipements nécessaires pour présenter et diffuser une programmation haute définition. D'évidence, il en coûte beaucoup plus cher aux exploitations qui comprennent des studios, une régie centrale et des installations de transmission.

La TVHD elle-même peut donc avoir une incidence réduite sur le nombre de personnes pouvant produire des émissions communautaires – les particuliers et les groupes doivent bien sûr se rééquiper sur une certaine période. Mais au cours de cette même période, elle peut aussi être perçue comme étant nécessaire pour maintenir l'auditoire, en raison de l'adoption progressive de la HD comme « norme » générale de diffusion.

Vidéo sur demande distribuée par les EDR

Une troisième technologie présentant un réel intérêt pour la télévision communautaire est la vidéo sur demande distribuée par les EDR. La VSD est un mode de distribution intéressant, étant donné que la programmation d'accès est souvent produite par des groupes qui ont un message à faire passer et qu'elle s'adresse vraisemblablement les téléspectateurs d'un créneau réduit. Puisque tous les membres de l'auditoire potentiel peuvent ne pas être libres à une heure de programmation donnée, ils peuvent rater la diffusion sur le canal communautaire linéaire. Rendre l'émission accessible en permanence par la VSD peut donc en maximiser l'écoute – si les spectateurs cibles sont équipés de terminaux numériques et savent comment utiliser la VSD. Dans le cas contraire, la VSD n'est utile que comme complément, non comme remplacement, du canal communautaire analogique linéaire.

La VSD peut aussi avoir une incidence, plus subtile, sur l'objectif du développement de la conscience communautaire. Dans certaines circonstances, l'événement « collectif » de regarder une émission en même temps, et la discussion du sujet qui en découle dans la collectivité, peuvent disparaître quand l'expérience est fragmentée dans le temps.

Vidéo sur demande par Internet

Le prolongement naturel du concept de VSD dans les EDR est de rendre la programmation accessible dans un site Web. De cette façon, les émissions peuvent être regardées :

Cette idée soulève la question suivante : « Le canal communautaire linéaire est‑il vraiment nécessaire? Si les citoyens sont en mesure de produire leurs propres émissions et de les distribuer eux-mêmes dans Internet, le secteur communautaire du système de radiodiffusion ne pourrait-il pas réaliser ses objectifs sans l'intervention des EDR? »

Il serait donc ainsi possible (en tenant pour acquise la disponibilité générale du matériel de production semi-professionnel) que le nombre de participants à la programmation communautaire ne soit plus limité et que tous les membres de la collectivité y ait accès. Cette technologie pourrait aider à réaliser les objectifs de diversité et d'accroissement d'auditoire tout en permettant, théoriquement, d'augmenter le nombre d'émissions.

Il existe cependant des arguments contradictoires.

Premièrement, bien que le service Internet haute vitesse soit répandu, il ne l'est pas autant que la câblodistribution communautaire, non plus que l'écoute de vidéos dans Internet soit aussi courante que celle de la télévision. Deuxièmement, la télévision communautaire peut être plus utile dans les collectivités éloignées, où l'accès à Internet haute vitesse est plus difficile à mettre en oeuvre que la télévision traditionnelle ou même le câble. Troisièmement, les ressources nécessaires à la distribution appropriée de contenu visuel dans Internet peuvent ne pas être accessibles à tous les groupes et, enfin, en l'absence d'un centre de soutien et de ressources appuyant la télévision communautaire, role que joue le canal communautaire de câblodistribution, ce type d'activité peut être plus difficile à maintenir.

Incidence perçue par les répondants

Dans cette section, nous rendons compte des effets réels de ces technologies, tels que les perçoivent les intervenants du système, et nous les comparons aux incidences possibles décrites ci-dessus.

Canaux communautaires d'EDR commerciales

Les entrevues avec Rogers, Vidéotron et SaskTel présentent un tableau intéressant du secteur, qui ne correspond pas exactement à ce que peuvent laisser croire les possibilités inhérentes aux technologies. Les entreprises de câblodistribution ayant un historique et une philosophie différents, le point de vue de SaskTel fait l'objet d'une description distincte.

