Décision de télécom CRTC 2024-141

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Référence : Demande de la Partie 1 affichée le 10 octobre 2023

Ottawa, le 27 juin 2024

Dossier public : 8622-J64-202305771

Iristel Inc. – Demande de redressement à l’encontre de Bell Canada et de Norouestel Inc. concernant des avis de débranchement de services de télécommunication

Sommaire

En septembre 2023, Iristel Inc. (Iristel) a reçu des avis de débranchement de la part de Bell Canada et de Norouestel Inc. (Norouestel) déclarant qu’Iristel n’avait pas payé certains des services qu’elle recevait. Le 3 octobre 2023, le Conseil a reçu une demande d’Iristel déclarant qu’elle avait deux réclamations en dommages-intérêts contre Bell Canada et Norouestel devant les tribunaux et qu’elle n’avait pas effectué certains paiements à ces entreprises en indemnisation des dommages qu’elle demandait.

Iristel a demandé au Conseil d’ordonner à Bell Canada et à Norouestel de retirer les avis de débranchement jusqu’à ce que les tribunaux se prononcent sur la question dont ils sont saisis ou jusqu’à ce que le Conseil enquête sur certaines actions de Bell Canada et de ses affiliées.

Le Conseil conclut qu’Iristel n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve à l’appui de ses demandes. Par conséquent, le Conseil refuse la demande d’Iristel.

Le Conseil détermine qu’Iristel devrait soit payer les montants en souffrance, soit négocier des programmes de paiements différés avec Bell Canada et Norouestel afin d’éviter le débranchement. Toutefois, si Iristel ne paie pas ou ne négocie pas, le Conseil ordonne à Bell Canada et à Norouestel de donner un préavis suffisant à Iristel et aux fournisseurs de services de télécommunication (FST) qui utilisent ses services concernant tout débranchement prévu. De cette manière, les FST peuvent à leur tour fournir un préavis suffisant à leurs propres clients. Une copie de cet avis de la part d’Iristel ou de tout FST concerné qui utilise ses services doit aussi être fournie au Conseil. Cela aidera le Conseil à prendre des mesures pour limiter au minimum l’incidence sur la population canadienne.

En ce qui concerne les allégations d’Iristel concernant des violations de tarifs, le Conseil rappelle aux FST que, bien qu’ils soient autorisés à négocier des ententes hors tarif, ils doivent offrir des services selon les modalités approuvées dans leurs tarifs lorsqu’une autre partie en fait la demande. Dans le cas contraire, le Conseil pourrait estimer qu’ils ne respectent pas leurs tarifs et la Loi sur les télécommunications. Le Conseil pourrait prendre des mesures d’exécution de la loi s’il existe suffisamment d’éléments prouvant une non-conformité.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande d’Iristel Inc. (Iristel), datée du 3 octobre 2023, concernant des avis de débranchement qu’elle a reçus de Bell Canada et de Norouestel Inc. (Norouestel) en raison du non-paiement de certains services.
  2. Tout d’abord, Iristel a demandé un redressement provisoire, ou temporaire, afin de garantir qu’aucun débranchement ne se produise jusqu’à ce que le Conseil ait statué sur sa demande. Les parties étant parvenues à une entente temporaire au sujet de cette question au moyen d’une médiation assistée par le personnel du Conseil, éliminant le risque d’un débranchement imminent pour les utilisateurs finals, cette demande n’est pas abordée dans la présente décision.
  3. En guise de redressement définitif, Iristel a demandé au Conseil d’ordonner à Bell Canada et à Norouestel de retirer les avis de débranchement jusqu’à ce que les tribunaux se prononcent sur les réclamations en dommages-intérêts présentées par Iristel à l’encontre des deux entreprises. Iristel a argué que les avis ont été envoyés en réponse à ces instances judiciaires civiles. Iristel a confirmé qu’elle avait cessé d’effectuer certains paiements à titre d’indemnisation pour les dommages qu’elle réclame devant les tribunaux.
  4. Iristel a aussi demandé au Conseil d’enquêter à l’égard de certaines actions de Bell Canada et de Norouestel. Si le Conseil décide qu’il ne peut pas accorder un redressement sur la base de questions portées devant les tribunaux, Iristel a demandé qu’il ordonne aux entreprises de retirer leurs avis de débranchement jusqu’à ce que cette enquête soit terminée.
  5. Plus précisément, Iristel a demandé au Conseil de nommer un enquêteur, conformément au paragraphe 70(1) de la Loi sur les télécommunications (Loi), pour enquêter sur certaines actions de Bell Canada et de ses affiliées qui, selon Iristel, pourraient constituer des violations de la Loi. Il s’agit notamment du non-respect présumé des tarifs, de la tarification du réseau de transport de Bell Canada ainsi que d’autres pratiques de facturation.
  6. Le Conseil a reçu des interventions d’un particulier, de Bell Canada et de Norouestel concernant la demande d’Iristel.

