Décision de radiodiffusion CRTC 2021-11

Version PDF

Référence : Demande en vertu de la Partie 1 affichée le 16 janvier 2020

Ottawa, le 15 janvier 2021

San Lorenzo Latin American Community Centre
Toronto (Ontario)

Dossier public de la présente demande : 2019-1259-3

CHHA Toronto – Modifications techniques

Le Conseil approuve une demande en vue de modifier le périmètre de rayonnement autorisé de la station de radio AM communautaire à caractère ethnique CHHA Toronto (Ontario).

Demande

  1. Le San Lorenzo Latin American Community Centre (San Lorenzo) a déposé une demande en vue de modifier le périmètre de rayonnement autorisé de l’entreprise de programmation de radio AM communautaire à caractère ethnique CHHA Toronto (Ontario), en augmentant la puissance d’émission de jour et de nuit de 6 250 à 10 000 watts. Tous les autres paramètres techniques demeureraient inchangés.
  2. Le titulaire indique que les modifications techniques demandées sont nécessaires pour résoudre les problèmes de couverture de service dans sa zone de desserte autorisée. San Lorenzo ajoute que les auditeurs touchés par les interruptions de service soumettent régulièrement des plaintes écrites et verbales à la station.

Interventions et répliques

  1. Le Conseil a reçu de nombreuses interventions à l’appui de la présente demande, ainsi qu’une intervention sous forme de commentaire présentée par 8041393 Canada Inc. (8041393), titulaire de la station de radio commerciale spécialisée à caractère ethnique CJRK-FM Scarborough (Ontario), dans laquelle l’intervenant appuie la présente demande, mais demande également que le Conseil impose une condition de licence empêchant CHHA de diffuser en tamoul. San Lorenzo n’a pas répliqué à l’intervention de 8041393.
  2. Le Conseil note que CJRK-FM est la seule station de radio commerciale spécialisée à caractère ethnique spécifiquement autorisée à desservir le marché de Scarborough (qui est un sous-ensemble du marché radiophonique de Toronto que CHHA est autorisée à desservir). CJRK-FM, qui en est encore à sa première période de licence, aurait du mal à être viable si une nouvelle station commerciale de langue anglaise ou de langues tierces lui faisait concurrence pour les revenus publicitaires locaux à Scarborough. Cependant, CHHA n’est pas une station commerciale, mais une station communautaire, et son rôle est de fournir un accès et de répondre aux besoins et aux intérêts de ses communautés cibles d’une manière qui n’est pas satisfaite par les stations de radio commerciale comme CJRK-FM. En outre, les communautés culturelles cibles de CHHA, comme il est énoncé dans la condition de licence 7 de l’annexe de la décision de radiodiffusion 2018-204Note de bas de page 1, n’incluent pas les groupes de langue tamoule. Le Conseil estime donc que, si cette demande était approuvée, il ne serait pas nécessaire d’imposer à CHHA une condition de licence qui restreindrait la diffusion de programmation en langue tamoule.
  3. Le Conseil a également reçu quatre interventions en opposition. Radio Humsafar Inc. (Radio Humsafar), titulaire de CHRN Montréal (Québec), fait valoir que l’approbation de la présente demande entraînerait un brouillage nocturne excessif. Cette intervention est prise en compte dans l’analyse du Conseil présentée ci-dessous. Les trois autres interventions, auxquelles le titulaire a répliqué, sont celles de Canadian Punjabi Network Inc. (Canadian Punjabi Network) et de deux particuliers. Ces interventions concernent des commentaires faits sur les ondes par Joginder Singh Bassi, l’un des animateurs d’une émission de CHHA. Ces observations n’entrent pas dans le cadre de la présente instance et seront plutôt prises en compte lorsque le Conseil examinera le prochain renouvellement la licence de la station.
  4. En plus d’aborder les commentaires émis en ondes susmentionnés, le Canadian Punjabi Network soutient que CHHA est en non-conformité à l’égard de deux de ses conditions de licence, plus précisément les conditions de licence 3 et 4, qui obligent le titulaire à diffuser un certain niveau minimal de programmation à caractère ethnique.
  5. Dans sa réponse, San Lorenzo indique qu’il remplit les conditions de sa licence et qu’il a fourni un calcul le démontrant, et indique que les calculs de l’intervenant incluent par erreur la période non réglementée entre minuit et 6 heures du matin. Le Conseil est satisfait des explications de San Lorenzo.
  6. Canadian Punjabi Network indique également qu’il a entamé une instance judiciaire contre le titulaire concernant une question juridique qui, selon le Conseil, n’est pas liée à la présente demande et ne sera donc pas prise en compte dans la présente décision.