Dans les deux cas, les exploitants du canal communautaire câblé constatent la nécessité de faire en sorte que le canal communautaire ne soit pas perçu comme étant « une génération en retard » sur le plan technologique. Ils croient que l'image traditionnelle du canal « amateur » , du point de vue technique, n'aide pas à atteindre les téléspectateurs. Rogers signale une perte d'auditoire du canal communautaire de 50% au cours des dernières années – bien qu'il y ait eu une augmentation des demandes d'accès.

« Le téléspectateur est averti. À l'ère de YouTube, il y a une tolérance à l'égard de la production brute, mais elle est plus stricte qu'auparavant. Par le passé, la nouveauté de la télé suffisait. »

En conséquence, au cours des dernières années, les exploitants ont mis l'accent sur l'acquisition et le maintien de matériel professionnel abordable. L'équipement « semi-professionnel » peut être utilisé par les groupes d'accès qui fournissent des émissions au canal, mais il n'est pas généralement considéré comme étant de qualité suffisante et durable pour les productions réalisées par le canal dans ses studios et ses installations mobiles.

En outre, Rogers fait remarquer que les bénévoles qui aident à créer ses productions en studio et mobiles sont souvent des étudiants en provenance de collèges communautaires et d'autres programmes de formation, qui s'attendent à travailler avec un équipement tout à fait professionnel – ils ne feraient pas de bénévolat si l'entreprise de câblodistribution n'avait pas un matériel équivalent à celui dont dispose l'établissement d'enseignement. Si une école secondaire peut posséder trois logiciels de montage AVID (anecdote décrite par l'un des exploitants de canal), l'entreprise de câblodistribution doit au moins suivre le rythme.

Les câblodistributeurs considèrent que le développement professionnel fait partie du rôle historique de la télévision communautaire. Bien qu'il ne s'agisse pas ici d'un objectif formel du secteur, la formation est importante pour la réussite des canaux communautaires câblés. Une technologie qui avrait un effet nuisible sur l'accomplissement de ce rôle serait en conséquence nuisible à la réalisation des autres objectifs, notamment celui de favoriser la programmation communautaire locale qui repose sur des bénévoles.

Vidéotron va même plus loin à cet égard, car elle est en mesure de rémunérer certains artistes d'antenne des canaux qu'elle exploite directementNote de bas de page 1. À Montréal, ses bénévoles sont souvent de jeunes diplômés de programmes de formation et des artistes prometteurs. L'entreprise croit que l'engagement de Vidéotron au professionnalisme de son canal montréalais « Vox » a entraîné l'augmentation de la cote d'écoute.

En ce sens, on pourrait dire que les choix techniques des câblodistributeurs visent à augmenter l'auditoire, non à atteindre les objectifs de la plus grande diversité et du plus grand nombre de participants. Leur attitude face à la TVHD démontre cette affirmation. Rogers est consciente de l'importance de la HD tout en reconnaissant que les exigences financières sont telles qu'il peut s'écouler beaucoup de temps, de 10 à 15 ans peut-être, avant que l'ensemble de ses exploitations de canaux câblés soit converti. Cependant, l'entreprise profite du cycle normal de remplacement d'immobilisations pour faire en sorte que le réseau dispose de plus en plus de matériel compatible HD, même si elle ne prévoit pas avoir d'installations HD complètes dans la plupart des emplacements avant quelque temps.

Vidéotron est plus proactive. Son canal câblé de Montréal diffuse déjà en HD; bien que la production HD (au moment de l'entrevue) ne compte que pour quelques heures par semaine, le but était d'atteindre 15 heures par semaine à l'automne 2008. Mais il faudra attendre un bon moment avant que ses autres centres de production communautaire de la province soient convertis.

Les deux entreprises de câblodistribution offrent une partie de la production communautaire en vidéo sur demande, bien que la quantité qu'elles puissent offrir soit apparemment restreinte par les règlements qui prescrivent le pourcentage de programmation VSD pouvant être produit par la titulaire. Les deux considèrent la VSD comme un moyen naturel d'étendre la portée géographique et temporelle d'écoute, mais ni l'une ni l'autre ne croit qu'elle doive remplacer le canal linéaire. Elles indiquent qu'à certains égards, l'auditoire des canaux communautaires peut être moins sensibilisé aux nouvelles technologies et moins porté à les utiliser.