Contexte

Régime d’interconnexion locale

  1. Dans la décision de télécom 97-8, le Conseil a établi des règles pour permettre aux Canadiennes et aux Canadiens de communiquer efficacement entre eux, que ce soit par un appel local ou interurbain, et peu importe leur fournisseur de services. Ces règles sont connues sous le nom de régime d’interconnexion locale. Le régime était basé sur l’interconnexion à l’intérieur de zones appelées circonscriptions. Le Conseil a déterminé que chaque fournisseur de services dans une circonscription doit établir un point d’interconnexion (PI) dans cette zone afin de s’interconnecter aux autres fournisseurs de services exerçant leurs activités dans la même circonscription.
  2. Dans la décision de télécom 2004-46, ce régime a été amélioré en combinant plusieurs circonscriptions pour former des régions d’interconnexion locale (RIL) plus vastes. Cela a permis une interconnexion plus efficace et à moindre coût pour les fournisseurs de services concurrentiels, puisqu’ils pouvaient desservir des clients n’importe où dans une région plus vaste au moyen d’un seul PI avec d’autres réseaux.

Interconnexion d’Iristel avec Bell Canada et litige en découlant

  1. En 2015, Iristel a demandé l’interconnexion à Bell Canada pour la RIL de Kuujjuaq, dans le nord du Québec. Bell Canada a fourni l’accès à la RIL de Kuujjuaq sur la base d’une interconnexion basée sur la circonscription, comme convenu dans une entente hors tarif entre les partiesNote de bas de page 1. Cette entente ne permet pas à Iristel d’utiliser l’interconnexion pour offrir des services de gros. Dans sa demande, Iristel a indiqué que, pour éviter des retards dans la fourniture de ses services dans le nord du Québec, elle a accepté une entente provisoire selon laquelle l’entreprise s’interconnecterait à Kuujjuaq dans le cadre du régime fondé sur la circonscription, plutôt que dans le cadre du régime de la RIL plus large introduit dans la décision de télécom 2004-46.
  2. Iristel a argué que les actions de Bell Canada ont retardé le déploiement de son réseau sans fil dans le nord du Québec et lui ont causé un préjudice économique en raison de la perte de clients et de revenus des services d’itinérance. Iristel a également allégué que Bell Canada a cessé de lui verser des paiements relatifs à l’interconnexion des numéros locauxNote de bas de page 2.
  3. Le 27 juillet 2023, Iristel a déposé une plainte auprès de la Cour supérieure du Québec à l’endroit de Bell Canada en raison de dommages-intérêts. Les dommages concernent i) la perte de revenus provenant des services d’itinérance et des services de télécommunication sans fil de gros, compte tenu des modalités de l’entente hors tarif qui empêchait le transit du trafic des services de gros d’Iristel; et ii) les frais de retard de paiement payés par Iristel.
  4. En guise d’indemnisation, Iristel a affirmé qu’elle retenait les paiements relatifs aux services de Bell Canada.
  5. Le 21 septembre 2023, Bell Canada a avisé Iristel que tous les services qu’elle lui offrait seraient débranchés dans les 30 jours, car Iristel n’avait pas effectué de paiements.

