Décision de Conformité et Enquêtes et de Télécom CRTC 2020-185

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Ottawa, le 9 juin 2020

Dossier public : 8638-B2-201905879

Bell Canada – Demande en vue de permettre à Bell Canada et à ses affiliées de bloquer certains appels vocaux frauduleux à titre d’essai

Le Conseil approuve la demande de Bell Canada en vue de permettre à Bell Canada et à ses affiliées de bloquer certains appels vocaux frauduleux à titre d’essai pendant 90 jours. Les conclusions du Conseil dans la présente décision contribueront à faire en sorte que les avantages potentiels de l’essai soient étendus au plus grand nombre possible de Canadiens, tout en atténuant toute incidence négative sur les télécommunications légitimes.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande de Bell Canada, en son nom et au nom de ses  affiliées (collectivement Bell Canada et autres), datée du 24 juillet 2019 et révisée le 27 août 2019, dans laquelle elles demandaient l’autorisation du Conseil de mener un essai de 90 jours pour bloquer certains appels vocaux frauduleux, connus et vérifiés, reçus ou transmis de leurs réseaux ou sur leurs réseaux.
  2. Bell Canada et autres ont indiqué que, conformément aux conclusions du Conseil dans la politique réglementaire de Conformité et Enquêtes et de Télécom 2018-484, elles mettaient au point la mise en œuvre du service de blocage universel d’appels à l’échelle du réseau prescrit par le Conseil. En prévision de l’exigence liée au service de blocage universel d’appels, Bell Canada et autres ont indiqué qu’elles ont reconfiguré leurs réseaux de système de signalisation no 7 (SS7) et qu’elles ont déployé les outils de blocage d’appels à leurs passerelles SS7 consolidées et à leurs passerelles internationales. Bell Canada et autres ont ajouté qu’elles peuvent s’appuyer sur les outils de blocage d’appels et les combiner à l’intelligence artificielle et à l’apprentissage automatique pour bloquer potentiellement d’autres types d’appels frauduleux.
  3. Bell Canada et autres ont proposé d’utiliser l’intelligence artificielle pour analyser le trafic de télécommunication afin de repérer les anomalies qui suggèrent une éventuelle activité frauduleuse. Ces anomalies seraient alors soumises à un examen, et si une activité frauduleuse était vérifiée, Bell Canada et autres bloqueraient les appels ultérieurs liés à l’activité anormale à l’échelle du réseau.
  4. Étant donné que le système de blocage d’appels serait mis en œuvre à l’échelle du réseau, chaque appel en provenance des réseaux de Bell Canada et autres, y aboutissant ou y transitant simplement, serait soumis à une analyse et à un blocage potentiel. En outre, étant donné la couche réseau à laquelle le blocage se produit, ni l’expéditeur ni le destinataire prévu d’un appel n’est informé que celui-ci a été bloqué. Seuls les appels vocaux seraient assujettis à ce système; il n’y aurait aucune incidence sur les messages textes et les autres télécommunications.
  5. Bell Canada et autres ont désigné des parties importantes de leur demande comme étant confidentielles, conformément à l’article 39 de la Loi sur les télécommunications (Loi). Elles ont indiqué que la divulgation de certains détails, en particulier la méthode utilisée pour l’évaluation des appels, pourrait permettre raisonnablement aux acteurs malveillants de se procurer un gain important, compromettre l’efficacité du système de blocage d’appels proposé par Bell Canada et autres et perpétuer des dommages financiers considérables aux Canadiens ciblés par des appels frauduleux.
  6. Le Conseil a rendu ses décisions concernant les demandes de confidentialité de Bell Canada et autres et les demandes de divulgation des intervenants dans la décision de Conformité et Enquêtes et de Télécom 2020-7. Le Conseil a reconnu la préoccupation de Bell Canada et autres selon laquelle rendre publics certains détails de leur méthode de blocage des appels pourraient fournir un avantage appréciable à ceux qui cherchent à se soustraire au système de Bell Canada et autres dans le but de frauder les Canadiens. Le Conseil a également reconnu les préoccupations des intervenants qui ont fait valoir que le manque de renseignements disponibles les empêchait de formuler des observations pertinentes sur la demande de Bell Canada et autres.
  7. Par conséquent, le Conseil a ordonné à Bell Canada et autres de divulguer certains renseignements dans le dossier public, et de divulguer d’autres renseignements confidentiels aux intervenants qui ont signé un accord de non-divulgation, proposé par Bell Canada et autres.
  8. Le Conseil a reçu des interventions concernant la demande de Bell Canada et autres de M. Fenwick McKelvey et de M. Reza Rajabiun; de M. Marc Nanni; de M. Mark Phillips; d’Allstream Business Inc. (Allstream); du Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. (CORC); de l’Internet Society Canada Chapter (ISCC); d’Iristel Inc., en son propre nom et au nom d’Ice Wireless Inc. (Iristel); de Québécor Média inc., au nom de Vidéotron ltée (Vidéotron); de
    Rogers Communications Inc. (RCCI); et de TELUS Communications Inc. (TCI).

