Décision de radiodiffusion CRTC 2020-191

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Référence : 2018-80

Ottawa, le 15 juin 2020

VMedia Inc.
L’ensemble du Canada

Dossier public de la présente demande : 2018-0077-2

Réexamen de la décision concernant l’ajout de QVC à la Liste de services de programmation et de stations non canadiens approuvés pour distribution

Le Conseil confirme, avec des raisons additionnelles, la décision de radiodiffusion 2016-122, dans laquelle il a refusé la demande d’ajouter QVC à la Liste de services de programmation et de stations non canadiens approuvés pour distribution (la liste). Toutefois, compte tenu des Instructions au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes concernant la mise en œuvre de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique émises par le gouverneur en conseil, le Conseil ajoute néanmoins QVC à la liste.

Introduction

  1. Le 29 septembre 2015, VMedia Inc. (VMedia) a déposé une demande en vue d’ajouter le service de télé-achat par câble basé aux États-Unis QVC à la Liste de services de programmation et de stations non canadiens approuvés pour distribution (la liste).
  2. L’approche générale du Conseil consiste à autoriser la distribution des services non canadiens de langue anglaise et française qui ne concurrencent ni en tout ni en partie des services canadiens facultatifs. L’objectif de cette politique est d’offrir un certain soutien aux services canadiens afin que ceux-ci puissent remplir leurs engagements et leurs obligations.
  3. L’article 32 de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi) prévoit que quiconque exploite au Canada une entreprise de radiodiffusion sans licence et sans autorisation conformément à une ordonnance d’exemption valide commet une infraction. L’article 4 de la Loi précise de plus que la Loi s’applique aux entreprises de radiodiffusion exploitées en tout ou en partie au Canada.  
  4. Dans la décision de radiodiffusion 2016-122, en se fondant sur le dossier de cette instance, le Conseil a estimé qu’il convenait d’examiner la question de savoir si QVC serait exploité en tout ou en partie au Canada, en tenant compte de certains facteurs énoncés dans la décision. Le Conseil a déterminé que QVC exploiterait une entreprise de radiodiffusion, du moins en partie, au Canada parce que la vente de produits faisait partie intégrante de son service de télé-achat et que ses activités au Canada comprendraient la promotion, la vente et la distribution de produits aux Canadiens, et ce, de façon continue. C’est ainsi que le Conseil a conclu que, sur le plan légal, la distribution de QVC au Canada exigeait l’octroi d’une licence de radiodiffusion ou une autorisation en vertu d’une ordonnance d’exemption.
  5. La décision du Conseil précise que, bien que la liste comprenne des services de programmation qui vendent des produits aux Canadiens, aucun de ceux-ci, contrairement à QVC, n’est consacré à des services de télé-achat essentiellement financés par des ventes au détail. Par conséquent, le Conseil a refusé la demande de VMedia d’ajouter QVC à la liste.
  6. VMedia a demandé et obtenu l’autorisation d’interjeter appel de la décision du Conseil devant la Cour d’appel fédérale (la Cour). Dans une décision du 15 septembre 2017, la Cour a renvoyé le dossier au Conseil pour réexamenNote de bas de page 1. Plus précisément, la Cour a conclu que la décision du Conseil ne comportait pas de motifs et d’analyse suffisants pour justifier a) l’obligation, contrairement à sa politique générale, imposée à VMedia de démontrer que QVC n’exploiterait pas une entreprise de radiodiffusion au Canada et b) comment la vente au détail de produits aux Canadiens ferait en sorte que QVC exploite une entreprise de programmation au Canada, puisque la définition d’« entreprise de programmation » contenue dans la Loi se limite à la « transmission d’émissions ».
  7. Dans une lettre du 28 décembre 2017, VMedia a déclaré vouloir procéder à sa demande d’ajouter QVC à la liste. VMedia a aussi fourni à l’appui de sa demande un avis juridique de Dentons Canada s.r.l. (Dentons), daté du même jour.

