Décision de radiodiffusion CRTC 2022-336

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Référence : 2022-201

Ottawa, le 8 décembre 2022

Communications Média Évangélique
Montréal (Québec)

Dossier public : 2022-0156-5
Audience publique dans la région de la Capitale nationale
13 octobre 2022

CJRS Montréal – Acquisition d’actif

Sommaire

Le Conseil approuve une demande déposée par Communications Média Évangélique en vue d’obtenir l’autorisation d’acquérir de Radio Chalom l’actif de la station de radio AM à caractère religieux CJRS Montréal (Québec).

Contexte

  1. Le 25 mai 2017, Communications Média Évangélique (CME) a conclu un protocole d’entente avec Radio Chalom afin d’acquérir la totalité des opérations de la station de radio CJRS Montréal (Québec) en achetant son équipement et assumant ses dettes. Selon les procès-verbaux du conseil d’administration de Radio Chalom, le transfert de propriété ne serait réalisé qu’après l’achèvement de toutes les étapes décrites dans le protocole d’entente.

Demande

  1. Le 7 avril 2022, CME a déposé une demande en vue d’obtenir l’autorisation d’acquérir de Radio Chalom l’actif de la station de radio AM à caractère religieux CJRS Montréal et d’obtenir une nouvelle licence de radiodiffusion afin de poursuivre l’exploitation du service selon les mêmes modalités et conditions que celles en vigueur dans la licence actuelle.
  2. CME est une société à but non lucratif sous le contrôle effectif de son conseil d’administration. CME collabore depuis 2017 avec Radio Chalom pour avoir une programmation qui dessert à la fois la communauté juive et la communauté chrétienne.
  3. Radio Chalom est une société à but non lucratif, sous le contrôle effectif de son conseil d’administration, qui exploite une station de radio à caractère religieux sur la fréquence 1650 AM à Montréal.
  4. Après la clôture de la transaction, CME deviendrait titulaire de CJRS.
  5. Au moment où la transaction a débuté, soit en mai 2017, CME évaluait la valeur de Radio Chalom à 236 000$. En raison du soutien financier qu’elle a apporté à Radio Chalom au cours des dernières années, CME acquerrait l’actif de Radio Chalom pour une somme de 0 $. CME soutient donc ne pas avoir à verser d’avantages tangibles.
  6. Le Conseil a reçu quatre interventions en appui à la présente demande de la part de citoyens qui ont souligné le caractère bireligieux de la station et exprimé le souhait que la station conserve sa programmation actuelle.
  7. Le Conseil a également reçu trois interventions en opposition à la demande de la part de deux citoyens et d’un consultant en radiodiffusion qui ont soulevé des inquiétudes par rapport au fait que la transaction ait été effectuée sans l’approbation préalable du Conseil, de même qu’envers la demande de CME de se soustraire à l’obligation de payer des avantages tangibles.

Cadre réglementaire

  1. En vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur la radiodiffusion (Loi), le Conseil a pour mandat de réglementer et surveiller tous les aspects du système canadien de radiodiffusion dans l’intérêt public. L’intérêt public se reflète dans les nombreux objectifs de la Loi et de la politique canadienne de radiodiffusion énoncés au paragraphe 3(1) de la Loi. L’examen des transactions de propriété dans l’intérêt public fait partie du mandat de réglementation et de surveillance du Conseil en vertu de la Loi. Plus précisément, la Loi énonce que le système canadien de radiodiffusion doit être, effectivement, la propriété des Canadiens et sous leur contrôle. La définition de « Canadien » se trouve dans les Instructions au CRTC (inadmissibilité de non-Canadiens)Note de bas de page 1 [les Instructions].
  2. Ainsi, en vertu de l’alinéa 11(4)a) du Règlement de 1986 sur la radio (Règlement), un titulaire doit obtenir l’approbation préalable du Conseil à l’égard de toute mesure, entente ou opération qui aurait pour conséquence directe ou indirecte de modifier, par quelque moyen que ce soit, le contrôle effectif de son entreprise.
  3. L’examen de transactions de propriété constitue un élément essentiel du mandat de réglementation et de surveillance du Conseil en vertu de la Loi. Puisque le Conseil ne sollicite pas de demandes concurrentes en vue de modifier le contrôle effectif d’entreprises de radiodiffusion, il incombe au demandeur de démontrer que l’approbation sert l’intérêt public, que les avantages découlant de la transaction sont proportionnels à l’importance et à la nature de la transaction, et que la demande représente la meilleure proposition possible dans les circonstances.
  4. Le Conseil doit examiner le bien-fondé de chaque demande en tenant compte des circonstances qui lui sont propres. De plus, il doit être convaincu que l’approbation de la transaction de propriété proposée favorise l’intérêt public, tel que défini par les objectifs énoncés au paragraphe 3(1) de la Loi.