Contexte

  1. Compte tenu du rôle essentiel que jouent les télécommunications dans la vie des Canadiens, le Conseil estime que la protection des Canadiens lorsqu’ils accèdent au système de télécommunication est d’une importance fondamentale. Le Conseil a reconnu qu’une approche multidimensionnelle est nécessaire pour atteindre cet objectif et, à cette fin, a mené un certain nombre d’instances pour étudier diverses mesures en vue de protéger les Canadiens contre les appels non sollicités et illicites. Par exemple, dans la politique réglementaire de Conformité et Enquêtes et de Télécom 2018-484, le Conseil a exigé des entreprises canadiennes et des autres fournisseurs de services de télécommunication (FST) qui fournissent des services de télécommunication vocale qu’ils mettent en œuvre un service de blocage universel d’appels, dans la mesure prévue dans cette décisionNote de bas de page 1, à moins qu’elles ne proposent des solutions de filtrage d’appels dans le délai prescrit pour la mise en œuvre du service de blocage universel d’appels. Le Conseil a également prescrit la mise en œuvre d’autres mesures en vue de permettre aux Canadiens de se protéger contre les appels importuns et qui permettront d’authentifier les renseignements d’identification de l’appelant et de localiser les appelsNote de bas de page 2.
  2. Le Conseil reconnaît que les appels frauduleux constituent une menace importante pour les Canadiens et l’infrastructure de télécommunication canadienne; néanmoins, tout système qui implique le blocage des appels à l’échelle du réseau exige un examen minutieux afin de s’assurer qu’il est soigneusement conçu pour fonctionner dans l’intérêt public.

Le Conseil devrait-il approuver la demande de Bell Canada et autres en vertu de l’article 36 de la Loi?

  1. En vertu de l’article 36 de la Loi, il est interdit à une entreprise canadienne, sauf avec l’approbation du Conseil, « de régir le contenu ou d’influencer le sens ou l’objet des télécommunications qu’elle achemine pour le public ». Le Conseil a déjà exprimé l’avis selon lequel l’obligation d’obtenir une autorisation en vertu de cet article se pose lorsqu’une entreprise cherche à bloquer des appelsNote de bas de page 3. La Loi n’établit pas de paramètres pour guider l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire par le Conseil, à l’exception des exigences généralement applicables selon lesquelles il doit exercer son autorité i) en vue d’atteindre les objectifs de la politique de télécommunication énoncés à l’article 7 de la Loi, et ii) en conformité avec les Instructions de 2006Note de bas de page 4 et de 2019Note de bas de page 5.
  2. La majorité des intervenants se sont opposés à la demande de Bell Canada et autres. Certains de ces intervenants ont fait valoir que la proposition de Bell Canada et autres porterait atteinte aux mesures existantes imposées par le Conseil, et d’autres parties ont abordé la question de la définition appropriée des appels frauduleux. Les principales préoccupations soulevées par les intervenants défavorables concernaient généralement i) le fait que la méthode utilisée pour déterminer les appels à bloquer s’appliquerait non seulement aux appels à destination et en provenance des clients de Bell Canada et autres, mais aussi au trafic ne faisant que transiter par les réseaux de ces dernières; ii) le risque de faux positifsNote de bas de page 6; et iii) l’étendue et la portée des renseignements que Bell Canada et autres examineraient pour déterminer s’il convient de bloquer les appels.
  3. Le Conseil admet que le fait de bloquer avec succès les appels frauduleux vérifiés serait bénéfique pour les Canadiens et les réseaux de télécommunication, et servirait donc l’intérêt du public. En délibérant sur la question d’autoriser Bell Canada et autres à mettre en œuvre sa proposition de blocage d’appels, le Conseil a évalué les préoccupations soulevées par les intervenants et s’est demandé si elles l’emportaient sur les avantages de la proposition. Ce faisant, le Conseil a également évalué la proposition de Bell Canada et autres afin de déterminer si elle a été, ou pourrait être, suffisamment adaptée pour réduire au minimum ces préoccupations valables.
  4. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil a examiné les questions suivantes pour déterminer s’il devait approuver la demande de Bell Canada et autres conformément à l’article 36 de la Loi :
    • Le système de blocage d’appels de Bell Canada et autres aurait-il une incidence négative sur les mesures réglementaires actuelles ayant pour but d’atténuer les télécommunications importunes et frauduleuses?
    • Le Conseil devrait-il accepter la définition d’appels frauduleux présentée par Bell Canada et autres pour les besoins de l’essai qu’elles proposent?
    • Bell Canada et autres devraient-elles être autorisées à bloquer les appels qui ne font que transiter par leurs réseaux?
    • Y a-t-il des risques de faux positifs et, si oui, ces risques l’emportent-ils sur les avantages de l’essai proposé?
    • Comment les données utilisées ou générées par Bell Canada et autres pendant l’essai proposé seront-elles traitées?

