Décision de télécom CRTC 2017-171

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Ottawa, le 26 mai 2017

Numéro de dossier : 8640-B2-201602326

Bell Canada – Demande d’abstention de la réglementation des services de transport du service régional et des services de transit local

Le Conseil rejette la demande de Bell Canada visant une abstention de la réglementation des services de transport du service régional et des services de transit local dans son territoire d’exploitation. Le service de transport du service régional (SR) permet aux entreprises de services locaux concurrentes (ESLC) qui ont établi une interconnexion locale avec l’entreprise de services locaux titulaire (ESLT) d’acheminer des appels téléphoniques aux clients de cette dernière sans payer de frais d’interurbains. Le service de transit local permet à des ESLC d’acheminer des appels téléphoniques locaux à d’autres ESLC avec lesquelles elles ne sont pas interconnectées en utilisant l’ESLT en guise d’intermédiaire. Bell Canada a fondé sa demande d’abstention principalement sur son opinion selon laquelle les deux services ne sont plus essentiels en raison de l’existence de solutions de rechange.

Après avoir appliqué l’évaluation du caractère essentiel et les considérations stratégiques connexes, le Conseil a déterminé que la modification demandée du statut réglementaire des services renforcerait vraisemblablement les obstacles à l’accès au marché ou à l’expansion du marché et aurait pour effet d’empêcher ou de réduire considérablement la concurrence dans le marché en aval des services locaux de détail. Par conséquent, la prestation du service de transport du SR et du service de transit local demeurera obligatoire et tarifée, ce qui aidera à s’assurer que les consommateurs continuent d’avoir accès à des services locaux de détail concurrentiels.

Contexte

  1. Le service de transport du service régional (SR) permet aux entreprises de services locaux concurrentes (ESLC) qui ont établi une interconnexion locale avec l’entreprise de services locaux titulaire (ESLT) d’acheminer des appels téléphoniques locaux i) aux clients de cette dernière dans les circonscriptions qui ont un raccordement de SR avec la circonscription de départ ou ii) aux clients de l’ESLT situés à l’extérieur de la région d’interconnexion locale (RIL)Note de bas de page 1, dans les circonscriptions qui ont un raccordement de SR avec au moins une circonscription au sein de la RIL, sans payer de frais d’interurbains.
  2. Le service de transit local permet à des ESLC d’acheminer des appels téléphoniques locaux à d’autres ESLC avec lesquelles elles ne sont pas interconnectées en utilisant l’ESLT en guise d’intermédiaire. Les appels peuvent être en provenance et à destination d’une RIL ou de différentes RIL entre des circonscriptions dotées du SR.
  3. Dans la décision de télécom 97-8, le Conseil a prescrit la prestation des deux services par les ESLT. Cette obligation a été maintenue dans l’ordonnance 2001-184. Dans la décision de télécom 2008-17, le Conseil a classé les services parmi les services d’interconnexion obligatoires, sur la base de sa conclusion selon laquelle ils sont nécessaires à l’échange de trafic avec les clients du réseau téléphonique public commuté (RTPC).
  4. Récemment, dans le cadre de l’instance qui a mené à la politique réglementaire de télécom 2015-326, Bell Canada et d’autres intervenants ont demandé au Conseil de modifier le statut réglementaire de ces services pour les classer dorénavant parmi les services non essentiels. Dans la décision qui a été rendue, le Conseil a déterminé que les parties n’avaient pas fourni de preuves suffisantes pour permettre une application utile de l’évaluation du caractère essentiel.

Demande

  1. Bell Canada a déposé une demande en vertu de la Partie 1 datée du 4 mars 2016. Le 6 avril 2016, elle a déposé une nouvelle demande, dans laquelle elle invitait le Conseil à ne plus prescrire la prestation du service de transport du SR et du service de transit local (collectivement appelés « les services ») et qu’il s’abstienne de les réglementer, dans son territoire d’exploitation. Elle définissait ledit territoire comme celui où Bell Canada (y compris Bell Aliant Communications régionales, société en commandite) exerce ses activités à titre de titulaire en Ontario, au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi que les territoires d’exploitation de Télébec, Société en commandite, et de NorthernTel, Limited Partnership (dans la présente décision, ces entreprises sont appelées collectivement « Bell Canada »).
  2. Le service de transport du SR et le service de transit local sont deux services distincts; toutefois, Bell Canada a demandé qu’ils soient examinés en même temps. Chacun des services comprend les composants suivants :
    • frais d’installation et frais mensuels pour chaque circuit de transit ou de transport (le cas échéant)Note de bas de page 2;
    • frais par commande.
  3. À l’appui de sa demande, Bell Canada a traité l’évaluation du caractère essentiel et les considérations stratégiques précisées dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, ainsi que les critères d’abstention énoncés dans la décision de télécom 94-19.
  4. Bell Canada a fondé sa demande d’abstention principalement sur le fait qu’à son avis, les services ne sont plus essentiels parce qu’il existe des solutions de rechange, notamment i) la possibilité pour les ESLC d’établir une interconnexion directe avec les ESLT et d’autres ESLC et ii) l’utilisation d’une architecture maillée intégrée des interconnexions de réseau des ESLC dans tout le territoire d’exploitation de Bell Canada qui offre des solutions de rechange aux services. De plus, dans le cas du service de transport du SR, Bell Canada a proposé que les ESLC aient la possibilité d’utiliser le service de commutation et de groupement de l’ESLT au niveau du transit d’accès pour acheminer de faibles volumes de trafic dans une RIL adjacente.
  5. Le Conseil a reçu des interventions de la part d’Allstream Inc., ci-après appelée Zayo Canada Inc. (Zayo)Note de bas de page 3, de Bragg Communications Incorporated, exerçant ses activités sous le nom d’Eastlink (Eastlink), du Centre pour la défense de l’intérêt public (CDIP), du Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. (CORC), de Rogers Communications Canada Inc. (RCCI), de la Société TELUS Communications (STC) et de WIND Mobile Corp. (maintenant dénommée Freedom Mobile Inc. [Freedom Mobile])Note de bas de page 4. On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 13 octobre 2016. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