Interconnexion d’Iristel avec Norouestel et conflit en découlant

  1. Le litige entre Iristel et Norouestel découlait d’une modification de l’emplacement d’un PI. Le 10 octobre 2019, Norouestel a informé Iristel qu’elle allait migrer son PI des Territoires du Nord-Ouest vers Toronto (Ontario).
  2. Iristel a affirmé que, le 22 juillet 2020, elle a demandé à Norouestel de lui fournir un PI de signalisation dans sa zone de service (Whitehorse [Yukon] et Yellowknife [Territoires du Nord-Ouest]). Selon Iristel, le tarif d’interconnexion des réseaux locaux de Norouestel exigeait cela. Iristel a indiqué que Norouestel l’avait informée que le PI de signalisation n’était disponible que par l’intermédiaire de son affiliée Bell Canada à Toronto, et que ceci constituait une violation du tarif. Iristel a indiqué qu’elle avait besoin d’un PI de signalisation situé sur le territoire d’exploitation de Norouestel afin que ses clients puissent appeler les clients de Norouestel dans le Grand Nord si les communications sont coupées du reste du Canada lors d’une panne de service.
  3. Par conséquent, Iristel a argué qu’elle avait subi des dommages économiques et des atteintes à sa réputation. Iristel a commencé à retenir certains paiements à Norouestel en 2022, en indemnisation de ces prétendus dommages économiques.
  4. Norouestel a commencé à fournir à Iristel des PI de signalisation locale à Whitehorse et à Yellowknife en juillet 2023.
  5. Iristel a déposé une réclamation en dommages-intérêts auprès de la Cour suprême du Yukon à l’endroit de Norouestel le 18 juillet 2023, puis une autre demande auprès de la Cour supérieure du Québec à l’endroit de Bell Canada le 27 juillet 2023.
  6. Le 22 septembre 2023, Norouestel a avisé Iristel que tous les services qu’elle lui offrait seraient débranchés dans les 30 jours parce qu’Iristel n’avait pas effectué de paiements.

Questions

  1. Le Conseil a déterminé qu’il devrait examiner les questions suivantes dans la présente décision :
    • Le Conseil devrait-il nommer un enquêteur pour enquêter à l’égard de certaines actions de Bell Canada et de ses affiliées?
    • Le Conseil devrait-il ordonner à Bell Canada et à Norouestel de retirer leurs avis de débranchement?

Le Conseil devrait-il nommer un enquêteur pour enquêter à l’égard de certaines actions de Bell Canada et de ses affiliées?