Le système de blocage d’appels de Bell Canada et autres aurait-il une incidence négative sur les mesures réglementaires actuelles ayant pour but d’atténuer les télécommunications importunes et frauduleuses?

Positions des parties

  1.  Vidéotron a fait valoir que la proposition de Bell Canada et autres causerait une confusion chez les consommateurs entre les mesures qui sont expressément prescrites par le Conseil pour tous les FST et celles prises par Bell Canada et autres. M. Nanni a indiqué que le système de Bell Canada et autres éliminerait le choix des consommateurs en matière de mesures de blocage d’appels.
  2. Bell Canada et autres ont fait valoir que le système qu’elles proposent vise à compléter les mesures déjà prescrites par le Conseil, notamment le blocage d’appels universel et STIR/SHAKENNote de bas de page 7. Elles ont indiqué que le système constitue un autre effort pour lutter contre les appels frauduleux en repérant et bloquant les appels qui pourraient échapper aux systèmes existants.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Le Conseil conclut qu’il n’y a aucun chevauchement précis entre les mécanismes proposés par Bell Canada et autres dans leur demande et ceux requis conformément à la décision de Conformité et Enquêtes et de Télécom 2018-484Note de bas de page 8. Les appels qui répondent aux critères de blocage d’appels universel seront toujours bloqués à l’échelle du réseau de façon indépendante de toute mesure supplémentaire prise par Bell et autres.
  2. Dans le cas d’appels bloqués par le système de Bell Canada et autres qui étaient en fin de compte destinés à des FST ayant choisi d’offrir un filtre d’appels facultatif plutôt qu’un blocage d’appels universel, les incidences négatives possibles seraient limitées aux cas de faux positifs où un consommateur a choisi d’autoriser les appels d’un appelant précis, mais où l’appel est quand même bloqué. Les enjeux liés aux faux positifs sont abordés ci-dessous.
  3. Par conséquent, le Conseil estime que l’essai proposé par Bell Canada et autres n’aurait pas d’incidence négative sur les mesures réglementaires existantes. Il compléterait plutôt ces mesures en bloquant les appels frauduleux vérifiés qui autrement parviendraient aux consommateurs.

Le Conseil devrait-il accepter la définition de Bell Canada et autres d’appels frauduleux pour les besoins de l’essai qu’elles proposent?

Positions des parties

  1. Allstream et le CORC ont fait valoir que Bell Canada et autres n’ont pas fourni dans leur demande une définition claire de ce qu’elles estiment être des appels frauduleux.
  2. En réponse, Bell Canada et autres ont proposé la définition suivante :

    Un appel frauduleux désigne un service de télécommunication vocale qui tente, par tromperie, mensonge ou autre moyen frauduleux, de voler à une personne, à une organisation ou au public tout bien, tout argent, toute sécurité réelle ou tout service.

