Décision de radiodiffusion CRTC 2018-118

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Référence : Demandes de la Partie 1 affichées le 17 octobre 2017

Ottawa, le 10 avril 2018

Unifor et ses sections locales 723M et 830M
Chinese and Southeast Asian Legal Clinic et Urban Alliance on Race Relations
L’ensemble du Canada

Dossiers publics des présentes demandes : 2017-0975-0 et 2017-0977-6

Plaintes contre Rogers Media Inc. alléguant une non-conformité d’OMNI Regional à l’égard de l’exigence relative aux nouvelles en langues tierces

Après avoir examiné la façon dont Rogers Media Inc. (Rogers) produit les bulletins de nouvelles d’OMNI Regional en cantonais et en mandarin, le Conseil conclut que le titulaire respecte sa condition de licence. Par conséquent, le Conseil refuse les demandes des parties nommées ci-dessus en vue d’obtenir une ordonnance exigeant que Rogers produise à l’interne ce type d’émissions.

Demandes

  1. Unifor et ses sections locales 723M et 830M (Unifor) ont déposé une demande afin que le Conseil enquête sur la production par Rogers Media Inc. (Rogers) de bulletins de nouvelles en mandarin et en cantonais pour son service facultatif OMNI Regional. Chinese and Southeast Asian Legal Clinic et Urban Alliance on Race Relations (CSALC/UARR) ont déposé une demande similaire.
  2. Plus particulièrement, les demandeurs allèguent que l’utilisation par Rogers de bulletins de nouvelles produits par Fairchild New Media Ltd. (Fairchild) contrevenait à la condition de licence 11 d’OMNI Regional (voir l’annexe 1 de la décision de radiodiffusion 2017-152) qui se lit comme suit :


    Le titulaire doit produire et diffuser, sept jours par semaine, des bulletins quotidiens de nouvelles nationales de 30 minutes dans chacune des langues suivantes : le pendjabi, l’italien, le mandarin et le cantonais.

  3. Les demandeurs soulèvent aussi des préoccupations concernant la réduction de diversité des voix éditoriales et de couverture des nouvelles locales pour les Canadiens qui parlent des langues chinoises du fait que Fairchild soit le seul autre producteur canadien important de nouvelles en cantonais et en mandarin.
  4. Les demandeurs sollicitent l’imposition d’une ordonnance du Conseil exigeant que Rogers respecte la condition de licence 11 et, plus précisément, qu’il produise à l’interne toutes les émissions de nouvelles en mandarin et en cantonais d’OMNI Regional.
  5. Le Conseil a reçu des interventions à l’appui de ces demandes.

Réponse de Rogers

  1. Rogers fait valoir qu’il respecte pleinement les modalités et les conditions énoncées dans la licence d’OMNI Regional; il rejette de plus l’idée que la production des bulletins de nouvelles par le tiers indépendant Fairchild plutôt qu’à l’interne contrevient à la condition de licence 11. Rogers soutient que les demandeurs interprètent cette exigence de façon trop restrictive.
  2. Rogers indique que son approche à l’égard des émissions de nouvelles en cantonais et en mandarin prenait en considération les conditions de licence établies pour OMNI Regional dans la décision de radiodiffusion 2017-152, la durée de la période de licence, la possibilité que la licence d’OMNI Regional ne soit pas renouvelée après trois ans, la capacité de l’infrastructure existante de Rogers et la date de lancement du 1er septembre 2017. Rogers note aussi qu’à la suite de l’attribution d’une licence à OMNI Regional, différentes parties lui ont offert leur collaboration, mais qu’il a finalement choisi de faire affaire avec Fairchild plutôt que d’investir dans une nouvelle infrastructure en vue de produire les bulletins de nouvelles à l’interne. Il insiste cependant sur le fait que le contrat avec Fairchild porte sur de nouvelles productions originales et exclusives à Rogers et limite rigoureusement le chevauchement entre les bulletins de nouvelles d’OMNI Regional et toute autre émission de nouvelles produite par Fairchild pour ses propres services Fairchild TV, Fairchild TV 2 et Talentvision.
  3. Rogers a déposé au Conseil, à titre confidentiel, une copie de l’entente d’acquisition d’émissions de nouvelles datée du 3 août 2017 conclue entre lui‑même et Fairchild. Selon Rogers, cette entente démontre que les bulletins de nouvelles produits pour OMNI Regional sont différents de toutes les émissions de nouvelles diffusées par les services de programmation de Fairchild; il appert également de ce contrat que Rogers conserve le contrôle éditorial et la responsabilité du contenu de la programmation diffusée par son service. En outre, Rogers fait valoir qu’il continue à produire à l’interne, pour diffusion par OMNI Regional, des émissions d’affaires publiques de 30 minutes, cinq jours par semaine, tant en cantonais qu’en mandarin.

