ARCHIVÉ – Conformité et Enquêtes Lettre du Conseil adressée à la Banque Royale du Canada
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Ottawa, le 4 avril 2016
Numéro de dossier : 9102-2015-00417-004
Objet : Décision en application de la Loi canadienne anti pourriel - Demande d’examen d’un avis de communication
Demande
- Le 27 août 2015, en vertu de la Loi visant à promouvoir l’efficacité et la capacité d’adaptation de l’économie canadienne par la réglementation de certaines pratiques qui découragent l’exercice des activités commerciales par voie électronique et modifiant la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, la Loi sur la concurrence, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et la Loi sur les télécommunications (la Loi), une personne désignée, pour l’application de l’article 17 de la Loi, a signifié un avis de communication à la Banque Royale du Canada (RBC).
- En vertu du paragraphe 18(1) de la Loi, la RBC a déposé une demande, qui a été reçue le 18 septembre 2015, dans laquelle elle demandait au Conseil d’examiner l’avis de communication et de ne pas exiger la production des documents demandés dans l’avis.
- La partie 1 de l’avis de communication enjoignait à la RBC de produire des copies de documents ou de données relativement à un numéro de compte précis associé à une société à numéro de l’Ontario (la société à numéro) pour une période s’échelonnant du 1er mai 2015 à la date de l’avis de communication, y compris des renseignements sur les clients et des états de compte mensuels. La partie 1 de l’avis de communication enjoignait également à la RBC de produire une liste de tous les autres produits ou services détenus par les titulaires du compte associé à la société à numéro, ainsi qu’une liste de toutes les autres entités pour lesquelles ces titulaires du compte étaient habilités à agir en tant que signataires autorisés. La partie 4 de l’avis de communication imposait des conditions de non-divulgation, en vertu du paragraphe 17(4) de la Loi, exigeant que la RBC assure la confidentialité de l’existence et du contenu de l’avis de communication.
- La RBC a soutenu que sa demande devrait être approuvée, car :
- l’avis de communication n’a pas été émis dans un but autorisé par le paragraphe 17(2) de la Loi;
- l’avis de communication est incompatible avec la Loi sur la protection des renseignements personnels (LPRP), qui limite l’information que le Conseil peut recueillir, et avec la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE), qui limite l’information que la RBC peut divulguer sans consentement;
- la RBC a, à l’égard de ses clients, une obligation de confidentialité à la fois contractuelle et en vertu de la common law;
- l’avis de communication a une portée excessive et cause un fardeau disproportionné à la RBC, puisque l’information pourrait être obtenue de façon plus appropriée directement auprès de la société à numéro;
- les conditions de non-divulgation empêcheraient la RBC d’obtenir le consentement nécessaire auprès de la société à numéro et de ses titulaires de compte pour produire les documents demandés, compte tenu des arguments présentés ci-dessus;
- La personne désignée a déposé des observations en réponse à la demande, en vertu du paragraphe 18(3) de la Loi. Dans ces observations, la personne désignée a soutenu :
- que l’avis de communication a été émis pour une fin autorisée et chacune de ses exigences est liée à cette fin autorisée;
- qu’il n’y a aucun conflit avec i) la législation en matière de protection des renseignements personnels qui s’applique au Conseil ou à la RBC, ni avec ii) l’obligation de confidentialité de la RBC;
- que le fardeau causé par l’avis de communication à la RBC n’est pas excessif ni disproportionné;
- que les conditions de non-divulgation sont raisonnables dans les circonstances.
Résultats de l’analyse du Conseil
But de l’avis de communication
- Plusieurs arguments avancés par la RBC sont fondés sur sa position sous-jacente selon laquelle l’avis de communication a été émis pour une fin non autorisée. Plus précisément, la RBC a soutenu que les renseignements personnels et financiers au sujet de la société à numéro et de ses titulaires de compte ne sont pas pertinents pour ce qui est de déterminer si la société à numéro a respecté la Loi ou contrevenu à l’un des articles 6 à 9 de la Loi.
- Tel qu’il a été précisé par la personne désignée, lorsque l’on détermine s’il y a eu contravention aux articles 6 à 9 de la Loi, il faut également déterminer la ou les personnes responsables de cette contravention. L’enquête en question, qui a été menée en vertu des articles 7 et 8 de la Loi, a trait à un programme identifié par la personne désignée comme étant un maliciel qui redirige le trafic Internet vers des adresses enregistrées par la société à numéro et associées au numéro de compte précisé dans l’avis de communication.
- L’avis de communication vise à obtenir de l’information sur le numéro de compte associé à la société à numéro ainsi qu’au maliciel et à la redirection du trafic Internet connexe faisant l’objet de l’enquête. L’information au sujet de ce compte et de toute transaction effectuée pendant la période visée par l’enquête pourrait démontrer que la société à numéro est impliquée dans l’affaire. Plus précisément, le fait de déterminer si l’argent associé à l’activité demeure au sein de la société à numéro ou s’il circule vers d’autres entités à partir de celle-ci pourrait permettre d’établir si, et dans quelle mesure, la société à numéro ou d’autres personnes tirent profit de cette activité, et par association, peuvent être impliquées dans cette activité ou en être responsables.
