Décision de télécom CRTC 2024-197

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Référence : Demande de la Partie 1 affichée le 20 décembre 2023

Ottawa, le 29 août 2024

Dossier public : 8622-V3-202306878

Québecor Média inc. – Établissement d’un service d’accès de gros pour les exploitants de réseaux mobiles virtuels avec Bell Mobilité inc.

Sommaire

Dans la décision de télécom 2023-335, le Conseil a ordonné à Bell Mobilité inc. (Bell Mobilité) et à Québecor Média inc. (QMI) de conclure une entente concernant un service d’accès de gros pour les exploitants de réseaux mobiles virtuels (ERMV) afin que QMI puisse élargir le plus rapidement possible l’offre de ses services sans fil mobiles à la population canadienne. Cette décision faisait suite à un processus d’arbitrage de l’offre finale (AOF) entre Bell Mobilité et QMI.

Après avoir reçu une projet d’entente de la part de Bell Mobilité, QMI a déposé une demande auprès du Conseil, affirmant qu’elle n’avait pas obtenu d’accès, malgré le fait qu’elle satisfaisait à toutes les exigences pour le lancement du service. QMI a demandé au Conseil de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que le service soit fourni. Les parties n’avaient pas la même opinion concernant le moment où Bell Mobilité devrait commencer à fournir le service à QMI. Elles avaient également des avis divergents sur la nécessité d’une entente écrite et, dans l’affirmative, sur la possibilité d’y inclure des dispositions ne figurant pas dans le tarif du service d’accès pour les ERMV de Bell Mobilité.

Le Conseil a examiné les arguments présentés par les deux parties et conclut que l’exigence d’obtenir une entente écrite avant le début du service, est conforme au cadre d’accès pour les ERMV et le tarif de Bell Mobilité. Le Conseil conclut également que le projet d’entente d’accès pour les ERMV que Bell Mobilité a envoyé à QMI cadre avec les modalités approuvées dans le tarif et qu’il est donc conforme à la Loi sur les télécommunications. Pour ces raisons, le Conseil refuse la demande de QMI.

Toutefois, le Conseil a indiqué précédemment son attente selon laquelle les entreprises régionales soient en mesure de lancer le service d’accès pour les ERMV le plus rapidement possible. Après un processus d’AOF, une entreprise régionale comme QMI devrait être capable d’obtenir l’accès à ce service rapidement. Bien qu’une entente concernant le service d’accès pour les ERMV soit requise pour obtenir le service, une entente ne dépend pas des tarifs pour le service d’accès pour les ERMV. De plus, ces ententes peuvent prendre du temps pour être finalisées. Pour ces raisons, Bell Mobilité devrait avoir fourni à QMI un projet d’entente d’accès pour les ERMV lorsque cette dernière a fait une première demande de renseignements concernant ce service au lieu d’attendre que la décision de télécom 2023-335 ne soit publiée. Le fait qu’une entente soit requise ne devrait pas être invoqué par une partie pour retarder la fourniture du service.

Afin que la fourniture du service puisse commencer le plus rapidement possible dans le cas présent, le Conseil ordonne à Bell Mobilité et à QMI de conclure une entente d’accès pour les ERMV d’ici le 12 septembre 2024. La date de l’entente servira de date de début de commercialisation du service.

Contexte

  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2021-130, le Conseil a rendu obligatoire la fourniture d’un service d’accès de gros pour les exploitants de réseaux mobiles virtuels (ERMV) dotés d’installations. Le but de ce service est de permettre aux entreprises régionales de services sans fil d’utiliser les réseaux de Bell Mobilité inc. (Bell Mobilité), de Rogers Communications Canada Inc. (RCCI), de Saskatchewan Telecommunications (SaskTel) et de TELUS Communications Inc. (TCI) [collectivement les titulaires]. En ayant accès aux réseaux des titulaires, les plus petites entreprises régionales peuvent élargir leur zone de couverture pour leur clientèle tout en bâtissant leur propre réseau.
  2. Dans la politique réglementaire de télécom 2021-130, le Conseil a également déterminé que les modalités devaient être fixées dans un tarif, que les taux devaient être négociés commercialement entre les parties et que l’arbitrage de l’offre finale (AOF) serait un recours en cas d’échec des négociations.
  3. Dans la décision de télécom 2022-288, le Conseil a ordonné aux titulaires :


    a) de commencer à accepter les demandes d’accès de gros pour les ERMV;

    b) d’entamer des négociations commerciales de bonne foi avec les entreprises régionales de services sans fil afin de convenir de tarifs;

    c) de faire en sorte que le service soit opérationnel et prêt à être utilisé au plus tard 30 jours après la date d’établissement des tarifs définitifs.

