Décision de télécom CRTC 2018-439

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Ottawa, le 28 novembre 2018

Dossier public : 8662-D78-201803461

Comité consultatif sur les Services Sans fil des Sourds du Canada – Demande de révision et de modification de l’ordonnance de télécom 2018-66

Le Conseil conclut qu’il n’existe aucun doute réel quant au bien-fondé de la décision qu’il a rendue dans l’ordonnance de télécom 2018-66, soit d’attribuer la moitié des frais que le Comité consultatif sur les Services Sans fil des Sourds du Canada a réclamé concernant un sondage qu’il avait entrepris. Par conséquent, le Conseil refuse la demande du Comité consultatif sur les Services Sans fil des Sourds du Canada visant la révision et la modification de cette ordonnance.

Introduction

  1. Dans la décision de télécom 2018-66, le Conseil a attribué au Comité consultatif sur les Services Sans fil des Sourds du Canada (CSSSC) une partie des frais que celui-ci avait réclamés pour sa participation à l’instance ayant mené à la politique réglementaire de télécom 2017-182 (l’instance principale). Dans l’instance principale, le Conseil a établi ses conclusions sur la mise en œuvre et la fourniture au Canada de services et de réseaux 9-1-1 évolués, améliorés et novateurs assortis de capacités reposant sur le protocole Internet (IP), communément appelé services 9-1-1 de prochaine génération.
  2. Plus précisément, le Conseil a attribué la moitié des frais réclamés en lien avec un sondage effectué par le CSSSC. Le sondage était axé sur l’opinion des Canadiens sourds, malentendants et sourds-aveugles sur des questions liées au service Texto au 9-1-1; le Conseil exige que ce service soit offert sur les réseaux 9-1-1 actuels. Outre le sondage, le Conseil a attribué au CSSSC la totalité du montant restant des frais réclamés.
  3. De plus, dans la décision de télécom 2018-66, le Conseil a reconnu que les sondages peuvent s’avérer utiles pour communiquer les opinions des communautés représentées, et que le sondage concerné a permis de mieux comprendre les questions examinées. Toutefois, le Conseil a conclu que le temps et les coûts consacrés au sondage en question n’étaient pas proportionnels à ce qui était raisonnable dans les circonstances de l’instance principale.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande du CSSSC, datée du 16 mai 2018, dans laquelle celui-ci lui demandait de réviser et de modifier l’ordonnance de télécom 2018-66 de façon à lui attribuer le montant total des frais qu’il avait réclamés quant au sondage.
  2. Le CSSSC a soutenu que, pour favoriser une meilleure compréhension des questions examinées lors de l’instance principale et démontrer sa représentation d’un groupe ou d’une catégorie d’abonnés en particulier, ses observations devaient être étayées par des éléments de preuve et refléter l’opinion de la communauté œuvrant pour l’accessibilité. Le CSSSC a indiqué qu’un sondage est un moyen nécessaire et raisonnable de recueillir des éléments de preuve.
  3. Il a précisé qu’il possède l’expérience et l’expertise requises pour mener des sondages accessibles aux Canadiens handicapés, et que ces sondages entraînent plus de travail et des coûts plus élevés que ceux qui visent les autres Canadiens. Selon le CSSSC, les résultats du sondage étaient très pertinents et utiles pour l’instance principale, et ses coûts étaient proportionnels à cette utilité.
  4. Le Conseil a reçu des interventions à l’appui de la demande du CSSSC de la part de groupes de défense des consommateurs, ainsi que d’experts-conseils et de groupes de promotion de l’accessibilité. Le Conseil a reçu des interventions en opposition à la demande du CSSSC de la part de Bell Canada et de TELUS Communications Inc. (TCI).

Critères de révision et de modification

  1. Le Conseil a précisé, dans le bulletin d’information de télécom 2011-214, les critères qu’il utilisera en général pour évaluer les demandes de révision et de modification présentées en vertu de l’article 62 de la Loi sur les télécommunications. En particulier, le Conseil a déclaré que les demandeurs doivent faire la preuve qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de la décision initiale, par exemple en raison : i) d’une erreur de droit ou de fait; ii) d’un changement fondamental dans les circonstances ou les faits depuis la décision; iii) du défaut de considérer un principe de base qui avait été soulevé dans l’instance initiale; iv) d’un nouveau principe découlant de la décision.
  2. Selon le dossier de la présente instance, le critère pertinent en l’espèce consiste à déterminer si l’existence d’un doute réel a été démontrée en raison d’une erreur de droit ou de fait.

Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit ou de fait dans l’ordonnance de télécom 2018-66, de sorte qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de sa décision d’attribuer au CSSSC la moitié des frais réclamés concernant le sondage?

