Ordonnance de télécom CRTC 2021-182
Ottawa, le 27 mai 2021
Dossier public : Avis de modification tarifaire 7616 et 7616A
Bell Canada – Modification à l’interconnexion de réseaux locaux et au dégroupement des composantes réseau – Acheminement des appels 800/888 des ESLC
Le Conseil approuve avec des modifications, de manière définitive, la demande de Bell Canada de modifier ses pages de tarif en ce qui concerne l’acheminement des appels 800/888 des entreprises de services locaux concurrentes.
Contexte
- Dans la décision de télécom 2019-390, le Conseil a ordonné à Bell Canada, comme condition à la prestation de son service Acheminement des appels 800/888 du TSLC (entreprise de services locaux concurrente), de déployer des circuits interurbains unidirectionnels pour se connecter aux commutateurs de Rogers Communications Canada Inc. (RCCI) dans les territoires d’exploitation de Bell Canada où RCCI fournit également des services. Ces circuits interurbains devaient être déployés pour acheminer le trafic sans frais en provenance de RCCI vers les clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada. Le Conseil a aussi ordonné à Bell Canada de déposer les pages de tarifs révisées proposées indiquant que Bell Canada recevra le trafic sans frais en provenance de RCCI destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada au moyen des circuits interurbains déployés aux commutateurs de RCCI.
- Ces directives ont été émises en réponse à une demande déposée par RCCI concernant l’acheminement du trafic sans frais avec Bell Canada. En 2018, RCCI a lancé sa propre base de données des numéros sans frais et a commencé à offrir son service d’acheminement des appels 800/888. Ce service permet à RCCI de déterminer l’entreprise à qui les appels sans frais devraient être directement acheminés.
Demande
- Le Conseil a reçu une demande de Bell Canada, datée du 20 juillet 2020 (avis de modification tarifaire 7616), dans laquelle l’entreprise proposait de réviser l’article 105 de son Tarif de services d’accès – Interconnexion de réseaux locaux et dégroupement des composantes réseau, pour tenir compte des conclusions du Conseil dans la décision de télécom 2019-390. Bell Canada a ensuite déposé une modification le 31 juillet 2020 (avis de modification 7616A), dans laquelle elle a changé la date d’entrée en vigueur du tarif au 17 août 2020 pour coïncider avec la date d’installation requise des circuits énoncée dans la décision de télécom 2020-226.
- Bell Canada a proposé le libellé suivant à son tarif :
4(a)(2)b. La Compagnie recevra le trafic sans frais de Rogers Communications Canada Inc. (RCCI) provenant des utilisateurs finaux de RCCI destinés aux clients des numéros de téléphone sans frais de la Compagnie au moyen des circuits interurbains unidirectionnels déployés aux commutateurs de RCCI. [traduction]
- Le Conseil a approuvé de manière provisoire la demande de Bell Canada dans l’ordonnance de télécom 2020-244, afin de permettre la mise en œuvre des conclusions énoncées dans la décision de télécom 2019-390 pendant que le Conseil continuait d’examiner la demande.
- Le Conseil a reçu des interventions de Distributel Communications Limited (Distributel), de Québecor Média inc. au nom de Vidéotron ltée (Vidéotron), de RCCI, de Shaw Telecom G.P. (Shaw) et de TELUS Communications Inc. (TCI).
Questions
- Le Conseil a déterminé qu’il devait examiner les questions suivantes dans la présente ordonnance :
- Les changements au tarif proposés par Bell Canada sont-ils conformes aux conclusions du Conseil dans la décision de télécom 2019-390?
- Les dispositions tarifaires devraient-elles s’appliquer de façon plus générale au trafic sans frais d’autres entreprises de services locaux concurrentes (ESLC)?
Les changements au tarif proposés par Bell Canada sont-ils conformes aux conclusions du Conseil dans la décision de télécom 2019-390?
Positions des parties
- Les intervenants se sont généralement opposé au libellé que Bell Canada a proposé dans sa demande, en faisant valoir que ce libellé contredit les objectifs de la décision de télécom 2019-390, et les Instructions de 2006Note de bas de page 1 et de 2019Note de bas de page 2 (collectivement les Instructions) en limitant la concurrence dans le marché des services sans frais.