  4. Dans cette décision, le Conseil a également déclaré qu’il s’attendait à ce que les parties aient signé des ententes dans les 90 jours suivant la date d’approbation définitive des tarifs par le Conseil.
  5. Dans l’ordonnance de télécom 2023-133, le Conseil a approuvé définitivement les tarifs du service d’accès pour les ERMV des titulaires. L’ordonnance a été publiée le 9 mai 2023, fixant au 7 août 2023 la date limite pour la mise en place des ententes.
  6. Le 22 juin 2023, Québecor Média inc. (QMI) a demandé au Conseil de lancer un processus d’arbitrage de l’offre finale (AOF) pour établir des tarifs du service d’accès pour les ERMV entre Bell Mobilité et elle-même.
  7. Dans la décision de télécom 2023-335 (décision d’arbitrage), le Conseil a ordonné à Bell Mobilité et à QMI de conclure une entente d’accès pour les ERMV conforme à l’offre faite par Bell Mobilité pendant le processus d’AOF afin que QMI puisse élargir le plus rapidement possible l’offre de ses services sans fil mobiles à la population canadienne.

Demande

  1. Le 15 décembre 2023, QMI a déposé une demande auprès du Conseil au nom de ses filiales Freedom Mobile Inc. (Freedom Mobile) et Vidéotron ltée (Vidéotron). La demande de QMI a été déposée après la publication de la décision d’arbitrage et après que Bell Mobilité ait fourni à QMI un projet d’entente d’accès pour les ERMV.
  2. QMI a indiqué que Bell Mobilité n’avait pas fourni le service d’accès pour les ERMV à Freedom Mobile et à Vidéotron au plus tard le 11 octobre 2023, date qui selon QMI, était la date de lancement convenue par les parties.
  3. QMI a déclaré que Freedom Mobile et Vidéotron répondaient à toutes les exigences du lancement du service d’accès pour les ERMV, et que les étapes pour coordonner le lancement avec Bell Mobilité avaient été soigneusement suivies. De plus, QMI a argué qu’elle n’était pas tenue de conclure une entente d’accès pour les ERMV avec Bell Mobilité, car le tarif du service avait été fixé par le Conseil dans la décision d’arbitrage et que les modalités avaient été établies dans le tarif approuvé de Bell Mobilité.
  4. QMI a indiqué qu’en omettant de fournir le service d’accès pour les ERMV à Freedom Mobile et à Vidéotron conformément à son tarif, Bell Mobilité avait enfreint l’article 24 et les paragraphes 25(1) et 27(2) de la Loi sur les télécommunications (Loi).
  5. Par conséquent, QMI a demandé :
    • que le tarif du service d’accès pour les ERMV fixé au paragraphe 61 de la décision d’arbitrage soit appliqué rétroactivement au 11 octobre 2023, y compris pour le trafic envoyé à TCI sur le réseau que TCI partage avec Bell Mobilité;
    • que les mesures nécessaires soient prises pour que Freedom Mobile et Vidéotron aient, à titre d’ERMV, accès au réseau de Bell Mobilité et au réseau partagé par TCI et Bell Mobilité;
    • qu’une sanction administrative pécuniaire (SAP) soit imposée à Bell Mobilité, conformément à l’article 72.001 de la Loi.
  6. En réponse à la demande, le Conseil a reçu des interventions de la part de Bell Mobilité, du Centre pour la défense de l’intérêt public (CDIP) et de TCI.

Questions

  1. Le Conseil a déterminé qu’il devait examiner les questions suivantes dans la présente décision :
    • Le cadre d’accès pour les ERMV exige-t-il que le fournisseur d’accès et l’ERMV concluent une entente d’accès pour les ERMV qui est distincte du tarif?
    • L’entente d’accès pour les ERMV que Bell Mobilité a soumise à QMI est-elle conforme au tarif du service d’accès pour les ERMV de Bell MobilitéNote de bas de page 1 et donc conforme à l’article 24 et au paragraphe 25(1) de la Loi?
    • Bell Mobilité s’est-elle accordé une préférence indue en refusant de donner un accès pour les ERMV à Freedom Mobile et à Vidéotron, ce qui signifierait qu’elle a enfreint le paragraphe 27(2) de la Loi?
    • Si Bell Mobilité a enfreint l’article 24, le paragraphe 25(1) ou le paragraphe 27(2) de la Loi, le Conseil devrait-il lui imposer une SAP?
    • Le tarif du service d’accès pour les ERMV fixé dans la décision d’arbitrage devrait-il s’appliquer au trafic d’itinérance que Freedom Mobile et Vidéotron ont envoyé à TCI depuis le 11 octobre 2023?
    • Comment le processus d’AOF devrait-il être ajusté pour éviter une telle situation à l’avenir?