Positions des parties

  1. Les experts-conseils et les groupes du domaine de l’accessibilité, ainsi que les groupes de défense des consommateurs ont indiqué que le CSSSC était le seul demandeur à avoir réalisé un sondage dans le cadre de l’instance principale. Nombre de ces intervenants ont discuté des étapes et des coûts liés à la création, à la réalisation et à l’analyse d’un sondage qui vise la communauté œuvrant pour l’accessibilité. Ils ont en général signalé qu’il ne faisait aucun doute que les frais réclamés par le CSSSC avaient bel et bien été engagés, et que ces frais devraient être considérés comme très conservateurs.
  2. Les experts-conseils et les groupes du domaine de l’accessibilité, ainsi que les groupes de défense des consommateurs ont soutenu que le sondage permettait de verser au dossier de l’instance principale de précieux renseignements auxquels le Conseil n’aurait pas eu accès autrement. Les groupes de défense des consommateurs ont ajouté que, même si le Conseil n’estimait pas le sondage utile, les frais engagés devraient tout de même être considérés comme raisonnables.
  3. De manière générale, les groupes de défense des consommateurs ont soutenu que le Conseil avait commis une erreur en comparant les frais réclamés par le CSSSC à ceux réclamés par d’autres intervenants. Ils ont indiqué que certains de ces intervenants n’étaient pas des groupes de promotion de l’accessibilité et qu’aucun d’entre eux n’avait réalisé son propre sondage. Ils ont ajouté que le Conseil devrait être attentif à la situation particulière des groupes de promotion de l’accessibilité et aux frais plus élevés qu’ils pourraient devoir engager par rapport aux autres parties.
  4. De plus, les groupes de défense des consommateurs ont argué qu’il n’était pas logique que le Conseil réduise les frais associés au sondage du CSSSC, car celui-ci a réalisé le sondage pour satisfaire aux critères liés à l’attribution de frais. Enfin, ils ont soutenu que le Conseil avait commis une erreur en ne donnant pas de directives générales sur les sondages de façon prospective et en réduisant plutôt les frais déjà engagés pour les sondages.
  5. Dans l’ensemble, Bell Canada et TCI ont soutenu que les décisions rendues par le Conseil dans l’ordonnance de télécom 2018-66 démontraient que celui-ci avait exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire d’attribuer les frais selon l’importance de la participation et de la contribution du CSSSC à l’instance principale. Ces entreprises ont indiqué que rien ne prouvait qu’une erreur ait été commise et que cela soulevait un doute réel quant au bien-fondé des décisions rendues par le Conseil dans l’ordonnance de télécom 2018-66.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. L’article 56 de la Loi sur les télécommunications accorde au Conseil le pouvoir discrétionnaire d’attribuer les frais accessoires liés à l’instance et de les fixer. Les critères d’attribution de frais sont énoncés à l’article 68 des Règles de pratique et de procédure du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (les Règles de procédure). Le paragraphe 70(2) des Règles de procédure établit que le montant total des frais attribués par le Conseil à un demandeur ne doit pas dépasser le montant des frais nécessaires et raisonnables engagés. Les décisions du Conseil dans l’ordonnance de télécom 2018-66 ont été rendues conformément à ces dispositions.
Directives du Conseil aux demandeurs
  1. Dans le bulletin d’information de télécom 2016-188, le Conseil a établi des directives pour les demandeurs relativement aux types de renseignements qu’ils peuvent inclure dans leurs demandes afin de démontrer qu’ils représentent un groupe ou une catégorie d’abonnés pour qui l’issue de l’instance en question revêt un intérêt.
  2. Le bulletin vise à informer les demandeurs que le Conseil s’attend à ce qu’ils décrivent i) qui ils représentent, en donnant des précisions, et ii) en quoi leurs observations reflètent les intérêts de ce groupe. Le bulletin prévoit notamment qu’un demandeur peut représenter un groupe en consultant directement les membres ou autrement, et qu’une consultation peut être formelle ou informelle.
  3. Le Conseil estime que l’on ne peut pas raisonnablement interpréter le bulletin d’information de télécom 2016-188 comme une exigence selon laquelle les demandeurs doivent réaliser des sondages formels pour toute instance afin d’être admissibles à l’attribution de frais. Il fait remarquer qu’il n’a jamais exigé cela des demandeurs, ni avant ni depuis la publication du bulletin.
  4. Comme l’ont noté de nombreux intervenants lors de la présente instance, aucun autre demandeur n’a effectué de sondage dans le cadre de l’instance principale. Néanmoins, le Conseil a déterminé que tous ces demandeurs étaient admissibles à l’attribution de frais.
  5. De plus, si le Conseil devait approuver les frais liés aux sondages dans tous les cas simplement parce que le bulletin indique qu’une consultation officielle est un moyen possible de prouver la représentation, cela l’empêcherait d’analyser plus en profondeur les autres critères d’attribution de frais et de déterminer si les frais liés aux sondages ont été engagés de manière nécessaire et raisonnable dans le contexte de l’instance en question. Voilà qui entraverait de façon incorrecte le pouvoir discrétionnaire du Conseil en matière d’attribution de frais.
  6. En ce qui concerne l’argument selon lequel le Conseil aurait pu utiliser l’ordonnance de télécom 2018-66 pour donner des directives de façon prospective sur les frais réclamés pour les sondages tout en attribuant la totalité des frais réclamés en l’espèce, cette possibilité aurait empêché la pleine application des exigences bien établies du Conseil en matière de frais dans ces circonstances. Comme le Conseil exige que les montants des frais attribués correspondent aux frais nécessaires et raisonnables engagés, il était raisonnable qu’il n’attribue qu’une partie des frais réclamés par le CSSSC dans le cas présent.
  7. Par conséquent, le Conseil détermine qu’aucune incohérence qui constituerait une erreur de droit ou de fait et qui soulèverait un doute réel quant au bien-fondé de l’ordonnance de télécom 2018-66 n’a été établie entre les directives qu’il donne aux demandeurs et les décisions qu’il a rendues dans cette ordonnance.
