ARCHIVÉ – Décision de radiodiffusion CRTC 2015-89

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Référence au processus : Demande de la Partie 1 affichée le 21 octobre 2014

Ottawa, le 16 mars 2015

Bell Canada
L’ensemble du Canada

Demande 2014-1056-3

Plainte de Bell Canada contre Rogers Media Inc., anciennement Rogers Broadcasting Limited, alléguant des contraventions à l’Ordonnance d’exemption des médias numériques

Le Conseil rejette la plainte de Bell Canada contre Rogers Media Inc. (Rogers) concernant la façon dont Rogers offre GamePlus.

GamePlus est un service en ligne que Rogers offre à ses clients abonnés à GameCentre Live (GameCentre), un service numérique exploité par Rogers qui diffuse les matchs de la Ligue nationale de hockey (LNH) et autres émissions connexes.

GamePlus est un service lié à GameCentre qui permet aux clients de personnaliser leur expérience. Ils peuvent non seulement suivre la diffusion classique d’un match de hockey sur leur télévision, mais peuvent aussi utiliser en même temps un second écran, comme un ordinateur, une tablette ou un téléphone intelligent, pour choisir différentes prises de vues et regarder les reprises d’un même jeu sous différents angles. GamePlus présente aussi des entrevues exclusives, des analyses et du contenu original sur demande. Gameplus est réservé aux clients de Rogers qui sont également abonnés à GameCentre.

Le Conseil encourage l’innovation dans la programmation et estime que la façon dont Rogers offre GamePlus est conforme à l’Ordonnance d’exemption des médias numériques.

Les parties

  1. Bell Canada (Bell) et Rogers Media Inc. (Rogers) font tous deux partie de grandes sociétés de multimédias intégrées verticalement qui détiennent des éléments d’actif importants dans des services de télécommunication, des entreprises de distribution de radiodiffusion, de médias numériques, de radio, de télévision et de services spécialisés.

Contexte

GameCentre

  1. GameCentre Live (GameCentre) est une entreprise de radiodiffusion de médias numériques (ERMN) exploitée par Rogers qui diffuse des matchs de la Ligue nationale de hockey (LNH) et de la programmation connexe. Les abonnés peuvent visionner en direct et en continu les matchs sur leur ordinateur, leur tablette et leur téléphone intelligent. Pour la saison de hockey 2014-2015, GameCentre offre plus de 1 000 matchs de la saison régulière, les séries éliminatoires de la coupe Stanley, le Bridgestone Winter Classic et le Match des étoiles.
  2. L’abonnement à GameCentre offre un forfait LNH en français qui inclut 60 matchs des Canadiens de Montréal et 54 matchs des Sénateurs d’Ottawa, tous hors marché et en français. Seules les personnes qui habitent à l’ouest de Belleville (Ontario) ont accès à ce forfait.