Ces canaux communautaires ne distribuent pas d'émissions par Internet, même s'il semble evident que ce moyen est un incontournable. Les programmateurs sont conscients de l'importance de l'utilisation publique d'Internet et croient qu'ils devront s'adapter à moyen terme. Toutefois, les deux exploitants pensent que le canal communautaire constitue une source d'avantages concurrentiels pour les câblodistributeurs sur les autres EDR. Ils se servent d'Internet pour faire la promotion du canal communautaire, mais en réservent le contenu aux abonnés du câble (sauf pour quelques documents choisis).

II a aussi été signalé que le canal communautaire peut vraisemblablement obtenir un meilleur auditoire à l'intérieur de l'offre plus restreinte du câble que dans l'offre infinie présente dans Internet. C'est pourquoi la distribution par Internet n'est pas considérée comme un service de remplacement pour la distribution par les EDR.

SaskTel

L'exploitation communautaire de SaskTel est entièrement sur demande ce qui diffère des EDR diffusant sur câble coaxial. Comme eux, SaskTel n'est pourtant pas encline à rendre des émissions accessibles sur le Web, pour la même raison. Le service « Max Local-on-Demand » est un différenciateur sur le plan de la concurrence et l'entreprise ne souhaite pas le partager, bien qu'elle ait un portail le présentant sur « mysask.com » , qui propose des clips promotionnels du service.

L'exploitation de SaskTel se distingue aussi considérablement de celle des câblodistributeurs sur d'autres plans :

Certains pourraient croire que cette approche conduira à un canal de VSD communautaire du genre « YouTube » , mais SaskTel affirme que ce n'est pas le cas. La vaste majorité des émissions présentées proviennent de groupes qui souhaitent célébrer un événement ayant eu lieu dans leur collectivité et non d'individus.

Les formes types de « contenu généré par l'utilisateur » ont peut-être été découragées par les critères de programmation acceptable établis par SaskTel :

Synthèse de la situation des EDR

En règle générale, pour ce qui a trait au sous-secteur des EDR, on peut constater ce qui suit :

Coopérative de câblodistribution

Le contraste est encore plus frappant quand on examine l'exploitation d'un système de câblodistribution de langue anglaise appartenant à la collectivité, la Campbell River TV Association, située dans l'Île de Vancouver.

Le présent rapport ne porte pas sur les questions de programmation d'accès communautaire et de relations entre les groupes d'accès et l'entreprise de câblodistribution, mais il est à noter que dans ce cas, les relations font une différence. Dans les entreprises de câblodistribution de taille plus importante, il est courant que les groupes d'accès réalisent leurs propres émissions au moyen de leur propre matériel. À Campbell River, ces émissions sont produites « tous les trente-six du mois » , principalement parce que tous les groupes d'accès utilisent encore les installations et le matériel de l'entreprise de câblodistribution elle-même pour créer leurs propres émissions et que l'entreprise les forme directement dans l'utilisation de l'équipement.

Le matériel semi-professionnel a donc une incidence réduite dans ce cas, bien que quelques caméras de ce niveau soient employées pour le tournage en extérieur. Pour le reste, l'équipement de la coopérative de câblodistribution est entièrement professionnel. Généralement, l'entreprise considère le nouveau matériel numérique léger et économique comme une grande amélioration dans sa capacité de couvrir les activités de la collectivité.

Cependant, la TVHD est toujours financièrement hors de portée pour le canal communautaire, même si sa base de soutien est bonne – la direction indique des dépenses d'environ 6,5 % des revenus pour le canal communautaire, davantage que les 5 % prescrits. Étant donné que l'entreprise de câblodistribution se voit comme le « télédiffuseur local » , ce service fait partie de l'avantage concurrentiel qu'il a sur les EDR de distribution par satellite. (Si ses prévisions sont exactes, le satellite connaît une pénétration considérablement plus faible dans son secteur que dans toutes les autres zones semblables du pays.) À l'instar des autres exploitations, la coopérative va acheter du matériel compatible HD quand les prix seront attrayants, dans le cadre du cycle normal de remplacement des immobilisations.

