Politique réglementaire de télécom CRTC 2019-42

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Référence : 2018-242

Ottawa, le 12 février 2019

Dossier public : 1011-NOC2018-0242

Établissement d’un paramètre de qualité du service approprié pour la gigue afin de définir un service d’accès Internet à large bande fixe de grande qualité

Le Conseil détermine qu’un service d’accès Internet à large bande fixe est de grande qualité s’il respecte, entre autres choses, un seuil de la gigue de 5 millisecondes qui est mesuré au moyen d’une méthode prédéfinie précise. Cela définit plus précisément la partie de l’objectif du service universel liée à la large bande.

Contexte

  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2016-496, le Conseil a déterminé que la disponibilité d’offres de service d’accès Internet à large bande fixe qui satisfont à certains niveaux de qualité du service (QS) pour la latenceNote de bas de page 1, la perte de paquetsNote de bas de page 2 et la gigueNote de bas de page 3 contribuera à faire en sorte que les Canadiens aient accès à des services qui répondent à leurs besoins et qui leur permettent de participer à l’économie numérique. Le Conseil a indiqué qu’il s’attendait à ce que ces paramètres pour la QS soient conformes à l’objectif visant à ce que les services d’accès Internet à large bande dans les régions rurales et éloignées soient d’aussi grande qualité que ceux des régions urbaines.
  2. Dans la décision de télécom 2018-241, le Conseil a déterminé, en se basant sur le rapport NTRE061 (en anglais seulement) du Groupe de travail Réseau (GTR) du Comité directeur du CRTC sur l’interconnexion (CDCI) (ci-après, le rapport du GTR), que selon la partie de l’objectif du service universel relative à la large bande, un service d’accès Internet à large bande fixe est dit de grande qualité s’il fournit à l’abonné une expérience agréable lorsqu’il utilise des applications en temps réel pour lesquelles la QS est essentielleNote de bas de page 4. Plus précisément, le Conseil a établi un seuil de latence aller-retour de 50 millisecondes (ms) et un seuil de perte de paquets de 0,25 %, fondés sur la mesure au cours des périodes de pointe (c.-à-d. de 19 h à 23 h [heure locale] les jours de semaine) depuis le modem situé dans les installations du client jusqu’à un serveur situé hors réseauNote de bas de page 5 à un point d’échange InternetNote de bas de page 6 dans une ville canadienne de premier niveauNote de bas de page 7.

Avis de consultation de télécom 2018-242

  1. Dans la décision de télécom 2018-241, le Conseil a déterminé qu’il était nécessaire et important d’établir un seuil de la QS pour la gigue, mais que les données au dossier de cette instance étaient insuffisantes pour permettre au Conseil de rendre une décision sur un tel seuil. Le Conseil a donc amorcé l’avis de consultation de télécom 2018-242 afin d’établir un seuil approprié de la QS pour la gigue.
  2. Le Conseil a aussi déterminé que pour assurer l’uniformité avec les seuils de la QS établis pour la latence et la perte de paquets, le seuil de la gigue visant à définir le service d’accès Internet à large bande fixe de grande qualité doit être fondé sur la capacité de prendre en charge les applications pour lesquelles la QS est essentielle, et sur le rendement lié à la gigue au cours des périodes de pointe depuis le modem situé dans les installations du client jusqu’à un serveur situé hors réseau à un point d’échange Internet dans une ville canadienne de premier niveau.
  3. Le Conseil a reçu des interventions et des réponses à des demandes de renseignements des parties suivantes : Bell Canada; Bragg Communications Incorporated, exerçant ses activités sous le nom d’Eastlink (Eastlink); Cogeco Communications Inc. (Cogeco); le Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens inc. (CORC); Québecor Média inc. au nom de Vidéotron ltée (Vidéotron); Rogers Communications Canada Inc. (RCCI); Shaw Communications Inc. (Shaw); TELUS Communications Inc. (TCI); et Xplornet Communications Inc. (Xplornet); ainsi que M. Hyman Glustein et Dr Fenwick McKelvey (Glustein/McKelvey).

Que devrait être le seuil de la gigue pour définir le service d’accès Internet à large bande fixe de grande qualité?