Enjeux

  1. Dans l’avis de consultation de radiodiffusion 2018-80, le Conseil a sollicité des observations sur la demande de VMedia d’ajouter QVC à la liste, de même que sur les enjeux suivants :
    • QVC exploiterait-il une entreprise de radiodiffusion en partie au Canada si ce service était ajouté à la liste?
    • Compte tenu de la nature des services de télé-achat, le Conseil devrait-il appliquer le test de concurrence (et si oui, comment) ou devrait-il évaluer autrement la demande d’un parrain d’ajouter un service de télé-achat à la liste?
  2. Le Conseil a reçu des interventions en appui à la demande de VMedia. Le Conseil a aussi reçu de la part de particuliers deux interventions en opposition débordant les limites de la présente instance, ainsi qu’une intervention en opposition de Rogers Media Inc. (Rogers)Note de bas de page 2, titulaire du service canadien exempté de télé-achat The Shopping Channel (TSC), à laquelle le demandeur a répliqué.

QVC exploiterait-il une entreprise de radiodiffusion au Canada?

Positions des parties

VMedia
  1. Selon VMedia, QVC désire offrir son signal américain tel quel pour être distribué au Canada et vendre et livrer ses produits directement aux Canadiens. Le demandeur indique de plus QVC n’a nullement l’intention d’établir des locaux, de détenir des comptes de banque ou d’employer du personnel au Canada.
  2. VMedia fait valoir que QVC n’exploiterait pas une entreprise de radiodiffusion au Canada pour les raisons suivantes :
    • Un exploitant d’un service de programmation non canadien inscrit sur la liste n’a jamais été considéré par le Conseil ou par l’industrie comme exerçant des activités de radiodiffusion au Canada lorsque son signal est distribué au Canada par une entreprise de distribution de radiodiffusion (EDR), non plus qu’une entente de distribution entre un service non canadien et une EDR canadienne n’a jamais été considérée comme une indication permettant de croire que ce service exploitait une entreprise de radiodiffusion au Canada.
    • Vendre au détail à des résidents canadiens ne signifie pas exploiter une entreprise de radiodiffusion au Canada puisque les activités de vente au détail sont hors de la portée des définitions de « radiodiffusion » et d’« entreprise de radiodiffusion » en vertu de la Loi. Ces activités de vente au détail sont distinctes et séparées de la transmission du signal américain de QVC diffusé tel quel.
    • Dans la mesure où les activités de QVC ne comportent pas de transmission d’émissions, le service n’exploite pas d’entreprise de radiodiffusion en ce qui concerne ces activités.
  3. De même, l’avis juridique de Dentons soutient que rien dans la Loi ou la jurisprudence n’étend la portée de la notion de radiodiffusion ou de celle d’entreprise de radiodiffusion pour y inclure la vente de biens au public, que ces ventes soient faites par des entreprises canadiennes ou des entreprises étrangères. L’avis a aussi précisé que, dans les cas où le Conseil a dû déterminer si une personne exploitait une entreprise de radiodiffusion au Canada, il a refusé de tenir compte des activités commerciales qui ne constituaient pas des activités de radiodiffusion. Par conséquent, selon Dentons, les activités de vente au détail de QVC ne devraient pas maintenant être un facteur dans la décision du Conseil sur la question de savoir si QVC exploiterait une entreprise de radiodiffusion au Canada.
Rogers
  1. Rogers fait valoir que QVC exploiterait une entreprise de radiodiffusion au Canada et il a déposé un avis juridique de Fasken Martineau DuMoulin s.r.l. à l’appui de sa position.
  2. Rogers soutient notamment que les services de télé-achat sont uniques parce qu’à la différence des services facultatifs qui monétisent leur programmation au moyen de la publicité, les services de télé-achat intègrent la programmation et la publicité pour en faire un produit homogène ayant comme seul objectif de vendre des biens et des services. Rogers soutient que la programmation de QVC et ses activités de vente au détail sont liées de manière inextricable et que QVC ne pourrait offrir l’une sans l’autre. Rogers ajoute que, contrairement aux services facultatifs, les services de télé-achat payent les EDR pour être distribués.
  3. De plus, Rogers fait valoir que, bien qu’une entreprise de radiodiffusion puisse s’engager dans des activités non directement liées à la transmission d’émissions, le Conseil a toujours traité comme faisant partie de l’entreprise les services qui sont une partie intégrante de l’exploitation d’un service de radiodiffusion. Par exemple, Rogers note que le Conseil a toujours reconnu que les activités essentielles à l’exploitation d’un service de radiodiffusion, comme l’équité en matière d’emploi, les transferts de propriété et de contrôle, l’accès aux immeubles, les contributions aux fonds de production, les normes en matière de personnel et les codes sur la consommation, font partie de l’entreprise.