Le cadre d’accès pour les ERMV exige-t-il que le fournisseur d’accès et l’ERMV concluent une entente d’accès pour les ERMV qui est distincte du tarif?

Positions des parties
  1. QMI a déclaré qu’en prévision de la décision d’arbitrage, elle s’était préparée pour le lancement de son service pour les ERMV et avait informé Bell Mobilité de la date à laquelle elle prévoyait lancer le service pour les consommateurs. Selon QMI, Bell Mobilité a accepté la date de lancement du 11 octobre 2023.
  2. QMI a déclaré qu’après la publication de la décision d’arbitrage le 10 octobre 2023, Bell Mobilité l’a informée qu’elle lui enverrait une entente concernant le service d’accès pour les ERMV. Selon QMI, Bell Mobilité a déclaré que le service d’accès pour les ERMV commencerait uniquement après la signature d’une entente. QMI a indiqué qu’une telle entente n’était pas nécessaire et ne devrait pas comprendre de modalités qui diffèrent de celles qui sont approuvées dans le tarif de Bell Mobilité.
  3. QMI a fait référence aux dispositions tarifaires d’autres titulaires à l’égard du service d’accès pour les ERMV. Selon QMI, les tarifs de RCCI et de TCI présentent une entente qui ressemble davantage à une entente auxiliaire qu’à une condition préalable pour le service d’accès pour les ERMV. Elle a également argué que SaskTel n’avait besoin que d’un simple échange de documents techniques pertinents, suivi d’une approbation réciproque verbale ou écrite.
  4. QMI a indiqué qu’en exigeant la signature d’une entente d’accès pour les ERMV, Bell Mobilité interprète une disposition de son tarif de façon déraisonnable en vue de retarder le lancement, sur son réseau, du service d’accès pour les ERMV pour Freedom Mobile et Vidéotron.
  5. Le CDIP a commenté la directive fournie aux parties par le Conseil dans la décision d’arbitrage concernant la conclusion d’une entente d’accès pour les ERMV. Selon le CDIP, le libellé est ambigu; la nature de cette entente n’est pas claire et il est incertain si une simple itération contractuelle des modalités approuvées dans le tarif suffirait.
  6. Bell Mobilité a déclaré que, comme le prévoit son tarif pour les ERMV et le cadre d’accès pour les ERMV, les parties doivent conclure une entente d’accès pour les ERMV qui fixe une date de début de la commercialisation avant qu’un nouveau service d’accès pour les ERMV puisse être lancé. Le tarif du service d’accès s’appliquerait seulement une fois le service lancé. Bell Mobilité a indiqué qu’elle n’a jamais convenu que le 11 octobre 2023 serait la date de début de commercialisation du service d’accès pour les ERMV.
  7. Bell Mobilité a indiqué que parce que le Conseil n’avait pas encore publié la décision d’arbitrage au moment où ont eu lieu les discussions dont parle QMI, ni indiqué à quel moment il le ferait, elle n’aurait pas pu approuver la date de lancement convenue alléguée par QMI.
Analyse du Conseil
  1. Le tarif pour le service d’accès pour les ERMV de Bell Mobilité contient les définitions suivantes :
    • Article 101.1(a)(2) – « Entente » désigne l’entente d’accès aux services pour les ERMV et (i) l’entente sur les tarifs d’accès aux services pour les ERMV ou (ii) les tarifs d’arbitrage finaux;
    • Article 101.1(a)(23) – « Entente d’accès aux services pour les ERMV » désigne l’Entente entre la Compagnie et le Client ERMV concernant la mise en œuvre de l’accès pour les ERMV;
    • Article 101.3(a) – La date réelle de début commercialisation de l’accès pour les ERMV est la date convenue par la Compagnie et le client ERMV (la « Date de début commercialisation ») par écrit après avoir conclu l’entente, accompli avec succès toutes les procédures d’essai de réseau et de facturation et la conformité à la section 12Note de bas de page 2.