L'entreprise de câblodistribution elle-même n'a pas mis en oeuvre de service de vidéo sur demande, en raison de la difficulté générale qu'éprouvent les petites entreprises de câblodistribution à obtenir les droits sur des produits attrayants, plutôt que pour des raisons techniques. En conséquence, elle n'offre actuellement aucune émission communautaire en VSD.

Elle ne propose pas non plus de contenu dans Internet, pour des raisons analogues à celles qu'invoquent les autres câblodistributeurs. De plus, CRTV Cable n'est pas elle-même un fournisseur de service internet (FSI), même si elle offre l'accès en tiers aux installations de câblodistribution pour permettre à des FSI indépendants d'offrir le service à ses clients.

La principale différence entre CRTV et les autres entreprises de câblodistribution est l'absence de programmation d'accès réalisée par des groupes d'accès au moyen de leurs propres installations. L'entreprise fournit un canal communautaire établi suivant le système canadien classique, les divers groupes travaillant dans ses installations.

De toute évidence, l'objectif « d'accroissement de la conscience communautaire » de la programmation communautaire est prédominant dans ce cas, et l'utilisation de la production en studio peut avoir un effet important sur cet objectif. C'est-à-dire que lorsque les productions sont faites à l'extérieur, par des individus ou de petits groupes travaillant indépendamment les uns des autres, elles n'entraînent pas l'interaction sociale qui a lieu dans une installation centrale, et qui nécessite la participation d'un plus grand nombre de personnes (les caméras robots ne sont pas utilisées pas dans la programmation communautaire). Cette interaction sociale et la nécessité de discuter du contenu et de prendre des décisions relatives à la manière de présenter les situations ont toujours constitué un élément prédominant de la programmation communautaire. Dans la mesure où l'emploi d'un matériel semi-professionnel – comme remplacement du travail en studio – nuit au processus social, il peut aussi nuire à l'objectif de développement communautaire.

Groupes d'accès communautaire et « producteurs indépendants »

Ce dernier point a été affirmé avec conviction par un représentant de la Community Media Education Society (CMES), l'un des nombreux groupes d'accès participant au canal communautaire à Vancouver. La situation vancouvéroise semble être un cas hybride, où les groupes d'accès et Shaw Cable participent à la production d'émissions et à la gestion des studios.Note de bas de page 2 Le studio communautaire situé sur Commercial Drive, avec tous ses équipements, a apparemment été cédé à la CMES par Rogers comme solution de remplacement à la fermeture. Il en résulte que de nombreuses émissions sont produites par les groupes d'accès au moyen du studio, du matériel mobile ou de l'équipement portatif, d'une manière proche du modèle de canal communautaire classique.

Les groupes d'accès emploient davantage de matériel semi-professionnel aujourd'hui qu'ils le faisaient auparavant, en raison du faible accès qu'ils ont aux sources financières pour le remplacement d'immobilisations, mais le modèle de réalisation des émissions demeure un modèle « social » . Richard Ward de la CMES fait remarquer que le style de réalisation d'émission du « loup solitaire » produit des résultats différents. Il signale qu'il y a un processus d'inclusion, auxquels les bénévoles participent, puis la participation à l'émission de quelqu'un d'autre. « Et si vous faites la preuve que vous êtes fiable et non diffamatoire, au bout d'un certain temps, vous pouvez faire votre propre émission, et les autres vous aident à la faire. » Les bénévoles se développent grâce au mentorat, ils apprennent à juger le contenu en plus d'acquérir des compétences techniques. « Le groupe était toujours assez grand pour qu'une norme sociale soit établie. Pour présenter quelque chose, vous deviez vous y conformer – il y avait un effet de filtre qui faisait en sorte que ce qui passait était au goût d'un grand auditoire – mais sans les impératifs de publicité. »

Il ne s'agit donc évidemment pas principalement d'une question technique, ici. Le matériel semi-professionnel peut convenir dans une approche de « développement communautaire » , mais les groupes d'accès ont le sentiment que s'il sert à créer un environnement de production isolé, la programmation et l'expérience sont différentes.