Réplique

  1. Unifor maintient que Rogers n’a pas réussi à démontrer à l’aide de faits : 
    • qu’il n’a pas la capacité de produire les émissions en question au sein de sa structure existante;
    • que des mesures avaient été prévues pour limiter le chevauchement entre les bulletins de nouvelles d’OMNI Regional produits par Fairchild et les émissions de nouvelles de Fairchild produites pour ses propres besoins;
    • qu’il conservait le plein contrôle éditorial des bulletins de nouvelles d’OMNI Regional produits par Fairchild.
  2. Selon Unifor, le libellé de la condition de licence 11 indique de façon simple et claire que Rogers doit produire ses bulletins de nouvelles à l’interne. De plus, Unifor déclare que Rogers s’est engagé à plusieurs reprises, au cours de l’instance ayant mené à la décision de radiodiffusion 2017-152, à rétablir la production à l’interne dans tous les marchés desservis par les stations en direct d’OMNI si le Conseil accordait une licence à OMNI Regional.

Analyse du Conseil

  1. Finalement, la question soulevée dans ces demandes est une question d’interprétation de la condition de licence 11 et en particulier de la signification qui devrait être donnée au terme « produire ». Le terme « produire » signifie-t-il, comme l’affirment les demandeurs, que la production des bulletins de nouvelles d’OMNI Regional en langues tierces doit être faite à l’interne? Ou bien, cette condition de licence est-elle assez large pour permettre d’envisager le type de partenariat conclu avec Fairchild concernant la production de telles émissions?
  2. Le Conseil est d’avis que cette condition de licence doit être lue d’après le contexte réglementaire dans lequel elle a été imposée ainsi que dans le contexte des autres conditions de licence d’OMNI Regional.

Contexte réglementaire

  1. Dans la décision de radiodiffusion 2017-152, le Conseil a approuvé la demande de Rogers d’exploiter un service facultatif national multilingue à caractère multiethniqueappelé OMNI Regional. Dans le cadre de ce processus, le Conseil a également publié l’avis de consultation de radiodiffusion 2017-154, dans lequel il sollicitait des demandes pour un service national de télévision multilingue à caractère multiethniqueoffrant des émissions de nouvelles et d’information en langues tierces qui, s’il était autorisé, bénéficierait d’une ordonnance de distribution obligatoire.
  2. Afin d’assurer la desserte des communautés ethniques et de langues tierces à court terme, le Conseil a consenti une distribution obligatoire à OMNI Regional, sans être pleinement convaincu, à ce moment-là, que le service réponde pleinement aux critères de distribution obligatoire. La licence et l’ordonnance ont toutes deux été accordées pour une période de courte durée de trois ans, sans engagement de renouvellement.
  3. Dans la décision de radiodiffusion 2017-152, le Conseil a pris note de l’engagement de Rogers à rétablir la production interne dans tous ses marchés. Néanmoins, cet engagement n’a pas été imposé comme condition de licence. Le Conseil estime que cette omission reflète le contexte réglementaire de l’attribution de cette licence. Plus précisément, le Conseil a compris que le titulaire exploiterait le service uniquement avec une garantie réglementaire à court terme. Dans sa décision, le Conseil a également souligné qu’il était d’intérêt public de diffuser des émissions de nouvelles et d’actualités qui répondent au besoin pressant des communautés ethniques et de langues tierces du Canada le plus tôt possible. L’importance d’agir avec célérité et efficacité pour desservir ces communautés a été un facteur déterminant lors de l'octroi de la licence d’OMNI Regional assortie d’une ordonnance de distribution obligatoire. Par conséquent, il est raisonnable que Rogers ait cherché des partenariats de programmation afin de s’assurer de pouvoir répondre aux besoins de ces communautés le plus efficacement et le plus rapidement possible.
  4. De plus, dans l’avis de consultation de radiodiffusion 2017-154, le Conseil a exigé que les demandeurs souhaitant exploiter un nouveau service national de télévision multilingue à caractère multiethnique démontrent comment le service proposé fonctionnerait selon une structure de gouvernance diversifiée impliquant un groupe engagé de radiodiffuseurs, producteurs et membres de la communauté. Le fait que Rogers ait cherché des partenariats similaires, soit avec des producteurs indépendants ou d’autres radiodiffuseurs, pour satisfaire à ses obligations en matière de programmation est conforme aux exigences énoncées par le Conseil dans l’appel de demandes.
  5. Par conséquent, le Conseil estime raisonnable que Rogers produise les bulletins de nouvelles d’OMNI en langues tierces en partenariat avec des tiers, compte tenu du contexte réglementaire de l’attribution de la licence d’OMNI.