  2. Le Conseil estime que selon l’article 101.1(a)(2), les parties doivent conclure une entente d’accès pour les ERMV. Ce point de vue est corroboré par le libellé des décisions d’arbitrage prises à ce jour dans lesquelles le Conseil ordonne aux parties de conclure une entente.
  3. Le Conseil fait également remarquer que l’article 101.3(a) précise qu’une entente d’accès pour les ERMV est une condition préalable à la fixation d’une date de début de commercialisation du service d’accès pour les ERMV.
  4. Le Conseil est d’avis que le tarif de Bell Mobilité ressemble à d’autres tarifs déposés par des titulaires qu’il a approuvés dans le sens qu’ils traitent également d’une entente comme une condition préalable pour obtenir le service d’accès pour les ERMV et non une modalité auxiliaire pour avoir l’accès.
  5. Par exemple, le tarif de RCCI Note de bas de page 3 prévoit ce qui suit :
    • l’« accès pour les ERMV » désigne la fourniture de services à un client ERMV en vertu des modalités du présent tarif et d’une entente d’accès pour les ERMV;
    • une « entente d’accès pour les ERMV » désigne une entente sans lien de dépendance conclue par Rogers [RCCI] qui lui permet de fournir à un tiers un accès à certaines régions géographiques du réseau mobile public de Rogers.
  6. Le tarif de TCI Note de bas de page 4 indique qu’avant d’obtenir des services d’accès, un ERMV doit signer un accord commercial avec TCI, un document qui comprend une date de début de commercialisation.
  7. Le Conseil fait remarquer que le tarif de SaskTelNote de bas de page 5 exige également une entente. Il y est indiqué que le service sera fourni conformément à son tarif et à l’entente signée entre SaskTel et l’ERMV.
  8. Le Conseil fait remarquer que bien que le libellé des divers tarifs approuvés par le Conseil puisse varier, tous les tarifs exigent que le client du service de gros signe une entente avant d’obtenir le service d’accès pour les ERMV.
  9. De plus, bien que Bell Mobilité et QMI aient présenté des éléments de preuve montrant que divers échanges ont eu lieu par courriel et par téléphone, ainsi que des affidavits, ces documents n’établissent pas clairement l’existence d’une entente concernant la date de début de commercialisation.
  10. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que le fait que Bell Mobilité exige la signature d’une entente d’accès pour les ERMV avant de fournir le service d’accès au tarif fixé dans la décision d’arbitrage cadre avec le tarif pour les ERMV de l’entreprise et le cadre d’accès de gros pour les ERMV.
  11. En l’absence d’une entente d’accès pour les ERMV et de toute confirmation d’une date de début négociée, le Conseil ne peut conclure que Bell Mobilité et QMI se sont entendues sur une date de début de commercialisation.
  12. Toutefois, le Conseil a indiqué précédemment qu’il s’attendait à ce que les fournisseurs régionaux soient en mesure de lancer leur service d’accès pour les ERMV le plus rapidement possible. Après un processus d’AOF, une entreprise régionale comme QMI devrait être en mesure d’obtenir rapidement le service d’accès pour les ERMV. Bien qu’une entente d’accès pour les ERMV soit requise pour obtenir le service d’accès pour les ERMV, une entente ne dépend pas des tarifs pour le service d’accès pour les ERMV. De plus, la finalisation de ces ententes peut prendre du temps. Pour ces raisons, Bell Mobilité aurait dû fournir à QMI un projet d’entente d’accès pour les ERMV lorsque QMI s’est renseignée pour la première fois sur le service, au lieu d’attendre la décision d’arbitrage. Le fait qu’une entente soit requise ne doit pas être utilisé par une partie comme une raison de retarder la fourniture du service.