Au contraire, les groupes multiculturels qui font des émissions destinées au canal communautaire de Toronto se désignent comme des « producteurs indépendants » . Certains producteurs indiquent qu'ils ont peu de contact entre eux ou avec le canal de câblodistribution lui-même, mais qu'ils réalisent simplement les émissions et livrent le produit fini de la façon convenue.

Ce n'est toutefois pas le cas d'un groupe de Toronto appelé Horizon Interfaith Council, qui croit être le dernier groupe utilisant les studios de l'entreprise de câblodistribution. Fondé il y a trente ans, Horizon se compose d'une grande diversité de groupes religieux qui souhaitent produire et mettre en onde des émissions communautaires. Sa fonction est de veiller à ce que le temps d'antenne bloqué par Rogers soit réparti équitablement entre les divers groupes. Grâce à l'accessibilité à de l'équipement grand consommateur, certains de ses membres ont leur propre matériel et peuvent livrer des bandes finales, mais 27 groupes ont indiqué qu'ils produisaient des émissions dans les installations de Rogers – en général deux par année.

De l'autre côté de la médaille, la situation des « producteurs indépendants » d'émissions communautaires varie considérablement. Certains sont bien financés et perfectionnés sur le plan technique. Victor Neskorozheny travaille dans un petit groupe qui tourne Pro Ukraine au moyen d'une caméra professionnelle et en fait le montage dans Final Cut Pro sur un Macintosh. Il fait remarquer que si Rogers voulait des émissions haute définition, il serait heureux de les lui fournir. Sur la liste des souhaits se trouve une installation qui leur permettrait de téléverser l'émission à Rogers dans Internet pour diffusion, de manière à éliminer l'expédition physique des bandes.

En revanche, Pobeda Piskaceva, de Macedonian Edition, travaille principalement seule; elle utilise de l'équipement semi-professionnel, trouvant quelques commandites pour couvrir les frais, mais autofinance l'émission en grande partie, pour appuyer la communauté. Sans accès à un matériel économique de qualité acceptable, cette émission ne pourrait vraisemblablement pas exister.

Dans ces cas, nous constatons que le matériel semi-professionnel permet d'augmenter la diversité des groupes en mesure de fournir des émissions communautaires, quand une solution de remplacement de l'utilisation des studios de l'entreprise de câblodistribution doit être trouvée – d'une manière, on pourrait dire que la diversité a augmenté par le transfert du coût de l'équipement à l'extérieur de l'exploitation de l'entreprise de câblodistribution. Bien sûr, cela ne s'applique qu'aux groupes qui ont la possibilité et la volonté d'acquérir l'équipement et les connaissances nécessaires pour l'utiliser.

Les groupes d'accès présentent des attitudes contradictoires à l'égard de la vidéo sur demande. Ils en constatent les avantages, mais ne la considèrent aucunement comme le remplaçant du canal communautaire. Pour leurs fins, atteindre le public cible nécessite un canal communautaire analogique linéaire, qui comporte les avantages d'un modèle bien connu et est familier pour le téléspectateur.

Toutefois, les deux producteurs indépendants publient une partie de leurs émissions dans Internet, sur leurs propres sites Web. Macedonian Edition est aussi téléversée dans YouTube. Pour leurs propres sites, cependant, ces producteurs ne peuvent se permettre les services d'un réseau de prestation de contenu comme Akamai, de sorte que la qualité de l'expérience dans Internet peut être médiocre. Néanmoins, ils jugent que cela constitue une partie importante du service qu'ils fournissent à leurs communautés et un moyen d'attirer un soutien supplémentaire. Puisqu'ils ne sont pas des entreprises de câblodistribution, et qu'ils ne reçoivent aucun soutien aux immobilisations ou à la production en provenance des abonnements au câble, il n'y pas automatiquement de conflit d'intérêt économique, ce qui serait le cas pour les émissions produites par le canal de câblodistribution lui-même.