  3. Elles ont en outre fait valoir que seules les télécommunications vocales seront incluses dans l’essai et que, pour les besoins de l’essai, certains appels présentant un risque plus élevé d’être faussement signalés sont exclus de la définition ci-dessus. Bell Canada et autres ont fourni une description de cette catégorie d’appels au Conseil à titre confidentiel.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Le Conseil estime que les paramètres et la définition des appels frauduleux de Bell Canada et autres sont suffisamment clairs et précis pour être relativement compris par toutes les parties intéressées et les intervenants.
  2. Par conséquent, le Conseil accepte la définition d’appels frauduleux présentée par Bell Canada et autres pour les besoins de l’essai qu’elles proposent.

Bell Canada et autres devraient-elles être autorisées à bloquer les appels qui ne font que transiter par leurs réseaux?

Positions des parties

  1. Allstream, le CORC, Iristel, l’ISCC, Vidéotron, M. McKelvey et M. Rajabiun, ainsi que M. Nanni se sont tous opposés à la proposition de Bell Canada et autres de soumettre le trafic de tiers à un blocage potentiel. Dans le cadre de ce système, même le trafic de télécommunication ne faisant que transiter par les réseaux de Bell Canada et autres serait soumis à une analyse et à un blocage potentiel. Les parties sus-mentionnées ont généralement fait valoir que si la demande de Bell Canada et autres était approuvée, elle ne devrait l’être que pour le trafic en provenance ou à destination des propres clients de Bell Canada et autres.
  2. L’ISCC a en outre fait valoir que le système devrait être facultatif.
  3. Allstream a indiqué que l’essai proposé, s’il était approuvé, devrait être soumis à la surveillance du Conseil et de l’industrie afin de garantir qu’il est mis en œuvre de manière neutre sur le plan de la concurrence. Elle a également fait valoir que Bell Canada et autres devraient être tenues de soumettre au Conseil et aux autres FST des rapports indiquant le nombre d’appels bloqués en provenance et à destination des réseaux de ces fournisseurs.
  4. Iristel, M. McKelvey et M. Rajabiun ont établi des parallèles entre la proposition de Bell Canada et autres et les filtres antipourriel, déclarant qu’il faut beaucoup de temps et de ressources pour mettre efficacement au point de tels systèmes. M. McKelvey et M. Rajabiun ont fait valoir que le fait de signaler les appels aux consommateurs plutôt que de les bloquer serait une solution plus efficace au problème d’appels frauduleux.
  5. Allstream, le CORC, l’ISCC et Vidéotron ont argué que le blocage du trafic de transit peut poser des problèmes aux clients des FST tiers, et que ces FST ne seraient pas en mesure de résoudre efficacement ces problèmes, notamment parce que leurs clients pourraient ne pas savoir pourquoi ou par qui leurs appels sont bloqués.
  6. Allstream, le CORC et M. Nanni ont également attiré l’attention sur la position de Bell Canada et autres dans l’industrie des télécommunications, ce qui signifie qu’une partie importante de tout le trafic de télécommunication pourrait transiter par les réseaux de Bell Canada et autres à un moment donné, exposant ainsi ce trafic à un blocage éventuel.
  7. RCCI a fait valoir que le système et l’essai proposés par Bell Canada et autres, s’ils étaient approuvés, devraient être appliqués uniformément à tous leurs circuits, soumettant ainsi l’ensemble du trafic à un traitement égal. TCI a indiqué que l’approbation de la demande de Bell Canada et autres générerait des renseignements utiles concernant les critères d’approbation permanente des systèmes semblables de blocage d’appels à l’échelle du réseau.
  8. Bell Canada et autres ont indiqué qu’il n’est pas possible sur le plan technologique de limiter l’essai et le système de blocage d’appels connexe au raccordement des appels ou de mettre en œuvre une procédure d’adhésion, comme certains intervenants l’ont suggéré, et qu’à l’exception du trafic se terminant sur leurs propres réseaux, elles ne sont pas en mesure de déterminer quel FST serait l’entreprise d’arrivée d’un appel donné. Bell Canada et autres ont en outre fait valoir que leur technologie n’est pas en mesure de cibler efficacement un FST d’origine donnéNote de bas de page 9, parce qu’il est exploité à un niveau différent, et, par conséquent, de récupérer les renseignements nécessaires pour se livrer à une telle pratique.
