Décision de radiodiffusion CRTC 2018-453

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Références : 2016-160, 2016-160-1 et 2016-160-2

Ottawa, le 6 décembre 2018

Dossier public : 1011-NOC2016-0160

Conclusions sur la capacité du marché et la pertinence de lancer un appel de demandes de radio pour desservir le marché radiophonique de Québec

Le Conseil conclut que le marché radiophonique de Québec ne peut pour l’instant accueillir une autre station de radio. Par conséquent, le Conseil ne publiera pas d’appel de demandes pour de nouvelles stations de radio en vue de desservir ce marché et retournera les demandes déposées par Dufferin Communications Inc. et Gilles Lapointe et Nelson Sergerie, au nom d’une société devant être constituée, en vue d’obtenir des licences de radiodiffusion afin d’exploiter des stations de radio commerciale à Québec (Québec).

Introduction

  1. Dans l’avis de consultation de radiodiffusion 2016-160, le Conseil a annoncé avoir reçu des demandes déposées par Dufferin Communications Inc. (Dufferin) et par Gilles Lapointe et Nelson Sergerie (Lapointe-Sergerie), au nom d’une société devant être constituée, afin d’exploiter des stations de radio FM commerciale à Québec (Québec). Les deux demandeurs ont proposé d’utiliser l’une des dernières fréquences FM connues disponibles à Québec, soit la fréquence 105,7 MHz.
  2. La ville de Québec est la capitale et le deuxième plus important centre de population de la province de Québec. Le marché radiophonique de Québec (ou la région du marché central Numéris de Québec) comprend les villes de Québec et de Lévis, ainsi que Saint-François-de-l’Île-d’Orléans à l’est, et s’étend vers l’ouest jusqu’à Neuville. Le marché radiophonique de Québec est présentement desservi par neuf stations FM commerciales de langue française, exploitées par cinq groupes de propriétéNote de bas de page 1.
  3. Conformément à la politique réglementaire de radiodiffusion 2014-554 (la Politique), le Conseil a lancé un appel d’observations sur la capacité de Québec d’accueillir une nouvelle station et la pertinence de publier un appel de demandes pour de nouvelles stations dans ce marché. Selon la Politique, le Conseil évalue différents facteurs tels que la capacité du marché, la disponibilité ou la pénurie de spectre et l’intérêt de desservir le marché, avant de prendre l’une des décisions suivantes :
    • publier les demandes afin qu’elles soient examinées au cours de la phase sans comparution d’une audience publique;
    • publier un appel de demandes;
    • déterminer que le marché ne peut pas accueillir une autre station et ensuite retourner les demandes et rendre une décision énonçant ses conclusions.

Interventions et répliques

  1. Le Conseil a reçu des interventions de Bell Média inc. (Bell), Cogeco Média inc. (Cogeco), RNC MÉDIA inc. (RNC), Leclerc Communication inc. (Leclerc), Média ClassiQ inc. (Média ClassiQ), Dufferin, Lapointe-Sergerie, Genex Communications inc. (Genex), Groupe Attraction Radio inc. (Attraction), M. Yannick Patelli, au nom de La Vie agricole, ainsi que monsieur Michel Cloutier, au nom de Communications Lévis 2001.

Interventions

  1. Bell, Cogeco et RNC indiquent que le Conseil devrait reporter tout appel de demandes pour desservir ce marché de façon à ce que les titulaires aient au moins eu un an pour s’adapter aux changements réglementaires découlant du réexamen de l’approche réglementaire pour la radioNote de bas de page 2 annoncé par le Conseil. Ils ajoutent que cela permettra également au Conseil de mieux évaluer ce marché en fonction des modifications apportées au cadre réglementaire.
  2. Leclerc et Média ClassiQ craignent que l’arrivée d’une station musicale sur le marché ne nuise aux stations musicales déjà présentes, alors que l’arrivée d’une station parlée exacerberait la tendance actuelle, soit la grande popularité de ce genre de stations au détriment des stations musicales. Ils s’inquiètent également de l’effet qu’une station additionnelle aurait sur la situation déjà précaire de leurs propres stations, qui peinent à rivaliser avec celles des grands groupes (Bell, Cogeco et RNC).
  3. Les cinq exploitants du marché de Québec mentionnent que quatre des neuf stations du marché sont déficitaires. Ils ajoutent qu’introduire une dixième station commerciale ne ferait que déstabiliser davantage le marché et aggraver sa situation économique déjà difficile. De plus, ils relèvent que l’un des joueurs actuels du marché a mis une de ses stations en vente et qu’il se pourrait donc que d’autres changements de propriété surviennent dans ce marché.
  4. Dufferin indique que la majorité des revenus anticipés proviendraient de nouvelles sources, que l’incidence de la station serait répartie sur les neuf stations actuelles, et que l’ajout d’une station de langue française aurait une incidence néfaste indue. Il ne croit pas en la nécessité de lancer un appel de demandes, mais ajoute que si le Conseil le jugeait nécessaire, l’appel devrait uniquement viser des demandes pour des stations de langue anglaise.
  5. Lapointe-Sergerie avance que le marché se porte bien d’un point de vue socio‑économique, démontrant une stabilité des revenus et affichant presque une situation de plein emploi, deuxième seulement à l’échelle canadienne à ce chapitre. Il indique également qu’une étude pour le marché démontre que bon nombre d’entreprises sont favorables à l’arrivée d’une nouvelle station (57 %) et que près de la moitié d’entre elles seraient prêtes à investir dans la publicité diffusée sur celle-ci (52 %).
  6. Genex et Attraction supportent la publication d’un appel de demandes, et ont fait part de leur intérêt à déposer eux aussi une demande en vue d’exploiter une station de radio. La Vie agricole s’est joint à eux pour donner son appui, mentionnant qu’il aimerait voir naître une station mettant de l’avant des enjeux agricoles.
  7. M. Michel Cloutier, pour sa part, demande au Conseil de bien s’assurer des moyens disponibles dans le marché en entier, et de veiller à bien évaluer la situation auprès de la communauté de langue anglaise pour savoir si cette minorité linguistique est bien desservie et si sa population est suffisante pour assurer la survie d’une station de radio de langue anglaise.