En même temps, il y a quelques preuves – bien qu'anecdotiques – que l'utilisation du canal câblé présente des avantages dans le sens que le soutien de l'auditoire puisse accroître la stabilité de l'activité. C'est-à-dire qu'il est possible que les programmateurs qui tentent de fournir leur service uniquement dans Internet ne puissent obtenir le genre de réponse permettant à leur service de devenir autonome financièrement, grâce à l'assistance d'autres bénévoles ou aux commandites.

Le site Web Indian Head Today and This Week – produit par Chester McBain – qui présente une vidéo hebdomadaire de dix minutes (environ) en est un exemple. L'émission indiquait sept ou huit commanditaires. Les archives du site Web contiennent la liste de la plupart des émissions hebdomadaires pour 2006. Toutefois, la dernière vidéo sur le site est datée du 27 septembre 2007. Dans cette émission, Monsieur McBain annonçait qu'il voulait recevoir des courriels de visiteurs – au moins dix – ou alors qu'il mettrait un terme à l'émission. Comme il l'affirmait : « Si je fais tout ceci pour une personne, je perds le temps de tout le monde » . Un avis affiché dans le site indique qu'il a reçu sept courriels sur une période de 29 jours.

Un autre modèle est représenté par www.sootoday.com, qui est essentiellement un cyberjournal pour Sault Ste. Marie. Le contenu présenté, en majorité du texte, comprend des vidéoclips occasionnels, publiés dans une page Sootoday de YouTube et liés individuellement à des articles du site (concerts, hockey local, etc.). C'est un site textuel au contenu plutôt riche, mais il n'est pas clair que l'utilisation sporadique de la vidéo le situe dans le secteur de la télévision communautaire. Il serait probablement mieux caractérisé comme un exemple de convergence des journaux locaux et de la télévision locale sur une plateforme de contenu en ligne.

La conclusion est que les groupes d'accès communautaire canadiens n'ont pas transféré leurs activités sur le Web et qu'ils ne sont pas enclins à le faire. D'évidence, de nombreux groupes communautaires se servent du Web – comme média textuel – pour fournir de l'information que d'autres pourraient diffuser sur la télévision communautaire, mais ceux qui ont utilisé la télévision ne sont pas prêts à faire passer cette activité sur le Web, même s'ils utilisent Internet comme un complément mineur à la distribution télévisuelle.

On trouvera de meilleurs exemples à l'étranger. Le projet DenverOpenMedia propose des émissions archivées et du contenu direct en continu du canal d'accès et offre aux téléspectateurs la possibilité de voter et de commenter les émissions (http://www.denveropenmedia.org/livestream). Étant donné que le vote est une partie importante de l'évaluation et de la sélection des émissions, ce site fait partie intégrante du processus du groupe tout en constituant un mode de distribution de remplacement et, en ce sens, une tentative d'employer le potentiel de sensibilisation à la conscience communautaire que présente le Web.

Groupes d'accès communautaire agréés par la province

Dans ce modèle, qui existe au Québec, les groupes communautaires qui remplissent les critères établis par la province sont autorisés à exploiter le canal communautaire dans leur région. La Fédération des télévisions communautaires autonomes du Québec est constituée de 44 membres. Les groupes diffusent leurs émissions dans les services de l'entreprise de câblodistribution et, dans de nombreux cas, travaillent à l'intérieur d'un horaire partagé avec la programmation « réseau » produite par le câblodistributeur – Vidéotron ou Gogeco.

Comme dans les autres secteurs, la Fédération connaît une gamme de situations économiques. Les ressources proviennent de la province, qui finance l'exploitation de base et, pour quelques stations, des entreprises de câblodistribution, qui fournissent certaines sommes pour la programmation. Le bingo télévisé constitue aussi une source des liquidités si nécessaires. En général, la production d'émissions originales d'environ dix heures par semaine est exécutée par une très petite équipe de personnes rémunérées et par des bénévoles.

Certains groupes sont très bien équipés et disposent de matériel professionnel, mais tous peinent à subvenir aux besoins de remplacement de l'équipement, qui tombe rapidement en désuétude. La technologie numérique est omniprésente dans le secteur : le montage non linéaire à l'ordinateur est courant et suffisamment normalisé pour que les groupes puissent échanger les clips et les émissions. La production en solo au moyen de matériel semi‑professionnel n'est pas courante; la production en studio / à distance au moyen d'équipes de cameramen, d'artistes à l'antenne et du producteur est la norme.