Questions

  1. Le Conseil a établi qu’il devait se prononcer sur les questions suivantes dans la présente décision :
    • Les services devraient-ils être examinés en même temps?
    • La prestation des services par Bell Canada devrait-elle continuer d’être obligatoire?
    • Dans la négative, le Conseil devrait-il s’abstenir de réglementer les services?

Les services devraient-ils être examinés en même temps?

  1. Bell Canada a fait valoir que les conditions concurrentielles et les solutions de rechange disponibles pour les services sont suffisamment similaires pour qu’il soit raisonnable pour le Conseil d’examiner simultanément l’abstention pour les deux services.
  2. RCCI a fait valoir que le fait que les ESLC peuvent avoir des solutions de rechange potentielles pour acheminer leur trafic à l’intérieur du SR des circonscriptions qui s’interconnectent n’a rien à voir avec le fait qu’elles aient ou non des solutions de rechange pour échanger du trafic entre elles. Elle a indiqué que les décisions du Conseil concernant chacun des services devraient par conséquent être séparées.
  3. Étant donné les fonctions connexes des services et la similarité des solutions de rechange disponibles pour chacun d’eux, le Conseil conclut qu’il est raisonnable d’examiner les services en même temps.

La prestation des services par Bell Canada devrait-elle continuer d’être obligatoire?

  1. Dansla politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a indiqué que, pour les services de gros réglementés, il fonderait sa décision d’en prescrire la prestation sur deux éléments : i) l’évaluation du caractère essentiel et ii) un ensemble de considérations stratégiques qui pourraient modifier ou valider sa décision découlant des résultats de l’évaluation du caractère essentiel.

Selon l’évaluation du caractère essentiel, les services sont-ils essentiels?