Analyse et décisions du Conseil

  1. La politique générale du Conseil concernant la liste est de permettre l’ajout de services de programmation non canadiens de langue anglaise et française dans la mesure où ils ne font concurrence à aucun service facultatif canadien. Le Conseil utilise une approche au cas par cas en vue de déterminer si un service non canadien donné ferait concurrence à un service canadien.
  2. Alors que le Conseil ne peut pas attribuer de licence à des services étrangers compte tenu des Instructions au CRTC (inadmissibilité de non-Canadiens), le Conseil peut autoriser leur distribution d’autres manières. À cette fin, il a utilisé la liste comme moyen d’autoriser la distribution de services de programmation non canadiens qui sont simplement transmis tels quels sans cibler les auditoires canadiens. Lorsqu’un service cible les auditoires canadiens, le Conseil a exigé que celui-ci soit autorisé ou soit exploité en vertu d’une exemption. Dans le cas présent, Rogers soutient que QVC ne serait pas simplement transmis sans cibler les Canadiens et exploiterait donc une entreprise de radiodiffusion au Canada d’une manière qui nécessiterait une licence.
  3. Afin de répondre à l’allégation selon laquelle QVC serait une entreprise de radiodiffusion exploitée en totalité ou en partie au Canada si QVC était distribué au Canada, le Conseil estime que deux éléments doivent être établis : 1) QVC est-elle une entreprise de radiodiffusion et 2) QVC exploiterait-elle cette entreprise en tout ou en partie au Canada.
QVC est-elle une entreprise de radiodiffusion?
  1. La définition d’entreprise de radiodiffusion prévue à la Loi comprend une « entreprise de programmation », laquelle est définie comme une « entreprise de transmission d’émissions soit directement à l’aide d’ondes radioélectriques ou d’un autre moyen de télécommunication, soit par l’intermédiaire d’une entreprise de distribution, en vue de leur réception par le public à l’aide d’un récepteur ». Le Conseil estime que le Parlement a sciemment choisi d’utiliser le nom « transmission » plutôt que le verbe « transmettre ». Précisément, il est raisonnable d’interpréter que cet élément englobe une entreprise qui n’entreprend pas elle-même activement la transmission des émissions, mais qu’il existe néanmoins une transmission de ces émissions au public. À cet égard, comme le reflète l’Ordonnance d’exemption relative aux entreprises de services de programmation de télé-achats (l’ordonnance d’exemption), énoncée à l’annexe de l’avis public de radiodiffusion 2003-11, la politique actuelle du Conseil consiste à classer les services de télé-achat dans les services de programmation. Ni VMedia ni Rogers n’ont contesté cette qualification.
  2. En outre, en vertu de la Loi, la retransmission de radiodiffusion, qui comprend la transmission d’émissions, fait partie intégrante des activités des entreprises de radiodiffusion. Par conséquent, en lisant les définitions pertinentes de la Loi les unes avec les autres, il est raisonnable de concevoir que le signal provenant d’un programmeur et transmis par une EDR à l’audience fait partie d’une seule et même transmission d’émission.
  3. En se fondant sur le dossier de la présente instance, QVC projette de s’engager dans l’activité de transmission d’émissions de façon indirecte en faisant appel à des entreprises de distribution afin de joindre l’audience. Le Conseil est d’avis que cela suffit pour satisfaire les critères des définitions d’« entreprise de programmation » et d’« entreprise de radiodiffusion » prévues à la Loi.
QVC exploiterait-il cette entreprise en tout ou en partie au Canada?
  1. La politique du Conseil relative aux ajouts à la liste a pour objectif d’augmenter la diversité de la programmation et le choix des services offerts aux Canadiens. La liste ne peut pas servir à contourner l’exigence de détenir une licence lorsqu’il est déterminé que cette personne exploite une entreprise de radiodiffusion en tout ou en partie au Canada.