Quelques stations ont acquis une caméra HD et le président de la Fédération, Alain Manning, croit que la câblodistribution pourrait donner la possibilité aux membres de produire des émissions distribuées en HD dans un avenir proche. Toutefois, le financement nécessaire n'est pas du tout évident, le télébingo ne couvrant que les frais d'exploitation.

En raison de l'importance de cette source de financement, la vidéo sur demande distribuée par les EDR comme remplacement du canal communautaire n'est pas une option dans cet environnement – au moins tant que les productions ne seront pas payées par l'exploitant du service de VSD, et cette situation pourrait aller dans le sens contraire du principe du maintien de la gratuité du canal communautaire pour l'abonné.

La distribution par Internet est une autre question. Comme c'est le cas pour les autres groupes non liés par un conflit d'intérêt commercial, ces stations de télévision communautaire voient la distribution par Internet comme un bon moyen de mettre les émissions à la disposition de l'auditoire à des heures différentes et en dehors du milieu local immédiat. Selon la Fédération, quelque 15 stations ont des sites Web et deux ou trois diffusent dans Internet. La transition vers Internet soulève cependant de nombreuses questions relatives au financement.

Télévision communautaire conventionnelle de faible puissance

Ce sous-secteur de l' « élément » communautaire du système de radiodiffusion fournit ses services par l'intermédiaire de la télévision en direct, c'est-à-dire conventionnelle. À ce titre, le sous-secteur a un autre problème à résoudre : la transition vers la télévision numérique (TVN) ou la télédiffusion en direct numérique. L'échéance est prévue pour 2011 au Canada, mais pourrait être reportée dans les régions éloignées – et certaines de ces stations se trouvent dans des régions éloignées.

Dans tous les cas, cette transition va perturber la réception des téléspectateurs et coûter aux exploitants d'émetteurs de vrais dollars en immobilisations, qui peuvent être difficiles à trouver. Il existe aussi un problème potentiel de ressources du spectre.

La transition vers le numérique a entraîné la création d'un tout nouveau plan des fréquences, qui permet aux stations de télévision en direct d'utiliser une deuxième fréquence durant la transition. Après août 2011, les stations devront abandonner le canal analogique, et les canaux 52 à 69 ne seront plus disponibles pour la télédiffusion.

Les stations de faible puissance utilisent un canal de télévision, mais n'ont aucune protection de signal. Elles ne peuvent pas provoquer le brouillage de transmission des autres stations et doivent accepter que leur signal subisse les interférences des utilisateurs protégés. En conséquence, le nouveau plan des fréquences ne tient pas officiellement compte de leurs besoins et il est possible qu'elles ne trouvent aucun canal libre après la transition. Cependant, elles seront traitées au cas par cas et les dirigeants d'Industrie Canada ne prévoient pas de difficultés pour satisfaire à leurs besoins, dans la mesure où elles sont prêtes à accepter ce qu'elles obtiendront. Les stations situées dans les régions éloignées ne connaissent bien sûr pas de congestion du spectre et auront peu de problèmes à cet égard.

Pour ce qui est des autres problèmes, toutefois, il faut prendre note que ces exploitations ne reçoivent aucun soutien provenant des revenus de la câblodistribution et trouvent difficilement des fonds pour les dépenses de capital. Il existe là aussi, comme dans les autres secteurs, une grande diversité de circonstances. Parfois, les stations arrivent à obtenir des subventions provinciales, ou un soutien municipal et, dans certains cas, la vente de publicité peut constituer la principale source de soutien. Il existe donc toute une gamme de situations allant de l'exploitation professionnelle – studios complets et personnel payé, comme Télé-Mag à Québec – à l'exploitation si petite qu'elle est incapable d'utiliser du matériel semi-professionnel, encore moins professionnel, et doit avoir recours à de l'équipement grand public comme les ordinateurs personnels et les magnétoscopes grand public, comme c'est le cas à Valemount, une très petite collectivité de la Colombie-Britannique.

