Télécom - Lettre du Secrétaire général adressée à Scott Gibson (TerreStar Solutions Inc.)

Ottawa, le 5 février 2024

Notre référence : 8662-T133-202305119

Par courriel

Scott Gibson
Avocat en chef et secrétaire corporatif
TerreStar Solutions Inc.
1035, avenue Laurier Ouest, bureau 300
Outremont, Québec, H2V 2L1
scott.gibson@terrestar.ca

Objet : Lettre du secrétaire général - Télécom – Demande de suspension de la Décision de télécom CRTC 2023-182

Monsieur,

Le 25 août 2023, TerreStar Solutions Inc. (TerreStar) a déposé une demande en vertu de la Partie I en vue de la révision et de la modification de la décision de télécom  2023-182 conformément à l’article 62 de la Loi sur les télécommunications (Loi) et de la Partie I des Règles de pratique et de procédure du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. De plus, TerreStar a demandé la suspension de cette décision, dans laquelle le Conseil a ordonné à TerreStar de déposer des rapports de contribution mensuels révisés auprès du gestionnaire du fonds central (GFC) du Fonds de contribution national (FCN) à la suite de la conclusion du Conseil que la vente et la subordination du spectre sont des services de télécommunication tels qu’ils sont définis à l’article 23 de la Loi.

Le Conseil détermine les montants annuels que le FCN doit percevoir pour financer à la fois le Fonds pour la large bande et le service de relais vidéo national. Ces fonds sont essentiels pour soutenir le mandat du Conseil qui consiste à maintenir l’accès de la population canadienne à des services de télécommunication fiables, accessibles et de haute qualité.

Le Conseil refuse la demande de TerreStar en vue de suspendre la décision de télécom 2023-182. La décision concernant la demande de révision et de modification de la décision susmentionnée sera rendue plus tard cette année.

Test applicable

Les critères généralement appliqués par le Conseil pour évaluer les demandes de suspension sont ceux établis par la Cour suprême du Canada dans l’affaire RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général) [1994] 1 RCS 311 [RJR-MacDonald] :

  1. il existe y a une question sérieuse à juger;
  2. la partie qui demande la suspension subira un préjudice irréparable si la suspension n’est pas accordée;
  3. la prépondérance des inconvénients, compte tenu de l’intérêt public, penche en faveur de la suspension.

Pour se voir accorder une suspension, un demandeur doit démontrer que sa demande respecte les trois critères.

TerreStar a indiqué qu’une suspension devrait être accordée parce que sa demande satisfait à chaque élément du test RJR-MacDonald. Pour le premier critère, TerreStar a soutenu qu’il y avait plusieurs enjeux sérieux soulevés dans le cadre de sa demande de révision et de modification, y compris plusieurs erreurs de fait et de droit. En ce qui concerne le deuxième critère, TerreStar a affirmé que la révision, le recalcul, le remboursement et la récupération des contributions constitueraient une tâche importante qui ne pourrait pas faire l’objet d’une compensation. TerreStar a également indiqué qu’elle perdrait la valeur concurrentielle prospective de l’investissement qui pourrait être réalisé dans ses réseaux et qui autrement servirait à payer inutilement des contributions si sa demande de révision et de modification était acceptée. Enfin, en ce qui concerne la prépondérance des inconvénients, TerreStar a repris les arguments qu’elle avait avancés pour le deuxième critère. 

Analyse et conclusion du Conseil

Existe-t-il une question sérieuse à juger?

Si une demande de suspension n’est pas manifestement frivole, elle répondra généralement au premier critère, à savoir s’il y a une question sérieuse à trancher. Pour déterminer si TerreStar a satisfait à la première partie du test, le Conseil estime que la demande de révision et de modification de TerreStar n’est ni frivole ni vexatoire. Elle soulève des questions légitimes à trancher. Par conséquent, le Conseil conclut que la demande répond au premier critère.

TerreStar subira-t-elle un préjudice irréparable si la suspension n’est pas accordée?

Dans l’affaire RJR-MacDonald, la Cour suprême du Canada a précisé que, pour évaluer le préjudice irréparable, c’est la nature du préjudice qui doit être prise en considération et non son ampleur. La question de l’ampleur est toutefois pertinente lorsqu’il s’agit d’évaluer la prépondérance des inconvénients. Le préjudice irréparable est un préjudice qui n’est pas quantifiable sur le plan pécuniaire ou qui ne peut pas être réparé.

