Décision de télécom CRTC 2024-149

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Références : 2022-325, 2022-325-1 et 2022-325-2

Ottawa, le 4 juillet 2024

Dossier public : 1011-NOC2022-0325

Fonds pour la large bande – Approbation du financement du projet de transport par fibre du Gouvernement du Nunavut au Nunavut

Sommaire

La population canadienne a besoin d’accéder à des services Internet et de téléphonie mobile fiables, abordables et de grande qualité pour chaque aspect de sa vie quotidienne.

Grâce au Fonds pour la large bande, le Conseil contribue à un vaste effort des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux afin de combler l’écart en matière de connectivité observé dans les communautés autochtones, les collectivités rurales et éloignées mal desservies du Canada.

Aujourd’hui, le Conseil approuve la demande de financement du gouvernement du Nunavut pouvant aller jusqu’à 271 937 242 $ pour mettre en place une connexion par fibre jusqu’à quatre communautés inuites éloignées du Nunavut, y compris une communauté de langue officielle en situation minoritaire.

Le Nunavut est le territoire canadien le plus étendu et situé le plus au nord du pays, en plus d’être l’une des régions les plus éloignées du Canada. Le territoire est seulement accessible par avion ou par bateau, sans liaison terrestre au reste du Canada, et aucune route ne relie ses 25 communautés. Compte tenu des défis et des coûts importants associés à l’installation de la fibre au Nunavut, ainsi que du potentiel pour le projet de permettre des déploiements futurs de la fibre dans la région, le Conseil estime que le financement demandé pour ce projet est nécessaire.

Le projet du gouvernement du Nunavut a reçu un soutien important des quatre communautés qui seront desservies par la connexion par fibre, y compris les organisations locales de chasseurs et de trappeurs, les associations inuites régionales, les représentants élus des hameaux, et de nombreuses entreprises locales. D’autres consultations avec les communautés et les détenteurs de droits inuits auront lieu conformément à l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, par exemple dans le cadre d’évaluations effectuées par la Commission d’aménagement du Nunavut et la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions. Compte tenu de l’importance de ce projet, le Conseil estime qu’il est important d’obtenir le soutien de Nunavut Tunngavik Incorporated (NTI), l’organisation inuite désignée qui est responsable de veiller à ce que les droits et responsabilités énoncés dans l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut soient respectés. Par conséquent, le financement est attribué au gouvernement du Nunavut à condition que le demandeur fournisse des éléments de preuve du soutien de NTI.

L’infrastructure de transport par fibre fournira des connexions Internet haute vitesse à plus de 80 institutions publiques essentielles, y compris six centres de santé et quinze écoles, centres de la petite enfance et centres d’apprentissage communautaires. Elle aidera à connecter les entreprises locales aux marchés nationaux et internationaux, permettant ainsi de nouvelles occasions de développement économique. Elle jettera également les bases pour le déploiement futur de la fibre tant dans les quatre communautés qu’à l’échelle du Nunavut. Dans l’ensemble, ses retombées amélioreront la résilience de l’infrastructure de télécommunication dans la région.

Comme le soulignent les maires de Kinngait et de Kimmirut, « le projet a le potentiel de créer une infrastructure permettant de développer des relations culturelles, éducatives et commerciales entre les résidents de la communauté et le reste du monde. » [traduction]

La présente décision s’appuie sur la décision de télécom 2023-418, dans laquelle le Conseil a approuvé une demande de financement de SSi Micro Ltd., dans le cadre du troisième appel, afin d’augmenter la capacité de transport par satellite dans les 25 communautés du Nunavut. Ensemble, ces projets contribuent à l’engagement du Conseil à faire progresser la réconciliation avec les peuples autochtones au Canada et à connecter toute la population canadienne. Les avantages associés à ces projets contribueront à favoriser la progression des priorités communes des Inuits et de la Couronne indiquées dans le Plan d’action de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Par la présente décision, le Conseil a maintenant terminé son évaluation et sa sélection de projets proposant de desservir le Nunavut dans le cadre du troisième appel.

Contexte

  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2016-496, le Conseil a établi l’objectif de service universel. Cet objectif reconnaît que toute la population canadienne devrait avoir accès à des services de téléphonie mobile et à des services Internet, sur les réseaux fixes et sans fil mobiles.
  2. Pour mesurer le progrès vers l’atteinte de cet objectif, le Conseil a établi plusieurs critères, dont celui selon lequel les Canadiens et les Canadiennes qui utilisent des services Internet devraient être en mesure i) d’avoir accès à des vitesses d’au moins 50 mégabits par seconde (Mbps) pour le téléchargement et de 10 Mbps pour le téléversement (50/10 Mbps), et ii) de s’abonner à une offre de service proposant une allocation de données illimitée. En outre, le Conseil a conclu que la technologie sans fil mobile généralement déployée la plus récente (actuellement la technologie d’évolution à long terme [LTE]) devrait être disponible non seulement aux ménages et entreprises canadiens, mais également sur le plus grand nombre possible de routes principales au Canada.
  3. Afin de soutenir le développement d’un système de télécommunication qui peut fournir à la population canadienne l’accès à ces services de télécommunication de base, le Conseil a créé le Fonds pour la large bande conformément au paragraphe 46.5(1) de la Loi sur les télécommunications (Loi). L’objectif du Fonds pour la large bande est d’aider à atteindre l’objectif de service universel et de combler les écarts en matière de connectivité dans les collectivités rurales et éloignées ainsi que dans les communautés autochtones au Canada. Pour ce faire, il offre un soutien financier aux projets qui i) construiront ou mettront à niveau l’infrastructure d’accès et de transport pour les services d’accès Internet à large bande sans fil fixes et mobiles et ii) ne seraient pas viables sans aide financière.
  4. Le Conseil a établi le Fonds pour la large bande avec un financement de 100 millions de dollars pour la première année, augmentant à 150 millions de dollars la troisième année grâce à des augmentations annuelles de 25 millions de dollars; les augmentations futures étant subordonnées à un examen de la politique du Fonds pour la large bande. Dans l’avis de consultation de télécom 2023-89, le Conseil a amorcé cet examen et a décidé de maintenir un plafond annuel de 150 millions de dollars pour la distribution jusqu’à la conclusion de l’examen.
  5. Dans la politique réglementaire de télécom 2018-377, le Conseil a établi les critères d’évaluation des projets proposés dans le cadre du Fonds pour la large bande et a abordé des questions liées aux cadres de gouvernance, de fonctionnement et de responsabilisation du Fonds pour la large bande.
  6. Jusqu’à présent, le Conseil a amorcé trois appels de demandes de financement dans le cadre du Fonds pour la large bande. Lors des deux premiers appels de demandes, le Conseil a approuvé du financement pour des projets qui amélioreront l’accès à des services Internet haute vitesse et des services de téléphonie cellulaire dans 205 collectivités rurales et éloignées, notamment 89 communautés autochtones. Le Conseil continue d’agir grâce au lancement de son troisième appel de demandes (troisième appel) en novembre 2022.

Troisième appel

  1. Dans l’avis de consultation de télécom 2022-325, le Conseil a publié son troisième appel pour le financement de certains types de projets proposant de desservir toutes les régions admissibles du Canada. Les types de projets admissibles comprennent i) les projets d’infrastructure de transport, ii) les projets d’infrastructure sans fil mobile, et iii) les projets nécessitant un financement d’exploitation pour augmenter la capacité de transport par satellite et pour améliorer le service d’accès Internet à large bande dans les collectivités dépendantes des satellites. Le troisième appel a fermé le 15 juin 2023.
  2. Le Conseil a fait remarquer, dans l’avis de consultation de télécom 2022-325, que lors de la phase d’évaluation des demandes du troisième appel, il mettrait davantage l’accent sur la consultation significative de chaque collectivité visée par un projet proposé et sur la résilience (c.-à-d. la capacité du réseau proposé à maintenir des niveaux de service acceptables en cas de défaillance du réseau).
  3. Le Conseil a reçu 105 demandes en réponse au troisième appel. Le Conseil publie plusieurs décisions relatives à cet appel afin d’accélérer le processus d’approbation de financement et de répondre au besoin immédiat de la population canadienne d’un accès amélioré à l’infrastructure à large bande.

Demande

  1. Le gouvernement du Nunavut (GN) a déposé une demande en réponse au troisième appel dans laquelle il sollicitait 271 937 242 $ du Fonds pour la large bande pour construire une infrastructure de transport par fibre sous-marine jusqu’au Nunavut afin de permettre l’atteinte de l’objectif du service universel dans les communautés d’Iqaluit, de Kinngait, de Coral Harbour (Salliq) et de Kimmirut par la fibre, ce qui réduira leur dépendance sur la technologie des satellites et jettera les bases pour des services Internet plus rapides et fiablesNote de bas de page 1.
  2. Ce projet a proposé d’améliorer la connectivité de plus de 80 établissements clés, comme des écoles, des bibliothèques, des centres de soins de santé et des centres d’apprentissage communautaires qui sont déjà connectés au réseau du GN. Une fois que la connexion par fibre sera en place, on pourra s’en servir comme point de départ pour d’autres projets afin de connecter les foyers et les entreprises dans les quatre communautés visées, qui comptent 4 235 ménages, et plus largement à l’échelle du Nunavut.

Analyse du Conseil

  1. L’évaluation des demandes de financement du Fonds pour la large bande se déroule en trois étapes. Premièrement, le Conseil vérifie si une demande répond à certains critères d’admissibilité. Les demandes qui ne répondent pas aux critères ne seront pas étudiées. Deuxièmement, le Conseil évalue les projets proposés en fonction de certains critères d’évaluation afin d’identifier un ensemble de projets convenables. Troisièmement, à partir de l’ensemble des projets convenables identifiés, le Conseil sélectionne les projets à financer en fonction de certains facteurs de sélection des projets. Ces critères d’admissibilité et d’évaluation, ainsi que ces facteurs de sélection ont été établis dans la politique réglementaire de télécom 2018-377 et sont énumérés dans le Guide du demandeur.
  2. Le Conseil a examiné la demande du GN en tenant compte des critères d’admissibilité, d’évaluation ainsi que des facteurs de sélection applicables à tous les demandeurs et à tous les types de projets, ainsi que les critères d’admissibilité et d’évaluation applicables aux projets de transport.