  1. L’évaluation du caractère essentiel repose sur trois conditions : la condition relative à l’intrant, la condition relative à la concurrence et la condition relative à la reproductibilité. Avant que ces trois conditions puissent être évaluées, le marché pertinent doit être défini. Le marché pertinent est composé de marchés géographiques et de produits qui sont généralement les plus petits groupes de services et secteur géographique auxquels un monopoleur hypothétique pourrait imposer, de manière rentable, une augmentation de prix considérable et non temporaire (c.-à-d. durable).
Marché pertinent : marché de produits
  1. Selon Bell Canada, le marché de produits pertinent consiste en des accords d’interconnexion de réseaux locaux pour les ESLC.
  2. Dans le cas du service de transit local, Bell Canada a argué qu’en réponse à une augmentation du prix du service, une ESLC pourrait s’interconnecter directement avec une autre ESLC (c.-à-d. autoapprovisionnement) ou s’interconnecter indirectement, dans le cadre d’une entente négociée avec une entreprise de services locaux (ESL) qui a déjà conclu ou qui pourrait conclure des accords d’interconnexion de réseaux locaux avec une autre ESLC. Bell Canada a indiqué que ces solutions de rechange sont devenues plus faciles à mettre en œuvre compte tenu des progrès et de l’utilisation accrue des centres d’hébergement de télécommunicationsNote de bas de page 5> et des technologies basées sur le protocole Internet (IP).
  3. En ce qui concerne la possibilité d’interconnexion directe avec une autre ESLC, Bell Canada a argué que toutes les ESL peuvent compter sur un service d’interconnexion obligatoire avec toutes les autres ESL dans une RIL par le biais de circuits d’interconnexion à coûts partagés selon le modèle de facturation-conservation. Elle a indiqué que, pour les ESLC qui choisissent de ne pas s’autoapprovisionner au moyen de l’interconnexion directe, il existe une architecture maillée intégrée des interconnexions de réseau des ESLC qui offre une panoplie de solutions de rechange aux services.
  4. En ce qui concerne le service de transport du SR, Bell Canada a fait valoir qu’en réponse à une augmentation du prix du service, une ESLC pourrait s’interconnecter directement avec l’ESLT (c.-à-d. autoapprovisionnement) dans la RIL adjacente pertinente ou s’interconnecter indirectement, dans le cadre d’une entente négociée avec une autre ESLC qui a déjà conclu ou qui pourrait conclure des accords d’interconnexion avec l’ESLT exigée dans la RIL pertinente.
  5. Bell Canada a proposé qu’une ESLC qui ne souhaite pas s’interconnecter à l’ESLT (ou ESLC) de la RIL adjacente ait la possibilité d’acheminer son trafic aux clients finals de l’ESLT (ou ESLC) dans la circonscription voulue en utilisant le service de commutation et groupement de l’ESLT au niveau du transit d’accès.
  6. Le CORC a fait valoir que l’utilisation de marchés de produits distincts pour chacun des services refléterait mieux leurs objectifs et les conséquences de leur déréglementation. Il a argué que les services sont distincts l’un de l’autre et qu’ils servent des fins différentes en ce qui concerne l’interconnexion des ESLC.
  7. RCCI était d’accord avec Bell Canada sur le fait que le marché de produits pertinent consiste en des accords d’interconnexion de réseaux locaux pour les ESLC. Toutefois, comme il est mentionné ci-dessus, elle a indiqué que l’existence de solutions de rechange potentielles pour acheminer le trafic à l’intérieur du SR des circonscriptions qui s’interconnectent n’a rien à voir avec le fait que les ESLC aient ou non des solutions de rechange pour échanger du trafic entre elles.
  8. La STC est aussi d’accord sur le fait que le marché de produits pertinent pour les deux services est constitué des accords d’interconnexion de réseaux locaux pour les ESLC, qui comprennent les services négociés et les services tarifés. Elle a indiqué qu’il n’est pas nécessaire qu’une seule solution de rechange remplace totalement un des services des ESLT pour que le service soit déclaré non essentiel ou pour qu’une abstention soit accordée. Selon la STC, la baisse de la demande pendant une période de croissance des ventes au détail des ESLC est la preuve que les ESLC utilisent activement les solutions de rechange existantes pour éviter d’avoir recours aux services.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Afin de définir le marché de produits pertinent, il est nécessaire de recenser les solutions de rechange existantes ou potentielles pour les services et d’évaluer la mesure dans laquelle chacune d’elles serait une solution de rechange viable si les clients devaient composer avec une augmentation des prix considérable et durable pour les services.
  2. Comme il est mentionné ci-après dans la section sur la condition relative à la reproductibilité de l’évaluation du caractère essentiel, le Conseil reconnaît qu’il y a un certain niveau de substituabilité entre les services et les solutions de rechange proposées par Bell Canada, même si celles-ci peuvent ne pas être réalisables ou pratiques dans toutes les circonstances. Toutefois, afin de déterminer le marché de produits pertinent, il n’est pas nécessaire que les solutions de rechange soient des substituts dans toutes les circonstances; le fait qu’elles puissent être des substituts dans certaines circonstances est suffisant pour les classifier comme substituables aux fins de l’évaluation du caractère essentiel. Ainsi, le Conseil conclut que le marché de produits pertinent est constitué des accords d’interconnexion de réseaux locaux pour les ESLC.
Marché pertinent : marché géographique
  1. Bell Canada a indiqué que le marché géographique pertinent des solutions de rechange proposées est la RIL. Elle a argué qu’en établissant une interconnexion de réseaux locaux dans une RIL, l’ESLC a accès à tous les clients finals de l’ESLT dans la RIL aux termes d’accords de facturation-conservation. Indiquant que cette capacité est la même pour toutes ses RIL dans son territoire d’exploitation, Bell Canada a soutenu qu’il serait approprié de regrouper toutes les RIL pour réduire au minimum le fardeau administratif associé à la collecte et au traitement de grandes quantités de données. Par conséquent, Bell Canada a indiqué que le marché géographique pertinent est son territoire d’exploitation.