GamePlus

  1. GamePlus est une offre de contenu en ligne intégrée à GameCentre et réservée aux clients de Rogers, offerte sans frais additionnels. Les clients de Rogers qui achètent un forfait de téléphone résidentiel, de télévision numérique ou de données sans fil peuvent accéder à GamePlus lorsqu’ils s’abonnent à GameCentre.
  2. GamePlus permet aux clients de choisir différentes prises de vues et de voir des reprises sous divers angles au cours des matchs de hockey présentés sur GameCentre. GamePlus inclut également des entrevues exclusives, des analyses et du contenu original sur demande. Plus précisément, GamePlus offre ce qui suit :
    • MyReplay - Cette fonction permet aux utilisateurs de regarder les reprises de leur choix à partir de six caméras différentes au cours d’un même match de hockey.
    • New Camera Angles - Cette fonction comprend la Ref Cam (caméra fixée au casque de l’arbitre), la Sky Cam (caméra qui a été ou sera installée par Rogers dans certaines arénas du Canada), la POV Cam (qui fournit du contenu, par exemple des bancs des joueurs et de la loge du directeur général), la Goal Line Cam (fournit une vue en plongée du demi-cercle du gardien) et la Star Cam (qui suit continuellement les joueurs vedettes). Les angles de caméras supplémentaires ne sont pas accompagnés d’audio en direct, et il y a un délai entre la diffusion linéaire et le matériel diffusé à partir des caméras supplémentaires.
    • Insider Extras - Cette fonction fournit de l’information provenant d’initiés sur divers aspects du jeu. Ce contenu inclut du matériel original de vidéo sur demande, des prévisions étoffées, des analyses et des entrevues avec les entraîneurs et les joueurs, des rapports sur les blessures, des conseils sur la formation d’équipes virtuelles, et les grandes nouvelles de la LNH.
    • Post-game interviews - Cette fonction donne la réaction des joueurs après un match.
  3. Les caméras utilisées pour la production du contenu de GamePlus ont été achetées par Rogers dans le cadre d’une entente avec Rogers Communications Partnership (RCP).
  4. En vertu de l’entente de services entre RCP et Rogers (l’Entente), Rogers et ses affiliés peuvent incorporer un total maximum de cinq minutes de matériel provenant de caméras interactives de l’ensemble de la diffusion en direct de chaque match de la LNH.
  5. L’entente prévoit aussi que Rogers diffusera du matériel promotionnel pour Gameplus. Ce matériel comporte un segment hebdomadaire de 60 à 90 secondes sur Sportsnet Central et Hockey Central, une mention audio et vidéo avec le logo de GamePlus lors de l’utilisation d’une caméra de GamePlus, ainsi qu’une mention au générique de fermeture après chaque match de la LNH.

Position de Bell Canada

  1. Dans sa demande, Bell allègue que la façon dont Rogers offre Game Centre et GamePlus contrevient aux paragraphes 3 et 5 de l’Ordonnance d’exemption relative aux entreprises de radiodiffusion de médias numériques (l’Ordonnance) énoncée à l’annexe de l’ordonnance de radiodiffusion 2012-409.
  2. L’article 3 de l’Ordonnance prévoit que :
    • L’entreprise ne doit pas accorder de préférence indue à quiconque, y compris elle-même, ni causer à quiconque un désavantage indu. Lors d’une instance devant le Conseil, il incombe à la partie qui a accordé une préférence ou fait subir un désavantage d’établir que la préférence ou le désavantage n’est pas indu.
  3. L’article 5 de l’Ordonnance prévoit que :
    • […] l’entreprise n’offre pas une programmation de télévision en exclusivité ou de manière autrement préférentielle de sorte que l’accès dépende de l’abonnement à un service mobile ou d’accès Internet de détail en particulier.
  4. L’Ordonnance définit une programmation de télévision comme « une programmation conçue d’abord pour la télévision traditionnelle, les services spécialisés, payants ou de vidéo sur demande », alors que Bell la désigne comme « programmation de télévision traditionnelle ».
  5. Bell est d’avis qu’en offrant GamePlus uniquement à ses abonnés, Rogers fournit une programmation de télévision en exclusivité ou de manière autrement préférentielle et contrevient donc à l’Ordonnance.
  6. Selon Bell, GameCentre et GamePlus sont inextricablement liés aux émissions de hockey de la télévision traditionnelle offertes par CityTV, Sportsnet, la Société Radio-Canada (SRC) et NHL Centre Ice. Bell fait valoir que la programmation de GamePlus est produite par la même équipe, avec le même équipement, au même moment et au même endroit que la programmation de télévision traditionnelle diffusée par Rogers. La production des entrevues et des analyses disponibles sur GamePlus est également reliée aux émissions de télévision traditionnelles afin d’y être intégrées au moment opportun.
  7. Bell allègue que cela créerait une véritable échappatoire à la réglementation du Conseil si le fait que certains contenus de GamePlus n’apparaissent pas (ou s’ils n’apparaissent qu’occasionnellement) sur les services de Rogers était interprété de manière à croire que de tels contenus ne sont pas d’abord conçus pour la télévision traditionnelle et qu’à ce titre ils ne sont pas assujettis à l’article 5 de l’Ordonnance, et qu’ils ne sont pas accessibles aux consommateurs non abonnés à Rogers. Bell fait valoir que si le Conseil donne son aval à cette échappatoire, elle serait agressivement exploitée par toutes les parties prenantes.
  8. Bell note que l’exception énoncée à l’article 5 de l’Ordonnance s’applique à « la création et la distribution d’émissions conçues pour les plateformes mobiles et d’accès Internet de détail ». Bell fait valoir que la Ref Cam, la Sky Cam et les caméras dédiées à un joueur ont aussi été utilisées et le sont encore dans les émissions de télévision traditionnelle consacrées à d’autres sports. Par conséquent, elles ne peuvent pas être considérées comme une nouvelle programmation novatrice conçue spécifiquement pour la distribution sur les plateformes mobiles et d’accès Internet de détail.
  9. Bell note que GamePlus est offert en exclusivité aux clients de Rogers. Bell allègue que les consommateurs non abonnés à Rogers subissent un préjudice puisqu’ils ne peuvent pas accéder au contenu de GamePlus. Alors que théoriquement un consommateur pourrait être un client du service mobile ou Internet d’un autre fournisseur et avoir accès à GamePlus s’il est abonné à la télévision ou au service téléphonique de Rogers, une telle situation est peu probable.
  10. Afin de s’assurer que GamePlus soit conforme à l’Ordonnance, Bell fait valoir que le Conseil devrait imposer à Rogers d’offrir gratuitement GamePlus à tous les abonnés de GameCentre. Selon ce principe, les consommateurs seraient en mesure d’accéder à la fois à GameCentre et à GamePlus par le fournisseur d’accès mobile et Internet de leur choix.