Positions des parties

  1. Glustein/McKelvey ont indiqué que l’établissement de seuils de la QS pour les services d’accès Internet à large bande, y compris un seuil de la gigue, est une question d’intérêt public importante.
  2. Shaw a proposé un seuil de la gigue supérieur à 5 ms en se fondant sur ses mesures du rendement pour les services à large bande, qu’il a fournies à titre confidentiel. Le RCCI a également fourni les mesures de gigue actuelles dans son réseau à titre confidentiel, mais il n’a pas proposé de seuil de la gigue. Dans le rapport du GTR, l’Independent Telecommunications Providers Association a également proposé un seuil de 5 ms.
  3. Xplornet a précisé que la valeur de la gigue moyenne mesurée dans son réseau canadien depuis des points en Alberta, au Nouveau-Brunswick, en Ontario et en Saskatchewan jusqu’à une ville de premier niveau (Toronto) était de 10 à 21 ms pour son service sans fil fixe et de 62 ms pour son réseau satellitaire à large bande.
  4. Bell Canada, Cogeco, le CORC, Shaw et Vidéotron ont indiqué qu’elles n’avaient pas de données, d’études concluantes ou de normes de l’industrie sur lesquelles elles pouvaient s’appuyer afin de recommander un seuil de la gigue pour les applications pour lesquelles la QS est essentielle. Bell Canada, Cogeco, Eastlink, TCI et Vidéotron ont confirmé qu’elles n’avaient pas de données sur la gigue provenant du Projet d’évaluation de la performance des services Internet à large bande du Conseil.
  5. Vidéotron a fait référence à un rapport de l’OfcomNote de bas de page 8 (en anglais seulement) qui indiquait que la gigue moyenne mesurée pour les services à large bande offrant des vitesses allant jusqu’à 50 mégabits par seconde (Mbps) était de moins de 5 ms au Royaume-Uni. Ce rapport indiquait également qu’un niveau élevé de gigue pour les services d’accès Internet à large bande fixe a un effet nuisible sur la qualité de l’expérience lors de l’utilisation des applications pour lesquelles la QS est essentielle. De plus, ce rapport établit que si le niveau de gigue d’une connexion à un service à large bande est élevé, une faible latence ne permet pas à elle seule de fournir des services à large bande de grande qualité aux utilisateurs finals.
  6. Bell Canada, le CORC, TCI et Vidéotron ont signalé qu’en raison du manque d’informations relatives à un seuil de la gigue pour les applications pour lesquelles la QS est essentielle, le Conseil devrait plutôt utiliser le seuil de 30 ms pour les applications sensibles quant à la QSNote de bas de page 9 pour définir un service d’accès Internet à large bande fixe de grande qualité. Ces parties ont indiqué que ce seuil correspond à la limite supérieure de la gigue exigée pour prendre en charge les applications de conversation audio et de vidéoconférence, qui sont plus sensibles que d’autres aux connexions de mauvaise qualité. Bell Canada a fait remarquer que le seuil de la gigue de 30 ms devrait commander un examen du rendement du réseau de communication étant donné qu’un service de mauvaise qualité pourrait être fourni aux utilisateurs finals.
  7. Bell Canada, Cogeco, RCCI, Shaw, TCI, Vidéotron et Xplornet ont indiqué que l’établissement d’un seuil de la gigue n’est pas nécessaire pour réaliser la partie de l’objectif du service universel liée à la large bande. Cogeco et RCCI ont soutenu que les seuils pour la vitesse, la latence et la perte de paquets sont suffisants, et qu’une gigue excessive entraînerait une latence ou une perte de paquets supplémentaire. TCI et Vidéotron ont affirmé que de nombreuses applications qui sont sensibles quant à la gigue sont dotées de tampons qui neutralisent les effets de la gigue et réduisent l’importance du contrôle de la gigue dans le réseau.
  8. Bell Canada a noté qu’il y a des limites quant à la mise en tampon pour les applications pour lesquelles la QS est essentielle ou sensible, car la mise en tampon entraîne des délais de communication. TCI a signalé que certaines applications pour lesquelles la QS est essentielle peuvent être sensibles à des niveaux élevés de latence et de gigue combinés et que les mesures prises pour améliorer le rendement améliorent souvent à la fois la latence et la gigue.
  9. Xplornet, soutenue par Bell Canada, était d’avis que les services sans fil fixes et les services de distribution par satellite de radiodiffusion directe ne devraient pas être assujettis aux mêmes seuils de QS de centre urbain que les services du dernier kilomètre d’accès hybride par fibre optique et câbles coaxiaux et d’accès par fibre. Xplornet a affirmé que si un seuil doit être adopté, il devrait être de 80 ms en fonction de la qualité de l’expérience des utilisateurs finals pour la vidéoconférence en temps réel.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Un niveau élevé de gigue peut avoir des effets visuels ou sonores, comme la pixillation d’une vidéo, une distorsion sonore ou des délais dans le chargement de pages Web, qui nuisent à l’expérience des utilisateurs finals. Selon les éléments de preuve au dossier de la présente instance, si le niveau de gigue d’une connexion à large bande est élevé, une faible latence ou la capacité des applications à utiliser la mise en tampon ne permettra pas à elle seule de fournir des services à large bande de grande qualité aux utilisateurs finals. Il y a des limites quant à la mise en tampon pour les applications pour lesquelles la QS est essentielle avant que les délais attribuables à la mise en tampon nuisent à l’expérience de l’utilisateur des services à large bande. Par conséquent, et comme l’a déterminé le Conseil dans la politique réglementaire de télécom 2016-496, un seuil de QS pour la gigue, en plus d’un seuil de QS pour la latence et la perte de paquets, est requis pour faire en sorte que les utilisateurs finals reçoivent un service d’accès Internet à large bande fixe de grande qualité.