- RCCI a fait valoir que comme elle avait maintenant les mêmes capacités sans frais que Bell Canada, et qu’il n’y a donc pas de principe réglementaire qui permettrait à Bell Canada d’acheminer le trafic en provenance de ses clients des services de gros et de détail aux numéros de téléphone sans frais de RCCI, alors que RCCI peut seulement acheminer les appels en provenance de ses utilisateurs finals des services de détail aux numéros de téléphone sans frais de Bell Canada.
- Distributel a signalé que la formulation « trafic sans frais en provenance de RCCI » utilisée dans la décision de télécom 2019-390 ne peut pas être interprétée comme étant le trafic sans frais provenant uniquement des utilisateurs finals des services de détail de RCCI. Distributel a soutenu que la directive du Conseil indique clairement que l’objectif était que Bell Canada reçoive tout le trafic en provenance de RCCI qui est destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada, et que si le Conseil avait prévu autrement, il l’aurait indiqué explicitement.
- RCCI a fait valoir que le terme « en provenance », utilisé dans la version française des décisions de télécom 2019-390 et 2020-226, indique le trafic qui vient du réseau de RCCI et ne permet pas une interprétation plus restrictive.
- Distributel et Vidéotron ont toutes deux soutenu que le libellé proposé par Bell Canada empêcherait RCCI d’offrir des services sans frais de rechange (c.-à-d. des services de consultation de bases de données des numéros de téléphone sans frais, interconnexion directe au commutateur interurbain), pour lesquels les intervenants ont explicitement manifesté leur intérêt.
- Shaw a fait valoir que la restriction proposée par Bell Canada n’était pas justifiée. Shaw a soutenu que les efforts et ressources consacrés par Bell Canada pour raccorder un appel sans frais de RCCI au moyen des nouveaux circuits unidirectionnels seraient les mêmes, peu importe si l’appel est en provenance d’un utilisateur final desservi par RCCI ou d’une autre entreprise de services locaux (ESL) à laquelle RCCI fournit son service d’acheminement.
- Bell Canada n’était pas d’accord avec les positions des intervenants, et a signalé que son libellé proposé est entièrement conforme aux conclusions du Conseil.
- Bell Canada a argué que les circuits interurbains unidirectionnels pour le raccordement du trafic sans frais sont censés être des ententes bilatérales entre une ESL et une entreprise de services intercirconscriptions (ESI), dans ce cas-ci, entre Bell Canada et RCCI. Bell Canada a indiqué que le Conseil a explicitement fait valoir que des circuits unidirectionnels devaient être déployés pour le trafic en provenance de RCCI, et Bell Canada a soutenu qu’on ne peut que supposer que ce trafic pouvait seulement provenir des utilisateurs finals de RCCI.
- Bell Canada a également argué que du trafic qui provient d’une autre ESL et qui transite ensuite par RCCI avant d’être acheminé à une ESI serait, par définition, du trafic de « transit » et non du trafic en provenance de RCCI. Bell Canada a précisé que le Conseil n’a pas inclus ou fait allusion au trafic « de transit » des autres ESL. Bell Canada a soutenu qu’une modification en vue d’inclure le trafic de transit n’entrait pas dans le cadre de l’instance et qu’il serait tout à fait inapproprié de le faire.
Résultats de l’analyse du Conseil
- Dans la décision de télécom 2019-390, le Conseil a estimé que l’acquisition par RCCI de la capacité de consulter directement une base de données des numéros sans frais pour identifier et acheminer le trafic sans frais en provenance de son réseau et destiné à une ESI représentait un changement important de circonstances qui a permis d’établir d’autres ententes, comme le prévoit la décision de télécom 97-8Note de bas de page 3.
- En outre, le Conseil a estimé que l’application continue des politiques concernant les ententes d’interconnexion de réseau et de facturation qui existaient entre RCCI et Bell Canada irait à l’encontre des alinéas 7c) et 7f) de la Loi sur les télécommunications (Loi), car ces ententes ne servaient plus à accroître l’efficacité et la compétitivité des télécommunications canadiennes et à assurer l’efficacité et l’efficience de la réglementationNote de bas de page 4. Leur application continue irait également à l’encontre des Instructions de 2006 en maintenant inutilement un avantage concurrentiel pour Bell Canada.