Cadre réglementaire

  1. Le Conseil a le pouvoir, en vertu de l’article 9(1) de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi), d’attribuer et de renouveler des licences pour des périodes maximales de sept ans et aux conditions liées à la situation du titulaire qu’il estime indiquées pour la mise en œuvre de la politique de radiodiffusion énoncée à l’article 3(1) de la Loi, et de modifier les conditions de licence sur demande du titulaire.
  2. Le Conseil s’attend généralement à ce que les titulaires qui déposent des demandes de modifications techniques démontrent l’existence d’un besoin technique ou économique justifiant de manière irréfutable les modifications proposées. Le Conseil peut, à titre d’exception à cette approche générale, approuver les demandes qui ne démontrent pas de manière irréfutable l’existence d’un besoin technique ou économique lorsque les circonstances particulières de l’entreprise le justifient.

Analyse et décisions du Conseil

  1. Après examen du dossier de la présente demande en fonction des règlements et politiques applicables, le Conseil estime que les questions sur lesquelles il doit se pencher sont les suivantes :
    • San Lorenzo a-t-elle démontré l’existence d’un besoin technique ou économique justifiant de manière irréfutable les modifications techniques demandées?
    • La mise en œuvre des modifications techniques demandées aurait-elle une incidence financière néfaste indue sur les stations titulaires?
    • La mise en œuvre des modifications techniques demandées aurait-elle une incidence sur la diversité de la programmation du marché?
    • La mise en œuvre des modifications techniques demandées compromettrait-elle l’intégrité du processus d’attribution de licence initial du Conseil?

Démonstration d’un besoin technique ou économique

  1. Comme il a été noté, le Conseil exige généralement que les titulaires qui demandent des modifications techniques présentent de manière irréfutable des preuves techniques ou économiques justifiant les modifications techniques demandées.
  2. San Lorenzo indique que CHHA connaît des déficiences de signal dans son périmètre de rayonnement principal de jour (15 mV/m) qui font qu’il reçoit régulièrement des plaintes des auditeurs. Selon le titulaire, l’augmentation de la puissance d’émission de la station à 10 000 watts, de jour comme de nuit, permettrait de résoudre ces problèmes de signal et de regagner l’auditoire perdu. À l’appui de sa demande, San Lorenzo a déposé huit plaintes d’auditeurs. Parmi ces plaintes, deux proviennent de lieux situés à l’intérieur du périmètre de rayonnement principal de jour de la station, deux de lieux situés à l’extérieur du périmètre de rayonnement secondaire de jour (5 mV/m) de la station et quatre de lieux inconnus.
  3. Afin de démontrer l’existence d’un besoin technique, le Conseil demande généralement à un demandeur de présenter des preuves de déficiences techniques. Le Conseil fait remarquer qu’il faut s’attendre à certaines déficiences du signal pour n’importe quel signal radio dans un marché urbain aussi dense que celui de Toronto, et que cela est plus susceptible de se produire dans les cas de réception dans les bâtiments situés dans la périphérie du périmètre de rayonnement principal. Le Conseil accepte généralement comme preuve technique valable les plaintes émanant d’auditeurs situés dans des zones où l’on s’attend à une bonne réception (c’est-à-dire à l’intérieur du périmètre de rayonnement principal d’une station et de sa zone sans interférence). Les plaintes d’auditeurs situés à la périphérie ou à l’extérieur du périmètre de rayonnement principal d’une station ne constituent pas des preuves techniques irréfutables. Le Conseil estime donc que les plaintes des auditeurs soumises par San Lorenzo ne démontrent pas suffisamment que CHHA éprouve des déficiences permanentes du signal dans le périmètre de rayonnement principal de sa zone de desserte autorisée.
  4. San Lorenzo n’a pas invoqué un besoin économique pour les modifications techniques demandées.
  5. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que le titulaire n’a pas démontré l’existence d’un besoin technique ou économique qui justifie de manière irréfutable les modifications techniques demandées.