Critères d’admissibilité

  1. Pour qu’un projet soit pris en considération pour du financement, les demandeurs doivent clairement démontrer, avec des éléments de preuve à l’appui, comment leurs demandes répondent aux critères d’admissibilité concernant les types de demandeurs, aux critères d’admissibilités applicables à tous les types de projets et aux critères d’admissibilité applicables à des types de projets précisNote de bas de page 2.
  2. En ce qui concerne le type de demandeur, les demandeurs doivent démontrer qu’ils satisfont aux exigences énoncées dans le Guide du demandeur concernant leur structure juridique, expérience et capacité financière acceptables. Le paragraphe 6.1.1c) du Guide du demandeur indique qu’en tant que gouvernement territorial, le GN est exempté de l’obligation de satisfaire au critère de solvabilité financière. Le Conseil estime que le GN a démontré qu’il répond aux autres exigences.
  3. En ce qui concerne les critères d’admissibilité applicables à tous les types de projets, les demandeurs doivent démontrer que chacun des critères suivants est satisfait : i) la viabilité du projet (c.-à-d. que sans le financement du Fonds pour la large bande, le projet proposé ne serait pas viable sur le plan financier); ii) l’investissement du demandeur (c.-à-d. la capacité du demandeur à garantir le montant de l’investissement auquel il s’est engagé); et iii) la consultation de la communauté (c.-à-d. que le demandeur a consulté ou tenté de consulter les communautés visées par le projet, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants de la communauté. L’ampleur des consultations effectuées par le GN est prise en compte dans la section relative à l’évaluation ci-dessous. Le Conseil estime que le GN a démontré qu’il satisfait à toutes les exigences applicables à tous les types de projets.
  4. Finalement, les demandeurs doivent démontrer qu’ils répondent à certains critères applicables à des types de projets précis. Les critères d’admissibilité pour les projets de transport sont i) l’admissibilité géographique (c.-à-d. que le projet doit viser la construction ou la mise à niveau d’une infrastructure dans une collectivité admissible se trouvant à deux kilomètres ou plus d’un point de présence [PDP] ayant une capacité minimale de 1 gigabit par seconde [Gbps]), ii) la capacité minimale (c.-à-d. que le projet offrira une capacité minimale de 1 Gbps s’il s’agit de nouvelles infrastructures, et une capacité minimale de 10 Gbps s’il s’agit de la mise à niveau d’une infrastructure de transport), et iii) l’accès ouvert (c.-à-d. que le demandeur s’engage à offrir des services d’accès de gros et de détail à l’infrastructure de transport).
  5. Le Conseil estime que le GN a démontré qu’il satisfait à toutes les exigences applicables aux projets de transport.

Critères d’évaluation

  1. Une fois qu’un projet a été identifié comme répondant aux critères d’admissibilité, il est analysé davantage en fonction de certains critères d’évaluation applicables à tous les types de projets et de critères applicables à des types de projets précisNote de bas de page 3. Lors de l’application des critères d’évaluation, chaque critère est dûment pris en considération, de sorte qu’aucun critère pris isolément ne détermine si une demande peut être considérée convenable. Toutefois, dans le troisième appel, le Conseil met davantage l’accent sur certains critères, notamment une consultation significative des collectivités et la résilience (c.-à-d. la capacité du réseau proposé à maintenir des niveaux de service acceptables en cas de défaillance du réseau).
  2. Les critères d’évaluation applicables à tous les types de projets comprennent i) le mérite technique d’un projet, ii) la viabilité financière d’un projet, iii) le niveau de financement provenant d’autres sources, et iv) la consultation et le niveau de participation de la collectivité. Ces critères établissent un seuil élevé qui permet de s’assurer que le projet financé est viable (dans le cas présent, le GN apportera une infrastructure de transport aux quatre communautés visées pour permettre la fourniture de services de télécommunication qui atteignent l’objectif de service universel par des réseaux de fibre).
Mérite technique
  1. Pour évaluer le mérite technique d’un projet, le Conseil prend en compte la faisabilité du projet (c.-à-d. le caractère approprié de la technologie et de l’infrastructure du réseau), l’évolutivité (c.-à-d. la capacité technique du projet à atteindre ou à dépasser l’objectif de service universel en utilisant l’infrastructure proposée), la durabilité (c.-à-d. la viabilité à court et à long terme de la technologie choisie) et la résilience (c.-à-d. la capacité du réseau proposé à maintenir des niveaux de service acceptables en cas de défaillance du réseau).
  2. En fonction de ces critères, le Conseil conclut que le projet du GN est solide sur le plan technique et qu’il est capable de fournir des vitesses conformes à l’objectif de service universel. Le projet proposé est également capable de fournir les services prévus et est évolutif.
  3. Le projet est conçu de manière à être résilient en garantissant plusieurs points d’interconnexion avec des réseaux existants ou prévus. En outre, le projet mettra en œuvre des technologies largement adoptées et soutenues, avec une bonne viabilité à long terme.
Viabilité financière
  1. Pour évaluer la viabilité financière d’un projet, le Conseil examine la valeur actualisée nette, le taux de rendement interne et le plan d’affaires, y compris l’évaluation des risques et le plan d’atténuation des risques. Le Conseil prend également en considération le succès financier potentiel du projet proposé, ainsi que sa viabilité financière et sa durabilité à long terme. Le Conseil conclut que le projet du GN est financièrement solide et que les coûts proposés du projet sont raisonnables.
Financement d’autres sources
  1. En ce qui concerne le niveau de financement provenant d’autres sources, le Conseil estime que le GN a engagé une part importante de ses propres fonds dans le projet.
Consultation des communautés visées
  1. Dans le troisième appel, le Conseil a mis davantage l’accent sur une consultation significative des communautés visées. Par conséquent, dans l’évaluation du projet du GN, un poids important a été accordé aux éléments de preuve d’un engagement significatif. Le Conseil a pris en compte l’étendue des consultations du GN avec les communautés visées et le niveau de soutien démontré par les collectivités à l’étape de l’évaluation.
  2. Le GN a fourni des éléments de preuve démontrant qu’il avait informé directement Nunavut Tunngavik Incorporated (NTI)Note de bas de page 4, la Qikiqtani Inuit Association, la Kivalliq Inuit Association et la Kitikmeot Inuit Association des détails du projetNote de bas de page 5. Des avis semblables ont aussi été envoyés aux organisations de chasseurs et de trappeurs (OCT)Note de bas de page 6 respectives de chaque communautés, ainsi qu’aux représentants de chaque communauté visée.
  3. Le GN a fourni des lettres de soutien des détenteurs de droits inuits et des représentants communautaires suivants :
    • la Qikiqtani Inuit Association;
    • la Kivalliq Inuit Association;
    • l’OCT Amaruq (qui représente Iqaluit);
    • l’OCT Aiviq (qui représente Kinngait);
    • l’OCT Aiviit (qui représente Coral Harbour);
    • l’OCT Mayukalik (qui représente Kimmirut);
    • l’agent administratif en chef d’Iqaluit (y compris une motion unanime du conseil municipal à l’appui de la demande);
    • le maire de Kimmirut;
    • l’agent administratif principal de Coral Harbour;
    • le maire de Kinngait;
    • le gouvernement régional de Kativik dans la région du Nunavik au Québec, un des points d’interconnexion prévus.
  4. Des éléments de preuve ont été fournis pour démontrer le soutien de différentes entreprises locales, de fournisseurs de services de télécommunication et de la communauté d’Arviat au Nunavut. Cette dernière n’est pas directement visée par ce projet de construction d’infrastructures et pourrait bénéficier un jour d’un projet futur.
  5. Les lettres de soutien pour le projet ont souligné que la construction de cette infrastructure en fibre améliorera considérablement la connectivité sur le territoire et aura des effets transformateurs sur les Nunavummiuts. Par exemple, cela ouvrira de nouvelles occasions pour les entreprises du territoire grâce au commerce électronique, ainsi que pour le secteur croissant de l’écotourisme et pour ses artistes de renommée mondiale. L’amélioration de la connectivité facilitera l’accès aux services de santé publique, comme la télémédecine. Elle permettra également de nouvelles occasions d’éducation, car les Nunavummiuts n’auront pas à choisir entre rester et quitter leur communauté pour faire des études postsecondaires.
  6. Des consultations supplémentaires sur le projet seront menées conformément aux procédures d’évaluation définies dans l’Accord sur les revendications territoriales du NunavutNote de bas de page 7. Par exemple, le projet pourrait être soumis à l’examen de la Commission d’aménagement du Nunavut et de la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions. Tel qu’il est établi dans l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et la Loi sur l’aménagement du territoire et l’évaluation des projets au Nunavut, ces évaluations déterminent si une proposition de projet est conforme aux priorités et aux valeurs des Nunavummiuts. Il s’agit notamment de tenir compte des répercussions environnementales, écosystémiques et socioéconomiques d’une proposition de projet, et de l’incidence qu’il peut avoir sur la promotion d’un développement économique durable et le soutien de communautés saines. Une consultation significative des communautés visées et des détenteurs de droits fait partie de ces processus.
  7. L’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut prévoit également que si un projet de mise en valeur important pouvait avoir des répercussions sur l’eau ou des ressources sur les terres inuites, il faut conclure une entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuits. Ces avantages pourraient porter sur des engagements en matière d’emploi, des pratiques d’embauche préférentielles, ou d’autres avantages perçus comme étant pertinents aux besoins du projet et des Inuits. Les ententes sur les répercussions et les avantages pour les Inuits doivent être négociées avec les organisations inuites désignées.
  8. Comme indiqué dans le Guide du demandeur, le Conseil reconnaît qu’une consultation appropriée et significative prend du temps et qu’une consultation supplémentaire entre le GN et NTI est prévue conformément à l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et à d’autres protocoles existants. Compte tenu de l’importance du projet proposé, le Conseil estime qu’il est important que le projet reçoive le soutien de NTI.
Critères spécifiques applicables aux projets de transport
  1. Enfin, comme pour les critères d’admissibilité, certains critères d’évaluation s’appliquent à des types de projets précis. Les critères d’évaluation pour les projets de transport sont i) le niveau d’amélioration du réseau et de la capacité offerte (c.-à-d. la différence entre les vitesses des services d’interconnexion actuellement offertes dans la ou les zones géographiques admissibles et celles qui seraient offertes dans le cadre du projet proposé); ii) le nombre de PDP pour les services de transport de gros et de détail le long de la route proposée (c.-à-d. le nombre de PDP qui atteindront les collectivités admissibles); iii) le nombre de collectivités et de ménages qui pourraient être desservis (c.-à-d. le nombre de collectivités et de ménages dans ces collectivités qui peuvent avoir accès à des services à large bande nouveaux ou mis à niveau à la suite du projet); iv) la présence, le type et le nombre d’établissements clés qui pourraient être desservis (c.-à-d. si des services à large bande sont susceptibles d’être offerts aux établissements clés en raison du projet); et v) les offres de services d’accès ouvert (c.-à-d. si des services diversifiés et concurrentiels seraient disponibles dans les nouveaux PDP ou les PDP mis à niveau à la suite du projet).
  2. Sur la base de son évaluation du projet du GN selon les critères d’évaluation, y compris les critères spécifiques applicables aux projets de transport, le Conseil conclut que le projet du GN est convenable.