Valeur de la contribution du CSSSC
  1. Dans l’ordonnance de télécom 2018-66, le Conseil a indiqué i) que le CSSSC avait satisfait aux critères d’attribution de frais, ii) que le sondage avait été utile pour recueillir les points de vue des communautés des personnes sourdes, malentendantes et sourdes-aveugles, et iii) que le sondage l’avait aidé à mieux comprendre les questions examinées. Le Conseil estime donc que le sondage a été utile. C’est en partie parce qu’il reconnaît cette utilité que le Conseil a attribué au CSSSC une part importante des frais réclamés en lien avec son sondage.
  2. Toutefois, même si le respect des critères d’attribution de frais est une condition préalable pour être admissible à une telle attribution, cela ne garantit pas que les demandeurs obtiendront le montant total des frais réclamés. Le Conseil tiendra également compte de ces critères et peut-être d’autres facteurs pour déterminer le pourcentage des frais qui seront attribués. Certains de ces facteurs sont énumérés dans les Lignes directrices pour l’évaluation des demandes d’attribution de frais(les Lignes directrices), tel qu’il est mentionné dans la politique réglementaire de télécom 2010-963, notamment l’étendue de la participation d’un demandeur à l’instance en question et les autres attributions de frais dans le cadre d’instances semblables.
  3. Le CSSSC a mené son sondage dans le contexte d’un examen général, effectué par le Conseil, des questions liées à la modernisation des services 9-1-1 offerts aux Canadiens. Même si de nombreuses questions d’accessibilité ont été soulevées au cours de l’instance principale, le sondage du CSSSC portait principalement sur un service précis qui est déjà offert aux Canadiens handicapés, à savoir le service Texto au 9-1-1. Le Conseil estime que, dans le contexte de cet examen général, le sondage s’est avéré utile, mais que sa portée était plutôt restreinte.
  4. De plus, les Lignes directrices jettent les bases de la pratique courante du Conseil qui consiste à évaluer le caractère nécessaire et raisonnable des frais réclamés en se reportant aux frais que réclament d’autres demandeurs. Dans l’instance principale, presque tous les demandeurs étaient des groupes de promotion de l’accessibilité, dont plusieurs représentaient les Canadiens ayant une déficience auditive. En faisant une telle comparaison, le Conseil a donc reconnu et pris en compte les niveaux des frais associés à la participation des groupes de promotion de l’accessibilité comparables. Par conséquent, il estime que cette comparaison n’était pas inappropriée, en particulier du fait que les autres demandeurs ont réclamé des frais moindres dans le cadre de l’audience principale et qu’ils ont généralement pu participer de manière efficace à l’examen de nombreuses questions clés.
  5. Par conséquent, le Conseil détermine que l’existence d’une erreur de droit ou de fait qui soulèverait un doute réel quant au bien-fondé de l’ordonnance de télécom 2018-66 n’a pas été établie dans le cadre de son évaluation de l’importance de la contribution du CSSSC à l’instance principale.
Considérations en matière d’accessibilité et frais réellement engagés
  1. Les exigences de la loi en fonction desquelles le Conseil évalue les demandes d’attribution de frais – par exemple, les critères d’attribution de frais et le fait que les frais doivent être nécessairement et raisonnablement engagés dans le contexte de l’instance en question – sont bien établies et s’appliquent de la même façon à tous les demandeurs.
  2. Cependant, comme il l’a soutenu dans les Lignes directrices et dans des ordonnances de frais individuelles, le Conseil évalue chaque demande d’attribution de frais selon ces exigences en tenant compte des circonstances précises. Ces circonstances peuvent s’appliquer au demandeur ou au groupe d’abonnés qu’il représente, et elles peuvent comprendre des considérations en matière d’accessibilité.
  3. L’ordonnance de télécom 2018-66 portait sur un cas lié à de telles considérations. Le Conseil a tenu compte de celles-ci, par exemple en reconnaissant explicitement le statut du CSSSC en tant que groupe qui représentait les membres de la communauté œuvrant pour l’accessibilité et qui souhaitait obtenir leur opinion en partie par l’intermédiaire d’un sondage. Il a reconnu l’utilité et la valeur de ce sondage.
  4. En ce qui concerne les arguments des parties qui affirment qu’il faut beaucoup de temps et d’argent pour mener des sondages accessibles et que le CSSSC a bel et bien engagé les montants en question, le Conseil n’a pas conclu que cela n’était pas le cas, ni dans l’ordonnance de télécom 2018-66 ni dans la présente décision.
  5. Toutefois, les demandeurs ne doivent pas seulement démontrer que le total des frais réclamés a été engagé. Conformément aux Règles de procédure, les frais doivent respecter le seuil établi, soit avoir été engagés de manière nécessaire et raisonnable dans le contexte de l’instance en question.
  6. Les considérations en matière d’accessibilité soulevées du fait de la situation du CSSSC étaient un facteur pertinent pour l’analyse de l’attribution de frais effectuée par le Conseil, mais il ne s’agissait pas du seul facteur. Comme il a été mentionné précédemment, le Conseil estime que la portée du sondage et l’étendue de la participation du CSSSC à l’instance principale étaient relativement restreintes par rapport à la portée de cette instance. Le Conseil a également tenu compte des frais réclamés par d’autres demandeurs au cours de l’instance principale, nombre de ces demandeurs ayant leurs propres considérations en matière d’accessibilité. Il a exercé son pouvoir discrétionnaire pour évaluer ces facteurs dans les circonstances, et il a conclu qu’une attribution de frais équivalant à une partie des frais liés au sondage correspondait aux frais nécessaires et raisonnables engagés en l’espèce.
  7. Par conséquent, le Conseil détermine que l’existence d’une erreur de droit ou de fait qui soulèverait un doute réel quant au bien-fondé de l’ordonnance de télécom 2018-66 n’a pas été établie dans le cadre de son évaluation des considérations en matière d’accessibilité.