L’entente d’accès pour les ERMV que Bell Mobilité a soumis à QMI est-elle conforme au tarif pour les ERMV de Bell Mobilité et donc conforme à l’article 24 et au paragraphe 25(1) de la Loi?

Positions des parties
  1. QMI a fait remarquer que le Conseil a déclaré, dans la décision de télécom 2022-288Note de bas de page 6, que les entreprises régionales de services sans fil devaient examiner les modalités du tarif du service d’accès pour les ERMV pertinent pour s’assurer que le service d’accès pour les ERMV offert est conforme aux conclusions du Conseil dans la politique réglementaire de télécom 2021-130.
  2. Selon QMI, plusieurs dispositions du projet d’entente présenté par Bell Mobilité diffèrent du contenu du tarif.
  3. Bell Mobilité a indiqué que selon le cadre d’accès de gros pour les ERMV, les parties peuvent négocier des modalités qui ne sont pas précisées dans le tarif du service d’accès pour les ERMV, mais qui sont néanmoins envisageables dans celui-ci. Elle a également indiqué que les parties pouvaient négocier des modalités qui sont distinctes du tarif pour les ERMV, sans toutefois le contredire.
  4. Bell Mobilité a fait remarquer que d’un point de vue réglementaire, l’entente d’accès pour les ERMV, n’est pas, et n’a jamais été, destinée à être un accord hors tarif. Elle ajoute plutôt des détails supplémentaires, comme l’envisage et, dans de nombreux cas, l’exige le tarif du service d’accès pour les ERMV.
  5. Bell Mobilité a déclaré que les enjeux soulevés par QMI auraient pu être clarifiés et abordés entre les parties, et a fait remarquer qu’elle avait répondu à QMI le 18 janvier 2024 avec une deuxième proposition pour aborder les préoccupations de cette dernière.
Analyse du Conseil
  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2021-130, le Conseil a décidé que pour éviter de longues négociations concernant le service d’accès pour les ERMV, les modalités du service seraient établies dans un tarif.
  2. Toutefois, les tarifs ne doivent pas nécessairement contenir toutes les modalités négociées par les parties. Le tarif d’un service obligatoire énonce la portée du service que le Conseil ordonne à une entreprise de fournir pour favoriser la concurrence. Les modalités commerciales des ententes négociées qui ne définissent pas la portée du service obligatoire ne conviennent pas pour le tarif. Le Conseil avait déjà exprimé ce point de vue dans la décision de télécom 2017-56Note de bas de page 7.
  3. Le Conseil a examiné le projet d’entente fourni par Bell Mobilité, en portant une attention particulière aux dispositions identifiées par QMI et a tenu compte des arguments des deux parties. Le Conseil est d’avis que les dispositions contenues dans le projet d’entente sont conformes au tarif pour les ERMV de Bell Mobilité.
  4. En ce qui concerne la date de début de commercialisation, le Conseil fait remarquer qu’elle est définie dans le tarif comme la date convenue par écrit par les deux parties après la conclusion de l’entente. Ce libellé fournit aux parties une grande marge de manœuvre quant à la négociation de cette date, mais le Conseil estime qu’il pourrait tout de même nuire à la négociation d’une entente entre les parties. Par conséquent, pour veiller à ce que le service d’accès pour les ERMV soit rapidement mis à la disposition de QMI, le Conseil établira, dans le cas présent, la date de début de commercialisation pour les parties.
  5. La plupart des autres dispositions de l’entente sont de nature auxiliaire et sont conformes au tarif. Le Conseil fait remarquer qu’en général, les modalités auxiliaires servent à décrire comment une entente sera mise en œuvre, gérée et gouvernée, plutôt que les droits et les obligations liés au service lui-même. Des modalités auxiliaires peuvent être exclues du tarif, mais leur omission dans l’entente pourrait entraîner des différends parce que la relation contractuelle entre les parties ne serait pas clairement définie. Pour cette raison, lorsque le Conseil a ordonné à Bell Mobilité et à QMI, dans la décision d’arbitrage, de conclure une entente d’accès pour les ERMV, il s’attendait à ce qu’elles négocient de bonne foi des modalités auxiliaires raisonnables.
  6. Les modalités auxiliaires ne sont habituellement pas litigieuses, et les parties devraient pouvoir les négocier rapidement. Le Conseil estime que la plupart des modalités comprises dans l’entente d’accès pour les ERMV sont bénéfiques pour les deux parties et n’imposent pas de fardeau supplémentaire à Bell Mobilité ou à QMI. De plus, de l’avis du Conseil, l’omission de ces modalités pourrait entraîner des différends.
  7. Le Conseil fait remarquer que la disposition 24 de l’entente d’accès pour les ERMV semble imposer un important fardeau supplémentaire à l’ERMV. De l’avis du Conseil, cette disposition pourrait nuire à la négociation d’une entente parce qu’elle avantage une partie et impose un fardeau supplémentaire à l’autre partie. Le Conseil estime donc que la disposition 24, ou toute autre disposition similaire, ne devrait pas être incluse dans les ententes d’accès pour les ERMV.
  8. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que l’entente d’accès pour les ERMV proposée par Bell Mobilité est conforme aux modalités approuvées établies dans son tarif pour les ERMV, et est donc conforme à l’article 24 et au paragraphe 25(1) de la Loi.
  9. Toutefois, le Conseil s’attend à ce que les parties concluent une entente dans les plus brefs délais. Par conséquent, le Conseil ordonne à Bell Mobilité et à QMI de conclure une entente d’accès pour les ERMV d’ici le 12 septembre 2024. La date de l’entente servira de date de début de commercialisation du service. L’entente signée ne devrait pas inclure la disposition 24 du projet d’entente d’accès pour les ERMV ou toute disposition de même nature.
  10. À la date de début de commercialisation, si les parties ne s’entendent toujours pas sur certaines dispositions, elles pourront demander au Conseil d’émettre une décision pour traiter toute question restante concernant ces dispositions. Les dispositions découlant de ce processus seront ensuite ajoutées à l’entente au moyen de modifications, mais ces différends ne doivent pas retarder la date de début de commercialisation.