  2. Dans la décision de radiodiffusion 2016-122, le Conseil a déclaré que les conclusions à savoir si une entreprise de radiodiffusion est exploitée en tout ou en partie au Canada dépendent de l’existence et de l’étendue de tout lien (c.-à-d. d’une connexion véritable et solide) entre le Canada et l’entreprise en question. Le Conseil a ensuite établi une liste des facteurs déjà utilisés en vue de décider si un tel lien existait.
  3. Le Conseil remarque que la décision de la Cour ne mentionne pas que le Conseil ne doit pas tenir compte des activités de vente au détail de QVC; elle indique plutôt que le Conseil n’a pas expliqué adéquatement pourquoi ces activités étaient pertinentes à son analyse compte tenu que la Loi met l’accent sur la transmission d’émissions dans la définition d’entreprise de programmation.
  4. En vue de souligner qu’il s’intéresse principalement à l’aspect radiodiffusion d’une entreprise et, lorsque l’objet de la décision concerne une entreprise de programmation, à la transmission d’émissions, le Conseil adapte comme suit les facteurs énoncés au paragraphe 18 de la décision de radiodiffusion 2016-122 :
    • Les liens physiques de l’« entreprise » au Canada :
      • Qui possède ou contrôle l’entreprise?
      • L’entreprise possède-t-elle des installations de radiodiffusion au Canada?
      • L’entreprise a-t-elle des employés ou des agents (ayant des tâches liées à la programmation) au Canada?
    • Le lien « transmission au public » au Canada :
      • La transmission de la programmation de l’entreprise peut-elle être captée au Canada?
      • L’entreprise sollicite-t-elle des abonnés ou des associés au Canada?
      • L’entreprise a-t-elle l’intention de transmettre de la programmation au Canada?
    • Le lien « programmation » au Canada :
      • La programmation de l’entreprise provient-elle du Canada?
      • L’entreprise sollicite-t-elle de la publicité ou cherche-t-elle autrement à monétiser sa programmation au Canada?
      • L’entreprise détient-elle des droits d’émissions pour le Canada (au lieu par exemple de s’en remettre au régime de retransmission des signaux éloignés de la Commission du droit d’auteur)?
      • L’entreprise vise-t-elle activement les auditoires canadiens par sa programmation?
  5. En ce qui concerne les facteurs susmentionnés, bien que QVC appartienne à une entité américaine qui en exerce le contrôle et qu’il n’existe aucune preuve que QVC occupe des locaux ou emploie du personnel ou des agents au Canada, elle a exprimé son intention de s’engager dans la transmission d’émissions au Canada en coopérant à la présente demande et en déclarant son intention de solliciter des EDR canadiennes en vue d’être distribuée. De plus, alors que la programmation de QVC est produite aux États-Unis, qu’elle ne serait pas modifiée pour le marché canadien et que le service ne solliciterait pas de publicité au Canada, il ciblerait du moins en partie des auditoires canadiens pour les raisons suivantes :
    • l’entreprise détient des droits d’émissions pour le Canada et monétiserait sa programmation au Canada par la vente directe de produits à des téléspectateurs canadiens;
    • elle modifierait ses façons de faire en assurant la livraison aux Canadiens des produits offerts dans ses émissions.
  6. À cet égard, le Conseil est d’avis qu’un service dont la programmation est exclusivement consacrée au marketing de produits que les Canadiens peuvent acheter immédiatement et directement de l’entreprise ciblerait les Canadiens bien davantage que les services présentement inscrits à la liste.
  7. De plus, le Conseil estime depuis longtemps que la sollicitation de publicité au Canada est un facteur clé pour déterminer si un service exploite une entreprise de radiodiffusion au Canada. Même si QVC ne solliciterait pas de publicité au Canada, sa programmation de télé-achat, qui constitue l’unique programmation de la grille horaire, aurait une incidence similaire compte tenu que, essentiellement, elle annoncerait des produits offerts en vente aux Canadiens.
  8. En se fondant sur ce qui précède, le Conseil estime que si QVC était ajouté à la liste et distribué par les EDR, elle exploiterait une entreprise de radiodiffusion en tout ou en partie au Canada. Sur le plan légal, la distribution de QVC au Canada est par conséquent assujettie à l’octroi d’une licence de radiodiffusion.