Conclusion

  1. Le Conseil accorde de l’importance à la contribution que les groupes de promotion de l’accessibilité peuvent apporter à ses instances. Même si les sondages officiels ne sont pas obligatoires, il s’agit d’un outil parmi bien d’autres que ces groupes peuvent utiliser pour participer aux instances du Conseil. Le Conseil sait que des considérations en matière d’accessibilité peuvent survenir en lien avec la participation de groupes de promotion de l’accessibilité aux instances. Il invite les personnes et les groupes à définir clairement ces considérations tout au long des instances, notamment pour toute demande d’attribution de frais qu’ils pourraient présenter.
  2. De toute évidence, le CSSSC possède l’expérience et l’expertise requises pour mener des sondages auprès des Canadiens handicapés. De plus, rien n’indique que le CSSSC a réclamé des montants dépassant les frais qu’il a réellement engagés au cours de l’instance principale.
  3. Néanmoins, dans le contexte d’une instance où le Conseil a demandé des commentaires dans une étendue précise, celui-ci évalue généralement toute contribution pour laquelle des frais sont réclamés, en partie, en fonction de cette étendue. De même, le Conseil peut, le cas échéant, prendre en compte les frais réclamés par d’autres demandeurs dans des situations semblables.
  4. Ces pratiques sont conformes aux Lignes directrices et aux Règles de procédure. Enfin, en évaluant les demandes d’attribution de frais, le Conseil examine toutes les considérations pertinentes dans le contexte de l’ensemble des circonstances, exerçant ainsi le pouvoir discrétionnaire que lui confère la Loi sur les télécommunications, ce qu’il a fait dans l’ordonnance de télécom 2018-66.
  5. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil détermine qu’il n’a pas commis d’erreur de droit ou de fait de sorte qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de sa décision d’attribuer au CSSSC la moitié des frais réclamés concernant le sondage. Le Conseil refuse donc la demande de révision et de modification du CSSSC.

Secrétaire général

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