Facteurs de sélection

  1. Une fois qu’un ensemble de projets convenables a été identifié sur la base des critères d’admissibilité et d’évaluation, le Conseil sélectionne un sous-ensemble de projets à financer. Pour choisir entre les projets convenables, le Conseil examine si les projets individuels contribueront à l’atteinte de l’objectif de service universel et s’ils auront une incidence positive importante sur la population canadienne. Cette approche est conforme à la politique réglementaire de télécom 2018-377 et au Guide du demandeur connexe, et elle tient compte des objectifs de la politique de télécommunication établis à l’article 7 de la Loi.
  2. Les facteurs de sélection énoncés dans le Guide du demandeur comprennent l’utilisation efficace des fonds et la question de savoir si les collectivités visées par les projets proposés sont des communautés autochtones ou des communautés de langue officielle en situation minoritaireNote de bas de page 8.
  3. En ce qui concerne l’utilisation efficace des fonds, le Conseil tient compte du montant de financement requis pour un projet, du moment où ce financement devrait être distribué, et du montant de financement disponible pour distribution du Fonds pour la large bande. Lors de la sélection de projets, le Conseil prend également en considération si la distribution des fonds entraînerait un chevauchement entre les projets ou d’autres sources de financement.
  4. Le Conseil fait remarquer que le Nunavut est peut-être la région du Canada où il est le plus difficile de mettre en place des réseaux résilients et de grande qualité. Le Nunavut est le territoire canadien le plus étendu et situé le plus au nord du pays, en plus d’être l’une des régions les plus éloignées du Canada. Aucune route ne relie le Nunavut au reste du Canada, et aucune route ne relie ses 25 communautés. Compte tenu des défis et des coûts importants associés à l’installation de la fibre au Nunavut, ainsi que du potentiel pour le projet de permettre des déploiements futurs de la fibre dans la région, le Conseil estime que le financement demandé pour ce projet est nécessaire. De plus, le financement demandé est disponible dans le Fonds pour la large bande.
  5. Ce projet ne chevauche pas d’autres projets d’infrastructure de fibre financés par le Conseil ou d’autres programmes de financement. Une fois construit, il permettra une technologie de raccordement plus solide et libérera de la capacité satellitaire pour les autres collectivités au Nunavut.
  6. Sur la base de ces facteurs, le Conseil est d’avis que le financement du projet du GN est une utilisation efficace des fonds.
  7. Finalement, le projet du GN bénéficiera à quatre communautés inuites, dont une (Iqualuit) qui est une communauté de langue officielle en situation minoritaire.

Conclusion

  1. Le Conseil estime que le projet du GN i) est conforme à l’objectif de service universel car il fournit une infrastructure Internet à large bande capable de fournir des services d’au moins 50/10 Mbps avec une allocation de données illimitée, et ii) aura une incidence positive considérable sur les communautés à desservir.
  2. Le projet est l’occasion d’offrir ce qui pourrait être une infrastructure transformatrice au Nunavut. De meilleurs services de télécommunication peuvent vouloir dire un meilleur accès à l’éducation et à des services de santé. Ces services contribueront à la réconciliation économique en favorisant les économies locales et l’accès à des occasions au-delà de ce qui est actuellement disponible.
  3. L’approbation de ce projet est conforme à l’engagement du Conseil de faire progresser la réconciliation avec les peuples autochtones et cadre avec les priorités établies dans le Plan d’action de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Une consultation exhaustive se poursuivra conformément aux dispositions réglementaires exigées par les institutions gouvernementales, telles qu’elles sont établies dans l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Le Conseil reconnaît les efforts de consultation déployés par le GN à ce jour et estime qu’il est important que le projet obtienne le soutien de NTI.
  4. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil approuve, par décision majoritaire, dans la mesure et sous réserve des directives et des conditions énoncées ci-dessous, un montant maximal de 271 937 242 $ du Fonds pour la large bande. Ce montant doit être versé au GN en vue du projet de transport décrit ci-dessus et comme indiqué dans l’énoncé des travaux à approuver. Ce financement est attribué à condition que le GN fournisse des éléments de preuve du soutien de NTI avant que le Conseil approuve l’énoncé de travaux du projet.
  5. Conformément au paragraphe 305 de la politique réglementaire de télécom 2018-377, le Conseil s’attend à ce que la construction du projet soit achevée dans un délai de trois ans à compter de la date de la présente décision.
  6. Par la présente décision, le Conseil a maintenant terminé son évaluation et sa sélection de projets proposant de desservir le Nunavut dans le cadre du troisième appel.
  7. L’opinion minoritaire de la conseillère Claire Anderson est jointe à la présente décision.

Énoncé des travaux

  1. Pour être admissible à un financement, le bénéficiaire doit obtenir l’approbation du Conseil pour son énoncé des travaux. Cela garantira que les travaux prévus seront entrepris pour mettre en œuvre le projet tel qu’il est décrit dans la demande et pour lequel le financement a été approuvé par le Conseil.
  2. L’énoncé des travaux doit être soumis dans le format fourni par le Conseil et doit comprendre des renseignements détaillés sur le plan du projet, notamment des renseignements détaillés sur le projet (p. ex. diagrammes logiques du réseau, descriptions du réseau, conception des services, sites du projet, détails sur l’équipement, coûts précis et budget actualisé du projet). De plus, le plan de projet doit comprendre un calendrier de mise en œuvre du projet, y compris les jalons du projet qui comprendront les dates principales de construction et de mise en œuvre pour suivre l’évolution du projet. Une cartographie actualisée du projet doit également être fournie. Après l’approbation de l’énoncé des travaux, dans le but que le bénéficiaire reçoive du financement, tout changement qui a une incidence significative sur le projet à réaliser doit être approuvé par le Conseil.

Directives

  1. L’approbation du Conseil est soumise aux conditions selon lesquelles le bénéficiaire doit :


    a) confirmer par écrit, dans les 10 jours suivant la date de la présente décision, son intention de soumettre un énoncé des travaux complet au Conseil et d’aller de l’avant avec le projet;

    b) soumettre à l’approbation du Conseil, d’ici le 1 novembre 2024, un énoncé des travaux complet, dans le format fourni par le Conseil, qui comprend des cahiers d’accompagnement indiquant le budget du projet, les dates et les calendriers clés du projet, ainsi que des renseignements détaillés sur le projet, tels que les diagrammes logiques du réseau, les descriptions du réseau, les conceptions des services, les sites du projet, les détails sur l’équipement, les cartes, les coûts précis et les jalons.

    c) fournir une lettre de soutien, ou une autre preuve de soutien, à l’égard du projet de NTI, qui doit être reçue avant que le Conseil examine l’énoncé des travaux aux fins d’approbation.

  2. Tel qu’indiqué dans le Guide du demandeur, le bénéficiaire ne peut demander le remboursement de ses coûts tant que son énoncé des travaux pour le projet n’est pas approuvé par le Conseil. Tous les coûts admissibles engagés avant l’approbation par le Conseil de l’énoncé des travaux du bénéficiaire, mais après la publication de la présente décision, sont aux risques du bénéficiaire et ne seront pas remboursés si l’énoncé des travaux n’est pas approuvé.
  3. Pour que le gestionnaire du fonds central puisse distribuer les fonds, le bénéficiaire doit signer la Convention de gestion du Fonds de contribution national, s’il ne l’a pas déjà fait.
  4. Le bénéficiaire ne peut demander le remboursement de ses coûts, et un financement ne sera pas accordé pour les dépenses qui ne sont pas admissibles, les dépenses qui n’ont pas encore été engagées, ou les dépenses qui ne sont pas liées à des activités décrites dans l’énoncé des travaux approuvé par le Conseil.
  5. Si le bénéficiaire ne parvient pas à démontrer, au cours de la phase d’élaboration de l’énoncé des travaux, que le projet a pris en compte la cybersécurité de manière adéquate, il devra atténuer le risque concernant la cybersécurité à la satisfaction du Conseil. Le fait de ne pas proposer un plan de réduction des risques satisfaisant pour le Conseil pourrait entraîner le refus d’approuver l’énoncé des travaux.

Conditions de financement

  1. Après approbation de l’énoncé des travaux par le Conseil, celui-ci ordonnera au gestionnaire du fonds central de remettre les fonds au bénéficiaire, sous réserve qu’il respecte les conditions suivantes :


    a) Le bénéficiaire doit déposer un rapport d’étape, dans le format fourni par le Conseil, décrivant les progrès réalisés dans la mise en œuvre du projet et toute variation par rapport au calendrier d’avancement du projet inclus dans l’énoncé des travaux. Ce rapport doit être déposé tous les trois mois à compter de la date établie dans l’énoncé des travaux et jusqu’à la présentation du rapport d’achèvement du projet.

    b) Le bénéficiaire doit déposer tous les trois mois auprès du Conseil un formulaire de réclamation au titre du Fonds pour la large bande, certifié par son chef des affaires financières ou par un représentant autorisé équivalent du bénéficiaire, que tous les coûts réclamés ont été effectivement engagés et payés et sont des coûts admissibles liés aux activités décrites dans l’énoncé des travaux, ainsi que toute pièce justificative demandée par le Conseil. Des pièces justificatives supplémentaires peuvent être demandées par le Conseil. Chaque formulaire de réclamation doit être accompagné d’un rapport d’étape.

    c) En ce qui concerne les coûts admissibles et non admissibles, tels que décrits dans la politique réglementaire de télécom 2018-377, le bénéficiaire doit :

    i) inclure les coûts admissibles dans un formulaire de réclamation soumis dans les 120 jours suivant la date à laquelle les coûts ont été engagés, sauf si les coûts ont été engagés après la date de publication de la décision de financement, mais avant l’approbation de l’énoncé des travaux, auquel cas les coûts doivent être réclamés sur le premier formulaire de réclamation soumis après l’approbation de l’énoncé des travaux;

    ii) s’assurer que tous les biens et services sont réclamés pour remboursement à des montants ne dépassant pas la juste valeur marchande après déduction de tous les rabais de gros consentis et éléments similaires. Seule la juste valeur marchande des biens et services acquis est admissible au remboursement;

    iii) mesurer et réclamer tous les biens et services reçus de parties liées, comme il est défini dans les Normes internationales d’information financière (en anglais seulement), au prix coûtant, sans profit ni majoration de la part du fournisseur.