  9. Ainsi, dans le système de Bell Canada et autres, le trafic de transit et d’arrivée reçoit un traitement uniforme, et aucune préférence indue ou discrimination ne peut être démontrée à l’égard d’un FST particulier. Elles ont souligné le mémoire de RCCI pour appuyer leur approche.
  10. Bell Canada et autres ne sont pas d’accord avec le mémoire d’Allstream voulant qu’une surveillance par l’industrie de leur essai proposé soit requise. Bell Canada et autres ont argué qu’une telle surveillance n’aurait aucun fondement juridique ou réglementaire et que le Conseil a la compétence, le pouvoir et l’expertise nécessaires pour établir et superviser toutes les protections nécessaires à l’égard de l’essai. Dans cette optique, Bell Canada et autres ont en outre précisé leur volonté de fournir au Conseil, à titre confidentiel, tout renseignement qu’il pourrait demander, comme le nombre d’appels bloqués, le nombre d’identifications de lignes d’origine bloquées individuellement, les types d’appels frauduleux bloqués et le nombre de faux positifs.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Le Conseil accepte l’argument de Bell Canada et autres selon lequel il ne leur est pas possible sur le plan technologique de limiter l’essai proposé et le système de blocage d’appels connexe au raccordement des appels ou de mettre en œuvre une procédure d’adhésion, et qu’à l’exception du trafic se terminant sur leurs propres réseaux, elles ne sont pas en mesure de déterminer quel FST serait l’entreprise d’arrivée d’un appel donné. Le Conseil accepte également l’argument de Bell Canada et autres selon lequel ils ne récupéreraient pas les renseignements qui seraient nécessaires pour cibler efficacement un FST d’origine donné, en partie parce que le système ne récupère pas les renseignements de la base de données de transférabilité des numéros locaux.
  2. Le Conseil estime que l’avantage potentiel d’un système de blocage d’appels à l’échelle du réseau qui engloberait le trafic de transit est qu’il étendrait à tous les consommateurs utilisant les réseaux de télécommunication (et pas seulement aux clients de Bell Canada et autres) l’avantage du blocage des appels frauduleux, ainsi que l’avantage supplémentaire de la réduction de la congestion sur tous les réseaux de télécommunication. Le Conseil fait également remarquer qu’en exploitant le système de blocage d’appels à l’échelle du réseau, Bell Canada et autres seraient en mesure d’examiner et de fournir au Conseil des détails relatifs à l’efficacité des systèmes de blocage d’appels pour atténuer l’incidence des appels frauduleux sur les consommateurs à grande échelle.
  3. En se fondant sur ce qui précède, le Conseil estime que les avantages d’appliquer l’essai de blocage d’appels au trafic de transit l’emportent sur les risques éventuels. En outre, dans la mesure où il existe des risques, ils peuvent être palliés, comme indiqué ci-dessous.
  4. Tel qu’il est indiqué ci-dessus, la mise en œuvre à l’échelle du réseau de Bell Canada et autres réduirait leur capacité à cibler le trafic d’un FST particulier. Néanmoins, toute incidence négative inappropriée sur les FST pourrait être abordée en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi. Conformément à cette disposition, il est interdit à Bell Canada et autres de faire preuve de discrimination injuste à l’encontre d’un autre FST et de son trafic de télécommunication ou de s’accorder une préférence indue.
  5. Le Conseil reconnaît que les FST peuvent ne pas être en mesure de résoudre les plaintes des clients concernant les appels non acheminés. Le Conseil estime que les préoccupations relatives à l’incidence sur les FST et leurs clients pourraient être dissipées en imposant à Bell Canada et autres diverses exigences pour traiter ces plaintes de manière rapide et complète.
  6. Enfin, le Conseil estime qu’il pourrait surveiller l’effet de l’essai proposé sur les FST en exigeant de Bell Canada et autres de soumettre des rapports sur l’évolution de l’essai. La mise en œuvre de mesures rigoureuses en matière de rapports aiderait le Conseil à s’assurer que le système de Bell Canada et autres fonctionne d’une manière qui respecte les obligations existantes des entreprises.
  7. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil rejette les objections relatives à l’essai proposé par Bell Canada et autres au motif qu’il s’applique au trafic de transit.