TerreStar a indiqué qu’elle subirait un préjudice irréparable si la suspension n’était pas accordée au motif que la révision, le recalcul, le remboursement et la récupération des contributions constitueraient probablement une tâche importante. Étant donné que ces tâches sont effectuées conjointement par le personnel du Conseil et le GFC, et non par TerreStar, il n’est pas clair que la réalisation de ces tâches entraînerait un préjudice irréparable à TerreStar. En outre, la prise en compte du travail nécessaire pour recalculer et traiter les remboursements, le cas échéant, est plus appropriée dans le cadre de l’évaluation de la prépondérance des inconvénients. 

En ce qui concerne l’argument de TerreStar selon lequel elle perdrait la valeur concurrentielle prospective de l’investissement qui pourrait être réalisé dans ses réseaux, le taux de contribution du FCN est inférieur à 0,5 % des revenus pour les années en question. Ce montant est minime et il est donc peu probable qu’il ait une incidence sur la valeur concurrentielle prospective qui soit de nature à entraîner un préjudice irréparable. L’entreprise est toujours en activité et n’a pas fourni d’éléments de preuve dans sa demande qu’elle ne ferait plus d’investissements si elle devait fournir ses contributions.

De plus, si la demande de révision et de modification de TerreStar était accordée, toutes les contributions versées au FCN seraient restituées. Par conséquent, tout préjudice prétendument subi serait de nature temporaire et serait indemnisé. Le montant en jeu pourrait être quantifié et, le cas échéant, la situation pourrait être corrigée. Le Conseil estime donc que TerreStar n’a pas démontré qu’elle subirait un préjudice irréparable si la suspension n’était pas accordée.

Est-ce que la prépondérance des inconvénients milite favorise-t-elle l’octroi de la suspension?

Pour satisfaire au troisième critère, le demandeur doit démontrer que la prépondérance des inconvénients, compte tenu de l’intérêt public, favorise l’octroi de la mesure demandée jusqu’à ce que le Conseil ait statué sur les questions en litige. Dans l’affaire RJR-MacDonald, la Cour suprême du Canada a indiqué que les facteurs à prendre en considération pour évaluer cette partie du test sont nombreux et varient selon les cas.

TerreStar reprend généralement les mêmes arguments que ceux qu’elle a avancés à l’égard du préjudice irréparable dans cette partie du test. Quant au travail nécessaire, si la demande de révision et de modification est couronnée de succès en l’absence de suspension, tout recalcul et remboursement pourrait être traité facilement et ne perturberait pas la charge de travail quotidienne du GFC. Toutefois, si la suspension était accordée, le GFC aurait alors un fardeau administratif supplémentaire en traitant les modifications sur une base provisoire alors que les calculs pourraient finalement devoir être refaits si la demande de révision et de modification était refusée.

En ce qui concerne l’incidence sur la capacité de l’entreprise à continuer à investir dans ses réseaux, le montant que TerreStar est tenue de contribuer au FCN est faible et ne devrait avoir qu’une incidence minimale à cet égard. Par conséquent, même si TerreStar avait démontré un préjudice irréparable, ce qu’elle n’a pas fait, la prépondérance des inconvénients penche en faveur du refus de la demande de suspension. 

Par conséquent, le Conseil a déterminé que TerreStar n’a pas satisfait aux critères du test RJR-MacDonald pour accorder une suspension. Le Conseil refuse donc la demande de TerreStar en vue de suspendre l’exécution de la décision de télécom 2023-182. TerreStar doit respecter les exigences en matière de contributions et de déclarations mensuelles énoncées dans cette décision, à moins que le Conseil n’en décide autrement dans sa décision relative à la demande de révision et de modification.

Veuillez agréer l’expression de mes sentiments distingués,  

Marc Morin
Secrétaire général

cc: Stephen Schmidt, TELUS Communications Inc., vice-président, Politique des télécommunications et conseiller juridique principal en matière de réglementation, stephen.schmidt@telus.com 
Leila Wright, CRTC
Ian Baggley, CRTC
Michael Bergeron, CRTC

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