    d) Afin de recevoir les fonds, le bénéficiaire doit obtenir l’approbation du Conseil pour :

    i) toute modification importante du projet, tel qu’il est défini dans l’énoncé des travaux approuvé;

    ii) toute modification apportée au bénéficiaire qui aurait une incidence importante sur les documents juridiques ou financiers qu’il a fournis au cours du processus de demande.

    e) S’il devient insolvable, le bénéficiaire (y compris chaque membre d’un partenariat bénéficiaire, une coentreprise ou un consortium) doit en informer le Conseil par écrit dès que possible et dans un délai maximum de cinq jours.

    f) S’il reçoit des fonds supplémentaires pour le projet, quelle qu’en soit la source, le bénéficiaire doit en informer le Conseil par écrit dès que possible, et au plus tard 10 jours après avoir reçu les fonds. Le Conseil peut réduire proportionnellement le montant du financement qu’il a approuvé.

    g) Le bénéficiaire ne doit pas réclamer plus de 25 % du montant approuvé pour les coûts engagés après la date de la présente décision, mais avant l’approbation de l’énoncé des travaux, à moins d’autorisation contraire du Conseil.

    h) Le bénéficiaire doit veiller à ce que ses frais de déplacement, tels que les indemnités journalières de repas, soient conformes à la Directive sur les voyages du Conseil national mixte.

    i) Le bénéficiaire doit rendre publics, notamment en les publiant sur son site Web, les forfaits de services d’accès ouvert de gros qui seront offerts à la suite du projet, au moins 90 jours avant la date prévue à laquelle les services d’accès ouvert de gros seront disponibles, comme indiqué dans l’énoncé des travaux. Cela doit comprendre l’emplacement proposé de tout PDP, la capacité disponible en accès ouvert, les forfaits de service, les prix et les modalités.

    j) Lorsqu’un risque d’incidence négative sur un droit ancestral ou issu d’un traité est connu après l’approbation de l’énoncé des travaux et qu’il existe une obligation de consultation, le bénéficiaire doit en informer le Conseil dans un délai de 20 jours et soumettre un plan détaillant la forme et le processus d’exécution de l’obligation. Le déblocage de tout financement supplémentaire sera conditionnel à la démonstration que les consultations nécessaires ont été menées à la satisfaction de l’État.

    k) Le bénéficiaire (y compris chaque membre d’un partenariat bénéficiaire, d’une coentreprise ou d’un consortium) doit déposer ses états financiers annuels auprès du Conseil sur demande. Les états financiers accompagneraient le prochain rapport d’étape déposé après l’achèvement et l’approbation des états financiers annuels.

    l) Le bénéficiaire doit soumettre à l’approbation du Conseil un rapport définitif de mise en œuvre dans les 90 jours suivant l’achèvement de la construction et de l’offre de services à large bande. Dans le rapport, le bénéficiaire doit confirmer que la construction du projet est terminée et que les services à large bande sont offerts. La date à laquelle le rapport définitif de mise en œuvre est soumis sera considérée comme la date d’achèvement du projet. Le bénéficiaire doit également démontrer dans le rapport que le projet a satisfait aux exigences énoncées dans toutes les décisions connexes. Le rapport doit être présenté dans un format précisé par le Conseil.

    m) Le bénéficiaire doit déposer un rapport sur les fonds retenus un an après la date d’achèvement du projet, démontrant à la satisfaction du Conseil qu’il offre des services à large bande depuis un an conformément aux conditions de service établies dans la présente décision et décrites dans l’énoncé des travaux approuvé. Les fonds retenus ne seront débloqués que lorsque le Conseil sera convaincu que le bénéficiaire a offert les services décrits approuvés dans l’énoncé des travaux conformément aux conditions de service énoncées dans la décision.

Conditions en vertu de l’article 24

  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2018-377, le Conseil a déterminé qu’il imposerait certaines conditions, en vertu de l’article 24 de la Loi, en ce qui concerne l’offre et la fourniture de services à large bande au moyen d’installations financées par le Fonds pour la large bande, qui s’appliqueraient après la construction de l’infrastructure. Ces conditions concernent les vitesses et la capacité des services à large bande fournis, le niveau des prix de détail, l’établissement des rapports et les offres de services d’accès ouvert connexes. Les conditions relatives à l’offre et à la fourniture de services à large bande s’appliqueront au bénéficiaire et à toute autre entreprise canadienne exploitant l’infrastructure financée.
  2. Le Conseil peut procéder à des vérifications périodiques et exiger des mesures du rendement du projet pour vérifier le respect des conditions de financement et des conditions imposées en vertu de l’article 24 de la Loi relativement à la fourniture de services au moyen de l’infrastructure financée. À cette fin, comme condition pour offrir et fournir des services de télécommunication au moyen de l’infrastructure financée, le Conseil exige, en vertu de l’article 24 de la Loi, que le bénéficiaire, ou toute entreprise canadienne exploitant l’infrastructure de réseau financée i) conserve tous les registres, comptes et dossiers du projet, y compris les processus et procédures administratifs, financiers et de réclamation, et toute autre information nécessaire pour assurer le respect des conditions de la présente décision pendant une période de huit ans à compter de la date de début du projet; et ii) fournisse au Conseil des mesures du rendement du projet mis en œuvre par le bénéficiaire dans les cinq ans suivant la date d’achèvement du projet en utilisant une méthode que le Conseil peut déterminer. Le Conseil peut demander que des vérificateurs externes ou un vérificateur qu’il a approuvé certifient tout rapport, formulaire ou document connexe, ou qu’un ingénieur professionnel tiers certifie toute mesure requise.
  3. En outre, en vertu de l’article 24 de la Loi, comme condition pour offrir et fournir des services de télécommunication au moyen de l’infrastructure financée, le bénéficiaire, ou toute entreprise canadienne exploitant l’infrastructure financée, doit :


    a) fournir une capacité de transport à chaque PDP admissible financé par le Fonds pour la large bande avec une capacité totale qui n’est pas inférieure à celle proposée dans la demande et décrite dans l’énoncé de travail approuvé;

    b) offrir et fournir, de manière équitable, transparente, opportune et non discriminatoire, un accès ouvert de gros et de détail à l’infrastructure de transport pour chaque PDP admissible financé par le Fonds pour la large bande. Des modalités identiques ou supérieures à celles appliquées aux services des filiales, des sociétés affiliées ou des partenaires doivent être appliquées aux autres fournisseurs de services qui demandent l’accès aux sites des projets. Ces services d’accès ouvert de gros et de détail doivent être offerts à des tarifs qui ne sont pas supérieurs à ceux proposés dans la demande et décrits dans l’énoncé des travaux approuvé et à une capacité qui n’y est pas inférieure.

Secrétaire général

Documents connexes

Opinion minoritaire de la Conseillère Claire Anderson

  1. Bien que je comprenne de tout cœur le caractère essentiel de la connectivité en ce qui concerne les communautés autochtones et les collectivités éloignées, en particulier au Nunavut où les communautés ne sont accessibles que par avion ou par bateau, je ne peux pas être d’accord avec l’approche adoptée par mes collègues pour approuver la demande du gouvernement du Nunavut à la condition que le demandeur fournisse des éléments de preuve du soutien de Nunavut Tunngavik Incorporated (NTI) après cette approbation conditionnelle.
  2. En tant que titulaire de droits inuits au Nunavut qui a publiquement invoqué le droit à l’autonomie gouvernementale, NTI doit être consulté de façon significative avant l’approbation de la présente demande conformément à ses droits constitutionnels et à ses droits en vertu de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (Déclaration des Nations Unies). Chaque fois que nous examinons si nos décisions font progresser la réconciliation, nous devons tenir compte des préoccupations et des intérêts des représentants autochtones, ce qui n’a pas été pleinement envisagé par la majorité dans la présente décision.
  3. J’énonce ces points de vue plus en détail ci-dessous.

Contexte

Article 35 et droits établis et invoqués de NTI

  1. En 1982, le Canada a rapatrié la constitution canadienne (Constitution) et, ce faisant, a officiellement inscrit la reconnaissance des droits des Premières Nations, des Inuits et des Métis dans son article 35 :


    Les droits existants – ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.

  2. En 1992, la Fédération Tungavik de Nunavut (maintenant appelée NTI) a conclu une entente sur les revendications territoriales avec le gouvernement du Canada, soit l’Accord du Nunavut, au nom des Inuits du Nunavut, ce qui a mené à la création du gouvernement du Nunavut en 1999.
  3. On constate que la relation de NTI avec le gouvernement du Nunavut a été imparfaite, c’est le moins qu’on puisse dire, comme en témoigne une récente poursuite en justice de NTI contre le gouvernement du Nunavut en 2021, déclarant que le gouvernement territorial a fait preuve de discrimination à l’égard des Inuits en omettant d’offrir une éducation en inuktut, ce qui a amené le président de NTI à affirmer que :


    l’objectif de la création du Nunavut était de créer une territoire de compétence qui serait

    centrée sur les Inuits et favorable aux Inuits, ainsi qu’à la langue et culture inuites. Pourtant, le gouvernement affirme que nous n’avons pas ces droits et que nous ne sommes pas victimes de discriminationNote de bas de page 1. [Traduction]

  4. Le 16 novembre 2021, NTI a annoncé que ses membres ont adopté une résolution dans le cadre de l’Assemblée générale annuelle pour demander un mandat de négociation avec le gouvernement du Canada afin d’entreprendre l’exercice du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale des InuitsNote de bas de page 2. La résolution unanime énonce ce qui suit :


    ATTENDU QUE les Inuits du Nunavut étaient autonomes bien avant l’arrivée des Européens dans ce qui est aujourd’hui le Canada, qu’ils étaient autosuffisants grâce à leur mode de vie basé sur leur propre langue et leur vision du monde, leur économie et leurs systèmes de lois et de gouvernance, et qu’ils étaient profondément liés et dépendants de leur patrie;

    ET ATTENDU QUE dans les années 1970 les Inuits du Nunavut ont commencé leur aspiration à créer leur propre gouvernement en raison des effets néfastes et des perturbations du colonialisme et des tentatives d’assimilation de la langue et de la culture inuites dans la société canadienne dominante;