Y a-t-il des risques de faux positifs et, si oui, ces risques l’emportent-ils sur les avantages de l’essai proposé?

  1. Les télécommunications légitimes qui sont indûment bloquées, intentionnellement ou par inadvertance, par le système de blocage d’appels de Bell Canada et autres constituent de faux positifs aux fins de la présente décision.

Positions des parties

  1. Plusieurs intervenants ont fait part de leurs préoccupations concernant le risque de faux positifs et la perturbation des télécommunications légitimes par l’essai proposé. TCI a fait valoir que, bien qu’elle ait soutenu la demande de Bell Canada et autres de manière générale, il faut reconnaître que certains résultats faussement positifs se produiront, et qu’il faut évaluer cela au regard des avantages éventuels que le système de Bell Canada et autres pourrait offrir. TCI a ajouté que les appels au service 9-1-1 ne devraient en aucun cas être bloqués.
  2. M. Nanni a indiqué que, compte tenu de l’estimation faite par Bell Canada et autres du volume d’appels frauduleux transitant actuellement par leurs réseaux, les faux positifs pourraient se chiffrer par milliers, selon son taux de faux positifs estimé à 0,2 %.
  3. Allstream et Iristel ont fait part de leurs préoccupations quant au fait que les mesures de correction pourraient ne pas être claires pour les consommateurs dont les télécommunications sont affectées en raison d’un faux positif, et que toute correction de ce type doit être rapidement et facilement accessible.
  4. RCCI a argué qu’il serait fastidieux pour les FST de demander de manière proactive le déblocage des télécommunications, en particulier dans le cas de faux positifs découlant de la fourniture de numéros précédemment non attribués qui ont été bloqués par Bell Canada et autres. Elle a indiqué qu’une approche automatisée atténuerait cette charge pour les tiers.
  5. Bell Canada et autres ont contesté l’estimation faite par M. Nanni du nombre potentiel de faux positifs pouvant résulter de leur essai. Elles ont ajouté que certaines catégories d’appels ne seraient en aucun cas bloquées.
  6. Bell Canada et autres ont fait valoir que, bien qu’elles ne prévoient pas de faux positifs, elles mettraient en œuvre certaines mesures de prévention et de correction pour répondre aux préoccupations des intervenants. Elles se sont engagées à mettre en œuvre un processus de déblocage automatisé qui fournirait aux FST un numéro de contact pour signaler d’éventuels faux positifs et pour enquêter au plus vite sur tout faux positif signalé. Elles se sont également engagées à mettre en œuvre rapidement des changements afin d’éviter de faux positifs semblables.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Le Conseil reconnaît l’argument de Bell Canada et autres selon lequel elles ne s’attendent pas à de faux positifs, compte tenu du système de vérification complet et approfondi qu’elles ont mis au point. Le Conseil reconnaît que les faux positifs sont peu probables compte tenu de la conception du système; cependant, il estime également que la possibilité de faux positifs ne doit pas être exclue.
  2. Étant donné le nombre minimal de faux positifs, s’il y en a, qui pourraient avoir lieu au cours de l’essai proposé par Bell Canada et autres, le Conseil estime que les risques associés aux faux positifs ne sont pas significatifs. Le Conseil conclut donc que ces risques peuvent être palliés de manière adéquate en veillant à ce que Bell Canada et autres répondent de manière appropriée aux plaintes concernant les appels bloqués, et en exigeant de Bell Canada et autres qu’elles mettent en œuvre le mécanisme de déblocage qu’elles proposent. Cela exigerait que Bell Canada et autres mettent en œuvre des procédures efficaces pour traiter les plaintes concernant les appels bloqués, combinées à des mécanismes de correction rigoureux pour résoudre tout faux positif de manière équitable, rapide et complète. Ces procédures et mécanismes de correction permettraient d’éviter la répétition de faux positifs.

Comment les données utilisées ou générées par Bell Canada et autres pendant l’essai proposé seront-elles traitées?