  2. Le CORC était d’accord avec la proposition de Bell Canada de définir le marché géographique comme étant la totalité de son territoire d’exploitation car, à son avis, l’objectif d’un régime d’interconnexion efficace ne serait pas servi si la prestation des services était prescrite dans certaines RIL et déréglementée dans d’autres.
  3. RCCI n’était pas d’accord avec la proposition de Bell Canada de traiter tout son territoire comme un seul marché compte tenu des écarts importants dans l’empreinte collective des entreprises exerçant leurs activités dans le territoire, ce qui comprend des régions urbaines et rurales avec des amalgames différents de défis et d’exploitants. RCCI a indiqué que même les RIL au sein du territoire en question sont trop importantes et ne reflètent pas les différences qui peuvent se produire dans les RIL. Par conséquent, RCCI a fait valoir que le marché géographique pertinent devrait être la circonscription locale de l’ESLT.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Les ESLC utilisent les services pour servir les clients finals d’un secteur géographique donné, soit la RIL. Une hausse des prix pour les services dans une RIL particulière peut donc ne pas être limitée par la disponibilité de solutions de rechange dans une autre RIL dans le territoire d’exploitation de Bell Canada. Par conséquent, le fait de grouper toutes les RIL de Bell Canada dans un seul marché géographique pertinent qui correspond à la totalité du territoire d’exploitation de Bell Canada ne serait ni adéquat ni utile.
  2. D’autre part, pour définir la circonscription locale comme le marché géographique pertinent, comme le propose RCCI, il faudrait une évaluation détaillée de chaque circonscription, ce qui augmenterait le fardeau administratif lié à la collecte et au traitement des données.
  3. Le Conseil estime qu’une évaluation des données au niveau de la RIL représenterait un degré raisonnable de groupement et serait conforme à son approche dans la politique réglementaire de télécom 2015-326. Par conséquent, et parce que la portée géographique de l’interconnexion des ESLC est la RIL, le Conseil conclut que le marché géographique pertinent pour les services est la RIL.
Condition relative à l’intrant
  1. Afin de déterminer si un service de gros particulier est exigé à titre d’intrant par les concurrents pour fournir des services de détail en aval, le Conseil doit tenir compte des facteurs suivants : i) le ou les marchés en aval pour lesquels le service de gros est un intrant, ii) les aspects techniques du service de gros, iii) la demande passée, actuelle et anticipée pour le service de gros et iv) les tendances de la demande pour établir s’il y a une croissance ou un déclin soutenu de la demande. Si le Conseil conclut que le service de gros en question est un intrant nécessaire pour permettre aux concurrents de fournir des services de détail en aval, et qu’il y a et qu’il continuera d’y avoir une demande suffisante pour le service de gros, il conclura que le service satisfait à la condition relative à l’intrant.
Position des parties
  1. Bell Canada a fait valoir que le marché pertinent en aval pour lequel les services sont utilisés comme intrant est le marché des services locaux de détail.
  2. Soutenant la difficulté d’obtenir des informations sur la demande à l’échelle de l’industrie, Bell Canada a proposé que la baisse de ses recettes, de ses abonnements et de sa clientèle au cours des dernières années soit un indicateur de la demande pour les services. Elle a précisé qu’entre 2009 et 2015, ses recettes provenant des deux services ont baissé de façon importante dans une grande partie de son territoire d’exploitation, tandis que les recettes locales et les parts de marché des ESLC ont augmenté. De plus, elle a indiqué que la demande pour les services n’augmentera probablement pas à l’avenir compte tenu de la disponibilité de solutions de rechange intéressantes. Bell Canada a aussi indiqué qu’entre le 1er janvier 2011 et le 30 juin 2016, de nombreux abonnements aux deux services ont été annulés et le nombre de circuits utilisés pour les abonnements restants a diminué.
  3. Bell Canada a fait valoir que des preuves suffisantes d’une diminution constante de la demande dans son territoire d’exploitation indiquent clairement que les ESLC ont accès à des solutions de rechange acceptables et, par conséquent, que la condition relative à l’intrant de l’évaluation du caractère essentiel n’est pas satisfaite. La STC a appuyé cette position, faisant valoir que la faible demande restante pour les services témoigne du fait que, dans certains cas, les ESLC trouvent plus pratique d’utiliser les services que les solutions de rechange, ce qui n’est pas un reflet du caractère essentiel.
  4. Le CORC a fait valoir que ses membres qui exercent leurs activités en tant qu’ESLC continuent d’utiliser les services et qu’ils considèrent le service de transit local comme étant essentiel à leur capacité constante d’offrir des services de télécommunication au détail.
  5. RCCI a indiqué que l’arrivée du régime d’interconnexion fondé sur une RIL, comme l’établit la décision de télécom 2004-46, pourrait expliquer la baisse des recettes provenant du service de transport du SR; en d’autres termes, le groupement de plusieurs circonscriptions dans une RIL a réduit le nombre total d’abonnements et les recettes connexes.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Comme l’a mentionné Bell Canada, le marché pertinent en aval pour lequel les services sont utilisés comme intrant est le marché des services locaux de détail.