Le Conseil devrait-il appliquer le test de la concurrence ou évaluer autrement la demande d’un parrain d’ajouter un service de télé-achat non canadien à la liste?

Positions des parties

VMedia
  1. VMedia soutient que la liste est le moyen approprié afin que QVC soit autorisé pour distribution au Canada. Notamment, VMedia allègue que des services de télé-achat modifiés ou conçus pour le Canada doivent entrer dans le marché au moyen de l’ordonnance d’exemption; cependant, les services dont le signal pour distribution au Canada est identique au signal étranger, ce qui est le cas de tous les autres services inscrits sur la liste, devraient être autorisés par une inscription sur la liste. De plus, VMedia soutient que l’existence d’une ordonnance d’exemption n’empêche pas le Conseil d’approuver l’ajout d’un service à la liste. Par exemple, il note qu’alors que de nombreux services canadiens en langues tierces sont exemptés, le Conseil a tout de même approuvé l’ajout à la liste de plusieurs services étrangers en langues tierces.
  2. De plus, VMedia allègue que sa demande concerne la programmation offerte aux Canadiens et que QVC y ajouterait à la diversité des émissions offertes aux Canadiens en offrant des émissions différentes de celles déjà offertes. À cet égard, il fait valoir le caractère unique des animateurs de QVC, des événements américains et internationaux, de la programmation quotidienne ainsi que de l’ensemble du service.
  3. Sur la question de la concurrence, VMedia soutient que QVC ne ferait pas concurrence à TSC pour les motifs suivants :
    • compte tenu que le Conseil a éliminé la protection du genre, le fait que QVC et TSC partage la même nature de service est non pertinent;
    • les marques des produits sont présentées dans des contextes uniques et particuliers à chaque service (c.-à-d. les détails du choix, de la configuration et de la présentation des produits font que la programmation change considérablement); par conséquent, le fait que les deux services puissent vendre les mêmes marques ne peut servir à déterminer le degré de chevauchement de programmation;
    • la capacité de QVC de présenter différents aspects et lieux distingue et définit l’expérience d’achat (p. ex. un grand nombre d’émissions mettent l’accent sur des cultures, expériences et lieux régionaux ou nationaux américains, ce qui n’est pas le cas de TSC);
    • Rogers surévalue le nombre de marques qui se chevauchent en comptabilisant de façon erronée les émissions et les animateurs de Home Shopping Network, un service de télé-achat détenu par QVC, mais exploité en tant qu’entreprise séparée et distincte (c.-à-d. des chevauchements allégués par Rogers, seule une des huit émissions mentionnées est diffusée tant sur QVC que sur TSC, 70 % des animateurs ne paraissent pas sur QVC et plus de la moitié des marques est différente).
  4. VMedia soutient également que l’arrivée de QVC ne causerait à TSC aucun préjudice financier important parce que l’accent de ce dernier sur le marché canadien lui procurerait un avantage par rapport à QVC. À cet égard, VMedia note que Rogers signale les éventuels défis de QVC, par exemple les prix en dollars américains ou le coût de livraison et des droits des produits et services de QVC. VMedia fait aussi valoir que certains produits offerts par QVC ne sont pas disponibles au Canada.
Rogers