Bell Mobilité s’est-elle accordé une préférence indue en refusant de donner un accès pour les ERMV à Freedom Mobile et à Vidéotron, ce qui signifierait qu’elle a enfreint le paragraphe 27(2) de la Loi?

Positions des parties
  1. QMI a déclaré que le Conseil doit déterminer si Bell Mobilité a traité QMI injustement en refusant, même temporairement, d’appliquer son tarif tout en poursuivant ses activités d’acquisition de clients dans les territoires de Freedom Mobile et de Vidéotron. QMI a indiqué que le Conseil doit déterminer si, ce faisant, Bell Mobilité s’est accordé une préférence indue contraire au paragraphe 27(2) de la Loi.
  2. QMI a fait remarquer que le cadre d’accès pour les ERMV est en place pour une période obligatoire de sept ans et que dans la décision de télécom 2022-288Note de bas de page 8, le Conseil a déclaré qu’il envisagerait de prolonger la durée du mandat de sept ans si des ententes n’étaient pas conclues dans le délai prescritNote de bas de page 9. QMI a déclaré que parce que Bell Mobilité a ignoré cet avertissement, la période de sept ans pour l’accès de Freedom Mobile et Vidéotron, à titre d’ERMV, au réseau de Bell Mobilité devrait être calculée à compter du 11 octobre 2023.
  3. Bell Mobilité a indiqué que les faits n’appuient pas les allégations de QMI. Bell Mobilité a affirmé que le service d’accès pour les ERMV de QMI était en place au plus tard depuis le 12 octobre 2023 lorsque QMI a annoncé publiquement son lancement. Bell Mobilité a indiqué que QMI exerce déjà ses activités avec succès en tant qu’ERMV, vraisemblablement en vertu d’arrangements avec RCCI. Elle a également fait remarquer que les abonnés de Freedom Mobile et de Vidéotron ont déjà accès au réseau de Bell Mobilité en vertu de tarifs d’itinérance approuvés par le Conseil. Bell Mobilité a déclaré que cet accès est demeuré en place tout au long de la négociation de l’entente d’accès pour les ERMV.
Analyse du Conseil
  1. Selon l’approche générale du Conseil concernant les allégations de préférence indue, la partie qui fait l’allégation doit d’abord fournir des éléments de preuve suffisants pour établir l’existence d’un cas probable de préférence indue. Une fois ces éléments de preuve fournis, il incombe à la partie répondante d’établir l’absence d’une préférence indue, conformément au paragraphe 27(4) de la Loi.
  2. Comme il a été mentionné précédemment, le tarif pour les ERMV de Bell Mobilité et la décision d’arbitrage envisagent tous deux la conclusion d’une entente entre les parties. Par conséquent, le Conseil est d’avis que QMI n’a pas établi l’existence d’un cas probable de préférence indue, car la conduite de Bell Mobilité est conforme à l’obligation de conclure une entente d’accès pour les ERMV avant que le service connexe soit rendu disponible.
  3. Le Conseil estime donc que Bell Mobilité n’a pas enfreint le paragraphe 27(2) de la Loi.
  4. Toutefois, le Conseil fait remarquer que les parties doivent être conscientes que les tactiques dilatoires peuvent contrevenir au paragraphe 27(2) de la Loi et peuvent déclencher la prise de mesures de conformité, comme des SAP. En ce qui concerne la demande de QMI de prolonger la période de retrait progressif du service d’accès pour les ERMV de Bell Mobilité pour Freedom Mobile et Vidéotron, le Conseil fait remarquer qu’il a déclaré dans la politique réglementaire de télécom 2021-130 qu’il pourrait ajouter du temps supplémentaire à la période de retrait progressif si des retards imputables à des processus réglementaires prolongés ou à une longue mise en œuvre du service survenaient. Le Conseil est d’avis qu’il serait prématuré de prolonger la période de retrait progressif sur la base d’un seul cas. De plus, dans les circonstances en cause, les deux parties peuvent avoir eu un effet sur les délais jusqu’à présent.
  5. Par conséquent, le Conseil refuse présentement la demande de QMI de prolonger la période de retrait progressif. Toutefois, le Conseil pourrait envisager de le faire dans d’autres circonstances.