    ET ATTENDU QUE les Inuits du Nunavut avaient espéré que la création d’un gouvernement du Nunavut, par la négociation de l’Accord du Nunavut, refléterait leur droit à l’autodétermination, et qu’il maintiendrait et protégerait les liens avec leur patrie, leur langue et leur identité culturelle;

    ET ATTENDU QUE les Inuits du Nunavut ont opté pour la création d’un gouvernement public après la signature de l’Accord du Nunavut, mais qu’ils n’ont jamais cédé leur droit inhérent à l’autonomie gouvernementale, comme il est reconnu, affirmé et protégé par les articles 25 et 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 du Canada, y compris la compétence et le pouvoir législatif sur leurs propres affaires;

    ET ATTENDU QUE le gouvernement du Canada a renouvelé son engagement à respecter ce droit constitutionnel à l’autodétermination en remaniant sa politique sur les revendications territoriales complète en vue d’établir un cadre d’autonomie gouvernementale et de reconnaissance des droits fondé sur des principes[Note de bas de page 3], et en le réaffirmant par l’adoption de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones le 21 juin 2021 qui nécessite maintenant des « normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones »;

    ET ATTENDU QUE l’état socioéconomique des Inuits ne s’est pas amélioré depuis la création du gouvernement du Nunavut en 1999, et qu’il s’est aggravé dans les domaines du niveau de scolarité, de la sous-représentation de l’emploi entraînant des écarts salariaux importants, des conditions de surpeuplement des logements, de la sécurité alimentaire, de la diminution des indicateurs de santé, de la participation économique et d’autres inégalités sociales auxquelles sont confrontés les Inuits, car le gouvernement du Nunavut n’a pas été en mesure de réaliser les aspirations et les priorités des Inuits en matière de prestation de la langue et de la culture inuites dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et d’autres conditions socioéconomiques essentielles ainsi que de la justice sociale des Inuits;

    ET ATTENDU QUE NTI a toujours essayé de travailler avec le gouvernement du Nunavut à la mise en œuvre significative de traité et des droits des Inuits sans progrès satisfaisant, et que l’exercice de l’autonomie gouvernementale peut offrir aux Inuits du Nunavut les moyens d’améliorer leur bien-être économique, social et culturel lorsque le gouvernement du Nunavut n’a pas été en mesure de le faire;

    IL EST PAR CONSÉQUENT RÉSOLU QUE les membres souhaitent que les Inuits du Nunavut exercent le droit à l’autonomie gouvernementale afin de permettre aux Inuits du Nunavut d’avoir un pouvoir décisionnel et un contrôle directs sur leurs propres affaires, et d’ordonner à NTI d’obtenir un mandat de négociation avec le gouvernement du Canada afin d’entreprendre des discussions sur l’autonomie gouvernementale… (je souligne) [Traduction]

Déclaration des Nations Unies

  1. Un autre moment charnière de la réconciliation a eu lieu à l’échelle internationale en 2007, après que des peuples autochtones se sont battus pendant des décennies pour la reconnaissance internationale de leurs droits inhérents lorsque l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution mettant en œuvre la Déclaration des Nations UniesNote de bas de page 4.
  2. La Déclaration des Nations Unies énonce, entre autres, que les peuples autochtones ont le droit de maintenir et de renforcer leurs institutions politiques, juridiques, économiques, sociales et culturelles distinctes (…) [article 5]; de participer à la prise de décisions sur des questions qui peuvent concerner leurs droits, par l’intermédiaire de représentants qu’ils ont eux-mêmes choisis (…) [article 18]; et que les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés — par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives — avant d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause (article 19). [je souligne]
  3. En mai 2016, le gouvernement du Canada a approuvé la Déclaration des Nations Unies sans réserve, reconnaissant qu’« [e]n adoptant et en mettant en œuvre la Déclaration, nous donnons vie à l’article 35 que nous reconnaissons comme un ensemble complet de droits pour les peuples autochtones au Canada.Note de bas de page 5 »
  4. La métaphore du « large éventail » de droits a encore été réitérée lorsque le gouvernement du Canada a publié, en 2018, ses Principes régissant la relation du Gouvernement du Canada avec les peuples autochtones (Principes). Les Principes décrivent qu’ils constituent un « point de départ pour appuyer les efforts visant à mettre fin au non-respect des droits des Autochtones qui a donné lieu à des politiques et à des pratiques de déresponsabilisation et d’assimilation » (je souligne)Note de bas de page 6, et qu’ils guident l’engagement du gouvernement à mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies.
  5. Le premier Principe affirme que « [l]e gouvernement du Canada reconnaît que toutes les relations avec les peuples autochtones doivent être fondées sur la reconnaissance et la mise en œuvre de leur droit à l’autodétermination, y compris le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale », et fait remarquer que cette reconnaissance est « un élément caractéristique du Canada [qui] s’appuie sur la promesse de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, en plus de correspondre aux articles 3 et 4 de la Déclaration des Nations UniesNote de bas de page 7 ».
  6. Le 21 juin 2021, le gouvernement du Canada a adopté la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones qui reconnaît en outre ce qui suit dans les attendus :

[…] le gouvernement du Canada reconnaît que les relations avec les peuples autochtones doivent être fondées sur la reconnaissance et la mise en œuvre du droit inhérent à l’autodétermination, y compris le droit à l’autonomie gouvernementale.

Troisième appel de demandes du CRTC

  1. En réponse à l’avis de consultation de télécom 2022-325 du CRTC (troisième appel de demandes) du Fonds pour la large bande du CRTC, le gouvernement du Nunavut a déposé une demande pour recevoir 271 937 242 $ pour un projet de transport par fibre qui a été approuvé par la majorité dans la présente décision. Notant l’importance du projet, la majorité accorde un financement au gouvernement du Nunavut à la condition que le demandeur présente des éléments de preuve du soutien de NTI avant que le CRTC approuve l’énoncé des travaux du projet (au paragraphe 46 de la présente décision).
  2. Je ne suis pas d’accord avec l’approche adoptée par mes collègues, selon laquelle le financement du projet du gouvernement du Nunavut devrait être accordé en présentant des éléments de preuve du soutien de NTI après que la décision de financement a été prise. À mon avis, NTI a droit à une consultation significative avant que la décision de financement soit prise, conformément à ses droits en vertu de l’article 35 de la Constitutionet de la Déclaration des Nations Unies, et en gardant à l’esprit sa propre description de la réconciliation économique, telle qu’elle est énoncée ci-dessous.
  3. Avant de passer à l’argument central concernant la Déclaration des Nations Unies, je commencerai par fournir un aperçu des droits des Inuits du Nunavut en vertu de l’article 35 de la Constitution, car je pense que la majorité a confondu ces droits et nos obligations connexes en vertu de la Constitution, puisque que certains éléments de l’analyse de la consultation contribuent à orienter la discussion sur la Déclaration des Nations Unies.

Consultation adéquate des titulaires de droits inuits devant avoir lieu avant la prise d’une décision d’accorder un financement de près de 300 millions de dollars au projet de transport par fibre du gouvernement du Nunavut

  1. À mon avis et compte tenu des revendications d’autonomie gouvernementale de NTI, la décision de financer le projet de transport par fibre du gouvernement du Nunavut ne peut être prise qu’après une consultation adéquate auprès de NTI afin de déterminer comment l’attribution des fonds pourrait avoir une incidence négative sur le droit invoqué à l’autonomie gouvernementale de NTI.
  2. Comme il est indiqué dans notre troisième appel de demandes et dans le Guide du demandeur qui y est annexé, une obligation constitutionnelle de consultation et de mesures d’adaptation peut s’imposer lorsqu’un projet risque d’avoir une incidence négative sur un droit ancestral ou issu d’un traité, qu’il soit établi ou invoqué.
  3. Il est utile de fournir le contexte de cette obligation et le principe de l’honneur de la Couronne avant d’examiner si la décision d’accorder près de 300 millions de dollars déclenche l’obligation de consulter et, dans l’affirmative, si une consultation significative a eu lieu.

Obligation de consulter et honneur de la Couronne

  1. La Couronne a l’obligation de consulter (et parfois de mettre en place des mesures d’adaptation) les groupes autochtones lorsqu’elle a une connaissance réelle ou implicite de l’existence potentielle d’un droit autochtone invoqué et qu’elle envisage une conduite susceptible d’avoir un effet préjudiciable sur ce droitNote de bas de page 8.
  2. Dans le jugement Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts)2004 CSC 73(Nation haïda), la Cour suprême du Canada a indiqué que l’obligation de consulter et, le cas échéant, de mettre en place des mesures d’adaptation, est fondée sur le principe de l’honneur de la Couronne, qui découle de l’affirmation de la souveraineté de la Couronne face à l’occupation autochtone antérieure :


    25. En bref, les Autochtones du Canada étaient déjà ici à l’arrivée des Européens; ils n’ont jamais été conquis.  De nombreuses bandes ont concilié leurs revendications avec la souveraineté de la Couronne en négociant des traités. D’autres, notamment en Colombie-Britannique, ne l’ont pas encore fait. Les droits potentiels visés par ces revendications sont protégés par l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. L’honneur de la Couronne commande que ces droits soient déterminés, reconnus et respectés. 

  3. La Cour suprême a souligné que la consultation est nécessaire avant de prendre une décision susceptible d’avoir un effet préjudiciable sur les droits invoqués, indiquant qu’il s’agit d’une « obligation de nature prospective prenant appui sur des droits dont l’existence reste à prouver »Note de bas de page 9 (souligné par l’auteur). Cette approche « protège les intérêts autochtones jusqu’au règlement des revendications et favorise le développement entre les parties d’une relation propice à la négociation, processus à privilégier pour parvenir finalement à la conciliation. »Note de bas de page 10
  4. La connaissance d’une revendication crédible, mais non prouvée, suffit à déclencher l’obligation. Toutefois, le contenu de l’obligation varie : « Une revendication douteuse ou marginale peut ne requérir qu’une simple obligation d’informer, alors qu’une revendication plus solide peut faire naître des obligations plus contraignantes. »Note de bas de page 11 Bien que les tribunaux puissent se pencher sur les violations passées des droits des Autochtones, il est toujours préférable de procéder à une consultation adéquate avant l’approbation d’un projetNote de bas de page 12.
  5. La Cour suprême du Canada a fait remarquer que bien que les exigences précises de l’obligation de consulter puissent varier selon les circonstances, la consultation peut comporter la possibilité de présenter des observations aux fins d’examen, la participation officielle au processus décisionnel et la présentation des motifs pour montrer que les préoccupations des Autochtones ont été prises en compte et pour révéler l’incidence qu’elles ont eue sur la décisionNote de bas de page 13.
  6. Lorsque des organismes de réglementation indépendants doivent rendre une décision susceptible de porter atteinte à des droits ancestraux ou issus de traités, la décision réglementaire constituerait en soi une mesure de la Couronne emportant pour celle-ci une obligation de consulter et de décider en dernier ressort sur certaines questions, le tribunal administratif est tenu d’examiner si la consultation est adéquateNote de bas de page 14.
  7. En outre, l’honneur de la Couronne exige que celle-ci agisse honorablement en définissant les droits qu’elle garantit et en conciliant les droits des Autochtones avec d’autres droits et intérêts [Manitoba Metis Federation Inc. c. Canada (Procureur général) 2013 CSC 14, paragraphe 67], comme l’a indiqué la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse lorsqu’elle a conclu que la Couronne était tenue de consulter la Première Nation visée sur l’incidence potentielle des accords de financement de la CouronneNote de bas de page 15.