  1. Rogers allègue que la liste a été créée dans le but d’autoriser la distribution de services et de stations spécialisés étrangers qui ajoutent à la diversité de la programmation offerte aux Canadiens, et non celle de services de télé-achat étrangers dont le seul objectif est de vendre des produits et des services aux consommateurs. Rogers soutient que le moyen approprié pour obtenir l’autorisation de distribuer QVC au Canada est plutôt l’ordonnance d’exemption. Rogers note que l’ordonnance d’exemption prévoit un ensemble de modalités et de conditions, dont plusieurs diffèrent de celles qui s’appliquent aux autres services facultatifs, visant à s’assurer que chaque service contribue à la programmation canadienne, par exemple une exigence que la programmation de chaque service provienne du Canada et fasse appel de façon prépondérante aux ressources créatrices et autres ressources canadiennes dans la création et la présentation de sa programmation. Rogers fait valoir que l’ordonnance d’exemption est le seul moyen à la disposition du Conseil pour s’assurer que cette catégorie unique de service de programmation puisse contribuer à la réalisation des objectifs de la Loi.
  2. Rogers précise de plus que le Conseil n’a aucune obligation de faire appel à sa politique concernant la liste pour évaluer si le service de télé-achat de QVC peut être admissible à une inscription à cette liste.
  3. Malgré ce qui précède, Rogers allègue que QVC échouerait le test de la concurrence administré par le Conseil afin de déterminer si un service non canadien peut être ajouté à la liste, parce qu’il fait en tout ou en partie concurrence à son service TSC de la façon suivante :
    • les deux sont exploités dans la même langue et offrent le même genre de programmation, soit des émissions de télé-achat en direct consacrées à la promotion et au marketing de produits regroupés dans des catégories presque identiques (santé et beauté, bijoux, maison et style de vie, mode et accessoires et électronique);
    • les deux font la promotion et le marketing de nombreux produits similaires (Rogers dresse une liste de 75 marques, 5 émissions et 29 invités communs aux deux services);
    • les deux ciblent le même auditoire de télé-acheteurs (c.-à-d. Rogers note que le rapport annuel 2017 de QVC indique que 48 % de ses clients américains étaient des femmes entre 35 et 64 ans et il soutient que cette tranche de l’auditoire représente 49 % des clients de TSC).
  4. Compte tenu de ce qui précède, Rogers fait valoir que l’ajout du service de télé-achat de QVC à la liste aurait une incidence négative importante sur TSC et nuirait à sa capacité de contribuer au système canadien de radiodiffusion sans pour autant lui procurer un avantage correspondant. Rogers note aussi que le service de télé-achat de QVC bénéficie déjà d’une base de revenus annuels beaucoup plus importante que celle de TSC et que si QVC était autorisée à entrer dans le marché canadien, elle utiliserait sa taille et son pouvoir d’achat pour empêcher TSC d’accéder aux émissions et aux fournisseurs de produits que se partagent actuellement les deux services. Rogers soutient que ce seul fait aurait une incidence irréparable sur TSC et menacerait sa viabilité.
  5. Enfin, Rogers dit craindre que l’ajout de QVC à la liste lèse les consommateurs canadiens et augmente leur confusion. À titre d’exemple, Rogers soutient que la demande n’est pas claire sur la façon dont QVC s’assurerait que sa programmation respecte des codes de l’industrie en vigueur, sur le mode de livraison des produits aux consommateurs canadiens ou sur la manière dont les prix de détail en dollars américains des produits promus et vendus par son service au Canada seraient convertis en dollars canadiens. Rogers allègue que si QVC était autorisé à faire distribuer par les EDR sa programmation au Canada, il n’existerait aucun moyen pour le Conseil de protéger les consommateurs canadiens qui reçoivent le service.