Le Conseil devrait-il imposer une SAP à Bell Mobilité?

Analyse du Conseil
  1. Puisque le Conseil a conclu que Bell Mobilité n’a pas enfreint l’article 24 ni les paragraphes 25(1) et 27(2) de la Loi, il n’y a pas lieu de lui imposer une SAP.

Le tarif du service d’accès pour les ERMV fixé dans la décision d’arbitrage devrait-il s’appliquer au trafic d’itinérance que Freedom Mobile et Vidéotron ont envoyé à TCI depuis le 11 octobre 2023?

Positions des parties
  1. QMI a fait remarquer que dans la décision de télécom 2022-288Note de bas de page 10, le Conseil a ordonné à Bell Mobilité de modifier les dispositions de son tarif de sorte qu’elles précisent que la zone de couverture disponible pour le service d’accès pour les ERMV comprend le réseau détenu et exploité par TCI, conformément à l’entente de partage de réseau de ces deux entreprises.
  2. QMI a indiqué que parce qu’elle n’a pas reçu de service d’accès pour les ERMV de la part de Bell Mobilité, elle n’a pas reçu d’accès pour les ERMV de la partie du réseau partagé exploitée par TCI. Par conséquent, le trafic qu’elle a envoyé directement à TCI n’a pas été traité comme un trafic du service d’accès pour les ERMV et TCI ne lui a pas facturé le tarif du service d’accès de gros pour les ERMV établi dans la décision d’arbitrage.
  3. TCI a fait remarquer que le cadre d’accès pour les ERMV permet à une entreprise de services sans fil admissible d’obtenir un service d’accès pour les ERMV dans la zone de réseau de TCI au moyen d’une entente d’accès pour les ERMV avec Bell Mobilité. TCI a indiqué que si QMI souhaite tirer parti du cadre d’accès pour les ERMV et obtenir l’accès à la zone de réseau de TCI par l’intermédiaire de Bell Mobilité, elle doit d’abord obtenir le service d’accès pour les ERMV auprès de Bell Mobilité. TCI a déclaré que QMI doit acheminer le trafic en question à Bell Mobilité, conformément à une entente d’accès pour les ERMV conclue entre ces deux parties.
  4. TCI a également fait remarquer que lorsqu’une entreprise achemine du trafic directement à TCI dans le cadre de la couverture d’itinérance, TCI est tenue de traiter le trafic comme du trafic d’itinérance et de facturer le tarif d’itinérance applicable.
  5. QMI n’a pas répondu précisément à l’intervention de TCI. QMI a déclaré que sa demande ne concerne que Bell Mobilité, qui a l’obligation de fournir l’accès au réseau qu’elle partage avec TCI, à la fois en vertu du cadre d’accès pour les ERMV et en vertu du tarif.
Analyse du Conseil
  1. Comme l’indique le paragraphe 31 de la présente décision, une entente d’accès pour les ERMV est requise entre Bell Mobilité et QMI avant que le service d’accès pour les ERMV de Bell Mobilité ne puisse être fourni à QMI. En vertu de cette entente, Freedom Mobile et Vidéotron pourraient envoyer à Bell Mobilité du trafic destiné à la partie du réseau partagé exploitée par TCI, et ce trafic serait traité comme un trafic du service d’accès pour les ERMV et facturé en tant que tel. Toutefois, QMI ne peut pas obtenir l’accès à la zone de réseau de TCI par l’intermédiaire de Bell Mobilité sans d’abord obtenir le service d’accès pour les ERMV auprès de Bell Mobilité.
  2. Le Conseil refuse donc la demande de QMI d’appliquer les tarifs du service d’accès pour les ERMV fixés dans la décision d’arbitrage au trafic d’itinérance envoyé à TCI depuis le 11 octobre 2023.

Comment le processus d’AOF devrait-il être ajusté pour éviter une telle situation à l’avenir?