  2. Le Conseil estime raisonnable de conclure, comme l’a indiqué RCCI, que la migration vers un régime d’interconnexion fondé sur une RIL pourrait avoir une incidence importante sur les recettes provenant des services en raison du groupement des circonscriptions dans les RIL.
  3. En dépit de la baisse de la demande pour les services, une analyse des données fondées sur les RIL indique qu’il continue d’y avoir une demande pour les deux services dans la majorité des RIL, et que la demande demeure élevée dans de nombreuses RIL. Ainsi, le Conseil conclut que, dans ces RIL, les services satisfont à la condition relative à l’intrant de l’évaluation du caractère essentiel.
  4. Toutefois, il existe des RIL dans le territoire d’exploitation de Bell Canada où aucune ESLC n’est en activité et d’autres où, malgré la présence d’ESLC, il n’y a aucune demande pour les services. Dans ces circonstances, les ESLC sont aux prises avec des environnements opérationnels différents, notamment en termes de taille du marché et de disponibilité des ESLC affiliées. Par conséquent, l’absence d’une demande actuelle ne démontre pas que les services ne sont plus nécessaires, en particulier en ce qui concerne les nouveaux entrants et les ESLC existantes qui voudraient faire leur entrée dans ces marchés. Dans de telles situations, les services demeureraient des intrants nécessaires et le fait de ne plus prescrire leur prestation pourrait grandement nuire à la concurrence.
  5. Ainsi, le Conseil conclut que les services satisfont à la condition relative à l’intrant de l’évaluation du caractère essentiel dans toutes les RIL du territoire d’exploitation de Bell Canada.
Condition relative à la concurrence
  1. Afin d’évaluer la condition relative à la concurrence, le Conseil doit examiner deux éléments : i) les conditions du marché en amont – en particulier, il s’emploiera à déterminer si une entreprise ou un groupe d’entreprises possède un pouvoir de marché et ii) l’incidence de tout pouvoir de marché en amont sur les niveaux de concurrence dans le marché en aval des services de détail connexe. Si, au bout du compte, le Conseil conclut qu’il existe un pouvoir de marché en amont et que tout marché des services de détail connexe en aval pourrait subir des conséquences défavorables importantes s’il ne prescrit pas la prestation du service de gros, le service satisferait alors à la condition relative à la concurrence.
Position des parties
  1. Bell Canada a fait valoir que, même s’il est difficile d’obtenir des preuves de rivalité concurrentielle dans les marchés des services de télécommunication de gros, la demande à la baisse au chapitre des recettes et du nombre de clients ainsi que la présence de diverses solutions de rechange sont des indicateurs solides que les entreprises, individuellement ou collectivement, ne détiennent pas une emprise sur le marché en ce qui concerne les services. La STC était d’accord avec Bell Canada, ajoutant que les recettes à la baisse des ESLT pour les services indiquent que les concurrents ont recours à des solutions de rechange afin d’éviter d’utiliser les services ou de les offrir de façon concurrentielle.
  2. En ce qui concerne les niveaux de concurrence, Bell Canada a indiqué que si la prestation des services n’était plus prescrite et que ceux-ci devenaient inabordables ou impossibles à obtenir, il n’y aurait aucune incidence sur la situation concurrentielle dans le marché de services locaux de détail en aval puisque les ESLC pourraient néanmoins obtenir une interconnexion au moyen d’autres méthodes pratiques et rentables. Elle a souligné que la condition relative à la concurrence de l’évaluation du caractère essentiel n’est donc pas satisfaite.
  3. Le CORC a fait valoir que Bell Canada n’avait pas fourni de preuves suffisantes qu’elle n’a pas d’emprise sur le marché en ce qui concerne les services ou que le marché pour les solutions de rechange proposées est suffisamment concurrentiel. Le CORC a aussi indiqué que ses membres d’ESLC continuent d’utiliser les services de manière continue ou croissante en fonction de la croissance de leur clientèle.
  4. RCCI a indiqué qu’elle utilise encore les services parce qu’elle n’a pas pu trouver de solutions de rechange pratiques et abordables. Elle a aussi indiqué qu’elle devra peut-être payer beaucoup plus cher à l’avenir pour accéder au RTPC si l’on accorde à Bell Canada l’abstention demandée. Selon RCCI, l’approbation de la demande de Bell Canada réduirait la concurrence et nuirait à la capacité des ESLC d’exercer des activités dans le territoire d’exploitation de Bell Canada.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Comme il est discuté plus en détail à la section sur la condition relative à la reproductibilité ci-après, le Conseil estime que les solutions de rechange proposées pourraient ne pas être efficaces et que leur mise en œuvre pourrait s’avérer coûteuse. En l’absence de solutions de rechange aux services qui sont raisonnables sur le plan économique et efficaces sur le plan technique, une hausse des prix ou un refus d’offrir les services de la part des ESLT aurait une incidence anticoncurrentielle sur la capacité d’une ESLC d’offrir des services dans le marché en aval.
  2. Si la prestation des services n’est plus prescrite, les ESLC existantes n’auraient aucune obligation d’offrir ces services à d’autres ESLC, qui sont aussi généralement leurs concurrents dans le marché en aval. De plus, les ESLC existantes seraient incitées à ne pas offrir les services à leurs concurrents ou pourraient choisir de les offrir à un prix plus élevé, ce qui augmenterait les coûts de leurs concurrents et empêcherait possiblement la concurrence en empêchant l’accès au marché et l’expansion du marché.
  3. L’un des motifs initiaux du Conseil de prescrire la prestation des services dans la décision de télécom 97-8 était de faciliter la concurrence locale. Les services permettent aux ESLC d’entrer et d’établir une interconnexion rapidement et efficacement dans les nouvelles RIL. Leur absence créerait un obstacle important pour les ESLC qui arrivent sur le marché ou qui veulent prendre de l’expansion dans une nouvelle RIL. De plus, étant donné que Bell Canada livre aussi concurrence dans le marché en aval des services locaux de détail dans son territoire d’exploitation, une décision de ne plus prescrire la prestation des services signifierait que les coûts des clients pour un intrant clé seraient fixés par ses concurrents.