Répliques

  1. Dans leur réplique conjointe, Leclerc et Média ClassiQ affirment que la demande de Dufferin devrait provoquer un appel puisqu’elle va à l’encontre de la Politique en ce qui a trait à la disponibilité du spectre. Ils rappellent également que leurs stations sont en situation financière difficile, que les autres groupes ne semblent pas en tenir compte dans leurs interventions initiales, et estiment que le marché de Québec n’a pas la capacité d’accueillir une nouvelle station.
  2. Conjointement, les cinq groupes exploitant dans le marché de Québec affirment que les demandeurs n’ont pas tenu compte des dernières données financières dans leurs interventions et surestiment le potentiel de revenus publicitaires du marché. Ils estiment que Dufferin a artificiellement augmenté la taille de la communauté de langue anglaise de la ville de Québec, et relèvent l’absence d’intervention favorable à la demande de la part de cette communauté.
  3. Dufferin réplique qu’attendre la révision du cadre réglementaire sur la musique de langue française n’est pas dans l’intérêt public. Selon lui, l’ajout d’une station de langue anglaise contribuerait à mieux évaluer l’incidence de cette réglementation sur les stations de langue française. Il ajoute finalement que la marge de bénéfices avant intérêt et impôts (BAII) du marché de Québec était de 14 % en 2017, démontrant la force de celui-ci et sa capacité à absorber un nouveau service.
  4. Lapointe-Sergerie affirme dans sa réplique que le Conseil ne devrait pas tenir compte des arguments de Leclerc et Média ClassiQ, compte tenu des récents changements ayant eu lieu au sein de ces deux organisations et des incidences financières qui suivent normalement de tels changements. Il rappelle que plusieurs groupes se sont dits prêts à prendre un risque financier pour offrir un nouveau service dans le marché de Québec. Il note également qu’il est injuste d’attendre un nouveau cadre réglementaire possible, puisque tous les titulaires seront sur un pied d’égalité quant à ces éventuels changements. Pour finir, il indique que le Conseil ne devrait pas privilégier le facteur des communautés de langue officielle en situation minoritaire par rapport à d’autres facteurs dont il doit tenir compte.

Analyse du Conseil

  1. La population de la région métropolitaine de recensement de Québec a crû entre 2011 et 2016, et le Conference Board du Canada prévoit que cette croissance demeurera plus forte que celle de la province d’ici 2021. Toutefois, cette croissance démographique n’a pas empêché les revenus du marché radiophonique de la ville de Québec d’afficher un déclin depuis 2014, ni sa marge de BAII de chuter bien en-deçà de la moyenne provinciale en 2016 et 2017.
  2. La situation financière du marché s’est détériorée depuis que le Conseil a, dans la décision de radiodiffusion 2010-320, refusé trois demandes de licences de radio commerciale, dont une d’Evanov, détenteur à part entière de Dufferin, pour une station de langue anglaise. Il avait alors conclu que la performance du marché ne favorisait pas l’arrivée d’une nouvelle station. En effet, en 2017, même si quatre des cinq groupes de propriété du marché ont été rentables, quatre des neuf stations qu’ils exploitent à Québec ont affiché un BAII négatif.
  3. Finalement, les revenus et les parts d’écoute sont bien distribués parmi les principaux groupes du marché. L’écoute allant aux stations hors-marché est faible, ce qui laisse présager qu’une nouvelle station irait chercher la majeure partie de son écoute auprès des stations actuelles du marché.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil conclut que le marché radiophonique de Québec ne peut accueillir une autre station de radio commerciale à l’heure actuelle. Il retournera par conséquent les demandes déposées par Dufferin Communications Inc. et par Gilles Lapointe et Nelson Sergerie, au nom d’une société devant être constituée.
  2. De plus, conformément à son approche établie dans la Politique, le Conseil ne sera généralement pas disposé à accepter des demandes pour une station de radio commerciale visant à desservir le marché radiophonique de Québec pendant les deux ans suivant la date de la présente décision.

Secrétaire général

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