- Le Conseil a indiqué que l’entente d’interconnexion de réseau et, par extension, l’entente d’indemnisation pour l’acheminement du trafic sans frais entre les entreprises devraient être symétriques, c’est-à-dire que les deux parties devraient utiliser le même type de circuit pour recevoir et acheminer le trafic sans frais de la partie d’origine.
- Le Conseil estime que l’utilisation du terme « utilisateurs finals des services de détail » par Bell Canada, qui n’était pas inclus dans les conclusions énoncées dans la décision de télécom 2019-390, crée une préférence indue en faveur de Bell Canada en ce qui concerne la consultation de bases de données des numéros de téléphone sans frais, restreint la capacité de RCCI d’offrir des services semblables aux clients des services de gros (p. ex. ESLC et ESI) et ne permet pas le résultat attendu de symétrie ou de neutralité sur le plan de la concurrence.
- Le Conseil estime également que le point de provenance du trafic sans frais n’est pas pertinent et que le terme « en provenance » utilisé dans la version française des décisions de télécom 2019-390 et 2020-226, s’aligne également avec le résultat voulu de symétrie et de neutralité sur le plan de la concurrence.
- Compte tenu de ce qui précède, le Conseil détermine que la limitation aux « utilisateurs finals des services de détail » dans la demande de tarif de Bell Canada n’est pas appropriée.
Les dispositions tarifaires devraient-elles s’appliquer de façon plus générale au trafic sans frais d’autres ESLC?
Positions des parties
- RCCI a soutenu que les observations des ESLC pendant l’instance montraient clairement que d’autres entreprises voulaient utiliser l’offre de service sans frais de RCCI, mais que le libellé proposé par Bell Canada limiterait le trafic sans frais seulement à RCCI.
- Ce point de vue a été appuyé par Distributel et Vidéotron, qui ont indiqué que bien que seulement RCCI ait déposé une demande de redressement auprès du Conseil jusqu’à maintenant, le tarif de Bell Canada ne devrait pas être rédigé de manière à obliger toutes les ESLC dans la même situation que RCCI à déposer une demande auprès du Conseil avant que Bell Canada ne négocie une entente par souci de symétrie.
- TCI a fait remarquer que dans l’ordonnance de télécom 2020-8, le Conseil a approuvé les modalités de l’offre de service sans frais de TCI. TCI a indiqué que, puisque le libellé proposé par Bell Canada dans ce cas-ci ne fait référence qu’à RCCI, le libellé pourrait être interprété de manière à empêcher Bell Canada de s’abonner au service de TCI, ce qui pourrait créer un conflit entre le tarif de TCI et celui de Bell Canada. TCI a également argué que si le libellé proposé de Bell Canada était approuvé, aucune ESLC n’aurait de symétrie avec Bell Canada, à l’exception de RCCI. TCI a soutenu que le tarif de Bell Canada devait être modifié pour éliminer les limitations qui découlent de la mention de la provenance du trafic.
- Dans ses deux répliques, Bell Canada a fait valoir que l’affirmation selon laquelle le libellé du tarif proposé devrait s’appliquer à toute autre partie que Bell Canada et RCCI devrait être refusée. Bell Canada a soutenu que le Conseil n’a pas étendu les instances ayant mené soit à la décision de télécom 2019-390 soit à la décision de télécom 2020-226 à une évaluation d’un changement au cadre sur l’interconnexion des ESL et des ESI applicables à toute l’industrie de façon générale, ni aux circuits interurbains unidirectionnels. Bell Canada a argué qu’au lieu, le Conseil a précisément et explicitement choisi d’établir que l’instance était un enjeu bilatéral entre Bell Canada et RCCI en ordonnant à Bell Canada de déposer ses pages de tarif révisées indiquant que Bell Canada recevrait le trafic sans frais en provenance de RCCI.
