Télécom - Lettre du Secrétaire général adressée à Kevin Contzen (Ministère du Procureur général)
Ottawa, le 16 mai 2023
Notre référence: 8662-P114-202301100
PAR COURRIEL
Kevin Contzen
Ministère du Procureur général
Direction des services juridiques
1301 – 865, rue Hornby
Vancouver (Colombie-Britannique) V6Z 2G3
Kevin.contzen@gov.bc.ca
Objet: Demande de suspension de la décision de télécom CRTC 2022-311
Monsieur,
Contexte
Cette lettre présente la décision du Conseil concernant une demande déposée par le ministre des Transports et de l’Infrastructure de la Colombie-Britannique (MTI), au nom de Sa Majesté le Roi du chef de la province de la Colombie-Britannique. Le MTI a demandé la suspension de la décision du ConseilNote de bas de page1 de conclure une entente, sur demande, avec toute entreprise (autre que Rogers et Shaw) autorisée par TELUS Communications Inc. (TCI) à s’installer sur ses poteaux (les Directives). Le MTI a demandé la suspension dans le cadre de sa demande en vertu de la partie 1, datée du 24 février 2023, demandant au Conseil de réexaminer et d’annuler les Directives.
Étant donné que les Directives ne s’appliquent que jusqu’à ce que le Conseil approuve les pages de tarif modifiées de TCI afin de permettre une indemnisation équitable des entreprises rattachées, une suspension ne s’appliquerait que jusqu’à ce que le Conseil statue sur la demande de révision et de modification du MTI ou qu’il approuve les pages de tarif modifiées de TCI, selon ce qui se produit en premier.
Le test applicable
Les critères que le Conseil a généralement décidé d’appliquer pour l’évaluation des demandes de suspension sont ceux qui ont été établis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 (RJR-MacDonald). Ces critères sont les suivants : a) il existe une question sérieuse à juger; b) la partie qui sollicite le redressement provisoire subira un préjudice irréparable si le redressement n’est pas accordé; et c) la prépondérance des inconvénients, compte tenu de l’intérêt public, penche en faveur de la suspension. Pour se voir accorder une suspension, un demandeur doit démontrer que sa demande respecte les trois critères.
Application
En ce qui concerne le premier critère relatif à la suspension, le MTI indique qu’il a soulevé une question sérieuse à juger. Le MTI allègue qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de la décision du Conseil de prendre les Directives, au motif qu’elles comportent des erreurs de fait ou de droit.
En ce qui concerne le critère du préjudice irréparable, le MTI a soutenu que les coûts administratifs relatifs à la conclusion d’accords temporaires avec d’autres entreprises et à tout paiement aux entreprises pourraient être importants, qu’ils seraient à la charge des contribuables de la Colombie-Britannique et qu’ils ne seraient pas récupérables si le MTI obtenait gain de cause dans sa demande en vertu de la partie 1. Le MTI a décrit les types de coûts administratifs qu’il aurait à acquitter afin de conclure et gérer les accords avec les exploitants de TCI. Le MTI a affirmé qu’il s’attendait à ce que les frais administratifs dont il pourrait devoir s’acquitter dépassent tout paiement au titre des frais de déplacement raisonnables qui pourraient être engagés par un exploitant de TCI en raison d’un déplacement demandé par le MTI, payable à toute entreprise dans le cadre d’un accord à court terme. Le MTI a fait remarquer que TCI a confirmé dans sa lettre d’accompagnement de l’avis tarifaire no 576 qu’elle n’a pas été informée de nouveaux projets concernant le déplacement, à l’initiative du MTI, de poteaux appartenant à TCI.
En ce qui concerne la prépondérance des inconvénients, le MTI a réaffirmé que ses coûts l’emporteraient sur les compensations qui pourraient être dues aux autres entreprises pendant la période temporaire au cours de laquelle les Directives sont en vigueur. Le MTI a indiqué que si le refus de la suspension allait lui causer un préjudice irréparable, l’octroi de la suspension ne causerait de préjudice irréparable à aucune des parties.
Interventions
Des interventions ont été déposées par Québecor Média Inc. (Québecor), TCI, et conjointement par Rogers Communications Canada Inc. (RCCI) et Shaw Cablesystems G. P. (Shaw).
Les intervenants ont indiqué que la demande du MTI ne répondait pas aux critères permettant d’accorder une suspension. TCI a indiqué que les arguments du MTI étaient hypothétiques et que l’argument du préjudice irréparable n’était pas fondé. RCCI et Shaw ont affirmé que le MTI n’avait pas à s’acquitter de nouveaux coûts administratifs importants pour mettre en œuvre de nouveaux accords de partage des coûts avec d’autres entreprises. Québecor a affirmé que le préjudice irréparable était hypothétique, puisque le MTI a admis n’avoir déplacé aucun poteau appartenant à TCI depuis que la décision a été rendue.
Résultats de l’analyse du Conseil
Existe-t-il une question sérieuse à juger?