Incidence sur les stations titulaires

  1. Radio Humsafar fait valoir que les modifications techniques demandées entraîneraient du brouillage nocturne pour sa station CHRN et ajoute qu’il s’oppose à toute augmentation de puissance nocturne par CHHA. Dans sa réponse, San Lorenzo indique que, selon elle, l’augmentation de puissance demandée ne causerait pas de brouillage nocturne excessif.
  2. Le Conseil note que le ministère de l’Industrie (le Ministère) est chargé à la fois de la détermination des niveaux d’interférence acceptables et du maintien des normes de protection des exploitants de radio, et que le Ministère a publié une lettre d’acceptation technique conditionnelle pour les modifications techniques demandées. Dans le cas d’un brouillage avéré subi par CHRN, le Ministère exigerait que CHHA réduise sa puissance à 6 250 watts pendant les heures critiques.
  3. Le Conseil est convaincu que le processus susmentionné de résolution des problèmes de brouillage répond de manière adéquate aux préoccupations soulevées par Radio Humsafar en ce qui concerne le brouillage possible subi par CHRN.
  4. L’approbation des modifications techniques demandées aurait pour effet de faire passer les populations desservies par CHHA de 876 000 à 1 023 000 habitants à l’intérieur du périmètre de rayonnement principal de la station (une augmentation de 16,8 %) et de 1 773 000 à 2 172 000 à l’intérieur du périmètre de rayonnement secondaire de la station (une augmentation de 22,5 %).
  5. En matière d’incidence économique, CHHA est un acteur relativement petit sur le marché de Toronto qui fonctionne comme une station communautaire et qui diffuse principalement des émissions en espagnol. Le Conseil note qu’il n’a reçu aucune intervention s’opposant à la présente demande au motif que son approbation aurait une incidence économique négative sur d’autres stations desservant le même marché. Étant donné que CHHA fournit un service de créneau et que l’augmentation de la couverture qui résulterait de l’approbation de la présente demande serait relativement faible, le Conseil estime qu’il est peu probable que les revenus supplémentaires qui en découleraient se fassent au détriment des stations titulaires.
  6. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que la mise en œuvre des modifications techniques demandées n’aurait pas d’incidence financière néfaste indue sur les stations titulaires.

Diversité de la programmation

  1. L’article 3(1)b) de la Loi stipule que le système de radiodiffusion est composé d’éléments publics, privés et communautaires. En tant que station communautaire exploitée par des membres de cette même communauté, CHHA renforce la diversité de la propriété radiophonique dans la région du Grand Toronto ainsi que le système de radiodiffusion canadien dans son ensemble. De plus, le Conseil estime qu’en tant que station à caractère ethnique, CHHA contribue au système canadien de radiodiffusion et sert les objectifs énoncés dans la Loi, notamment à l’article 3(1)d)(iii), en reflétant la condition et les aspirations des Canadiens ainsi que le caractère multiculturel et multiracial de la société canadienne.
  2. Dans l’avis public 1999-117, le Conseil a indiqué que les stations à caractère ethnique sont tenues de desservir un large éventail de groupes ethniques dans diverses langues parce que, vu la rareté des fréquences de radiodiffusion, il ne sera pas possible d’autoriser un service en direct dans une seule langue pour chaque groupe ethnique dans un marché donné. Cette approche permet également la fourniture d’un service à des groupes qui ne pourraient autrement se payer leur propre service dans une seule langue. De plus, dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2010-499, le Conseil a exprimé son point de vue selon lequel il conçoit la radio de campus et la radio communautaire comme une radio unique en raison de sa place dans les collectivités desservies, de son reflet des besoins et des valeurs des collectivités et de l’obligation d’intégrer des bénévoles à la création de la programmation et aux autres aspects de l’exploitation des stations. Dans cette politique réglementaire, le Conseil a également indiqué que la programmation des radios de campus et communautaire devrait se distinguer de la programmation des radios commerciale et publique, tant sur le plan du style que sur celui du contenu.
  3. Les conditions de licence 4, 5 et 6 énoncées dans l’annexe de la décision de radiodiffusion 2018-204 exigent que le titulaire de CHHA consacre 100 % de la programmation diffusée au cours de chaque semaine de radiodiffusion à des émissions à caractère ethnique, dont au moins 75 % doivent être consacrés à des émissions en langue tierce et au moins 60 %, à des émissions en langue espagnole visant les nombreux groupes culturels composant la communauté de langue espagnoleNote de bas de page 2. En outre, la condition de licence 7, énoncée dans cette même annexe, exige que, pour chaque semaine de radiodiffusion, San Lorenzo diffuse des émissions à caractère ethnique destinées à au moins quatre groupes culturels en au moins quatre langues différentes, à savoir l’espagnol, le tagalog, l’italien et le portugaisNote de bas de page 3. Dans le cadre de sa programmation à caractère ethnique exigée, CHHA diffuse des émissions en punjabi, en anglais, en français et dans de nombreuses autres langues. Dans ce contexte, le Conseil estime que CHHA, en fournissant une programmation aux diverses communautés multiculturelles et multiethniques de Toronto, et en donnant accès aux ondes à des groupes qui auraient des difficultés à obtenir du temps d’antenne sur les stations commerciales, sert les objectifs énoncés dans l’avis public 1999-117.
  4. CHHA est également la seule station de radio communautaire à caractère ethnique desservant le marché de Toronto à l’heure actuelleNote de bas de page 4, et le titulaire, San Lorenzo, est une organisation à but non lucratif. Selon le Conseil, cela permet et facilite la communication entre les membres de la communauté en favorisant la diversité dans la diffusion des opinions, du contenu de création orale et de la programmation musicale, et en fournissant un moyen de participer à l’enrichissement culturel de Toronto. Le Conseil estime donc que CHHA sert les objectifs énoncés dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2010-499.
  5. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que la mise en œuvre des modifications techniques demandées appuierait la diversité de la programmation sur le marché radiophonique de Toronto.