Positions des parties

  1. Plusieurs intervenants, dont Allstream, l’ISCC, M. McKelvey, M. Rajabiun et M. Nanni, ont soulevé un certain nombre de préoccupations concernant les données que Bell Canada et autres peuvent recueillir ou utiliser pour exploiter leur système de blocage d’appels. Ces préoccupations portaient sur les éventuelles utilisations concurrentielles ou commerciales de ces données que Bell Canada et autres pourraient tenter d’exploiter, ainsi que sur la protection des données et de la vie privée des consommateurs.
  2. L’ISCC, M. McKelvey et M. Rajabiun ainsi que M. Nanni ont également exprimé leur préoccupation quant à la nature des données recueillies dans la mesure où elles peuvent permettre l’identification ou le ciblage de personnes précises.
  3. Bell Canada et autres ont fait valoir que, de par sa conception, leur système d’intelligence artificielle serait incapable de cibler une personne ou un FST précis, parce qu’il ne fonctionne pas à un niveau permettant d’accéder aux renseignements requis ou de les questionner pour permettre une telle activité. Selon Bell Canada et autres, toutes les données accumulées seraient dépersonnalisées pour garantir la protection de la vie privée.
  4. Bell Canada et autres ont ajouté qu’elles s’engagent à mettre en œuvre des mesures de protection des données pour protéger la collecte, l’utilisation, la divulgation, la conservation et la destruction des données en rapport avec l’essai. Elles ont décrit les différentes mesures déjà en place pour protéger les données des consommateurs et ont souligné les diverses obligations en matière de données et de vie privée auxquelles elles sont déjà soumises.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Le Conseil fait remarquer que les données que Bell Canada et autres utiliseront pour leur essai de blocage d’appels proposé sont obtenues et conservées par Bell Canada et autres, comme tous les autres FST, pour fournir des services de télécommunication et exploiter l’infrastructure de télécommunication. Néanmoins, le Conseil reconnaît que l’essai proposé comprend une nouvelle utilisation de ces données et nécessite leur manipulation pour alimenter le système de blocage d’appels afin de repérer, de vérifier et de bloquer les appels frauduleux sur les réseaux de Bell Canada et autres. Le Conseil fait remarquer que les obligations réglementaires et autres obligations légales de Bell Canada et autres concernant la collecte, l’utilisation et la divulgation de renseignements personnels et d’autres renseignements confidentiels s’appliqueront à la collecte, à l’utilisation et à la divulgation de ces renseignements par Bell Canada et autres pour le système de blocage d’appels qu’elles proposent. Compte tenu de la manière inédite dont les renseignements seraient utilisés pour détecter les appels frauduleux, le Conseil estime que Bell Canada et autres ne devraient pas être autorisées à utiliser ou à divulguer ces informations dans un but autre que la mise en œuvre de l’essai du système de blocage d’appels approuvé dans la présente décision. Sous réserve de ce qui précède, le Conseil estime que les mesures en place pour la protection des renseignements confidentiels, ainsi que les exigences en matière de consentement pour la collecte, l’utilisation et la divulgation de renseignements personnels, et les autres mesures ayant pour but de protéger la vie privée des personnes, sont suffisantes.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil estime que les préoccupations soulevées par les intervenants, individuellement et collectivement, ne justifient pas de rejeter la proposition d’essai de blocage d’appels et de priver les consommateurs de la protection contre les préjudices résultant d’appels frauduleux vérifiés. Le Conseil fait remarquer la méthodologie rigoureuse proposée par Bell Canada et autres pour repérer et vérifier les appels frauduleux et du fait que l’approbation sollicitée dans la présente demande concerne uniquement un essai de 90 jours. La prolongation de l’essai, ou la mise en œuvre permanente du système de blocage d’appels, nécessitera un autre processus et l’approbation du Conseil. Le Conseil conclut donc qu’avec la surveillance et les mesures appropriées pour atténuer l’incidence du blocage involontaire ou par inadvertance des appels légitimes, les avantages de l’essai proposé par Bell Canada et autres l’emportent sur les risques discutés par les intervenants.
  2. Par conséquent, le Conseil conclut que l’approbation de la demande de Bell Canada et autres, en vertu de l’article 36 de la Loi et sous réserve des mesures et des exigences supplémentaires énoncées ci-dessous, serait dans l’intérêt public et favoriserait l’atteinte des objectifs de la politique de télécommunication énoncés aux paragraphes 7a), 7b), 7c), 7h) et 7i) de la LoiNote de bas de page 10, et serait conforme aux Instructions de 2006 et de 2019.