Questions

  1. Après examen du dossier de la présente demande en vertu des règlements et politiques applicables, le Conseil estime que les questions sur lesquelles il doit se pencher sont les suivantes :
    • la conformité de CME à l’égard de la modification au contrôle effectif;
    • la propriété et le contrôle canadiens;
    • l’intérêt public de la transaction;
    • la valeur de la transaction et les avantages tangibles;
    • la conformité à l’égard des exigences réglementaires.

Conformité à l’égard de la modification au contrôle effectif

  1. Selon le protocole d’entente du 25 mai 2017, CME a déboursé un total de 236 000$ pour le remboursement de prêts, le transfert de l’équipement et le versement d’indemnités de départ. En contrepartie, après avoir complété ces paiements, CME a obtenu le contrôle effectif de Radio Chalom le 31 octobre 2021, lorsque CME a sélectionné et élu tous les membres du conseil d’administration de Radio Chalom. CME a déposé sa demande d’acquisition d’actif auprès du Conseil le 7 avril 2022.
  2. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que la modification au contrôle effectif s’est produite le 31 octobre 2021 et ce, sans l’approbation préalable du Conseil. Par conséquent, le Conseil conclut que CME est en situation de non-conformité à l’égard de du sous-alinéa 11(4)a) du Règlement.

Propriété et contrôle canadiens

  1. Le Conseil a examiné la demande en vertu des Instructions. CME est une entité canadienne à but non lucratif dont le conseil d’administration est entièrement composé de Canadiens. André Joly, le président du conseil d’administration est Canadien. Finalement, le conseil d’administration exerce le contrôle effectif de CME. Ainsi, le Conseil est convaincu que CJRS Montréal sera détenue et contrôlée par des Canadiens à la suite de la transaction proposée.

Intérêt public

  1. Afin de déterminer si la transaction proposée sert l’intérêt public, le Conseil tient compte d’une panoplie de facteurs énoncés dans la Loi, y compris la nature de la programmation et les services rendus aux collectivités desservies, ainsi que des considérations d’ordre régional, social, culturel, économique et financier. Le Conseil doit être convaincu que la transaction proposée sert les Canadiens et le système de radiodiffusion.
  2. Selon CME, Radio Chalom était en difficulté financière lorsque le protocole d’entente a été conclu en mai 2017. Ces difficultés financières mettaient en péril la survie de Radio Chalom et, par conséquent, la pérennité de sa programmation à caractère religieux, principalement destinée à la communauté juive de Montréal. En rachetant Radio Chalom, c’est-à-dire en épongeant sa dette, CME s’était engagée à respecter les mêmes conditions de licence imposées à Radio Chalom.
  3. Le Conseil note qu’a priori, CME a respecté les conditions de la licence de Radio Chalom. De plus, le Conseil note que depuis 2017, à la suite de la signature du protocole d’entente, la programmation de CJRS fût élargie pour inclure de la programmation chrétienne.
  4. Le Conseil note également qu’avant le début de la transaction, Radio Chalom était en moins bonne position financière et que la survie de CJRS était menacée. Cinq ans plus tard, CME a réussi à renverser la situation et la station n’est plus déficitaire. Si CME devait se délaisser de l’actif de Radio Chalom, il est probable que la survie de la station serait de nouveau menacée.
  5. Dans un mémoire complémentaire, CME a soumis une lettre écrite par M. Jacques Saada, président de la Communauté sépharade unifiée du Québec dans laquelle il salue la collaboration actuelle entre Radio Chalom et Radio Gospel (nom opérationnel de CME). La lettre, datée de décembre 2021, démontre la satisfaction de la communauté juive envers la programmation actuelle judéo-chrétienne. On peut donc supposer que le maintien du statu quo par CME concernant l’exploitation de la licence n’aurait pas d’impact négatif sur la communauté juive.
  6. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que l’approbation de la transaction proposée permettrait d’assurer que CJRS continue de desservir les communautés juive et chrétienne de Montréal. Par conséquent, le Conseil conclut que la transaction servirait l’intérêt public.