Le Conseil estime que la demande de suspension du MTI n’est ni vexatoire ni frivole et qu’elle soulève des questions sérieuses à trancher. Le MTI a donc satisfait à ce premier critère.
Le MTI subira-t-il un préjudice irréparable si la suspension n’est pas accordée?
Dans l’affaire RJR M-MacDonald, la Cour a déclaré que, pour évaluer le préjudice irréparable, c’est la nature du préjudice qui doit être prise en considération et non son ampleur. Le demandeur doit démontrer que le préjudice est réel, certain, inévitable et qu’il ne peut être réparé ultérieurementNote de bas de page2. Un préjudice est plus susceptible d’être irréparable lorsqu’il y a une perte non quantifiable ou une perte que le demandeur n’est pas certain de pouvoir récupérer, ou une perte qu’une ordonnance définitive peut ne pas être en mesure de corriger. En outre, le préjudice ne peut être spéculatif, et il doit être prouvé que le demandeur subira un préjudice irréparable si l’injonction ou la suspension est refuséeNote de bas de page3.
Le MTI n’a fourni aucun élément de preuve relatif aux coûts qu’il pourrait subir avant que le Conseil ne se prononce sur sa demande de révision et de modification ou sur le tarif révisé de TCI ni de la manière dont l’augmentation des coûts administratifs qu’il a indiquée aurait des répercussions négatives sur les contribuables. Au lieu de cela, le MTI a décrit les tâches administratives qu’il devrait probablement accomplir s’il recevait une demande d’accord avant l’approbation par le Conseil des pages de tarif modifiées de TCI.
Les coûts administratifs du MTI n’interviendraient que si une entreprise fait une demande d’accord au MTI. Il n’y a cependant aucun élément de preuve au dossier de nouveaux projets de déplacement de poteaux à l’initiative du MTI concernant les poteaux de TCI ou de demandes d’une autre entreprise cherchant à conclure un accord avec le MTI en vue d’obtenir une compensation pour le déplacement.
Le Conseil estime que le MTI n’a pas démontré qu’il subira effectivement des coûts inévitables avant que le Conseil ne prenne une décision à l’égard de la demande de révision et de modification du MTI ou qu’il n’approuve la révision du tarif de TCI, selon ce qui se produira en premier.
Le Conseil conclut donc que le MTI n’a pas démontré qu’il subirait un préjudice irréparable et n’a donc pas satisfait au deuxième critère.
Est-ce que la prépondérance des inconvénients milite en faveur de l’octroi de la suspension?
Pour satisfaire au troisième critère, le demandeur doit démontrer que la prépondérance des inconvénients, compte tenu de l’intérêt public, favorise l’octroi de la mesure demandée jusqu’à ce que le Conseil ait statué sur les questions en litige. Comme cela a été confirmé dans l’affaire RJR-MacDonald, les facteurs à prendre en considération pour appliquer ce critère varient en fonction des faits de chaque cas.
Le MTI a précisé que les coûts de négociation et de mise en œuvre des Directives l’emporteraient sur toute indemnisation qui pourrait être due en vertu de celles-ci. Toutefois, le MTI n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de cette affirmation.
Le MTI n’a fourni aucun élément de preuve du coût monétaire de la négociation d’accords avec d’autres entreprises. En outre, comme indiqué ci-dessus, le dossier ne fait état d’aucune circonstance connue qui déclencherait une demande d’accord de la part d’une entreprise. Par conséquent, en l’absence de la suspension, le préjudice que pourrait subir le MTI pourrait être minime. Toutefois, si la suspension était accordée, le préjudice subi par les autres entreprises, si elles devaient payer des frais de déplacement dans des circonstances où TCI, et maintenant Rogers et Shaw, sont indemnisées pour ces frais de déplacement, combiné à l’intérêt public d’éviter la distorsion du marché qui résulterait de ce scénario, serait important. En outre, la présomption est que l’intérêt public est plus généralement servi par la mise en œuvre de la décision du Conseil dans un délai raisonnable.
Même si le MTI avait prouvé l’existence d’un préjudice irréparable, le Conseil conclut que la prépondérance des inconvénients, y compris l’intérêt public, penche fortement en faveur du rejet de la demande de la suspension.
Par conséquent, le Conseil a déterminé que le MTI n’a pas satisfait aux critères de l’arrêt RJR-MacDonald pour accorder une suspension. Le Conseil refuse donc la demande du MTI relative à la suspension de l’exécution des Directives.
Veuillez agréer mes salutations distinguées.
Original signé par
Claude Doucet
Secrétaire général
c.c. : Pamela Dinsmore, Rogers Communications Canada Inc. pam.dinsmore@rci.rogers.com
Chris Ewasiuk, Shaw Communications Inc. Christopher.Ewasiuk@sjrb.ca
Stephen Schmidt, TELUS, regulatory.affairs@telus.com
Yanick Boily, Québecor Média Inc., regaffairs@quebecor.com
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