Interventions

  1. Le Conseil a reçu des interventions, toutes en faveur de la demande de Bell, de la part de la Société TELUS Communications (TELUS), de Bragg Communications Inc., exerçant ses activités sous le nom d’Eastlink (Eastlink), de la Canadian Cable Systems Alliance (CCSA), du Council of Senior Citizens’ Organizations of British Columbia et du Centre pour la défense de l’intérêt public (COSCO-PIAC), de Vaxination Informatique et de Benjamin Klass. Le dossier public de la présente demande peut être consulté sur le site web du Conseil, www.crtc.gc.ca, ou en utilisant le numéro de demande indiqué ci-dessus.
  2. Selon tous les intervenants, GamePlus se qualifie à titre de programmation de télévision telle que la définit l’Ordonnance. Ils estiment de plus que la façon dont Rogers offre GamePlus est contraire à la disposition de préférence indue énoncée à l’article 3 de l’Ordonnance.
  3. Les intervenants ont également exposé d’autres points de vue sur les répercussions d’une offre de contenu exclusif comme GamePlus, et ils ont suggéré d’autres mesures devant être imposées par le Conseil. COSCO-PIAC a soulevé des préoccupations relatives à la politique de télécommunications du Conseil. Ces opinions sont résumées ci-dessous.

Répercussions d’un contenu exclusif

  1. TELUS a fait valoir que le fait d’autoriser les sociétés à offrir un contenu exclusif comme le fait Rogers avec GamePlus amènerait les consommateurs à devoir s’abonner à plus d’un réseau pour recevoir le contenu qu’ils désirent. Ainsi, les consommateurs paieraient au moins deux fois les coûts d’infrastructure compris dans leur forfait de programmation de base. Eastlink a ajouté que les clients qui ne sont pas abonnés à Rogers paient déjà pour le contenu de GamePlus par leur abonnement à GameCentre, mais qu’ils se voient refuser l’accès au contenu de GamePlus.
  2. TELUS, le CCSA et COSCO-PIAC ont dit craindre que la façon dont Rogers offre GamePlus ne crée un précédent qui incite d’autres sociétés intégrées verticalement à utiliser leurs droits exclusifs de radiodiffusion au profit de leurs entreprises de distribution, et ce, au détriment des sociétés de distribution non intégrées verticalement. Une telle situation réduirait la concurrence et le choix des consommateurs.