  3. Le Conseil approuve donc la demande de Bell Canada et autres en vue de bloquer temporairement certains appels vocaux frauduleux connus et vérifiés, à titre d’essai pendant 90 jours, comme indiqué dans leur demande, sous réserve des conditions énoncées ci-dessous. Le Conseil fait remarquer que certaines conditions se réfèrent à des renseignements que Bell Canada et autres ont soumis à titre confidentiel. Conformément aux conclusions qu’il a prises dans la décision de Conformité et Enquêtes et de Télécom 2020-7, le Conseil estime que la divulgation de certains aspects du système de blocage d’appels peut fournir un avantage important à ceux qui chercheraient à s’y soustraire, et conclut que le préjudice susceptible de résulter de la divulgation de ces détails dans le dossier public l’emporte sur l’intérêt public de la divulgation. Par conséquent, le Conseil a gardé confidentiels certains détails dans les conditions exposées ci-dessous qui révéleraient des renseignements confidentiels concernant le système de blocage d’appels de Bell Canada et autres. Ces détails sont exposés dans une lettre séparée adressée à Bell Canada et autres (ci-après, la lettre confidentielle) et divulgués aux intervenants qui ont signé un accord de non-divulgation conformément au processus établi dans la décision de Conformité et Enquêtes et de Télécom 2020-7.
  4. Les conditions d’approbation sont les suivantes :
    1. Bell Canada et autres doivent déposer pendant la durée de l’essai un rapport mensuel contenant le nombre total et la fréquence d’appels bloqués chaque semaine, de la manière précisée dans la lettre confidentielle, y compris la ou les dates auxquelles les appels ont été bloqués et l’endroit où ces appels sont entrés dans les réseaux de Bell Canada et autres, dans la mesure où ces renseignements sont connus. Les rapports doivent être remis 15 jours après la fin de chaque période d’essai de 30 jours.
    2. En ce qui concerne les faux positifs :
      1. Avant le début de l’essai, Bell Canada et autres doivent :
        1. établir et maintenir, pendant la durée de l’essai, un numéro de téléphone et une adresse électronique pour que les FST puissent soumettre à Bell Canada et autres des plaintes ou des avis concernant d’éventuels faux positifs;
        2. aviser les FST qui offrent des services de communication vocale du numéro de téléphone et de l’adresse courriel que les FST peuvent utiliser pour soumettre des plaintes ou des avis concernant de faux positifs potentiels. Cette notification doit informer les FST de la norme de service décrite au point b) ci-dessous.
      2. Bell Canada et autres doivent maintenir un délai de réponse de 24 heures entre le moment où elles sont informées pour la première fois d’un faux positif potentiel, soit par un FST ou autrement, et la résolution du faux positif.
      3. Dans les 24 heures prévues par la norme de service, Bell Canada et autres doivent déposer auprès du Conseil, et fournir à un FST plaignant, un rapport contenant tous les éléments de preuve à l’appui utilisés pour déterminer si un faux positif a eu lieu, y compris les renseignements précisés dans la lettre confidentielle. Tout écart par rapport à la présente norme de service doit être signalé immédiatement au Conseil, avec une justification.
      4. Lorsque Bell Canada et autres prennent connaissance d’un faux positif, autrement que par l’intermédiaire d’une plainte, elles doivent déposer auprès du Conseil, dans les 24 heures suivant la prise de connaissance de l’affaire, un rapport contenant les détails des mécanismes de correction au cas par cas.
      5. Bell Canada et autres doivent débloquer toutes les télécommunications bloquées à la suite d’un faux positif dès qu’elles confirment un tel résultat. Ce déblocage doit avoir lieu dans les 24 heures prévues par la norme de service.
      6. Bell Canada et autres doivent mettre en œuvre certaines mesures de déblocage, comme précisé dans la lettre confidentielle.
    3. Bell Canada et autres doivent déposer, pour chaque période de 30 jours au cours de l’essai, un rapport contenant le nombre de faux positifs par rapport au nombre total d’appels bloqués chaque semaine, une explication de la façon dont les faux positifs ont été détectés et la raison pour laquelle le faux positif s’est produit, les détails exhaustifs des mesures prises pour éviter que des cas similaires ne se reproduisent et tout autre renseignement concernant le déblocage des appels, comme précisé dans la lettre confidentielle. Les rapports doivent être remis 15 jours après la fin de chaque période de 30 jours pendant la durée de l’essai.
    4. Bell Canada et autres doivent déposer, dans les 30 jours suivant la fin de l’essai, un rapport final sur l’essai et ses résultats, comprenant une analyse de l’efficacité du système de blocage d’appels et un résumé des rapports et données susmentionnés.
    5. Bell Canada et autres ne doivent ni utiliser ni divulguer des renseignements personnels ou autrement confidentiels utilisés pour détecter les appels frauduleux dans un but autre que de mettre en œuvre l’essai du système de blocage d’appels approuvé dans la présente décision.
    6. À la demande du Conseil, Bell Canada et autres doivent fournir toute donnée ou tout rapport supplémentaire relatif à cet essai, dans les délais fixés par le Conseil.

Secrétaire général

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