Télécom - Lettre du Secrétaire général adressée à Liste de distribution
Ottawa, le 8 avril 2024
Notre référence : 8622-T117-202306919
Par courriel
Liste de distribution
Objet : Demande en vertu de la Partie I de TekSavvy Solutions Inc. concernant les activités de Cogeco en vue de mettre hors service ou d’enlever des installations de câbles coaxiaux
Messieurs,
Nous assurons le suivi de la demande de TekSavvy Solutions Inc. (TekSavvy), datée du 22 décembre 2023, qui soulève des préoccupations au sujet du projet de Cogeco Communications Inc. (Cogeco) de remplacer ses installations existantes d’accès du dernier kilomètre par câble coaxial par des installations de fibre optique jusqu’aux locaux des abonnés (FTTP) dans deux immeubles en Ontario (sites). Le remplacement est prévu pour le 1er mai 2024.
Le remplacement prévu entraînerait la déconnexion des clients de TekSavvy des services Internet de TekSavvy. En effet, les clients de TekSavvy accèdent aux services Internet par l’intermédiaire des installations par câble coaxial de Cogeco. Les installations FTTP ne sont actuellement pas disponibles pour l’utilisation des concurrents comme TekSavvy dans le cadre des services d’accès haute vitesse (AHV) de gros du Conseil.
Pour éviter la déconnexion, TekSavvy a demandé au Conseil de rendre une ordonnance provisoire accélérée afin d’exiger que Cogeco maintienne ses services d’AHV de gros sur les sites jusqu’à ce que soit :
- le Conseil rend une décision de redressement définitive dans le cadre de la demande en cause;
- le Conseil rend une décision dans le cadre de l’instance qui a été lancée par l’avis de consultation de télécom 2023-56 (AC 2023-56) et qui accorde aux concurrents l’accès aux installations FTTP de Cogeco.
TekSavvy a également demandé au Conseil d’amorcer une nouvelle instance qui examinerait plus largement les questions liées aux pratiques de mise hors service et de mise à niveau des réseaux de gros.
Cogeco a demandé au Conseil de rejeter sommairement la présente demande en faisant valoir que l’accès aux services dégroupés FTTP des installations de Cogeco est disponible sur les sites et que TekSavvy a donc la capacité de faire concurrence dans cette zone. Cogeco a également soutenu que l’examen de la présente demande serait inapproprié et ferait double emploi parce que i) la question des pratiques de mise hors service et de mise à niveau du réseau est déjà examinée par le Conseil dans l’AC 2023-56 et ii) le Conseil a déjà indiqué que diverses questions liées aux services d’AHV de gros pourraient être retardées ou reportées jusqu’à l’issue de cette instance.
Nous vous écrivons pour vous informer d’une décision du Conseil à ce sujet.
Comme vous le savez, le Conseil a lancé l’AC 2023-56 en mars 2023 afin d’améliorer la concurrence au sein des services Internet au Canada. Bien que certaines des questions soulevées par TekSavvy dans sa demande soient actuellement examinées dans le cadre de cette instance, cela ne constitue pas un motif pour rejeter sommairement la demande de TekSavvy, étant donné que les clients risquent d’être débranchés.
En ce qui concerne la disponibilité d’un accès aux services dégroupés FTTP comme solution de rechange qui permettrait à TekSavvy de continuer à desservir les clients sur les sites, le Conseil estime que cette question est contestée et qu’elle n’est donc pas claire d’après le dossier. Toutefois, même s’il était disponible, compte tenu du travail nécessaire, il est peu probable que les clients puissent passer à un service dégroupé FTTP avant le 1er mai 2024. De plus, comme il est indiqué dans la décision de télécom 2023-53, le Conseil a conclu que les services d’AHV de gros dégroupés ont une viabilité limitée en tant qu’option concurrentielle. Pour ces raisons, le Conseil refuse la demande de Cogeco en vue de rejeter la demande.
Pour ce qui est de la demande de de redressement provisoire de TekSavvy, le Conseil estime que la demande de TekSavvy satisfait aux critères pour un redressement énoncé dans l’affaire RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311 et accepte sa demande de redressement provisoire. Le Conseil ordonne donc à Cogeco de maintenir l’accès des concurrents à tous les locaux des sites, jusqu’à ce que le Conseil rende une décision finale concernant la présente demande, au moyen de l’une des trois méthodes proposées par TekSavvy dans sa demande. Veuillez consulter l’annexe 1 ci-dessous pour des raisons supplémentaires.Le Conseil reconnaît que la mise hors service des installations existantes de Cogeco peut reposer sur des circonstances indépendantes de sa volonté et que Cogeco a la responsabilité de répondre aux besoins de ses clients. Bien que le Conseil encourage et soutienne l’investissement dans des réseaux de haute qualité, il doit en fin de compte tenir compte de l’incidence que la mise hors service de ces installations aurait sur le choix des consommateurs et sur les concurrents.