Mesures correctives

  1. Bell a demandé au Conseil d’imposer à Rogers d’offrir gratuitement GamePlus à tous les abonnés de GameCentre. Des intervenants ont suggéré au Conseil d’imposer d’autres mesures correctives.
  2. De façon générale, COSCO-PIAC a approuvé le principe de base de la demande de Bell, mais a suggéré au Conseil d’interdire à Rogers de rendre l’accès aux fonctions de GameCentre conditionnel à l’abonnement à d’autres services de Rogers.
  3. De plus, COSCO-PIAC a fait valoir que les consommateurs abonnés à d’autres services de Rogers pour pouvoir recevoir GamePlus devraient être en mesure d’annuler sans pénalité leur abonnement à ces services et de recevoir un dédommagement pour les frais d’annulation facturés par des concurrents. Ces consommateurs devraient pouvoir se réabonner aux services d’un précédent fournisseur sans frais, s’ils le désirent.
  4. Vaxination Informatique a fait valoir que la solution réglementaire à court terme appropriée serait d’imposer à Rogers de fournir exactement le même service à toute personne qui paie un abonnement. Si nécessaire, le Conseil devrait modifier l’Ordonnance dans cette optique.
  5. TELUS a pressé le Conseil d’adopter une réglementation relative aux exclusivités de contenu des sociétés intégrées verticalement, qui remplacerait la définition de « programmation de télévision » énoncée dans l’Ordonnance par une nouvelle définition de « programmation de médias numériques ».
  6. Benjamin Klass a suggéré que le Conseil modifie l’article 5 de l’Ordonnance, de façon à ce que les entreprises ne puissent pas offrir de programmation en exclusivité. Il estime que la distinction entre « programmation de télévision » et « programmation de médias numériques », telle que définie dans l’Ordonnance, n’a aucune signification pour le Canadien moyen.

Politique sur les télécommunications

  1. COSCO-PIAC a fait valoir que Rogers oblige les consommateurs à accepter une version inférieure de GameCentre lorsqu’ils décident d’acheter leurs services auprès d’un concurrent. Cette situation confère une préférence indue aux services du sans-fil, du téléphone filaire et de l’accès Internet de Rogers, ainsi qu’à ses entreprises de distribution de radiodiffusion, et ce, au détriment de ses concurrents, en contravention à l’article 27(2) de la Loi sur les télécommunications. De plus, selon l’intervenant, cette façon de faire est contraire à plusieurs objectifs de cette loi.

Réponse de Rogers

  1. Rogers a fait valoir que son offre de GamePlus dans le cadre de GameCentre n’est pas de la « programmation de télévision » au sens de l’Ordonnance, mais plutôt une expérience interactive conçue spécifiquement pour des plateformes mobiles et Internet. Rogers a ajouté que GamePlus apporte aux utilisateurs une façon nouvelle et novatrice de vivre un match de hockey, ce que le Conseil visait à encourager dans l’Ordonnance en n’imposant aucune restriction relative au contenu exclusif.
  2. Rogers a fait valoir que bien que certaines prises de vues des nouvelles caméras apparaissent dans les émissions linéaires, elles ne sont pas intégrées naturellement et à grande échelle dans les émissions de télévision traditionnelle, comme le prétend Bell. Au contraire, l’Entente prévoit qu’il est spécifiquement interdit d’utiliser les prises de vue des nouvelles caméras de cette façon. Bien que le personnel chargé de créer le contenu de GamePlus fasse partie de la grande équipe de Rogers pour la LNH, il ne fait partie de l’équipe de production régulière de Sportsnet. De plus, les ressources techniques et opérationnelles consacrées à la création du contenu de GamePlus représentent un coût additionnel à celui des opérations régulières de radiodiffusion.
  3. Rogers a déclaré que RCP avait mandaté Rogers de produire et rendre disponible un contenu numérique accessoire uniquement pour distribution exclusive sur GamePlus. La majeure partie, sinon la totalité, de ce contenu ne serait pas autrement accessible aux consommateurs.
  4. Rogers a fait valoir qu’étant donné que le Conseil a spécifiquement autorisé les ERMN à offrir à leurs clients un contenu exclusif d’abord conçu pour les plateformes mobiles et Internet, la disposition de préférence indue énoncée à l’article 3 de l’Ordonnance ne s’applique pas à la distribution de GamePlus. Selon Rogers, le Conseil adopterait une forme perverse de réglementation si, pour inciter les ERMN à innover sur les plateformes mobiles et Internet, il les autorisait expressément à offrir un contenu exclusif et que, par la suite, il décidait qu’une offre exclusive constitue une préférence ou un désavantage indu.