Valeur de la transaction et avantages tangibles

  1. La politique du Conseil relative au paiement des avantages tangibles est énoncée dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2014-459 (la politique sur les avantages tangibles). Comme indiqué dans cette politique réglementaire, puisque le Conseil ne sollicite pas de demandes concurrentes lors de modifications à la propriété ou au contrôle effectif d’entreprises de radiodiffusion, il incombe au demandeur de prouver que sa demande constitue la meilleure proposition possible et que son approbation sert l’intérêt public, conformément aux objectifs généraux de la Loi. Une façon de voir à ce que l’intérêt public soit bien servi consiste à s’attendre que le demandeur propose une contribution financière (connus sous le nom « avantages tangibles ») proportionnelle à la taille et à la nature de la transaction, dans le but d’apporter des améliorations quantifiables aux collectivités desservies par l’entreprise de radiodiffusion dont il se porte acquéreur, ainsi qu’à l’ensemble du système canadien de radiodiffusion. Les avantages tangibles visent généralement la production de programmation canadienne, qui sert l’intérêt public de deux façons :
    • les auditeurs bénéficient directement d’un accroissement de la quantité et de la qualité de la programmation canadienne;
    • les créateurs reçoivent davantage de soutien à la création, la distribution et la promotion de la programmation canadienne.
  2. Pour les entreprises de radio, les avantages tangibles doivent représenter en général au moins 6 % de la valeur de la transaction et être répartis comme suit :
    • 3 % au Radio Starmaker Fund ou au Fonds Radiostar;
    • 1,5 % à la FACTOR ou à Musicaction;
    • 1 % à un projet de développement de contenu canadien (DCC) admissible laissé à la discrétion de l’acheteur;
    • 0,5 % au Fonds canadien de la radio communautaire (FCRC).
  3. Pour calculer la valeur des avantages tangibles, le Conseil examine la valeur globale de la transaction, y compris le montant de la dette brute, du fonds de roulement à transférer à la clôture de la transaction, des ententes connexes, de la reprise des baux s’appliquant uniquement à des propriétés immobilières (édifices, studios, bureaux) et des locaux de transmission. La valeur des baux est calculée sur une période de cinq ans. Si ces éléments sont pertinents, ils sont ajoutés au prix d’achat.
  4. CME soutient que le prix d’achat de Radio Chalom est de 0$, puisque qu’elle ne versera aucun montant à Radio Chalom à la clôture de la transaction. Certains intervenants en opposition à la transaction ont exprimé un désaccord avec le calcul de CME. En effet, ces intervenants soulignent que, en plus du montant déboursé pour l’acquisition des équipements de radiodiffusion, des indemnités de départ ont été déboursées au président de Radio Chalom. CME ne conteste pas que ces sommes ont été versées et accepte qu’elles soient prises en compte, si le Conseil l’exige, dans le calcul de la valeur de la transaction.
  5. Le Conseil note que CME a versé, à partir de mai 2017, plusieurs montants à Radio Chalom en vue d’acquérir la station. En effet, selon les données fournies par CME, 236 000 $ ont été versés à Radio Chalom. De plus, dans son évaluation de la valeur d’une transaction, le Conseil inclut la valeur des baux de location sur une période de 5 ans (60 mois). CME affirme qu’en date de mai 2021, le bail mensuel de Radio Chalom est établi à 1 218,75 $.
  6. Par conséquent, le Conseil a révisé les montants et établit la valeur de la transaction à 309 125 $, comme suit :
    Élément Montant
    Prix d’achat -
    Montant payé selon le protocole d’entente 236 000 $
    Ajout -
    Baux assumés 73 125 $
    Valeur de la transaction 309 125 $
  7. Puisque la transaction n’avait pour but que l’acquisition des équipements, le remboursement de la dette et d’acquitter les salaires impayés à l’ancien président de Radio Chalom, CME se croyait exclue du devoir de paiement des avantages tangibles. Par contre, dans une réponse à une demande de renseignements du Conseil, CME confirme qu’elle accepterait, si le Conseil l’exige, de payer en avantages tangibles un montant de 18 548 $ réparti sur 7 ans.
  8. Selon la valeur de la transaction révisée et conformément à la politique sur les avantages tangibles, le Conseil exige que CME paye la somme de 18 548 $ en avantages tangibles (6 % de la valeur de la transaction), laquelle doit être versée en paiements annuels égaux sur sept années de radiodiffusion consécutives et répartie comme suit :
    • 3 % (9 274 $) au Radio Starmaker Fund ou au Fonds Radiostar;
    • 1,5 % (4 637 $) à la FACTOR ou à Musicaction;
    • 1 % (3 091 $) à la discrétion de l’acheteur, à tout projet de DCC admissible;
    • 0.5 % (1 546 $) au FCRC.