Condition de licence 11

  1. La condition de licence 11 prévoit que le titulaire doit « produire » les émissions de nouvelles en question. Le Conseil note que cette expression n’est ni nuancée ni limitée. En particulier, la condition de licence 11 ne précise pas si la programmation doit être produite à l’interne ou en partenariat. Il s’agit là d’un contraste important avec les autres conditions de licence d’OMNI Regional, notamment de celles relatives aux émissions d’intérêt national et à la programmation locale originale pour le signal du Québec. En effet, ces conditions de licence font explicitement référence à la production indépendante. Par conséquent, si le Conseil avait eu l’intention d’imposer des exigences précises quant à la méthode de production des bulletins de nouvelles, il l’aurait également indiqué dans la condition de licence 11.
  2. Enfin, le Conseil a rendu une décision similaire dans la décision de radiodiffusion 2012-243 à l’égard des stations de télévision exploitées par V Interactions inc. Dans cette décision, le Conseil a conclu que le libellé utilisé dans les conditions de licence, à savoir que le « titulaire doit produire et diffuser », ne limite pas le recours à un producteur indépendant pour la production de programmation.
  3. Par conséquent, en lisant la condition de licence 11 en parallèle avec les autres conditions de licence imposées à OMNI Regional, il est raisonnable d’interpréter le terme « produire » comme la possibilité de produire soit à l’interne, soit avec l’assistance de tiers.

Diversité des voix et contrôle éditorial

  1. Le Conseil estime que les émissions de nouvelles devraient offrir au public l’occasion de prendre connaissance d’opinions divergentes sur des sujets qui l’intéressent, conformément à l’article 3 (1)i)(iv) de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi). De plus, l’article 3(1)h) de la Loi prévoit que les titulaires sont responsables des émissions qu’ils diffusent.
  2. En ce qui a trait aux préoccupations des demandeurs concernant la réduction de la diversité des voix et la perte de contrôle éditorial, selon le dossier de la présente instance, le Conseil est convaincu que Rogers et Fairchild ont structuré leur entente d’acquisition d’émissions de nouvelles de façon à ce que Rogers conserve le contrôle éditorial des nouvelles diffusées sur OMNI Regional. Le Conseil est également convaincu que l’entente prévoit des mesures suffisantes pour minimiser tout chevauchement possible entre la programmation produite pour OMNI Regional et celle produite par Fairchild pour ses propres services. Ces mesures, ajoutées au fait que Rogers continue de produire ses émissions hebdomadaires d’affaires courantes à l’interne, offrent une diversité suffisante des émissions de nouvelles.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil conclut que Rogers respecte la condition de licence 11 d’OMNI Regional. Par conséquent, le Conseil refuse les demandesd’Unifor et de CSALC/UARR afin que le Conseil impose une ordonnance exigeant que Rogers produise les émissions de nouvelles en langues tierces pour OMNI Regional à l’interne.

Secrétaire général

Documents connexes

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