Allégations concernant le non-respect des tarifs
  1. Iristel a formulé trois allégations concernant des violations de tarif. Premièrement, Iristel a allégué que, bien qu’elle ait conclu, avec Bell Canada, une entente provisoire hors tarif en vertu de laquelle Iristel a convenu que l’interconnexion dans le nord du Québec (Kuujjuaq) se ferait à un endroit différent de celui précisé dans le tarif, Bell Canada n’avait en fin de compte pas l’intention de modifier le PI. Iristel a ajouté que l’entente hors tarif restreint les services sans fil de gros, ce qui limite sa capacité à fournir de la capacité à son affiliée, Ice Wireless, un important fournisseur de services sans fil dans le nord du Québec.
  2. Deuxièmement, Iristel a allégué que Norouestel avait déplacé son PI de signalisation de Whitehorse à Toronto en violation du tarif. Iristel a ajouté qu’en cas de panne, le fait d’avoir un PI en dehors des territoires pourrait limiter la capacité des résidents à passer des appels téléphoniques locaux, ce qui pourrait entraîner des enjeux en matière de sécurité publique.
  3. Troisièmement, Iristel a argué que Bell MTS Inc. (Bell MTS) avait violé son tarif en forçant d’autres fournisseurs de services à payer des frais de transport pour s’interconnecter à son PI de signalisation de Winnipeg, et que ces frais ne figurent pas dans ses tarifs.
  4. Bell Canada et Norouestel ont fait remarquer que l’entente hors tarif est en place depuis sept ans sous la forme de trois ententes distinctes et qu’elle a été conclue de manière volontaire. Elles ont indiqué qu’en tout état de cause, elles avaient demandé au Conseil de combiner les RIL de Trois-Rivières et de Kuujjuaq afin d’offrir un accès amélioré aux collectivités de la région de Kuujjuaq. En outre, elles ont indiqué que la question de la migration des PI de Norouestel avait déjà été résolue. Au vu des modifications tarifaires approuvées dans l’ordonnance de télécom 2023-132, des PI de signalisation pour l’interconnexion entre les réseaux de Norouestel et d’Iristel sont disponibles à Whitehorse depuis le 8 mai 2023, conjointement avec le PI déjà en place à Toronto entre Iristel et Bell Canada.
  5. Bell Canada et Norouestel ont fait valoir qu’elles n’ont pas violé leurs tarifs, mais qu’en retenant les paiements, Iristel n’a pas rempli ses obligations contenues dans les tarifs applicables et dans les ententes qu’elle a signées à la fois avec Bell Canada et NorouestelNote de bas de page 3.
  6. Bell Canada a ajouté qu’Iristel avait reconnu qu’elle n’avait pas subi de préjudice en payant les frais de transport de Bell MTS pour s’interconnecter au PI de signalisation de Winnipeg. Par conséquent, Bell Canada a argué que cette allégation n’a aucune incidence sur la cessation de paiement d’Iristel ou encore sur le différend actuel.
  7. Iristel a utilisé les mêmes allégations pour arguer que Bell Canada, Bell MTS et Norouestel l’ont soumise à une discrimination injuste et ont violé la Loi, étant donné que le non-respect d’un tarif constitue une violation du paragraphe 25(1) de la LoiNote de bas de page 4.
Autres allégations
  1. Iristel a argué que la menace de débranchement a entraîné une discrimination injuste à son égard.
  2. De plus, Iristel a fait remarquer :
    • que les actions de Bell Canada ont retardé le déploiement du réseau sans fil d’Iristel dans le nord du Québec;
    • qu’Iristel a dû allouer des ressources techniques pour s’interconnecter avec Bell Canada à Montréal et à Toronto après que Bell MTS a refusé sa demande de PI de signalisation à Winnipeg;
    • que Bell Canada n’a pas commandé de circuits sans frais unidirectionnels à Iristel de 2021 à août 2023, ce qui a empêché Iristel de facturer le trafic sans frais à Bell Canada;
    • que Bell Canada a facturé à Iristel le trafic de signalisation vers Norouestel, même si Bell Canada fournit la signalisation à Norouestel par l’intermédiaire des points de transfert sémaphore de Bell Canada à Toronto.
  3. Iristel a également allégué les actions suivantes de Norouestel :
    • certaines demandes d’enquête portant sur des problèmes techniques restent sans réponse;
    • les demandes de crédits en raison de pannes ne reçoivent pas de réponse;
    • les demandes de modification de service ne sont pas traitéesNote de bas de page 5.
Analyse du Conseil
Allégations concernant le non-respect des tarifs
  1. Le Conseil avait déjà indiqué que le fait d’autoriser les ententes hors tarif donne aux fournisseurs de services de télécommunication (FST) une plus grande flexibilité dans la conclusion d’ententes de fourniture.
  2. Toutefois, comme tout FST, Iristel a le droit de bénéficier, sur demande, de services de gros dans le cadre de modalités tarifaires approuvées.