Déclenchement de l’obligation de consulter

  1. Dans le jugement Rio Tinto Alcan Inc. c. Conseil tribal Carrier Sekani 2010 CSC 43 (Rio Tinto), la Cour suprême du Canada a résumé le critère en trois parties utilisé pour déterminer les cas où une obligation de consulter est nécessaire :


    i) la Couronne a une connaissance, concrètement ou par imputation, d’un droit ancestral ou issu d’un traité invoqué ou établi;

    ii) la Couronne envisage une mesure;

    iii) la mesure envisagée par la Couronne peut avoir un effet préjudiciable sur un droit ancestral ou issu d’un traité invoqué ou établiNote de bas de page 16.

  2. Comme l’a fait remarquer la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, les termes « mesure de la Couronne » et « effets préjudiciables » doivent être interprétés au sens large afin d’atteindre l’objectif de conciliation de la Constitution. Elle a estimé que l’attribution d’un financement à un promoteur a déclenché l’obligation de consulter dans ce casNote de bas de page 17.

Application du critère de l’obligation de consulter à notre décision d’approuver le financement

i) Connaissance du droit ancestral invoqué à l’autonomie gouvernementale de NTI
  1. Comme il a été mentionné précédemment, NTI a fait une annonce publique concernant sa résolution prise dans le cadre de l’Assemblée générale annuelle indiquant que les Inuits du Nunavut étaient autonomes bien longtemps avant l’arrivée des Européens, et que bien qu’ils aient opté pour la création du gouvernement territorial public, ils n’ont jamais cédé leur droit inhérent à l’autonomie gouvernementale, comme il est reconnu, affirmé et protégé par les articles 25 et 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 du Canada.
  2. Les membres de NTI ont confirmé par résolution unanime leur souhait que les Inuits du Nunavut exercent leur droit à l’autonomie gouvernementale afin de permettre aux Inuits du Nunavut d’avoir un « pouvoir décisionnel et un contrôle directs » sur leurs propres affaires, et ils ont ordonné au conseil d’administration de NTI de superviser toutes les négociations entreprises avec le gouvernement du Canada concernant l’autonomie gouvernementale et d’en rendre compte. Il y a un manque de renseignements sur la nature ou le sens de ce droit au-delà de la résolution prise dans le cadre de l’Assemblée générale annuelle, puisque ni le CRTC ni le gouvernement du Nunavut n’a déployé d’efforts de consultation afin de comprendre le droit invoqué à l’autonomie gouvernementaleNote de bas de page 18 de NTI.
  3. Comme il est indiqué dans la résolution prise dans le cadre de l’Assemblée générale annuelle, le droit à l’autonomie gouvernementale a été invoqué par NTI, le signataire de l’Accord du Nunavut, et non par aucune des organisations qui, selon mes collègues, soutiennent la demande du gouvernement du Nunavut. Bien que je souligne l’importance de ces autres entités, aucun élément de preuve n’indique que NTI a délégué des négociations ou des actions en matière d’autonomie gouvernementale à l’une de ces entités.
ii) Envisager le versement de 272 millions de dollars en financement au gouvernement du Nunavut lorsque NTI soutient une demande de financement différente
  1. Tel que décrit ci-dessus, lorsque des organismes de réglementation indépendants ou des tribunaux, comme le CRTC, détiennent le pouvoir décisionnel final sur une question qui pourrait avoir une incidence sur des droits ancestraux invoqués ou issus de traités, le tribunal lui-même est obligé de déterminer si la consultation est adéquate.
  2. La décision à prendre consiste à accorder ou non un financement au gouvernement du Nunavut sur la base des éléments de preuve de consultation avec les titulaires de droits avant que la décision soit prise. J’ai déjà souligné que le titulaire de droits est NTI, et non pas les autres représentants inuits figurant au paragraphe 28 ou ailleurs dans la présente décision.
  3. Le gouvernement du Nunavut a confirmé avoir fourni des éléments de preuve d’une notification directe établissant les détails du projet à NTI, entre autres. Toutefois, il ne semble pas y avoir eu de mobilisation ou de consultation avec NTI au-delà d’une simple notification. Comme il a été mentionné précédemment, la Cour suprême du Canada a souligné que même si une revendication douteuse ou marginale peut ne requérir qu’une simple obligation d’informer, une revendication plus solide nécessitera des obligations plus contraignantes.
  4. De plus, une conduite de la Couronne susceptible de porter atteinte aux droits des Autochtones ne s’entend pas uniquement d’une décision qui a un effet immédiat sur des terres et des ressources, mais aussi d’une « décision stratégique prise en haut lieu qui est susceptible d’avoir un effet sur des revendications autochtones et des droits ancestrauxNote de bas de page 19 ».
  5. Sur la base des déclarations formulées par NTI dans sa résolution prise dans le cadre de l’Assemblée générale annuelle et de l’approche adoptée par le gouvernement du Canada à l’égard des droits des Autochtones et des droits à l’autonomie gouvernementaleNote de bas de page 20, je ne crois pas qu’une simple notification équivaut à une consultation adéquate avec NTI en ce qui concerne son droit invoqué à l’autonomie gouvernementale. L’engagement de la Couronne de fonder toutes ses relations avec les peuples autochtones sur la reconnaissance et la mise en œuvre de leur droit à l’autodétermination, y compris le droit à l’autonomie gouvernementale, indique que l’affirmation par NTI des droits à l’autonomie gouvernementale est une revendication crédible fondée sur les engagements existants de la Couronne qui déclenche l’obligation de tenir d’autres consultations sur la nature de ce droit et la manière dont ce droit peut être visé par la présente décisionNote de bas de page 21.
  6. Ce besoin de consulter est souligné par le fait que NTI a fourni tout son soutien à un projet différent détenu et dirigé par des Inuits qui n’est plus examiné en vertu du paragraphe 48 de la présente décision, ce qui confirme que le CRTC a terminé son examen et sa sélection de projets proposant de desservir le Nunavut dans le cadre du troisième appel de demandes. Dans le cadre de son soutien à l’égard de l’autre projet détenu et dirigé par des Inuits, NTI a mis en évidence l’importance de la propriété et du contrôle de l’infrastructure essentielle par les Inuits, notamment l’infrastructure de télécommunication, et a souligné les avantages économiques associés à un réseau détenu par des Inuits.
iii) Le versement du financement peut avoir un effet préjudiciable sur la revendication d’autonomie gouvernementale de NTI
  1. Comme il a été mentionné, le sens de l’obligation de consulter varie en fonction de la solidité de la revendication et de la gravité de l’effet sur le droit ancestral ou issu de traité sous-jacentNote de bas de page 22.
  2. J’ai abordé ci-dessus la solidité de la revendication d’autonomie gouvernementale de NTI. Cependant, je tiens à faire remarquer qu’il y a un sérieux manque de consultation dans ce dossier, que ce soit de notre part ou de la part du gouvernement du Nunavut, quant à ce qu’impliquent les droits à l’autonomie gouvernementale de NTI. Cela rappelle une décision dans le cadre de laquelle la Cour suprême de la Colombie-Britannique a conclu ce qui suit :


    Ne pas prendre du tout en compte la solidité de la revendication ou le degré de l’atteinte représente un manquement total de consultation selon les critères constitutionnellement nécessaires pour une consultation significative (...) Dans cette affaire, le gouvernement n’a pas mal interprété la gravité de la revendication ou l’effet de l’atteinte. Il ne les a pas du tout pris en compte. (je souligne)Note de bas de page 23 [Traduction]

  3. Cependant, dans sa résolution prise dans le cadre de l’Assemblée générale annuelle, NTI a affirmé que la prise de décision et le contrôle sont des aspects de l’autonomie gouvernementale, et il me semble que la décision d’accorder près de 300 millions de dollars au gouvernement du Nunavut sans l’avis de NTI sur son droit invoqué en matière de prise de décision et de contrôle de ses affaires prive nécessairement NTI de la possibilité de décider et de contrôler ses affaires ou d’être impliqué dans le processus de prise de décision dans une mesure quelconque avant que la présente décision ne soit priseNote de bas de page 24.
  4. L’analyse portant sur la façon dont le droit invoqué de NTI peut être visée par l’approbation du projet du gouvernement du Nunavut (et le refus du projet détenu et dirigé par des Inuits) est gravement entravée par l’absence totale de consultation ou de mobilisation (de la part du CRTC ou du gouvernement du Nunavut)Note de bas de page 25 auprès du titulaire de droits inuits.
  5. Bien que la majorité impose le soutien de NTI comme condition préalable à l’approbation de l’énoncé des travaux, je fais remarquer que la consultation aurait dû avoir lieu avant la décision de fournir un financement d’un montant sans précédent. Nous constatons les avantages d’une consultation précoce dans le cadre de notre politique réglementaire de télécom 2018-377, qui énonce la consultation auprès de la collectivité à titre de critère d’admissibilité avant qu’un projet puisse être considéré :


    219.     Les consultations entre les demandeurs et les collectivités contribuent à la planification efficiente et à la mise en œuvre réussie des projets. Ces consultations permettent d’établir une voie de communication entre la collectivité et le demandeur, et fournissent aux demandeurs l’occasion de mieux comprendre les besoins de la collectivité visée. Elles peuvent faciliter les activités de planification des projets (p. ex. informer les demandeurs des droits des Autochtones, droits ancestraux, établis ou invoqués, ou des droits issus de traités, susceptibles d’être touchés par le projet proposé [...]) et aider à cibler les enjeux ou défis potentiels. Elles offrent également aux demandeurs l’occasion de s’informer des projets proposés concurrents ou complémentaires, et de s’assurer que leur plan d’affaires est le plus exact possible.