- L’avis de communication vise également à obtenir de l’information sur les titulaires du compte associé à la société à numéro, de même que sur d’autres entités au nom desquelles la société à numéro est possiblement autorisée à agir auprès de la RBC. Cette information pourrait permettre d’identifier d’autres personnes qui pourraient être impliquées dans l’activité ou responsables de celle-ci. À cet égard, l’article 31 de la Loi prévoit la responsabilité éventuelle des dirigeants, administrateurs ou mandataires d’une société. L’information demandée pourrait également permettre d’établir des liens entre la société à numéro et d’autres entités associées à l’activité, et de préciser la nature de tels liens.
- Par conséquent, le Conseil conclut que l’avis de communication a été émis pour une fin autorisée, soit de faire avancer l’enquête en vue de déterminer s’il y a eu des contraventions à la Loi et, dans l’affirmative, d’identifier les personnes responsables de ces contraventions.
Application de la législation en matière de protection des renseignements personnels
- L’article 4 de la LPRPinterdit à une institution fédérale de recueillir des renseignements personnels à moins qu’ils aient un lien direct avec ses programmes ou ses activités. Selon sa position voulant que l’avis de communication n’ait pas été émis pour une fin autorisée, la RBC a soutenu que l’information recherchée ne répondait pas à cette norme et que sa collecte était donc interdite.
- La LPRPDE limite les circonstances dans lesquelles une organisation telle que la RBC peut divulguer des renseignements personnels sans consentement, sous réserve de certaines exceptions énoncées au paragraphe 7(3), notamment dans les cas où une divulgation est exigée par la loi ou est faite à l’intention d’une institution fédérale qui en a fait la demande en vertu d’une autorité légitime identifiée. Selon sa position voulant que l’avis de communication n’ait pas été émis pour une fin autorisée, la RBC a soutenu que ces exceptions ne s’appliquaient pas.
- Le Conseil a conclu que l’avis de communication avait été émis pour une fin autorisée conformément au paragraphe 17(2) de la Loi. Étant donné que les renseignements personnels sollicités ont un lien direct avec une activité du Conseil, c’est-à-dire l’enquête sur les contraventions à la Loi, la sollicitation de ces renseignements n’est pas interdite par la LPRP. De plus, comme l’avis de communication constitue une requête d’une institution fédérale conformément à une autorité légitime, la production des renseignements demandés n’est pas interdite par la LPRPDE.
Obligation de confidentialité
- La RBC a soutenu qu’elle a une obligation de confidentialité imposée par la common law à l’égard de ses clients. Cependant, il est exceptionnellement possible de manquer à cette obligation dans certaines circonstances, y compris si la loi l’exige. En se fondant sur ses arguments quant au but de l’avis de communication, la RBC a soutenu que l’exception ne s’appliquait pas dans les circonstances actuelles.
- Le Conseil a conclu que l’avis de communication avait été émis pour une fin autorisée conformément au paragraphe 17(2) de la Loi. Par conséquent, l’exception s’applique dans les circonstances actuelles, et, en divulguant les renseignements demandés, la RBC ne manquera pas à l’obligation de confidentialité qui lui est imposée par la common law.
- En ce qui concerne l’obligation de confidentialité contractuelle de la RBC à l’égard de ses clients, les personnes qui exercent des activités commerciales régies par la Loi font souvent appel à d’autres organisations pour des services financiers ou d’autres services connexes. Comme les relations entre ces personnes et ces autres organisations peuvent être pertinentes pour l’enquête de conformité à la Loi ou pour l’application de celle-ci, il est approprié pour le Conseil de s’enquérir de ces relations au moyen d’un avis de communication. Si le Conseil permettait aux entités qui ont conclu des ententes contractuelles privées de ne pas faire l’objet d’une enquête pour des raisons de confidentialité, l’efficacité globale de l’avis de communication comme outil d’enquête s’en trouverait considérablement diminuée.
Fardeau disproportionné
- La RBC a soutenu que l’avis de communication était déraisonnable et causait un fardeau disproportionné. Pour appuyer sa position, la RBC a fait référence aux restrictions en matière de procédures pour imposer la production de documents de tiers dans des instances civiles. Elle a aussi soutenu que les documents demandés n’étaient pas pertinents pour déterminer la conformité à la Loi, et qu’il serait plus approprié de demander ces documents directement à la société à numéro.
- L’évaluation du Conseil pour déterminer si une demande de production est raisonnable est menée en prenant en compte à la fois la disposition de la Loi selon laquelle la demande a été faite (dans le cas présent, l’article 17) ainsi que l’objectif global de la Loi, qui est établi à l’article 3.
- L’article 17 de la Loi fournit aux personnes désignées des pouvoirs d’enquête dans le but de vérifier la conformité ou de déterminer des contraventions à la Loi. Ces pouvoirs sont vastes et, par conséquent, ne se limitent pas à enquêter uniquement sur la ou les personnes qui font l’objet de l’enquête. L’article 3 de la Loi précise clairement que la Loi vise à réglementer les activités commerciales par voie électronique dans le but d’assurer le maintien des conditions jugées nécessaires au bon fonctionnement et développement de l’économie de marché du pays.