  4. En se fondant sur son analyse de la condition relative à l’intrant de l’évaluation du caractère essentiel, le Conseil estime que l’exercice d’une emprise sur le marché (déni de service ou augmentation de prix) dans la prestation des services pourrait réduire considérablement ou empêcher la concurrence dans le marché des services de détail en aval.
  5. Ainsi, le Conseil conclut que les services satisfont à la condition relative à la concurrence de l’évaluation du caractère essentiel dans toutes les RIL du territoire d’exploitation de Bell Canada.
Condition relative à la reproductibilité
  1. Dans le cas de la condition relative à la reproductibilité, le Conseil doit déterminer s’il est pratique ou réalisable pour les concurrents de reproduire la fonctionnalité d’un service, par leurs propres moyens ou en recourant à ceux de tiers. Si le Conseil conclut que la fonctionnalité d’un service de gros particulier ne peut pas être reproduite par un concurrent raisonnablement efficace à une échelle suffisante, la condition relative à la reproductibilité serait satisfaite.
Position des parties
  1. Bell Canada a indiqué que la fonctionnalité des services peut être raisonnablement reproduite du fait que les ESLC peuvent s’interconnecter avec d’autres ESL dans une même circonscription ou dans d’autres circonscriptions en construisant leurs propres installations à cette fin (autoapprovisionnement) ou en louant des installations d’une autre entreprise ou d’un fournisseur d’installations, y compris l’ESLT (approvisionnement auprès d’un tiers).
  2. De plus, pour les ESLC sans service de transport du SR qui s’attendent à recevoir un petit volume d’appels vers une certaine RIL, Bell Canada a donné à penser qu’une solution de rechange au service serait d’utiliser le service de commutation et de groupement de l’ESLT au niveau du transit d’accès. Bien que cette solution de rechange engendrerait des frais d’interurbains, qui sont évalués à la minute, Bell Canada a indiqué que compte tenu du faible volume d’appels, elle pourrait être plus économique que le recours au service de transport du SR.
  3. Le CORC a indiqué que la reproduction des services n’est pas réalisable pour une ESLC raisonnablement efficace, car cela nécessiterait un nombre déraisonnable d’interconnexions directes. Le CORC a ajouté que les câblodistributeurs titulaires ont des ressources considérables pour trouver des solutions de rechange, ce qui n’est pas le cas pour une petite ESLC.
  4. Eastlink a fait valoir que la solution de l’autoapprovisionnement n’est pas pratique car il n’existe aucune architecture maillée intégrée des interconnexions de réseau des ESLC dans la plupart des RIL au Canada et qu’à sa connaissance, elle est la seule ESLC dotée d’installations qui offre actuellement des services dans la plupart de ses zones de desserte au sein du territoire d’exploitation de l’ESLT de Bell Canada.
  5. Le CDIP a indiqué que, sans les services de transit local obligatoires, les ESLC éprouveraient de la difficulté à rivaliser avec les ESLT et qu’il serait difficile, voire impossible, pour les nouveaux joueurs d’entrer sur le marché. Il a ajouté qu’une ESLC ne serait pas capable d’acheminer des appels vers une ESLT, à moins qu’elle ait établi une connexion directe avec l’ESLT ou qu’elle ait négocié une entente avec une autre ESLC qui peut acheminer les appels vers l’ESLT.
  6. RCCI a fait valoir qu’il n’y aurait pas de reproductibilité totale là où elle exerce ses activités. Elle a ajouté qu’il y a trop de secteurs où une ESLC ne peut pas compter sur les solutions de rechange proposées par Bell Canada en matière de transit ou de raccordement d’appels.
  7. Freedom Mobile a fait valoir que compter sur d’autres ESLC pour offrir des services de transit local est une solution incomplète. Elle a ajouté qu’une ESLC souhaitant lancer un service dans une zone rurale ou suburbaine pourrait avoir beaucoup de difficulté à s’interconnecter directement avec une ESLC établie dans la RIL associée et qu’il pourrait ne pas y avoir d’ESLC intermédiaire disposée à accepter une interconnexion. Freedom Mobile a reconnu que les centres d’hébergement de télécommunications dans des grandes villes, comme Toronto ou Vancouver, et l’interconnexion IP peuvent être utilisés pour réduire la demande pour le service de transit local, mais que les centres d’hébergement de télécommunications ne sont pas répandus dans les collectivités de plus petite taille, ce qui rend difficile pour les ESLC de s’interconnecter directement aux petites ESLC régionales.
  8. Le CORC, Eastlink et RCCI ont indiqué que le service de commutation et de groupement au niveau du transit d’accès n’est pas une solution de rechange viable pour remplacer le service de transport du SR, principalement pour des raisons de coûts. De plus, le CORC a fait valoir qu’une obligation d’utiliser des services de commutation et de groupement pour remplacer l’un ou l’autre des services exigerait de l’ESLC qu’elle établisse une entente de connexion séparée au transit d’accès qui dessert les circonscriptions dans la RIL et les circonscriptions externes qui ont une interconnexion de transport du SR avec les circonscriptions dans la RIL.