Analyse du Conseil
  1. Dans les trois décisions d’arbitrage qu’il a rendues à ce jour, le Conseil a ordonné aux parties de conclure une entente d’accès pour les ERMV conforme au tarif du service d’accès pour les ERMV sélectionné afin que QMI puisse élargir le plus rapidement possible l’offre de ses services sans fil mobiles à la population canadienne.
  2. Bien que les circonstances à l’origine de la présente demande représentent probablement un cas isolé, le Conseil estime qu’il pourrait préciser ses attentes concernant le processus d’AOF. Plus précisément :
    • les parties visées par un AOF doivent commencer à négocier une entente contenant les modalités tarifaires et toute modalité auxiliaire requise au plus tard au moment où le processus de l’AOF est entamé pour veiller à ce que le service puisse être fourni dans les plus brefs délais après la publication de la décision d’arbitrage;
    • lorsqu’il publie une décision d’arbitrage, le Conseil peut envisager de fixer une échéance pour la mise en place des ententes;
    • si le tarif d’un titulaire ou toute échéance imposée n’est pas respecté, le Conseil examinera i) toutes les circonstances pertinentes et la chaîne des événements, y compris la question de savoir si les renseignements ont été transmis en temps opportun par les parties, puis ii) toutes les options d’application, y compris l’imposition d’une SAP.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil refuse la demande de QMI pour les raisons suivantes :
    • l’exigence de Bell Mobilité selon laquelle une entente d’accès pour les ERMV doit être conclue avant que le tarif établi dans la décision d’arbitrage puisse être appliqué cadre avec le tarif du service d’accès pour les ERMV de Bell Mobilité et le cadre d’accès de gros pour les ERMV;
    • Bell Mobilité et QMI n’ont pas convenu d’une date de début de commercialisation pour le service d’accès pour les ERMV;
    • l’entente d’accès pour les ERMV que Bell Mobilité a envoyée à QMI est conforme aux modalités approuvées établies dans le tarif pour les ERMV de Bell Mobilité et donc conforme à l’article 24 et au paragraphe 25(1) de la Loi;
    • Bell Mobilité n’a pas enfreint le paragraphe 27(2) de la Loi en s’accordant une préférence indue;
    • puisque le Conseil a conclu que Bell Mobilité n’a pas enfreint l’article 24 ni les paragraphes 25(1) et 27(2) de la Loi, il n’y a pas lieu de lui imposer une SAP.
  2. De plus, le Conseil refuse les demandes de QMI i) de prolonger la période du retrait progressif du service d’accès pour les ERMV de Bell Mobilité pour Freedom Mobile et Vidéotron et ii) d’appliquer les tarifs du service d’accès pour les ERMV établis dans la décision d’arbitrage au trafic acheminé à TCI depuis le 11 octobre 2023.
  3. Le Conseil rappelle à toutes les parties qu’elles sont tenues de conclure rapidement une entente. Par conséquent, le Conseil ordonne à Bell Mobilité et à QMI de conclure une entente d’accès pour les ERMV d’ici le 12 septembre 2024. La date de l’entente servira de date de début de commercialisation du service. L’entente signée ne devrait pas inclure la disposition 24 du projet d’entente d’accès pour les ERMV ou toute disposition de même nature.
  4. À la date de début de commercialisation, si les parties ne s’entendent toujours pas sur certaines dispositions, elles pourront proposer des libellés pour ces dispositions et les présenter au Conseil qui se chargera d’émettre une décision. Les dispositions découlant de ce processus seront ensuite ajoutées à l’entente au moyen de modifications, mais ces différends ne doivent pas retarder la date de début de commercialisation.
  5. Enfin, le Conseil précise comme suit ses attentes relatives au processus d’AOF :
    • les parties visées par un AOF doivent commencer à négocier une entente contenant les modalités tarifaires et toute modalité auxiliaire requise au plus tard au moment où le processus de l’AOF est entamé pour veiller à ce que le service puisse être fourni dans les plus brefs délais après la publication de la décision d’arbitrage;
    • lorsque le Conseil publie une décision d’arbitrage, il peut envisager de fixer une échéance pour la mise en place des ententes;
    • si le tarif d’un titulaire ou toute échéance imposée n’est pas respecté, le Conseil examinera i) toutes les circonstances pertinentes et la chaîne des événements, y compris la question de savoir si les renseignements ont été transmis en temps opportun par les parties, puis ii) toutes les options d’application, y compris l’imposition d’une SAP.

Secrétaire général

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