Analyse et décisions du Conseil

  1. L’un des objectifs de la liste est d’autoriser la distribution au Canada de stations de télévision et de services spécialisés étrangers afin de favoriser la réalisation des objectifs de la Loi, notamment ceux énoncés à l’article 3(1)i), qui prévoient que la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait entre autres i) être variée et aussi large que possible en offrant à l’intention des hommes, femmes et enfants de tous âges, intérêts et goûts une programmation équilibrée qui renseigne, éclaire et divertit, ii) puiser aux sources locales, régionales, nationales et internationales.
  2. Bien que rien ne prouve que QVC contribuerait au système canadien de radiodiffusion dans la même mesure que TSC, le Conseil estime que la programmation originale présentée sur QVC contribuerait, comme les autres services non canadiens inscrits à la liste, à favoriser la réalisation de ces objectifs de la Loi.
  3. Par conséquent, le Conseil est d’avis qu’il serait raisonnable d’appliquer à des services de télé-achat comme QVC sa politique sur l’ajout de services de programmation non canadiens à la liste. Selon le Conseil, cette approche reflète un certain nombre d’objectifs de politique énoncés à l’article 3 de la Loi, notamment parce qu’elle accorde priorité à la distribution des services canadiens tout en reconnaissant que la programmation et les services de programmation non canadiens puissent favoriser le choix, la diversité et la présentation de perspectives différentes. Pour cette raison, le Conseil a éliminé sa politique d’exclusivité des genres pour les services de programmation canadiens dans l’instance Parlons télé, mais l’a maintenue à l’égard des services non canadiens (voir paragraphe 51 de la politique réglementaire de radiodiffusion 2015-96).
  4. En appliquant le test de la concurrence, le Conseil mesure la portée et l’importance de tout chevauchement (p. ex., en raison de la nature du service, de la langue d’exploitation, de l’auditoire ciblé ou du genre d’émissions) entre les services. En cas de chevauchement important, le Conseil refuse généralement l’ajout du service à la liste. Le Conseil craint en effet que le chevauchement de programmation entraîne une fragmentation de l’auditoire et une diminution des revenus du service canadien, ce qui pourrait l’empêcher de remplir ses engagements et ses obligations.
  5. Dans le cas présent, tant QVC que TSC se décrivent comme des leaders dans le domaine du télé-achat offrant une variété de produits de consommation, dont des marques et des produits exclusifs. De plus, Rogers note que les deux services cibleraient clairement le même auditoire, puisque les femmes de 35 à 64 ans représentent 48 % de la clientèle américaine de QVC, alors qu’elles représentent 49 % de celle de TSC. Par conséquent, le Conseil est d’avis que la fragmentation de l’auditoire est un enjeu.
  6. Pour ce qui est de l’importance du chevauchement de la programmation, le Conseil note que la programmation des deux services n’a pas à être identique eu égard au test de la concurrence. Dans le cas de TSC et de QVC, bien que la plupart des émissions individuelles des deux services soient différentes puisqu’elles sont en direct, le format des émissions est très semblable. De façon générale, un produit fait l’objet d’une émission d’une heure qui présente un animateur et un invité représentant la société qui vend le produit. Le dossier révèle que QVC et TSC font souvent la promotion et le marketing des mêmes produits et qu’ils font appel à l’occasion aux mêmes invités en direct. De plus, la vente de produits aux consommateurs est la seule source de revenus de QVC et de TSC, de sorte que cette activité est inextricablement liée au type de programmation que ces services offrent.
  7. Le Conseil estime qu’en raison du fait que les deux services ciblent le même auditoire et tirent leurs revenus d’une programmation ayant le même objectif, la distribution de QVC au Canada pourrait entraîner une perte de revenus pour TSC. Toute perte de revenus nuira à la capacité de TSC de contribuer au système canadien de radiodiffusion. À cet égard, en se fondant sur le dossier de la présente instance, la programmation de QVC et celle de TSC font souvent la promotion des mêmes produits et services et les revenus provenant de ces émissions représentent un pourcentage important de l’ensemble des revenus de TSC. De plus, le Conseil estime que la taille et le pouvoir d’achat de QVC, comparés à ceux de TSC, peuvent faire craindre pour la rentabilité de ce dernier.
  8. En se fondant sur ce qui précède, le Conseil est d’avis que QVC serait en concurrence avec TSC et que le préjudice qui pourrait résulter de l’ajout de QVC à la liste l’emporte sur l’éventuel avantage dont pourrait profiter le système canadien de radiodiffusion et les consommateurs canadiens.
  9. Par conséquent, même si on concluait que QVC n’exploite pas une entreprise de radiodiffusion en tout ou en partie au Canada, le Conseil est d’avis qu’il ne serait pas approprié d’autoriser la distribution de QVC au Canada en vertu de sa politique sur l’ajout de services de programmation non canadiens à la liste.