  9. Freedom Mobile a indiqué que le service de commutation et de groupement de l’ESLT pourrait être une solution de rechange au service de transit local, mais qu’il faudrait traiter les inefficacités du réseau. Elle a aussi précisé qu’elle ne considère pas le transport du SR comme étant un service nécessaire pour l’interconnexion des ESLC et que, pour les faibles volumes de trafic vers une circonscription du SR, le service de commutation et de groupement de l’ESLT et les services de raccordement de gros pour les interurbains sont des solutions de rechange valables pour le raccordement du SR.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. En ce qui concerne la proposition de Bell Canada à savoir qu’une ESLC peut établir une présence dans une circonscription de l’ESLT dans une RIL donnée pour reproduire la fonction de service de transport du SR (autoapprovisionnement), le Conseil estime, conformément à ses conclusions dans la décision de télécom 2008-17, qu’il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que les ESLC adoptent cette approche si elles n’ont pas l’intention d’offrir des services locaux ou si leur clientèle existante dans la RIL visée n’est pas suffisante. Par conséquent, la modification du statut réglementaire du service de transport du SR, comme demandée par Bell Canada, se traduirait vraisemblablement par des solutions coûteuses ou inefficaces pour les clients du service obligatoire.
  2. En ce qui concerne l’opinion de Bell Canada selon laquelle l’interconnexion directe d’ESLC à ESLC (autoapprovisionnement) est une solution de rechange au service de transit local, le Conseil estime que si une ESLC a un volume suffisant de trafic avec une autre ESLC, cette option pourrait être justifiée sur le plan des coûts. Toutefois, elle n’est probablement pas une option viable pour les nouvelles ou plus petites ESLC. Le service de transit local obligatoire de l’ESLT est une option beaucoup plus efficace. Par conséquent, le recours à l’interconnexion directe d’ESLC à ESLC serait susceptible de renforcer les obstacles à l’entrée sur le marché pour les nouvelles ou plus petites ESLC.
  3. En ce qui a trait à l’interconnexion indirecte (approvisionnement auprès d’un tiers), Bell Canada a indiqué que les ESLC pourraient s’interconnecter indirectement au moyen d’une entente négociée avec une ESL qui a déjà établi, ou qui pourrait établir, des accords d’interconnexion de réseaux locaux avec les ESLC concernées. Toutefois, même dans les marchés urbains où de nombreuses ESLC exercent leurs activités, un nombre important d’entre elles utilisent toujours les services, ce qui indique que l’interconnexion indirecte par l’entremise d’une autre ESL peut ne pas être facilement accessible, ou aussi intéressante, que Bell Canada l’a donné à penser.
  4. Le fait que les ESLC se font concurrence quant à la prestation des services de détail en aval laisse entendre qu’elles peuvent ne pas être suffisamment incitées à offrir des services à d’autres ESL. De plus, le prix pour les autres accords est limité par l’existence des services à taux tarifés. Par conséquent, en l’absence de services obligatoires et réglementés de transport du SR et de transit local, les ESLC seront exposées à des obstacles supplémentaires si elles veulent établir une interconnexion indirecte par l’intermédiaire d’autres ESL.
  5. Enfin, en ce qui concerne la proposition de Bell Canada à savoir que les ESLC utilisent comme solution de rechange aux services le service de commutation et de groupement de l’ESLT au niveau du transit d’accès, le Conseil fait remarquer que les transits d’accès interurbain de Bell Canada sont situés dans de grands marchés densément peuplés. Par conséquent, cette option n’est pas accessible aux ESLC qui n’exercent pas d’activités dans ces marchés et elle n’est pas disponible dans les plus petits marchés moins densément peuplés. De plus, le tarif du service de transport du SR est fixé par circuit tandis que celui du service de commutation et de groupement au niveau du transit d’accès est déterminé à la minute, ce qui pourrait rendre la dernière option plus coûteuse pour les gros volumes de trafic. Même si les centres d’hébergement de télécommunications pouvaient être utilisés pour l’interconnexion entre ESLC, ils ne sont pas répandus et ils sont situés dans de grands marchés densément peuplés, ce qui signifie encore une fois qu’ils ne sont pas accessibles aux ESLC qui n’exercent pas d’activités dans ces marchés.
  6. De l’avis du Conseil, les options examinées ci-dessus ne sont pas efficaces et provoqueraient une hausse des coûts pour les concurrents. Par conséquent, le Conseil conclut que la fonctionnalité des services ne pourrait pas raisonnablement être reproduite par un concurrent raisonnablement efficace à une échelle suffisante et, par conséquent, la condition relative à la reproductibilité de l’évaluation du caractère essentiel est satisfaite dans toutes les RIL du territoire d’exploitation de Bell Canada.
Conclusion concernant l’évaluation du caractère essentiel
  1. L’analyse du dossier réalisée par le Conseil indique qu’il existe un niveau élevé de demande pour les services dans de nombreuses RIL du territoire d’exploitation de Bell Canada. Dans les RIL où une demande existe, le Conseil conclut que les critères de l’évaluation du caractère essentiel sont satisfaits.
  2. Comme il a été mentionné plus haut, il existe des RIL où aucune ESLC n’est en activité et d’autres où, malgré la présence d’ESLC, il n’y a aucune demande pour les services. Dans ces circonstances, le Conseil estime que l’absence de demande actuelle n’indique pas qu’il n’y aura pas de demande à l’avenir (c.-à-d. qu’il pourrait y avoir de nouveaux entrants et que des ESLC existantes pourraient souhaiter s’étendre dans ces marchés) et que le fait de ne plus prescrire la prestation des services pourrait créer un obstacle important à la concurrence. Par conséquent, même dans les RIL où il n’y a pas de demande actuelle pour les services, le Conseil conclut que ces derniers sont essentiels pour l’entrée et l’expansion sur le marché.
  3. De plus, à la lumière des difficultés associées à la reproduction de la fonctionnalité des services, le Conseil estime que le fait de ne plus prescrire la prestation des services aurait probablement pour effet d’empêcher ou de réduire considérablement la concurrence.
  4. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que les services satisfont aux trois conditions de l’évaluation du caractère essentiel dans toutes les RIL du territoire d’exploitation de Bell Canada.