Résultats de l’analyse du Conseil
- Dans l’instance ayant mené à la décision de télécom 2019-390, la demande de RCCI était signifiée à toutes les entreprises de services locaux titulaires (ESLT), à toutes les ESLC, à tous les fournisseurs de services sans fil et à toutes les ESI, dont certains sont intervenus dans cette instance pour indiquer que les conclusions devraient s’appliquer de façon plus générale. Toutefois, la demande de redressement précise de RCCI était limitée à Bell CanadaNote de bas de page 5.
- Bien que le Conseil n’ait pas étendu explicitement ses conclusions de cette instance aux ententes d’acheminement du trafic sans frais entre toutes les ESLT et ESLC, et toutes les autres ESI, il a conclu que la capacité de consulter directement une base de données des numéros sans frais pour identifier et acheminer le trafic sans frais représentait un changement important de circonstances. De plus, cette question a été soulevée de nouveau dans le contexte de la présente instance, dans laquelle les intervenants ont continué de demander à ce que les conclusions soient appliquées de façon plus générale à l’industrie.
- Le Conseil est d’avis que d’appliquer la disposition plus largement aux autres ESL qui ont la capacité de consulter tous les appels sans frais afin de fournir le bon code d’identification d’entreprise et les numéros d’arrivée à 10 chiffres et d’acheminer les appels sans frais directement aux ESI appropriées, apporterait de la clarté et réduirait le risque d’autres différends ou de demandes semblables à l’avenir. En outre, une telle approche réduirait le fardeau réglementaire pour le Conseil et l’industrie.
- Le Conseil estime que la demande de Bell Canada de mettre en œuvre les conclusions de la décision de télécom 2019-390 a amorcé une instance qui a permis aux intervenants de formuler des observations sur le libellé du tarif proposé, y compris sur la question de savoir si le libellé proposé était trop restrictif et s’il devait être élargi. Tous les intervenants ont proposé un libellé de rechange pour les dispositions tarifaires.
- Bell Canada a reçu toutes les interventions et a eu l’occasion de présenter une réplique au dossier concernant la question sur le libellé du tarif. Exceptionnellement, Bell Canada a été autorisée à soumettre une deuxième réplique au dossier de la présente instance par souci d’équité, même si les règles procédurales ne permettent habituellement qu’une seule réplique. Le Conseil est donc d’avis que les exigences procédurales et d’équité associées à la présente instance ont été répondues.
- En conséquence, le Conseil estime que les dispositions tarifaires énoncées dans les avis de modification tarifaire 7616 et 7616A devraient s’appliquer plus largement aux autres ESL qui ont la capacité d’acheminer les appels sans frais directement aux ESI appropriées.
Conclusion
- Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil approuve les avis de modification tarifaire 7616 et 7616A de Bell Canada avec les modifications suivantes, indiquées en gras :
4(a)(2)b. La Compagnie recevra le trafic sans frais, peu importe sa provenance, destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de la Compagnie au moyen des circuits interurbains unidirectionnels déployés dans le ou les réseau(x) du TSLC. [traduction]
- Bell Canada doit publier ses pages de tarif modifiées reflétant le libellé ci-dessus dans les dix jours suivant la date de publication de la présente ordonnanceNote de bas de page 6.
Instructions
- Les Instructions de 2019 précisent que le Conseil devrait tenir compte de la manière dont ses décisions peuvent promouvoir la concurrence, l’abordabilité, les intérêts des consommateurs et l’innovation.
- Le Conseil a examiné la demande en tenant compte des Instructions de 2019 et a étudié ses aspects dans la mesure nécessaire, en utilisant des mesures qui sont efficaces et proportionnées à son objectif. Le Conseil estime que l’approbation de la présente demande est conforme aux Instructions de 2019, car elle i) tiendra compte des directives du Conseil dans la décision de télécom 2020-226 pour l’acheminement des appels 800/888 des ESLC, et ii) accroîtra l’efficacité et la compétitivité, et fera en sorte à ce que les mesures réglementaires relatives aux ententes d’interconnexion de réseaux favorisent la neutralité sur le plan de la concurrence.
- En outre, conformément au sous-alinéa 1b)(i) des Instructions de 2006, l’approbation de la présente demande fait progresser l’objectif de la politique énoncé à l’alinéa 7f) de la Loi.
Secrétaire général
Documents connexes
- Ordonnance de télécom CRTC 2020-244, 6 août 2020
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