Instructions au CRTC

  1. Le 30 novembre 2018, le Canada, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis du Mexique (les Parties) ont signé un Protocole afin que l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) remplace l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).
  2. L’ACEUM fait certains prononcés à l’égard de domaines qui relèvent de la compétence du Conseil. L’un de ces prononcés concerne l’accès de certains services de programmation américains spécialisés dans le télé-achat (services américains de télé-achat) au système canadien de radiodiffusion. Précisément, le paragraphe 4 de l’annexe 15-D du chapitre 15 du Protocole énonce ce qui suit :

    Services de programmation de téléachat

    4. Le Canada fait en sorte que les services de programmation américains spécialisés dans le téléachat, y compris les versions modifiées de ces services de programmation américains destinés au marché canadien, puissent être distribués au Canada et qu’ils puissent faire l’objet de négociations d’ententes d’affiliation avec les distributeurs canadiens de télévision par câble, par satellite et par [télévision par protocole Internet].

  3. L’ACEUM entrera en vigueur le 1er juillet 2020. La loi intégrant les obligations énoncées dans l’accord en droit canadien a reçu la sanction royale le 13 mars 2020 et, en vertu du Décret fixant à la date d’entrée en vigueur de l’Accord entre le Canada, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis mexicains la date d’entrée en vigueur de cette loiNote de bas de page 3, entreront également en vigueur le 1er juillet 2020. En vertu de cette loi, le Parlement fait un amendement corrélatif à l’article 27 de la Loi autorisant le gouverneur en conseil de donner des instructions concernant l’ACEUM. Le 29 avril 2020, le gouverneur en conseil a émis Instructions au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes concernant la mise en œuvre de l’Accord Canada–États-Unis–MexiqueNote de bas de page 4 (les Instructions) ordonnant au Conseil de mettre en œuvre, par des moyens appropriés, le paragraphe 4 de l’annexe 15-D de l’accord. Les Instructions entreront en vigueur au même moment que les dispositions législatives. 

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil confirme, avec certains changements, la décision de radiodiffusion 2016-122, dans laquelle il a refusé la demande d’ajouter QVC à la liste. Toutefois, compte tenu des Instructions au Conseil émises par le gouverneur en conseil, le Conseil ajoute néanmoins QVC dans un format non modifié à la liste. Cet ajout sera en vigueur à la date d’entrée en vigueur des Instructions au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes concernant la mise en œuvre de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique.

Secrétaire général

Documents connexes

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