  2. Dans la décision de télécom 2018-241, le Conseil a défini un service d’accès Internet à large bande fixe de grande qualité comme étant un service qui fournit à l’abonné  une expérience agréable lorsqu’il utilise des applications en temps réel pour lesquelles la QS est essentielle. Sur cette base, le Conseil a établi un seuil de latence de 50 ms et un seuil de perte de paquets de 0,25 %, et il a déterminé que le seuil de la gigue doit être établi selon la même approche.
  3. En ce qui concerne l’affirmation de Bell Canada, du CORC, de TCI et de Vidéotron au sujet de l’établissement d’un seuil de gigue en fonction des applications sensibles quant à la QS, le Conseil estime que l’utilisation d’un tel seuil ne serait pas conforme aux conclusions qu’il a tirées dans la politique réglementaire de télécom 2016-496 et la décision de télécom 2018-241, et qu’elle ne permettrait donc pas de définir un service d’accès Internet à large bande fixe de grande qualité.
  4. Le seuil de la gigue de 30 ms proposé repose sur le plus bas niveau de gigue exigé pour prendre en charge les applications sensibles quant à la QS et représente le seuil où un service à large bande commence à devenir de mauvaise qualité. Établir le seuil où un service à large bande commence à devenir de mauvaise qualité n’était ni l’objectif, ni l’intention du Conseil dans le cadre de la présente instance. L’objectif était d’établir le seuil de la gigue à un niveau qui définit un service d’accès Internet à large bande fixe de grande qualité en fonction de la capacité à prendre en charge les applications pour lesquelles la QS est essentielle.
  5. Même si certains fournisseurs de services de télécommunication (FST) étaient en faveur de l’établissement du seuil de 30 ms, aucun élément de preuve tangible n’a été fourni pour attester de la pertinence de ce seuil. Le seuil de 30 ms va à l’encontre des mesures de gigue fournies par certains FST à l’égard de leur réseau d’accès Internet à large bande fixe. Ces mesures étaient considérablement inférieures au seuil de 30 ms et se rapprochaient en fait de 5 ms.
  6. En ce qui concerne le point de vue de Xplornet selon lequel les services sans fil fixes et les services de distribution par satellite de radiodiffusion directe ne devraient pas être assujettis aux mêmes seuils de QS de centre urbain que les services du dernier kilomètre d’accès hybride par fibre optique et câbles coaxiaux et d’accès par fibre, le Conseil a déclaré dans la politique réglementaire de télécom 2016-496 que les paramètres de la QS doivent tenir compte de l’objectif visant à avoir des services d’accès Internet à large bande fixe dans les régions rurales et éloignées d’une qualité élevée similaire aux services des régions urbaines. Par conséquent, l’établissement d’un seuil de QS inférieur pour certaines technologies ou régions dans la définition du service d’accès Internet à large bande fixe de grande qualité serait contraire à cet objectif.
  7. En outre, les mesures fournies par Xplornet ne respectent pas la méthode de mesure du Conseil, parce qu’elles n’ont pas été effectuées jusqu’au point d’échange Internet le plus proche dans une ville canadienne de premier niveau, mais plutôt entre différents endroits au pays et le point d’échange Internet à Toronto.
  8. La proposition de Shaw concernant l’établissement d’un seuil de plus de 5 ms pour les applications pour lesquelles la QS est essentielle reposait sur les mesures relevées dans son réseau. Le Conseil fait remarquer que les mesures de la QS réalisées au Royaume-Uni pour un service à large bande offrant des vitesses allant jusqu’à 50 Mbps, en suivant la même méthode que celle établie par le Conseil, montrent que la gigue moyenne mesurée était inférieure à 5 msNote de bas de page 10.
  9. Par conséquent, le Conseil estime que 5 ms est un seuil de la gigue approprié pour la prise en charge des applications pour lesquelles la QS est essentielle et pour définir le service d’accès Internet à large bande fixe de grande qualité dans le but de satisfaire à la partie de l’objectif du service universel relative à la large bande.
  10. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil établit un seuil de la gigue de 5 ms pour définir le service d’accès Internet à large bande fixe de grande qualité pour satisfaire à la partie de l’objectif du service universel relative à la large bande. Comme il a été déterminé précédemment, ce seuil serait mesuré pendant les périodes de pointe (c.-à-d. de 19 h à 23 h [heure locale] les jours de semaine) depuis le modem situé dans les installations du client jusqu’à un serveur situé hors réseau à un point d’échange Internet dans une ville canadienne de premier niveau.

Secrétaire général

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