- Par conséquent, vérifier s’il y a eu violation et, le cas échéant, qui en est responsable, exige une évaluation des renseignements, qu’ils soient de nature financière ou autre, qui sont détenus et contrôlés par des personnes précises. La personne désignée ne connaîtra pas ces renseignements, à moins qu’ils soient obtenus au moyen de mécanismes d’enquête, comme ceux établis dans l’article 17 de la Loi.
- De plus, l’exercice du pouvoir accordé à la personne désignée pour l’application de l’article 17 de la Loi n’est pas assujetti à une obligation que cette personne ait des motifs raisonnables de croire que les documents demandés fourniront des éléments de preuve (i) qu’une violation a été commise ou (ii) concernant la ou les personnes qui ont commis la violation.
- Compte tenu de ce qui précède, le fait que l’avis de communication exige que la RBC produise de nombreux documents et que certains ou l’ensemble des documents demandés pourraient être obtenus auprès d’une source différente ne rend pas la demande déraisonnable. Ce qui rend une demande raisonnable dépend d’une variété de facteurs, y compris l’ampleur de la demande, la taille de la partie et la portée des répercussions financières de la demande. Dans les cas où une partie fait l’objet de demandes de production de façon répétitive, cette incidence cumulative peut aussi être pertinente.
- Dans le cas présent, la RBC n’a pas soumis d’élément de preuve des facteurs susmentionnés. Les renseignements demandés à l’égard du numéro de compte désigné, qui est lié à une activité faisant l’objet d’une enquête, sont limités à la durée de l’activité, c’est-à-dire une période d’environ quatre mois. Les renseignements demandés concernant les titulaires du compte associés au numéro de compte désigné sont limités à une liste d’autres produits ou services, ou d’autres entités pour le compte desquelles ces titulaires de compte sont autorisés à agir. Ces exigences n’ont donc pas une portée excessive et ne causent pas fardeau déraisonnable.
Conditions pour empêcher une divulgation
- La RBC a soutenu que les conditions de non-divulgation imposées conformément au paragraphe 17(4) de la Loi sont déraisonnables, car elles l’empêchent d’obtenir le consentement nécessaire pour divulguer les renseignements demandés.
- Dans sa réplique, la personne désignée a indiqué qu’en plus de la société à numéro, d’autres personnes pourraient être concernées par l’enquête, et que si la société à numéro ou d’autres personnes étaient avisées de l’existence de l’enquête, il y aurait un risque que des éléments de preuve soient perdus, endommagés, modifiés ou détruits avant d’être recueillis, ce qui compromettrait le déroulement de l’enquête.
- Le Conseil a conclu que l’avis de communication avait été émis pour une fin autorisée conformément au paragraphe 17(2) de la Loi. Les arguments de la RBC à l’égard de l’obtention du consentement avant de produire les documents demandés ne sont donc pas applicables. De plus, aviser des personnes faisant l’objet d’une enquête de son existence en demandant un tel consentement est l’un des résultats que les conditions de non-divulgation visent à empêcher. La crainte de la personne désignée quant au risque associé à une telle divulgation et l’imposition de ces conditions ne sont pas déraisonnables compte tenu des circonstances.
Conclusions
- Compte tenu de ce qui précède, le Conseil rejette la demande de la RBC et confirme les exigences de production établies dans l’avis de communication qui a été signifié à la RBC le 27 août 2015.
- Les documents requis doivent être produits dans les conditions suivantes, qui remplacent celles décrites dans la partie 3 de l’avis de communication :
- Les documents doivent être produits à l’écrit et inclure le numéro de dossier susmentionné. Les documents, portant la mention « Confidentiel », doivent être envoyés à Maxime Brassard, par l’un des moyens ci-dessous autorisés par le Conseil :
- Par courrier à l’adresse suivante :
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC)
Secteur de la conformité et des enquêtes
Division de la mise en application du commerce électronique
Les Terrasses de la Chaudière
1, promenade du Portage
Gatineau (Québec) J8X 4B1 - Par courriel à l’adresse suivante : lcap-casl-inv@crtc.gc.ca
- Par courrier à l’adresse suivante :
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC)
- Le destinataire doit recevoir les documents au plus tard le 25 avril 2016 à 16 h, heure de l’EstNote de bas de page1.
- Cette décision est signifiée à la RBC par la réception d’une copie de la présente décision, conformément au paragraphe 18(5) de la Loi.
- Le Conseil autorise la méthode suivante pour signifier la décision à la RBC :
- Service de messagerie exigeant une signature à la livraison
- En vertu du paragraphe 18(5) et de l’article 27 de la Loi, la RBC a le droit d’interjeter appel de la présente décision devant la Cour d’appel fédérale dans un délai de 30 jours suivant la signification d’une copie de celle‑ci. Un appel concernant une question de fait peut seulement être interjeté si la Cour d’appel fédérale l’autorise; la demande doit être soumise dans les 30 jours suivant la date de la signification de la présente décision.
Secrétaire général
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