Pour Télé-Mag, comme pour les grandes entreprises de câblodistribution, les bénévoles – ou « artisans » comme l'entreprise les appelle – qui suivent des cours de formation à l'université (Laval) représentent une aide considérable sur le plan technique du fonctionnement des émissions. Dans les petites collectivités, des étudiants du secondaire peuvent aider, mais le simple fait de continuer de fonctionner est une lutte. Dans ces cas, la production peut ne représenter que quelques heures par semaines. La vente de copies d'émissions sur DVD (gravées au moyen d'un PC) aux personnes se trouvant dans des conditions de réception difficiles peut être une source de revenus.

D'autre part, le sens de l'engagement communautaire et de la mission peut être très fort. Que la motivation soit l'amélioration des connaissances médiatiques ou la diffusion du genre d'information dont a besoin la petite collectivité rurale, le travail et le dévouement nécessaires pour maintenir le fonctionnement de ce genre d'exploitation sont impressionnants. Ces groupes sont probablement les plus grands bénéficiaires de la technologie numérique à bas prix destinée au marché grand public, parce qu'ils ne peuvent pas de permettre autre chose. En revanche, les technologies comme la VSD n'a aucun appui, la HD est simplement trop chère et Internet est considéré comme un supplément servant à gérer les conditions difficiles de transmission en direct.

Télé-Mag juge que son matériel numérique est l'équivalent de celui d'un réseau de télédiffusion comme TQS. Elle a deux suites de montage numérique, peut monter en HD et se prépare pour le passage à la transmission numérique.

Elle utilise aussi considérablement le Web, indiquant que 95 % de sa programmation sont accessibles dans ce média. Elle considère néanmoins Internet comme un complément de ses activités de télédiffusion, car son vrai auditoire est celui des canaux de télédiffusion conventionnels, grâce auxquels elle atteint 235 000 téléspectateurs.

Il est difficile de faire la synthèse des conditions de ce sous-secteur, notamment en raison de la situation radicalement différente des divers intervenants, mais d'abord à cause du nombre réduit des stations du secteur.

Conclusions

Plusieurs conclusions ressortent nettement des entrevues et de l'analyse du potentiel des diverses technologies.

Ce dernier point soulève une autre question, plus subtile et plus difficile à formuler – principalement parce que les termes « programmation communautaire » , « accès » et « bénévole » ne sont pas clairement définis et sont interprétés de façon différente par les divers intervenants. Certains trouvent que les entrevues et les performances de personnes de la collectivité dans une émission quotidienne constituent une programmation d'accès – dans ce sens, les installations appartenant à l'entreprise de câblodistribution peuvent être utilisées pour la programmation d'accès. En revanche, d'autres croient que ce genre de programmation est plus proche de ce qu'une station de télévision locale peut faire. Ces divergences compliquent la compréhension des limites du secteur « communautaire » du système de radiodiffusion.

Ceci étant dit, à l'intérieur des termes de la dernière définition, on conclurait que les technologies abordées dans le présent article, tout en permettant à davantage d'intervenants de participer à la télévision communautaire ont aussi permis aux entreprises de câblodistribution d'  « impartir » efficacement l'accès et de transformer l'exploitation de leurs studios, et le gros de la programmation du canal, en quelque chose qui ressemble davantage à une exploitation professionnelle, dont la valeur est avant tout de fournir un avantage commercial plutôt que d'assurer le développement communautaire.

Il n'est pas du ressort de cet article de déterminer quelle définition devrait s'appliquer, bien que la définition fasse une différence sur le plan de l'incidence de la technologie sur les objectifs de la politique en matière de télévision communautaire. Cependant, il est certainement possible de remarquer l'absence relative du producteur communautaire « semi-professionnel » solo dans les endroits où les groupes d'accès s'engagent toujours dans la production en studio dans les installations de câblodistribution. Cette absence indique peut‑être que les groupes d'accès préfèrent généralement les modèles de technologie traditionnels pour la production communautaire et que la production à domicile constitue le deuxième choix, et non l'option privilégiée, pour offrir plus de possibilités à un éventail élargi de programmateurs communautaires.

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