  3. En ce qui concerne l’allégation d’Iristel selon laquelle Bell Canada n’avait pas l’intention de modifier le PI, Iristel n’a fourni aucun élément de preuve à cet effet ou qu’elle avait demandé à recevoir des services en vertu des tarifs de Bell Canada et de Norouestel, qu’une telle demande a été refusée par Bell Canada ou Norouestel, ou qu’il y a eu une tentative d’approcher le Conseil en ce qui concerne les différends avant que la présente demande soit déposée. En outre, le fait que i) les ententes hors tarif sont en place depuis 2015, incluant deux renouvellements de l’entente initiale; et ii) qu’Iristel s’est adressée au Conseil huit ans plus tard pour cette question ne suggère pas que le PI ait été un enjeu important pour Iristel.
  4. Dans l’ordonnance de télécom 2023-409, le Conseil a approuvé l’avis de modification tarifaire 7662 de Bell Canada en vue de combiner les RIL de Kuujjuaq et de Trois-Rivières. Le dossier de la présente instance ainsi que celui de l’instance ayant mené à l’ordonnance de télécom 2023-409 révèlent que Bell Canada a fait plusieurs offres pour s’adapter aux demandes d’Iristel. Il s’agit notamment d’autoriser Iristel à utiliser l’interconnexion existante à des fins de vente de services de gros, ce qui n’était pas autorisé auparavant dans le cadre de l’entente hors tarif conclue entre les parties. Iristel pourrait également continuer à utiliser son entente hors tarif actuelle avec Bell Canada ou passer à la RIL de Trois-Rivières.
  5. Les observations de Bell Canada et de Norouestel semblent contredire les allégations d’Iristel par des documents relatifs à des ententes hors tarif valides, à des négociations de services de rechange, à des modifications tarifaires approuvées par le Conseil et à des communications écrites entre les parties. Par exemple, l’allégation d’Iristel selon laquelle Norouestel n’a pas modifié un contrat de service pour mettre fin à un service, qui a entraîné des paiements excédentaires par Iristel, est contredite par la présentation par Norouestel de communications par courriel entre les parties. Ces communications indiquent qu’Iristel n’a pas demandé la résiliation du service comme allégué et qu’Iristel a été informée des coûts du service.
  6. En ce qui concerne l’allégation d’Iristel selon laquelle Norouestel a transféré son PI de Whitehorse à Toronto en violation du tarif, ce qui pourrait entraîner des risques pour la sécurité publique en limitant la capacité des résidents à passer des appels locaux en cas de panne, le Conseil prend ces questions très au sérieux. Toutefois, Iristel n’a pas fourni d’éléments de preuve démontrant une violation des tarifs ou des enjeux en matière de sécurité publique. En outre, Iristel a indiqué que les enjeux ont été résolus. Par conséquent, le Conseil estime qu’aucune action n’est nécessaire.
  7. En ce qui concerne l’allégation d’Iristel selon laquelle Bell MTS a violé ses tarifs en appliquant des frais de transport pour l’interconnexion à son PI de signalisation de Winnipeg, Iristel a reconnu qu’elle n’a pas subi de préjudice économique majeur en raison de cela. Bien qu’Iristel ait également indiqué dans sa réplique que de tels services étaient facturés à d’autres fournisseurs, le Conseil est d’avis que ces allégations ne justifient pas l’arrêt des paiements par Iristel ou le litige actuel.
Autres allégations
  1. Le Conseil est d’avis qu’Iristel a fourni peu d’éléments de preuve à l’appui de ses autres allégations à l’encontre de Bell Canada et de Norouestel.
  2. En outre, les mesures prises par Bell Canada et Norouestel à la suite du non-paiement des factures étaient conformes à leurs tarifs approuvés par le Conseil. Les clauses de ces tarifs permettent la résiliation du service dans des conditions particulières, y compris le risque de perte créé par le non-paiement des comptes en souffrance depuis plus de 60 jours, avec un préavis de 30 jours. Par conséquent, les mesures de Bell Canada et de Norouestel ne semblent pas constituer une discrimination injuste à l’égard d’Iristel.
  3. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que la demande d’Iristel ne contient pas suffisamment d’élément de preuve pour justifier ses allégations ou pour soutenir une enquête du Conseil portant sur les actions de Bell Canada et de Norouestel. Dans ce cas, il aurait été inapproprié que le Conseil essaie d’étayer la demande devant lui en demandant des renseignements supplémentaires à Iristel en vue de soutenir les allégations qu’elle a mis de l’avant.
  4. Par conséquent, le Conseil refuse la demande d’Iristel concernant la nomination d’un enquêteur.