Le Conseil fait remarquer que les autres requêtes formulées par TekSavvy dans sa demande, notamment que le Conseil lance une instance pour examiner les pratiques de mise hors service des titulaires, recoupent les questions examinées dans l’AC 2023-56. Le Conseil estime qu’il serait prématuré et inefficace d’examiner ces questions alors que cette instance est en cours. Par conséquent, le Conseil suspend son examen des autres questions soulevées dans la demande de TekSavvy jusqu’à ce qu’une décision soit rendue dans l’AC 2023-56.
Si vous avez des questions à ce sujet, n’hésitez pas à communiquer avec Philippe Kent, directeur de la Politique des réseaux de télécommunication, à l’adresse philippe.kent@crtc.gc.ca ou au 819-953-4057.
Veuillez agréer mes salutations distinguées.
Original signé par
Marc Morin
Secrétaire général
Pièce jointe – Annexe 1
Annexe 1
Redressement provisoire – Analyse et conclusions du Conseil
Existe-t-il une question sérieuse à juger?
TekSavvy a précisé que le Conseil a déjà conclu que le seuil qui permet de conclure qu’il s’agit d’une question sérieuse à juger est bas. TekSavvy a soutenu que tout ce qui est nécessaire pour établir qu’il y a une question sérieuse à juger est que la demande n’est ni frivole ni vexatoire.
Selon TekSavvy, Cogeco prévoit le retrait d’installations d’accès par câble coaxial reliées aux adresses où TekSavvy dessert des utilisateurs finals et de les remplacer par des services FTTP que Cogeco ne met pas à la disposition de ses concurrents. TekSavvy a soutenu qu’elle et d’autres concurrents pourraient perdre l’accès à des clients nouveaux et existants d’une manière qui pourrait constituer une préférence indue et que cela était suffisant pour démontrer que les questions soulevées n’étaient pas frivoles ou vexatoires.
Cogeco a soutenu que les questions soulevées par TekSavvy avaient déjà été examinées dans l’instance qui a mené à la politique réglementaire de télécom 2015-326 et qu’elles sont actuellement examinées dans le cadre de l’instance de l’AC 2023-56 (AC 2023-56). Cogeco a précisé que cela démontre qu’il n’y a pas de question sérieuse à juger dans le cadre de la présente demande. Cogeco a également soutenu que l’examen de ces questions dans le cadre de la présente demande ferait double emploi et porterait préjudice à l’issue de l’instance de l’AC 2023-56.
Rogers Communications Inc. (Rogers) a soutenu que TekSavvy n’avait pas fourni de preuves qui établissent que les zones desservies par les services d’accès haute vitesse de gros se rétrécissaient rapidement et, en tout état de cause, Rogers a estimé que l’obligation de fournir l’accès temporaire aux services FTTP établie par la décision de télécom 2023-358 comblerait toute lacune dans la disponibilité des services d’AHV de gros. Rogers a suggéré que ces faits affaiblissaient la position de TekSavvy tant sur la question de savoir s’il y avait une question sérieuse à juger que sur celle de savoir s’il y avait un préjudice irréparable.
Résultats de l’analyse du Conseil
Si une demande n’est pas manifestement frivole, elle respectera généralement le premier critère du redressement provisoire, c’est-à-dire s’il y a une question sérieuse à juger. La partie qui demande un redressement provisoire n’est pas tenue de démontrer que son argumentation est convaincante ou solide, mais seulement qu’une question légitime est posée.
La demande de TekSavvy soulève de sérieuses questions quant à savoir si Cogeco s’est accordé une préférence indue et quant à l’impact des mesures particulières en question sur la concurrence et le choix des consommateurs.
En ce qui concerne les préoccupations soulevées par Cogeco et Rogers au sujet d’un chevauchement potentiel avec l’instance de l’AC 2023-56, le Conseil estime que ces préoccupations sont plus pertinentes pour le redressement définitif sollicité par TekSavvy dans la demande que pour la question de savoir si Cogeco s’est accordé une préférence indue. Le Conseil peut exercer les pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 60 de la Loi de Télécommunications pour répondre à tout problème de chevauchement entre la demande de redressement définitif de TekSavvy et l’instance de l’AC 2023-56.
Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que TekSavvy a satisfait au premier critère du test.
La partie qui sollicite le redressement provisoire subira-t-elle un préjudice irréparable si le redressement n’est pas accordé?
TekSavvy a soutenu qu’en l’absence d’un redressement provisoire, elle subirait un préjudice qui ne pourrait être compensé de manière adéquate par un redressement définitif, c’est-à-dire qu’elle perdrait des clients existants, qu’elle ne serait pas en mesure de faire face à la concurrence pour obtenir de nouveaux clients sur les sites et que sa position sur le marché s’en trouverait affectée. Selon TekSavvy, il est impossible d’estimer ou de calculer l’incidence de ce préjudice après coup.
TekSavvy a fait remarquer que le Conseil a déjà estimé que le fait de qualifier un préjudice d’irréparable ne nécessitait pas une analyse de l’ampleur du préjudice, mais plutôt de sa nature. TekSavvy a en outre soutenu que le Conseil avait reconnu qu’une perte éventuelle d’abonnés constituait un préjudice irréparable.
Cogeco a soutenu que l’incidence du changement de réseau sur TekSavvy ne pouvait pas constituer un préjudice irréparable étant donné que l’accès ne serait éventuellement perdu qu’à deux endroits dans l’ensemble de l’Ontario et que TekSavvy pourrait atténuer ce préjudice en demandant l’accès au service dégroupé FTTP de gros de Cogeco.
Résultats de l’analyse du Conseil
Le deuxième critère exige que la partie qui demande un redressement provisoire démontre qu’elle subira un préjudice irréparable advenant le refus de sa demande. Pour déterminer si un préjudice est irréparable, il faut en analyser la nature plutôt que la gravité. Un préjudice est plus susceptible d’être irréparable lorsqu’il y a une perte non quantifiable ou une perte que le demandeur n’est pas certain de pouvoir récupérer, ou une perte qu’une ordonnance définitive peut ne pas être en mesure de corriger.
Le Conseil estime que si TekSavvy devait perdre l’accès de gros sur les sites pendant que le Conseil examine la demande, TekSavvy subirait un préjudice direct, car ses abonnés des sites perdraient le service.
La perte de service de ses abonnés sur les sites causerait un préjudice irréparable à TekSavvy : ces clients pourraient décider de changer de fournisseur puisqu’ils n’ont plus accès aux services de TekSavvy. Même si TekSavvy rétablissait le service sur les sites, ces clients et d’autres clients éventuels pourraient mettre en doute la fiabilité du service offert par TekSavvy et choisir de ne pas s’abonner.
Par conséquent, le Conseil estime que TekSavvy subirait très probablement un préjudice irréparable si un redressement provisoire n’était pas accordé et estime que TekSavvy a rempli le deuxième critère du test.
Est-ce que la prépondérance des inconvénients penche en faveur de l’octroi du redressement demandé?
TekSavvy a soutenu que la prépondérance des inconvénients était favorable à l’octroi du redressement demandé, car la disponibilité continue de services à large bande concurrentiels sert à l’intérêt public et qu’elle est conforme aux conclusions précédentes du Conseil qui ordonnent de fournir l’accès de gros aux installations d’accès au réseau.
TekSavvy a également soutenu que le redressement provisoire demandé entraînerait peu d’inconvénients pour Cogeco, puisqu’elle serait toujours en mesure de poursuivre la mise à niveau prévue de son réseau et qu’elle devrait simplement veiller à ce que les concurrents aient toujours accès aux sites.
TekSavvy a précisé que l’intérêt public du maintien de la concurrence sur les sites l’emportait sur l’incidence du redressement provisoire demandé à Cogeco.
Cogeco a soutenu que si, selon elle, TekSavvy ne subit aucun préjudice puisqu’elle peut accéder aux nouvelles installations de Cogeco à l’aide de services d’AHV dégroupés, Cogeco subirait un préjudice si elle était obligée de maintenir ses installations existantes, contre la volonté des propriétaires, ou si elle était forcée de fournir un accès groupé FTTP aux clients de TekSavvy.
Rogers a soutenu que le redressement proposé par TekSavvy comporte des coûts très réels, à savoir le retard et l’inefficacité du déploiement du réseau, l’augmentation des coûts due au retard du retrait, la gêne occasionnée au public, ainsi que l’augmentation des coûts d’exploitation et d’entretien de l’infrastructure existante. Selon Rogers, le redressement demandé par TekSavvy ne tient pas compte de tous ces intérêts publics importants. Rogers a en outre soutenu que le fait d’accorder à TekSavvy le redressement proposé ne ferait qu’exacerber ce qui, selon Rogers, est une asymétrie réglementaire de longue date entre les entreprises de services locaux titulaires et les entreprises de câblodistribution. Rogers a précisé qu’un redressement qui ne sert pas l’intérêt public ne satisfait pas à la prépondérance des inconvénients.