Considérations stratégiques

  1. Bell Canada a indiqué que, dans le cas des services, les considérations stratégiques pertinentes établies dans la politique réglementaire de télécom 2015-326 sont les suivantes :
    • Interconnexion – Ce service favoriserait un déploiement efficace de réseaux en plus de faciliter les arrangements en matière d’interconnexion des réseaux.
    • Innovation et investissement – La prescription ou la non-prescription d’installations ou d’un service de gros pourrait se répercuter sur le niveau d’innovation ou d’investissement dans les réseaux ou les services évolués ou nouveaux pour les titulaires, les concurrents ou les deux ou, encore, elle pourrait influer sur le degré d’adoption connexe des services évolués ou nouveaux chez les utilisateurs de services de télécommunication.
  2. Selon Bell Canada, la justification de la prescription de la prestation des services ne s’applique plus puisque la concurrence locale dans les marchés de détail est bien établie et qu’il existe des solutions de rechange pratiques et abordables à ces services.
  3. De plus, Bell Canada a indiqué dans sa demande que les services de transit local ne constituaient pas des services d’interconnexion, car les services d’interconnexion permettent à deux entreprises d’échanger du trafic en provenance et à destination de leurs clients finals, tandis que les services de transit local permettent aux entreprises d’utiliser les installations de réseau d’une autre entreprise même si le trafic transmis n’est pas destiné aux clients finals du réseau de transit ou s’il ne provient pas d’eux. Bell Canada a argué que si les services de transit local étaient réellement des services d’interconnexion, toutes les ESL devraient être tenues de les fournir.
  4. Zayo a indiqué que les deux services sont des services d’interconnexion qui facilitent l’échange de trafic local et que les modifications de ces services ont des incidences sur un large éventail de participants dans le marché des services téléphoniques locaux, parfois de façons qui sont difficiles à anticiper. Elle a précisé que toute modification du statut réglementaire des services exigerait une instance plus en profondeur.
  5. Le CORC a indiqué qu’une interconnexion efficace entre les ESL était d’une importance cruciale et constituait le fondement d’un marché des services de télécommunication concurrentiel. Il a également fait valoir que les services permettent aux ESLC d’éviter les ententes d’interconnexion inefficaces et superflues. À son avis, quel que soit le résultat de l’évaluation du caractère essentiel, le Conseil devrait continuer de prescrire la prestation des services en fonction de considérations stratégiques relatives à l’interconnexion parce que ceux-ci favorisent toujours le déploiement efficace des réseaux et facilitent les ententes d’interconnexion des réseaux.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a déclaré qu’il pouvait se fonder sur une considération stratégique pour :
    • justifier une décision de prescrire la fourniture d’un service de gros qui ne satisfait pas aux conditions établissant le caractère essentiel d’un service;
    • justifier une décision de ne pas prescrire la fourniture d’un service de gros qui satisfait aux conditions établissant le caractère essentiel d’un service;
    • appuyer sa décision de prescrire la fourniture d’un service de gros après avoir réalisé l’évaluation du caractère essentiel.
  2. Le Conseil a également déterminé dans cette décision que les services de gros qui appuient le bien public et ceux qui sont liés à l’interconnexion des réseaux doivent faire l’objet d’un traitement différent pour des raisons stratégiques que l’évaluation du caractère essentiel ne prend pas en compte.
  3. Les deux services permettent le transfert de trafic d’un fournisseur à un autre et le Conseil les a toujours considérés comme des services d’interconnexion. Par conséquent, le Conseil estime que la considération stratégique pertinente consiste à déterminer si les services favorisent un déploiement efficace des réseaux et facilitent la conclusion d’ententes d’interconnexion de réseaux.
  4. Le service de transport du SR permet aux ESLC d’acheminer efficacement des appels dans des RIL adjacentes et d’éviter d’avoir à consentir de grands efforts et des dépenses importantes en mettant en place des ententes d’interconnexion inefficaces et superflues. Dans l’environnement actuel de l’interconnexion par l’entremise des RIL, le fait de ne pas prescrire la prestation du service de transport du SR obligerait les ESLC à utiliser des options coûteuses à mettre en œuvre et inefficaces sur le plan des réseaux.
  5. L’ensemble des intervenants, sauf la STC, a fait valoir que le service de transit local devrait toujours être obligatoire en l’absence de solutions de rechange efficaces. Le Conseil estime que le service de transit local obligatoire favorise toujours l’entrée des ESLC dans de nouvelles RIL.
  6. Même si Bell Canada a fait valoir que le nombre relativement élevé d’ESLC en activité dans certaines circonscriptions et RIL montre à quel point les solutions de rechange aux services sont viables et favorisent la concurrence, le Conseil estime que cela pourrait en fait accroître la complexité et le coût des interconnexions directes entre ESLC. De plus, les services sont d’une importance unique, car ils favorisent une interconnexion efficace des ESL et les solutions de rechange proposées par Bell Canada sont moins efficaces du point de vue des réseaux ou des coûts.
  7. En se fondant sur ce qui précède, et conformément à la considération stratégique relative à l’interconnexion établie dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil estime que les services favorisent le déploiement efficace des réseaux et facilitent les ententes d’interconnexion des réseaux. Par conséquent, le Conseil estime que la considération stratégique visant l’efficacité de l’interconnexion appuie ses conclusions concernant l’évaluation du caractère essentiel. Ainsi, le Conseil détermine que la prestation des services demeurera prescrite dans toutes les RIL du territoire d’exploitation de Bell Canada.

Le Conseil devrait-il s’abstenir de réglementer les services?

  1. Étant donné que le Conseil a déterminé que la prestation des services demeurera prescrite dans l’ensemble du territoire d’exploitation de Bell Canada, il n’est pas nécessaire d’examiner l’abstention de la réglementation des services. Par conséquent, le Conseil rejette la demande de Bell Canada.

Instructions

  1. Le Conseil, dans l’exercice des pouvoirs et fonctions que lui confère la Loi sur les télécommunications (Loi), doit mettre en œuvre les objectifs de la politique énoncés à l’article 7 de la Loi, conformément aux InstructionsNote de bas de page 6. Les déterminations énoncées dans la présente décision sont conformes aux Instructions, pour les raisons citées ci-après.
  2. Les questions à l’examen dans le cadre de la présente décision concernent la prestation des services et de leur incidence connexe sur la concurrence au sein du marché en aval de services locaux de détail, notamment la question de savoir si la prestation des services ne devrait plus être prescrite. Par conséquent, les sous-alinéas 1a)(i) et 1a)(ii)Note de bas de page 7 et les sous-alinéas 1b)(i), 1b)(ii) et 1b)(iv)Note de bas de page 8 des Instructions s’appliquent aux conclusions du Conseil dans la présente décision.
  3. Conformément au sous-alinéa 1b)(i) des Instructions, le Conseil estime que les mesures de réglementation établies dans la présente décision contribuent à l’atteinte des objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7a), 7b), 7c) et 7f) de la LoiNote de bas de page 9.
  4. Conformément aux sous-alinéas 1a)(ii) et 1b)(ii) des Instructions, le Conseil estime que les mesures réglementaires approuvées dans la présente décision sont i) efficaces et proportionnelles aux buts visés et qu’elles ne font obstacle au libre jeu d’un marché concurrentiel que dans la mesure minimale nécessaire pour atteindre les objectifs et ii) qu’elles ne découragent pas un accès au marché qui est propice à la concurrence et qui est efficace économiquement, ni n’encouragent un accès au marché qui est non efficace économiquement. À cet égard, le Conseil fait remarquer que le fait de continuer de prescrire la prestation des services favorise un déploiement efficace de réseaux et facilite les ententes d’interconnexion de réseaux.
  5. Conformément au sous-alinéa 1b)(iv) des Instructions, les conclusions du Conseil, lorsqu’elles visent des ententes d’interconnexion de réseaux ou des régimes d’accès aux réseaux, sont, dans toute la mesure du possible, neutres sur le plan de la technologie et de la concurrence, car elles ne favorisent pas artificiellement les entreprises canadiennes ou les revendeurs.

Secrétaire générale

Documents connexes

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