Intégrité du processus d’attribution de licence du Conseil

  1. Le Conseil est d’avis que les exigences de programmation de CHHA n’ont pas changé depuis qu’elle a été autorisée à exercer ses activités dans la décision de radiodiffusion 2003-117, à l’issue d’un processus concurrentiel qui a été entamé avec la publication de l’avis public 2001-39 (l’appel). La station continue à fournir les services de programmation spécifiés dans l’appel et à servir les objectifs énoncés dans l’avis public 1999-117 et la politique réglementaire de radiodiffusion 2010-499Note de bas de page 5. Le Conseil note en outre que la mise en œuvre des modifications techniques demandées ne servirait qu’à améliorer la couverture de la zone de desserte autorisée de CHHA et ne permettrait pas au signal de pénétrer les marchés adjacents.
  2. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que l’approbation de la présente demande ne compromettrait pas l’intégrité du processus d’attribution de licences initial du Conseil.

Conclusion

  1. Contrairement à l’approche générale du Conseil concernant les demandes de modifications techniques, San Lorenzo n’a pas réussi à démontrer un besoin technique ou économique justifiant de manière irréfutable les modifications techniques demandées. Toutefois, comme indiqué ci-dessus, CHHA est la seule station communautaire à caractère ethnique autorisée à desservir Toronto; elle offre une programmation communautaire et en langues tierces qui se distingue, par son style et son contenu, de la programmation de radio commerciale, et la mise en œuvre des modifications techniques demandées permettrait à la station de mieux servir son marché autorisé (qui comprend des auditeurs qui, autrement, ne se verraient peut-être pas représentés dans la programmation de radio). L’approbation de la présente demande améliorerait la réception d’un service qui remplit un rôle unique sur ce marché et soutiendrait davantage les objectifs énoncés dans la Loi, dans l’avis public 1999-117 et dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2010-499.
  2. De plus, le Conseil a déterminé que la mise en œuvre des modifications techniques demandées n’aurait pas d’incidence financière néfaste indue sur les stations titulaires, qu’elle favoriserait la diversité de la programmation du marché radiophonique de Toronto et qu’elle ne compromettrait pas l’intégrité du processus d’attribution de licences initial du Conseil.
  3. Compte tenu des circonstances particulières de la présente affaire, le Conseil conclut qu’une exception à son approche générale est justifiée. Par conséquent, le Conseil approuve la demande de San Lorenzo Latin American Community Centre en vue de modifier le périmètre de rayonnement autorisé de l’entreprise de programmation de radio AM communautaire à caractère ethnique CHHA Toronto (Ontario), en augmentant la puissance d’émission de jour et de nuit de 6 250 à 10 000 watts.
  4. En vertu de l’article 22(1) de la Loi, la présente autorisation n’entrera en vigueur que lorsque le ministère de l’Industrie aura confirmé que ses exigences techniques sont satisfaites et qu’il est prêt à émettre un certificat de radiodiffusion.
  5. Le titulaire doit mettre en œuvre les modifications techniques au plus tard 15 janvier 2023. Pour demander une prorogation, le titulaire doit présenter une demande écrite au Conseil au moins 60 jours avant cette date, au moyen du formulaire disponible sur le site Web du Conseil.

Reprogrammation du décodeur de diffusion d’alerte conformément au nouveau périmètre de rayonnement autorisé de la station

  1. Tel qu’il est énoncé à l’article 16 du Règlement de 1986 sur la radio, tous les titulaires de station de radio ont des obligations concernant la diffusion de messages d’alerte d’urgence reçus du Système d’agrégation et de dissémination national d’alertes. En ce qui concerne les modifications au périmètre de rayonnement autorisé de CHHA suivant de la mise en œuvre des modifications techniques approuvées dans la présente décision, le Conseil rappelle au titulaire que la conformité continue à l’égard de l’article 16 du Règlement de 1986 sur la radio peut exiger que tout décodeur de diffusion d’alerte (p. ex. ENDEC) utilisé en vue de diffuser des messages d’alerte d’urgence sur cette station soit reprogrammé pour tenir compte du nouveau périmètre de rayonnement autorisé de manière adéquate.

Secrétaire général

La présente décision doit être annexée à la licence.

Documents connexes

Date de modification :