    220.     De même, les consultations permettent aux collectivités de faire part de leurs besoins au demandeur et de participer aux projets proposés, financièrement ou en nature. (je souligne)

  6. Nous avons clairement reconnu les avantages d’une consultation précoce avant l’approbation d’un projet, ce qui implique d’informer les demandeurs des droits ancestraux invoqués susceptibles d’être visés par le projet proposé. Toutefois, nous reconnaissons également que la consultation préalable au dépôt d’une demande permet à la collectivité visée de participer financièrement ou en nature. Encore une fois, NTI a souligné l’importance de la propriété d’infrastructures de télécommunication par des Inuits comme moyen pour créer d’autres possibilités économiques, ce qui correspond exactement à l’avantage que nous avons décrit dans notre critère d’admissibilité mentionné ci-dessus.
  7. Permettre à un promoteur de consulter un titulaire de droits après l’approbation du financement peut avoir une incidence négative sur la capacité d’un titulaire de droits autochtones à participer financièrement au projet. Une consultation préalable à une approbation conditionnelle pourrait permettre aux titulaires de droits et aux promoteurs de projets de conclure plus facilement des ententes de participation économique, et une approbation conditionnelle peut faire pencher les négociations en faveur du promoteur en suscitant des attentes de la part du public quant à la réalisation d’un projet, ce qui peut exercer des pressions sur le titulaire de droits autochtones pour qu’il accepte moins que ce qu’il aurait autrement obtenu.
  8. Même si le critère en matière de mobilisation a été appliqué aux collectivités visées en général, et pas spécifiquement aux communautés autochtones, sur la base de leurs droits protégés par la Constitution (et les droits en vertu de la Déclaration des Nations Unies, que j’étudierai ensuite), les communautés autochtones devraient bénéficier au moins du même traitement que toute autre collectivité ayant droit à une consultation afin qu’un projet soit considéré admissible à un financement.
  9. Bien que le droit ancestral à l’autonomie gouvernementale n’ait pas encore été défini par la Cour suprême du Canada, il s’agit d’une question réelle et le droit a récemment été reconnu par des tribunaux inférieursNote de bas de page 26. De plus, il s’agit d’un droit ayant abondamment été confirmé par le gouvernement du Canada (dans les Principes et dans la Loi sur la Déclaration des Nations Unies, par exemple).
  10. Encore une fois, la Cour suprême du Canada a souligné que le sens de l’obligation varie en fonction de la solidité de la revendication autochtone et de la gravité de l’effet potentiel sur le droit invoqué, et peut inclure une participation officielle au processus décisionnelNote de bas de page 27 ou une aide financière pour participer au processus décisionnel proprement ditNote de bas de page 28. Toutefois, ni le CRTC ni NTI n’ont fourni des éléments de preuve de consultation avec NTI concernant la portée et la nature du droit invoqué à l’autonomie gouvernementale (ou de tout autre droit invoqué) et la façon dont ce droit (ou ces droits) peut être visé par la décision d’accorder près de 300 millions de dollars à une entité non inuite, en dépit de la reconnaissance par NTI de l’importance de la propriété et du contrôle des infrastructures de télécommunication par des Inuits. Compte tenu du montant d’argent en cause dans la présente décision et des éléments de preuve du soutien au projet détenu et dirigé par des Inuits, je soupçonne que les exigences en matière d’obligation de consulter sont assez élevées, ou du moins qu’elles existent, ce qui n’a pas été reconnu dans la présente décision.
  11. En outre, la présente décision n’aborde pas la question qui consiste à savoir si une analyse de la consultation a été effectuée concernant la revendication de NTI ou s’il existe une obligation de consulter en lien avec la décision d’accorder un financement. Toutefois, selon le cadre établi dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov 2019 CSC 65, au paragraphe 77, si l’analyse a été conclue, elle aurait dû être incluse dans les motifs de la décision, de sorte que NTI puisse comprendre correctement la position adoptée par le CRTC.
  12. Encore une fois, le fait de s’appuyer sur les processus de consultation prévus dans l’Accord du Nunavut pour s’acquitter de toute obligation de consulter, comme la majorité semble le faire aux paragraphes 31 à 33 de la présente décision, n’est pas approprié, puisque le droit à l’autonomie gouvernementale a été invoqué par NTI et que rien n’indique qu’une autre organisation se soit vu déléguer le pouvoir de gérer les questions relatives à l’autonomie gouvernementale. Plus important encore, NTI affirme que son droit inhérent à l’autonomie gouvernementale n’a pas été cédé par l’Accord du Nunavut, donc on ne sait pas exactement si les dispositions de l’Accord du Nunavut traitent adéquatement de la revendication de NTI.
  13. Je conclus donc que l’approbation de la demande du gouvernement du Nunavut avant la consultation de NTI est susceptible d’avoir une incidence négative sur la revendication d’autonomie gouvernementale de NTI, et que NTI a été privé de la possibilité de participer au projet financièrement ou en nature avant l’approbation de celui-ci, ce qui contrevient à l’article 35 de la Constitution et à notre propre politique sur le Fonds pour la large bande énoncée dans la politique réglementaire de télécom 2018-377.

Déclaration des Nations Unies non prise en considération

  1. Le problème le plus urgent concernant la présente décision est le fait que mes collègues n’ont pas pris en compte comme il se doit les droits et obligations découlant de la Déclaration des Nations Unies.

Déclaration des Nations Unies

  1. La Déclaration des Nations Unies est un document comptant 24 paragraphes de préambule et 46 articles abordant pratiquement tous les aspects de la vie des Autochtones. Comme le souligne Brenda Gunn, la déclaration commence par affirmer sans équivoque que les Autochtones ont droit à l’égalité et à la non-discrimination, à tous les droits de la personne et à toutes les libertés fondamentales en vertu du droit internationalNote de bas de page 29.
  2. Brenda Gunn explique que la Déclaration des Nations Unies est nécessaire en partie parce que les régimes généraux existants qui régissent les droits de la personne n’assurent pas une protection adéquate des droits des AutochtonesNote de bas de page 30.
  3. La Déclaration des Nations Unies ne crée pas de nouveaux droits, mais explique les droits existants qui sont inscrits dans divers traités et instruments internationauxNote de bas de page 31. Brenda Gunn fait remarquer ceci :


    Bien qu’une déclaration ne crée pas en soi d’obligations juridiques contraignantes et directement exécutoires pour un État, « le droit souple ne peut pas être simplement rejeté comme s’il n’était pas un droit » (citation omise). Selon les Nations Unies, une « "déclaration" est un instrument solennel auquel on ne recourt que dans de très rares cas concernant des questions d’importance majeure et durable, où l’on s’attend à ce que ladite déclaration soit respectée au maximumNote de bas de page 32 » [Traduction].

  4. La Déclaration des Nations Unies a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2007; 11 pays se sont abstenus de voter, 144 pays ont voté en faveur de son adoption, et 4 pays ont voté contre son adoption, soit le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis. Tel que mentionné, le Canada soutient désormais pleinement la Déclaration des Nations Unies et a adopté la Loi sur la Déclaration des Nations Unies, sanctionnée le 21 juin 2021.
  5. Bien que la Cour suprême du Canada ait récemment confirmé que la Déclaration des Nations Unies a été incorporée dans le droit positif du pays par la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtonesNote de bas de page 33, de nombreux juristes internationaux et autochtones notent que la Déclaration des Nations Unies a un effet juridique au Canada, même en l’absence d’action législative, en vertu du droit international coutumierNote de bas de page 34.
  6. Brenda Gunn fait remarquer que le Comité des droits des peuples autochtones de l’Association de droit international, une association d’experts universitaires de premier plan en matière de droit international, a procédé à un examen pour déterminer si certains aspects de la Déclaration des Nations Unies avaient atteint le statut de droit international coutumier, concluant que :


    même si l’on ne peut soutenir que la Déclaration des Nations Unies dans son ensemble peut être considérée (…) comme du droit international coutumier, certaines de ses dispositions principales peuvent être raisonnablement considérées comme correspondant à des principes établis du droit international général, ce qui suppose l’existence d’obligations internationales équivalentes et parallèles auxquelles les États sont tenus de se conformer.Note de bas de page 35 [Traduction]

  7. Le Comité a conclu que les dispositions suivantes reflètent le droit international coutumier :


    Les peuples autochtones ont le droit à l’autodétermination, qui leur garantit le droit de décider, sur le territoire de l’État dans lequel ils vivent, de leur avenir; ils ont le droit à l’autonomie gouvernementale (…) Ils ont le droit à la reconnaissance et à la préservation de leur identité culturelle (…)Note de bas de page 36 [Traduction]

  8. Brenda Gunn confirme l’application directe du droit international coutumier :


    Les tribunaux canadiens ont généralement adoptée une approche suivant le droit international coutumier, à condition qu’il n’y ait pas de conflit explicite avec le droit canadien. Le juge Lebel a récemment confirmé cette position dans le jugement R. c. Hape. La forte déclaration initiale du juge Lebel selon laquelle le droit international coutumier s’applique automatiquement au droit canadien a été quelque peu nuancée en rendant l’application permissive et non obligatoire : « Si la dérogation n’est pas expresse, le tribunal peut alors tenir compte des règles prohibitives du droit international coutumier pour interpréter le droit canadien et élaborer le droit commun » (citations omises)Note de bas de page 37. [Traduction]

  9. En outre, comme l’a indiqué Naiomi Metallic : « depuis la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Baker c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), il est bien établi que les acteurs gouvernementaux doivent s’acquitter de leurs obligations tout en tenant compte des obligations du Canada en matière de droit international. »Note de bas de page 38 [Traduction]

Lacunes en matière d’application de la Déclaration des Nations Unies dans la présente décision

  1. Au paragraphe 45 de la présente décision, la majorité indique simplement qu’elle « cadre avec les priorités établies dans le Plan d’action [Loi sur la Déclaration des Nations Unies] », mais ne tient pas compte des droits et obligations qui découlent de la Déclaration des Nations Unies elle-même.
  2. Les articles suivants de la Déclaration des Nations Unies sont particulièrement pertinents pour le cas en question :


    Article 5

    Les peuples autochtones ont le droit de maintenir et de renforcer leurs institutions politiques, juridiques, économiques, sociales et culturelles distinctes, tout en conservant le droit, si tel est leur choix, de participer pleinement à la vie politique, économique, sociale et culturelle de l’État.