Conformité à l’égard des exigences réglementaires

  1. Le Conseil fait remarquer que la licence de CJRS a été renouvelée en 2017 pour une période de licence complète de sept ans, soit jusqu’au 31 août 2024.
  2. Le Conseil a examiné la conformité de CJRS à l’égard des exigences réglementaires et n’a identifié aucune situation de non-conformité apparente à l’égard du dépôt de ses rapports annuels pour la période de licence actuelle.
  3. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime approprié d’attribuer à CME une licence de radiodiffusion qui expirera le 31 août 2024. La conformité de la station CJRS sera de nouveau analysée dans le cadre du prochain renouvellement de licence.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil approuve la demande présentée par CME afin d’obtenir l’autorisation d’acquérir de Radio Chalom l’actif de la station de radio AM à caractère religieux CJRS Montréal (Québec). De plus, le Conseil exige que CME verse des avantages tangibles s’élevant à 18 548 $ répartis en paiements annuels égaux sur sept années de radiodiffusion consécutives.
  2. À la rétrocession de la licence actuellement détenue par Radio Chalom, le Conseil attribuera une nouvelle licence de radiodiffusion à CME, qui expirera le 31 août 2024. Les modalités et conditions de licence pour cette station sont énoncées à l’annexe de la présente décision.

Rappels

  1. En vertu du Règlement, les titulaires de licence doivent obtenir l’approbation préalable du Conseil avant d’effectuer une modification au contrôle effectif de toute entreprise de radiodiffusion.
  2. La conformité de la station CJRS sera de nouveau analysée dans le cadre du  prochain renouvellement de licence et CME deviendra responsable des non-conformités antérieures, lors de l’attribution de la nouvelle licence à CME.

Secrétaire général

Documents connexes

La présente décision doit être annexée à la licence.

Annexe à la décision de radiodiffusion CRTC 2022-336

Modalités, conditions de licences, attente et encouragement pour l’entreprise de programmation de radio à caractère religieux CJRS Montréal (Québec)

Modalités

La licence expirera le 31 août 2024.

Conditions de licence

  1. Le titulaire doit se conformer aux conditions énoncées dans Conditions de licence propres aux stations de radio commerciale AM et FM révisées, politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2022-334, 7 décembre 2022, ainsi qu’aux conditions énoncées dans la licence de radiodiffusion de l’entreprise.
  2. Au moins 90 % de toutes les pièces musicales diffusées au cours de chaque semaine de radiodiffusion doivent être des pièces tirées de la catégorie de teneur 3 (Musique pour auditoire spécialisé), tel qu’énoncé dans Catégories et sous-catégories de teneur révisées pour la radio, politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2022-333, 7 décembre 2022.
  3. Le titulaire doit, à titre d’exception au pourcentage de pièces musicales canadiennes énoncé au paragraphe 2.2(3) du Règlement de 1986 sur la radio (Règlement), consacrer, au cours de chaque semaine de radiodiffusion, au moins 12 % de ses pièces musicales tirées de la catégorie de teneur 3 (Musique pour auditoire spécialisé) à des pièces canadiennes.


    Aux fins de la présente condition, les expressions « catégorie de teneur », « pièce canadienne », « pièce musicale » et « semaine de radiodiffusion » s’entendent au sens du Règlement.

  4. Le titulaire doit se conformer aux lignes directrices sur l’équilibre et l’éthique de la programmation religieuse énoncées aux parties III.B.2.a) et IV de la Politique sur la radiodiffusion à caractère religieux, avis public CRTC 1993-78, 3 juin 1993, chaque fois qu’il diffuse des émissions religieuses telles que définies dans cet avis.
  5. Le titulaire doit diffuser au moins 18 heures de programmation assurant l’équilibre au cours de chaque semaine de radiodiffusion.

Attente

Le Conseil s’attend à ce que les pratiques du titulaire en matière de programmation et d’embauche reflètent la diversité culturelle du Canada.

Encouragement

Conformément à Mise en œuvre d’une politique d’équité en matière d’emploi, Avis public CRTC 1992-59, 1er septembre 1992, le Conseil encourage le titulaire à tenir compte des questions d’équité en matière d’emploi lors de l’embauche du personnel et en ce qui a trait à tous les autres aspects de la gestion des ressources humaines.

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