Réplique de Bell

  1. Bell a fait valoir que les caméras évoquées par Rogers comme étant spécifiquement conçues pour GamePlus sont fréquemment vues dans les émissions linéaires de la LNH et sont disponibles sur les émissions de télévision linéaires depuis un certain temps. Bell est d’avis que le positionnement des caméras, leur maniement par les mêmes techniciens à la caméra et leur supervision par les producteurs d’émissions linéaires de l’équipe de Rogers pour la LNH sont des preuves accablantes démontrant que ce contenu est d’abord prévu pour des émissions linéaires et non spécifiquement conçu pour le service GamePlus.
  2. Bell a souligné qu’aucun élément des prises de vue des diverses caméras n’est créé spécialement pour les plateformes de distribution numérique, étant donné qu’à tout moment, on peut décider d’inclure n’importe quelle image de ces caméras dans les émissions de télévision de la LNH, soit en direct soit en reprise.
  3. Bell a ajouté que les autres radiodiffuseurs ont depuis longtemps la possibilité de faire le même type d’investissements que Rogers dans GamePlus, tout en se conformant aux règles du Conseil et sans réduire pour autant l’accès des Canadiens.
  4. Bell a déclaré non fondée l’affirmation de Rogers à l’effet que la conformité à l’article 5 de l’Ordonnance l’exempte, en quelque sorte, d’appliquer l’article 3. Bell a fait valoir que les articles 3 et 5 sont conçus comme des exigences distinctes et indépendantes, et que chaque article doit être respecté afin qu’une ERMN puisse être exemptée en vertu de l’Ordonnance.
  5. En ce qui a trait à l’article 3 de l’Ordonnance, Bell a allégué à la fois la préférence et le désavantage. Rogers accorde une préférence à ses propres abonnés en offrant GamePlus uniquement aux abonnés de GameCentre qui sont également abonnés à ses propres services sans fil ou Internet. Rogers fait subir un désavantage aux clients de GameCentre qui s’abonnent à des services sans fil et Internet concurrents, en leur refusant l’accès à GamePlus.

Analyse de décisions du Conseil

  1. Après examen du dossier public de la présente instance, le Conseil estime qu’il doit se pencher sur les enjeux suivants :
    • La façon dont Rogers offre GamePlus contrevient-elle à l’article 3 de l’Ordonnance?
    • La façon dont Rogers offre GamePlus contrevient-elle à l’article 5 de l’Ordonnance?
  2. Compte tenu de la nature de la présente demande, le Conseil estime qu’il faut d’abord examiner l’article 5 de l’Ordonnance.