    Article 18

    Les peuples autochtones ont le droit de participer à la prise de décisions sur des questions qui peuvent concerner leurs droits, par l’intermédiaire de représentants qu’ils ont eux-mêmes choisis conformément à leurs propres procédures, ainsi que le droit de conserver et de développer leurs propres institutions décisionnelles.

    Article 19

    Les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés — par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives — avant d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

    Article 20

    1. Les peuples autochtones ont le droit de maintenir et de développer leurs systèmes ou institutions politiques, économiques et sociaux, de disposer en toute sécurité de leurs propres moyens de subsistance et de développement et de se livrer librement à toutes leurs activités économiques, traditionnelles et autres.

    Article 21

    1. Les peuples autochtones ont droit, sans discrimination d’aucune sorte, à l’amélioration de leur situation économique et sociale, notamment dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, de la formation et de la reconversion professionnelles, du logement, de l’assainissement, de la santé et de la sécurité sociale.

    Article 42

    L’Organisation des Nations Unies, ses organes, en particulier l’Instance permanente sur les questions autochtones, les institutions spécialisées, notamment au niveau des pays, et les États favorisent le respect et la pleine application des dispositions de la présente Déclaration et veillent à en assurer l’efficacité.

  3. Les articles 5, 20.1 et 21.1 énoncent que les peuples autochtones ont droit à l’amélioration de leur situation économique et ont le droit de participer à la vie économique de l’État. Il semble que NTI souhaite exercer ces droits grâce à la propriété d’infrastructures majeures par les Inuits, y compris dans le domaine des télécommunications. Comme il a été mentionné ci-dessus, NTI aurait pu être en meilleure position de négociation si une consultation avec le titulaire de droits avait été requise avant l’approbation conditionnelle du projet visé qui n’est pas détenu par des Inuits.
  4. Les articles 18 et 19 soulignent davantage le droit de NTI de participer à la prise de décisions sur des questions portant sur les mesures administratives qui concernent cette organisation. Comme l’a fait remarquer Risa Schwartz, « [l]e droit selon lequel les peuples autochtones peuvent participer à la prise de décisions [...] est un principe établi du droit international des droits de la personne. »Note de bas de page 39 [Traduction]
  5. Brenda Gunn fait remarquer que « le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause » va au-delà de l’obligation de consulter avant de prendre une décision, mais qu’il nécessite la participation des peuples autochtones aux processus décisionnels pour en assurer l’efficacité.Note de bas de page 40 [Traduction] Je souligne également que cette obligation va au-delà de l’obligation de consulter sur des questions qui peuvent avoir un effet préjudiciable sur les droits des Autochtones, en imposant l’obligation sur des questions qui peuvent avoir un effet sur eux, sans l’exigence selon laquelle la conduite va à l’encontre des peuples autochtones ou de leurs intérêts.
  6. Comme il est indiqué dans l’article 42, les États et leurs institutions spécialisées ont la responsabilité de favoriser le respect et la pleine application des dispositions de la Déclaration des Nations Unies. Bien que le Canada ait décidé d’entreprendre sa mise en œuvre et sa pleine application grâce à l’adoption de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies et à l’élaboration du Plan d’action de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies, comme l’ont fait remarquer les universitaires autochtones, les droits existent, peu importe l’action législative. Comme le fait remarquer Brenda Gunn, « l’objectif est de s’assurer que lorsque la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies a lieu après l’adoption de la législation, les normes internationales sont maintenues. »Note de bas de page 41 [Traduction]
  7. De plus, selon la Loi sur la Déclaration des Nations Unies, le gouvernement du Canada, en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones, prend toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la Déclaration des Nations Unies (article 5). Compte tenu de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies, le CRTC est tenu, à tout le moins, d’interpréter les lois qu’il applique, y compris la Loi sur les télécommunications, et d’exercer ses pouvoirs en vertu de ces lois de façon conforme à la Déclaration des Nations Unies.
  8. Selon les principes de la Déclaration des Nations Unies, j’estime que la participation de NTI à notre processus aurait donné vie aux obligations qui incombent aux États ainsi qu’aux organismes et aux acteurs étatiques en vertu de la Déclaration des Nations Unies. En outre, l’approche adoptée par la majorité ne permet pas de maintenir les normes énoncées dans la Déclaration des Nations Unies et la Loi sur la Déclaration des Nations Unies, surtout en ce qui concerne la participation au processus décisionnel.

Réconciliation économique

  1. Dans la décision AltaLink Management Ltd. c. Alberta (Utilities Commission) 2021 ABCA 342, au paragraphe 59, la Cour d’appel de l’Alberta a soutenu qu’il faut encourager les projets qui augmentent la probabilité d’une activité économique dans une réserve, car ils présentent un intérêt public. La Cour a ajouté que « [n]ous devrions soutenir les collectivités autochtones qui veulent participer aux activités commerciales générales » et elle a énuméré les nombreux avantages liés à la participation des communautés autochtones aux activités commerciales.


    Dans une opinion concordante, le juge Feehan a fourni directement ses points de vue sur la réconciliation :

    b)       La réconciliation sert l’intérêt public

    [117]      Si la réconciliation est un objectif essentiel de l’article 35, elle sert également l’intérêt public en général et s’applique aussi aux situations ayant des incidences sur les peuples autochtones en dehors du cadre constitutionnel. Aux paragraphes 56 et 58 de Restoule c. Canada (Attorney General)2018 ONSC 114, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a affirmé que les entités gouvernementales autorisées doivent toujours tenir compte de la réconciliation en examinant l’intérêt public : [TRADUCTION] « […] la réconciliation avec nos peuples autochtones présente un intérêt public vaste et profond ».

    [118]      Tout examen des objectifs publics ou de l’intérêt public doit « poursuivre l’objectif de conciliation, compte tenu des intérêts autochtones et de l’objectif général du public » : Nation Tsilhqot’in, par. 82. La réconciliation exige la justification de toute atteinte à des droits ancestraux ou de tout déni de ceux-ci (voir par. 119, 125 et 139), et une prise en compte réelle des droits des collectifs autochtones dans le cadre de l’intérêt public.

    [119]      Comme notre Cour l’a déclaré dans l’arrêt Fort McKay, la directive donnée à toutes les entités gouvernementales autorisées de favoriser la réconciliation exige expressément que ces entités tiennent compte de ce principe constitutionnel quand elles examinent l’intérêt public (par. 68) et que la Couronne agisse honorablement quand elle facilite la réconciliation, par exemple [TRADUCTION] « en favorisant la négociation et le règlement juste » des revendications autochtones : Première nation crie Mikisew, par. 26; Fort McKay, par. 81.

    [120]      L’objectif consistant à atteindre la réconciliation est une obligation continue qui existe indépendamment de l’honneur de la Couronne. Un aspect important de la réconciliation est la tentative d’atteindre l’équilibre et le compromis, ce qui est essentiel dans l’examen de l’intérêt public. Il faut tenir compte de la réconciliation chaque fois que la Couronne ou une entité gouvernementale qui exerce un pouvoir délégué envisage de prendre une décision susceptible d’avoir des incidences sur les droits des peuples autochtones.

    [121]      Un tribunal administratif investi d’un vaste mandat d’intérêt public, comme c’est le cas de la Commission, doit traiter la réconciliation comme un concept social visant à reconstruire la relation entre les peuples autochtones et la Couronne en tenant compte des préoccupations et des intérêts des collectifs autochtones. Cela passe notamment par la prise en considération des intérêts des peuples autochtones à participer librement à l’économie et à obtenir des ressources suffisantes pour exercer avec succès leur autonomie gouvernementale. (je souligne)

  2. Bien que l’affaire ne soit pas contraignante pour nous, j’estime qu’elle a une valeur informative pour notre Conseil qui, comme dans le cas de la Utilities Commission de l’Alberta, réglemente au nom de l’intérêt public. Bien que la majorité dans la présente décision affirme que l’approbation du projet qui n’est pas détenu par des Inuits est conforme à l’engagement du CRTC à faire progresser la réconciliation avec les peuples autochtones, aucun élément de preuve n’indique que l’on s’est penché sur les intérêts économiques mis en évidence par le titulaire de droits inuits du Nunavut.
  3. Étant donné que la propriété d’infrastructures majeures de télécommunication par des Inuits a été soulignée par NTI, je ne peux accepter l’idée selon laquelle l’approbation conditionnelle de ce projet qui n’est pas détenu par des Inuits est conforme à la réconciliation ou à la réconciliation économique, ces intérêts et préoccupations ayant été exprimés par le titulaire de droits. Le fait de prendre en considération les points de vue du titulaire de droits sur la réconciliation économique, plutôt que de superposer les nôtres, correspond aux engagements de la Couronne à reconnaître les droits des Autochtones et leur droit à l’autodétermination, ce qui comprend le droit à l’autonomie gouvernementale.

Conclusion

  1. J’aurais exigé une consultation avec NTI de notre part ou de la part du gouvernement du Nunavut avant de rendre la décision d’approuver le projet du gouvernement du Nunavut, puisqu’il s’agit clairement de l’approche la plus conforme aux droits des Inuits du Nunavut en vertu de la Constitution et de la Déclaration des Nations Unies, et qui est le plus susceptible de faire progresser la réconciliation économique selon la propre description de NTI. Par ailleurs, j’aurais plutôt réfléchi davantage à la possibilité d’accorder l’approbation conditionnelle de la demande de l’entité détenue par des Inuits et soutenue par NTI, avec des conditions particulières à respecter, au besoin.
  2. Je m’assurerais aussi d’indiquer à mes collègues que, même si le CRTC a pris des mesures pour faire progresser la réconciliation à l’égard de sujets ou d’enjeux précisNote de bas de page 42, l’obligation de consulter existe dans le cadre de toutes les décisions prises par le CRTC, et que nous ne pouvons pas nous fier aux processus propres aux Autochtones pour remplir nos engagements à faire progresser la réconciliation et nos obligations juridiques.
  3. Je souligne respectueusement que les sommaires de nos décisions présentent un aperçu utile aux lecteurs quant au contenu de nos décisions, et nous avons précédemment reconnu dans nos sommaires de décisions toute opinion minoritaire formuléeNote de bas de page 43, qui selon moi est l’approche la plus collégiale pour reconnaître les points de vue de l’ensemble des conseillers. Il s’agit également d’une pratique normalisée suivie par les tribunaux dans le cas de décisions qui ne font pas l’unanimitéNote de bas de page 44.
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