Le Conseil devrait-il ordonner à Bell Canada et à Norouestel de retirer leurs avis de débranchement?

Positions des parties
  1. Iristel a demandé au Conseil de publier une ordonnance pour que Bell Canada et Norouestel retirent leurs avis de débranchement jusqu’à ce que les questions entre les parties soient réglées devant les tribunaux ou jusqu’à ce que l’enquête du Conseil sur certaines actions présumées de Bell Canada et de Norouestel soit terminée.
  2. Iristel a justifié sa demande par de multiples allégations relatives à des violations du tarif ainsi qu’à d’autres comportements présumés qui, selon Iristel, pourraient constituer des violations de la Loi, comme indiqué ci-dessus. Elle a ajouté que si Bell Canada et Norouestel devaient débrancher tous les services, cela aurait une incidence considérable sur les consommateurs du Canada. Iristel a indiqué qu’elle fournit des services à plus de 10 millions de numéros de téléphone au Canada et que, dans certaines régions, elle est le seul fournisseur de services sans fil mobiles ou de circuits qui permettent aux clients de passer et de recevoir des appels téléphoniques ainsi que d’autres communications numériques au moyen d’une connexion Internet. Les clients des services d’Iristel ne pourraient pas joindre les clients de Bell Canada et de ses services affiliés ou les clients qui dépendent de leurs réseaux.
  3. Bell Canada et Norouestel ont indiqué que, contrairement à ce que prétend Iristel, les avis de débranchement ont été émis en raison de montants impayés et non en réponse aux instances judiciaires civiles intentées contre elles. Elles ont indiqué qu’Iristel n’a pas payé ses factures à temps à plusieurs reprises et que son solde impayé continue d’augmenter chaque mois.
  4. Bell Canada et Norouestel ont en outre affirmé que dans sa demande, Iristel n’a pas contesté qu’elle devait les montants impayés. Elles ont ajouté que le refus de payer les factures pour les services fournis signifie qu’Iristel n’a pas le droit de continuer à recevoir ces services. En outre, elles ont argué que les allégations d’actes répréhensibles formulées par Iristel ne sont pas fondées et ont été utilisées pour justifier l’arrêt des paiements par Iristel.
  5. Bell Canada et Norouestel ont argué que la demande d’Iristel en vue d’obtenir des ordonnances les obligeant à retirer les avis de débranchement et à fournir des services à Iristel sans paiement, jusqu’à ce que les tribunaux rendent leurs décisions ou jusqu’à ce que le Conseil mène une enquête, constitue un abus du processus du Conseil et devrait être rejetée.
  6. Toutefois, Bell Canada et Norouestel ont indiqué que, bien qu’elles aient des raisons de débrancher leurs services à Iristel, elles accepteraient un programme de paiements différés raisonnable qui remettrait le compte d’Iristel en règle afin que les services puissent être maintenus.
Analyse du Conseil
  1. Le Conseil conclut qu’Iristel n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve que les avis de débranchement ont été publiés en violation des tarifs approuvés par le Conseil. Le tarif prévoit un mécanisme de contestation des frais, qui n’inclut pas le recours par le client à des mesures d’auto-assistance comme la suspension des paiements en cas de litige. Le Conseil est d’avis qu’Iristel devrait payer les montants facturés pour les services en cours fournis par Bell Canada et Norouestel pendant que les affaires judiciaires sont entendues ou encore tenter de trouver d’autres ententes de paiement. Cette démarche n’empêcherait pas Iristel de contester les montants versés.
  2. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil refuse la demande d’Iristel en vue que le Conseil publie une ordonnance ordonnant à Bell Canada et à Norouestel de retirer leurs avis de débranchement.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil refuse la demande d’Iristel.
  2. Iristel devrait soit payer les montants en souffrance, soit négocier des programmes de paiements différés afin d’éviter le débranchement et, en fin de compte, l’interruption du service pour ses clients. Le Conseil aurait des préoccupations concernant tout cas potentiel où la population canadienne serait utilisée comme moyen de pression dans un litige entre des fournisseurs de services.
  3. Si Bell Canada et Norouestel procèdent au débranchement, le Conseil leur ordonne de donner un préavis suffisant à Iristel et aux FST qui utilisent ses services. De cette manière, les FST peuvent à leur tour fournir un préavis suffisant à leurs propres clients. Une copie de ce préavis d’Iristel ou de tout FST concerné qui utilise ses services doit également être fourni au Conseil conformément à la politique réglementaire de télécom 2017-235. Cela permettra au Conseil de prendre des mesures pour limiter au minimum l’incidence sur la population canadienne.
  4. Le Conseil rappelle également aux FST que, bien qu’ils soient autorisés à négocier des ententes hors tarif, ils doivent fournir des services selon des modalités tarifaires lorsqu’une autre partie en fait la demande. Dans le cas contraire, le Conseil pourrait conclure qu’ils ne respectent pas leurs tarifs et la Loi. Le Conseil pourrait prendre des mesures d’exécution de la loi s’il existe suffisamment d’éléments de preuve en matière de non-conformité.

Secrétaire général

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