Article 5 de l’Ordonnance

  1. Tel qu’indiqué ci-dessus, l’article 5 de l’Ordonnance précise que :
    • […] l’entreprise n’offre pas une programmation de télévision en exclusivité ou de manière autrement préférentielle de sorte que l’accès dépende de l’abonnement à un service mobile ou d’accès Internet de détail en particulier.
  2. L’Ordonnance définit une programmation de télévision comme « une programmation conçue d’abord pour la télévision traditionnelle, les services spécialisés, payants ou de vidéo sur demande ».
  3. Le principe de la restriction de la distribution exclusive de programmation de télévision a été établi dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2011-601, dans laquelle le Conseil a déclaré que :
    • [...] permettre aux entités intégrées verticalement de bénéficier de la distribution exclusive sur les plateformes néomédiatiques (tels les portails de large bande et les plateformes mobiles) la distribution exclusive de programmation d’abord conçue pour la télévision traditionnelle, les services spécialisés, payants et de VSD nuirait aux consommateurs et à la capacité concurrentielle de l’industrie. Le Conseil estime également que si d’autres joueurs de l’industrie autres que les entités intégrées verticalement bénéficiaient d’une telle exclusivité, les mêmes inconvénients en résulteraient.
  4. Cependant, le Conseil a déclaré que « […] afin d’encourager l’innovation en matière de programmation, le Conseil permettra la distribution exclusive des émissions spécialement conçues pour les plateformes de nouveaux médias ».
  5. Cette politique a été mise en œuvre dans l’ordonnance de radiodiffusion 2012-409, dans laquelle le Conseil a déclaré que :
    • […] les entreprises de radiodiffusion de médias numériques peuvent exercer des droits exclusifs sur des programmations conçues d’abord pour la télévision traditionnelle, les services spécialisés, payants ou de VSD sans avoir à mettre ces émissions à la disposition d’entreprises de radiodiffusion de médias numériques concurrentes, à condition que l’accès à ces émissions ne soit pas limité à cause du service mobile ou du service d’accès à Internet de détail que choisit le consommateur.
  6. Le Conseil a également déclaré que :
    • […] la distinction à faire entre une programmation conçue d’abord pour les services de télévision traditionnelle, spécialisée, payante ou de VSD et une programmation conçue d’abord pour une autre plateforme en est une qui évolue de jour en jour. C’est pourquoi le Conseil estime qu’en donnant un sens définitif à ces termes, il risque d’aller à l’encontre de son but qui est de favoriser l’innovation dans la création et la distribution d’émissions conçues pour les plateformes mobiles et d’accès Internet de détail.
  7. Toutes les parties conviennent que GamePlus est uniquement offert aux abonnés de Rogers. En conséquence, il reste à déterminer si GamePlus répond à la définition de programmation de télévision énoncée dans l’Ordonnance.
  8. À cet égard, le Conseil estime que GamePlus diffère de la diffusion linéaire d’un match dans la mesure où il fournit aux utilisateurs un contrôle sur la façon dont ils veulent voir le match. Alors qu’au cours d’une émission de télévision linéaire chaque téléspectateur reçoit le même montage d’un match de hockey, les utilisateurs de GamePlus peuvent regarder aussi longtemps qu’ils le veulent les prises de vue qu’ils ont choisis. Ils peuvent aussi revoir une émission autant qu’ils le désirent. Les utilisateurs de GamePlus peuvent choisir de regarder, à leur convenance, la programmation créée pour ce service, y compris des informations d’avant match, des analyses, des entrevues avec des entraîneurs et des joueurs. Ainsi, GamePlus offre une expérience personnalisée à chaque utilisateur.
  9. Parallèlement, GamePlus ne présente aucune publicité et diffuse donc les images brutes du déroulement d’un match dans l’aréna, y compris les temps morts et les entractes.
  10. GamePlus est aussi unique en ce sens qu’il permet aux téléspectateurs de regarder une programmation sur un ordinateur, une tablette ou un téléphone intelligent tout en suivant l’émission régulière sur un appareil de télévision. Ainsi, les abonnés peuvent suivre l’action en direct sur leur poste de télévision et voir en même temps des plans précis de l’action ou revoir plusieurs fois des moments particuliers du match sur un second écran. Par conséquent, le contenu distribué sur GamePlus semble être complémentaire à la diffusion linéaire. Les angles de caméras supplémentaires ne sont pas accompagnés d’audio en direct, et il y a un délai entre la diffusion linéaire et le matériel diffusé à partir des caméras supplémentaires.
  11. De plus, le Conseil note que l’Entente entre RCP et Rogers limite de façon importante le volume de programmation de GamePlus que Rogers peut incorporer dans ses émissions linéaires. Le Conseil estime que si la programmation de GamePlus avait d’abord été conçue pour la télévision linéaire, Rogers en aurait permis une utilisation beaucoup plus large dans ses émissions régulières sur la LNH. Selon le Conseil, une programmation maximale de cinq minutes provenant de toutes les sources de GamePlus au cours d’un match de hockey complet qui dure généralement près de deux heures et demie représente une utilisation raisonnable de ce matériel et ne permet pas en elle-même de qualifier le matériel de GamePlus de programmation de télévision au sens de l’Ordonnance.
  12. Le Conseil estime de plus que les segments de 60 à 90 secondes de programmation de GamePlus utilisés au cours de Sportsnet Central et de Hockey Central le sont à des fins promotionnelles. Ils ne constituent pas une programmation conçue pour Sportsnet mais plutôt un moyen de promouvoir le service de GamePlus auprès de clients potentiels.
  13. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que GamePlus n’est pas conçu d’abord pour la télévision et par conséquent n’est pas une « programmation de télévision » au sens de l’article 5 de l’Ordonnance. Par conséquent, le Conseil conclut que Rogers ne contrevient pas à l’article 5 de l’Ordonnance en offrant une distribution exclusive de GamePlus sur des plateformes mobiles et Internet.