Enfin, Rogers a précisé que dans une lettre récente du Conseil au sujet de sa demande en vertu de la Partie I pour des ordonnances immédiates et définitives en vue d’ordonner à Bell Canada (Bell) et à ses sociétés affiliées ainsi qu’à TELUS Communications inc. (TCI) de traiter les demandes de raccordement de petites cellules à leurs poteaux conformément à leurs tarifs de structure de soutènement approuvés, le Conseil a rejeté la demande de redressement provisoire de Rogers, car les redressements provisoires qui accordent l’accès aux services tarifés ne seraient pas facilement réversibles et que les questions relatives à l’accès n’étaient pas encore résolues. Rogers a soutenu que les mêmes conclusions devraient être appliquées dans le cas de la demande de redressement provisoire de TekSavvy.
Résultats de l’analyse du Conseil
Le troisième critère exige qu’une évaluation soit faire dans le but de déterminer quelles parties subiraient le plus grand préjudice si le redressement provisoire est accordé ou refusé jusqu’à ce qu’une conclusion définitive soit rendue relativement aux questions en litige. En outre, l’évaluation à ce stade prend en compte l’intérêt public, et toute partie peut soulever des arguments concernant le préjudice causé à l’intérêt public.
Le Conseil a conclu que TekSavvy subirait très probablement un préjudice irréparable si le redressement provisoire n’était pas accordé. Par conséquent, la présomption est que la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi d’un redressement provisoire, et des circonstances particulières seraient nécessaires pour renverser cette présomption. Le Conseil estime qu’il n’existe aucune circonstance de ce genre dans le présent cas.
En ce qui concerne les arguments de Cogeco et de Rogers sur l’incidence du déploiement du réseau, le Conseil fait remarquer que l’octroi d’un redressement provisoire dans la présente affaire n’empêche pas Cogeco de mettre à niveau son réseau ou d’offrir tous ses services actuels ou prévus à ses clients.
En ce qui concerne les arguments de Cogeco au sujet de la capacité de TekSavvy à atténuer le préjudice irréparable qu’elle subira en utilisant des services d’AHV dégroupés, le Conseil estime, comme il est indiqué ci-dessus, que le dossier n’indique pas que les points d’interconnexion (PI) dégroupés nécessaires ont été construits ou qu’ils pourraient être construits et que TekSavvy passerait à ces PI avant le 1er mai 2024.
En ce qui concerne les arguments de Rogers relatifs au refus de sa demande de redressement provisoire pour le raccordement de petites cellules, le Conseil fait remarquer qu’il existe un certain nombre de différences entre cette situation et la présente. Dans le cas de Rogers, le Conseil a fait remarquer que même sans accès aux structures de soutènement de Bell et de TCI pour déployer de petites cellules, Rogers avait été en mesure de déployer un réseau national important. En revanche, en l’absence de redressement provisoire dans le présent dossier, TekSavvy perdra l’accès à ses clients sur les sites le 1er mai 2024. En outre, le Conseil a conclu, dans le cas de Rogers, que l’octroi du redressement provisoire demandé risquait de perturber la situation concurrentielle existante, alors que l’octroi d’un redressement provisoire à TekSavvy dans la présente affaire permet, selon le Conseil, de maintenir l’équilibre concurrentiel dans l’attente de la décision finale dans le cadre de la présente demande.
Par conséquent, le Conseil estime que la prépondérance des inconvénients penche en faveur de l’octroi d’un redressement provisoire et que la demande satisfait au troisième critère du test.
Liste de distribution
TekSavvy Regulatory regulatory@teksavvy.ca
Rachel Harrison rharrison@teksavvy.ca
Cogeco Regulatory mtl.telecomregulatory@cogeco.com
Bell Canada Regulatory bell.regulatory@bell.ca
Eastlink Regulatory Regulatory.Matters@corp.eastlink.ca
Rogers Regulatory regulatory@rci.rogers.com
Shaw Regulatory regulatory@sjrb.ca
TELUS Regulatory regulatory.affairs@telus.com
Vidéotron Regulatory melanie.cardin@quebecor.com
John Lawford, PIAC, jlawford@piac.ca
CNOC, regulatory@cnoc.ca
Fibernetics, regulatory@fibrenetics.ca
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