Paragraphe 3 de l’Ordonnance

  1. L’article 3 de l’Ordonnance précise que :
    • L’entreprise ne doit pas accorder de préférence indue à quiconque, y compris elle-même, ni causer à quiconque un désavantage indu. Lors d’une instance devant le Conseil, il incombe à la partie qui a accordé une préférence ou fait subir un désavantage d’établir que la préférence ou le désavantage n’est pas indu.
  2. Dans les paragraphes précédents de la présente décision, le Conseil a conclu qu’il n’est pas interdit à Rogers, en vertu de l’article 5 de l’Ordonnance, d’offrir GamePlus en exclusivité à ses clients. L’ordonnance de radiodiffusion 2012-409, indique que « […] afin d’encourager l’innovation en matière de programmation, le Conseil permettra la distribution exclusive des émissions spécialement conçues pour les plateformes de nouveaux médias ». L’article 5 de l’Ordonnance a été conçu pour mettre en œuvre cette approche en interdisant la distribution exclusive de la programmation de télévision, telle que définie dans l’Ordonnance, à un service mobile ou d’accès Internet spécifique.
  3. Le Conseil note que, lors d’une comparution devant le Conseil à l’audience du 1er février 2011 afin d’examiner une demande de BCE Inc. (BCE), au nom de CTVglobemedia Inc. (CTVgm) et ses filiales de radiodiffusion autorisées, en vue de changer le contrôle effectif des entités de radiodiffusion de CTVgm en faveur de BCE, BCE a considéré rendre disponible du contenu accessoire, comme différents angles de caméras, l’isolation de certains joueurs et des moments cocasses disponibles aux abonnés du sans-fil. À ce moment, BCE considérait qu’une telle pratique favoriserait l’innovation et la créativité et ne représenterait donc pas une préférence indue.
  4. Compte tenu de l’intention du Conseil d’encourager la programmation novatrice en autorisant sa distribution exclusive sur les services mobiles et Internet, le Conseil conclut que la distribution de GamePlus uniquement aux abonnés de Rogers ne crée pas de préférence ou de désavantage indus ou déraisonnables.
  5. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que Rogers ne contrevient pas à l’article 3 de l’Ordonnance en distribuant GamePlus.
  6. Par conséquent, le Conseil rejette la plainte de Bell Canada.

Autres questions

Loi sur les télécommunications

  1. COSCO-PIAC a indiqué que les pratiques de Rogers contrevenaient à l’interdiction de préférence indue prévue à l’article 27(2) de la Loi sur les télécommunications. Le Conseil note que la présente demande a été déposée uniquement en regard de la Loi sur la radiodiffusion. Le Conseil est d’avis que COSCO-PIAC n’a pas réussi à démontrer comment la Loi sur les télécommunications s’applique aux faits exposés dans ce cas qui porte sur une question de distribution exclusive de radiodiffusion.
  2. Par conséquent, le Conseil n’accepte pas les arguments de COSCO-PIAC relatifs à la Loi sur les télécommunications.

Secrétaire général

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