ARCHIVÉ – Décision de télécom CRTC 2015-113

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Ottawa, le 30 mars 2015

Numéro de dossier : 8662-W4-201409889

Wightman Telecom Ltd. - Demande de révision et de modification de la décision de télécom 2014-349 concernant le service de téléphonie sans fil résidentiel de Rogers

Le Conseil conclut que Wightman Telecom Ltd. (Wightman) n’a pas réussi à démontrer qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé des conclusions du Conseil concernant la classification du service de téléphonie sans fil résidentiel de Rogers en tant que service sans fil mobile. Le Conseil rejette donc la demande de Wightman de faire réviser et modifier cette décision.

Contexte

  1. Rogers Communications Inc. (RCI) offre le service de téléphonie sans fil résidentiel de Rogers (STSFRR), qui est un service de téléphonie sans fil à prix modique de résidence ou de petites entreprises (sans données ou messagerie texte). Le service est exploité au moyen du réseau sans fil mobile de RCI, offres des appels illimités au Canada, et est offert dans l’ensemble du pays là où les services de ligne filaire de RCI ne sont pas disponibles.
  2. Les clients qui désirent utiliser le STSFRR doivent d’abord acheter un dispositif composé d’un adaptateur à alimentation électrique avec une carte SIM (module d’identité d’abonné) active. Les téléphones sans fil ou filaires des clients peuvent ensuite être branchés dans ce dispositif pour utiliser le STSFRR. Le service fonctionne aussi lorsque le client est en transit sur le réseau sans fil mobile de RCI au moyen du dispositif et d’un bloc d’alimentation externe.
  3. Wightman Telecom Ltd. (Wightman) a déposé une demande en vertu de la partie 1, datée du 9 octobre 2013, dans laquelle la compagnie a demandé au Conseil de conclure que le STSFRR est un service local et que RCI doit offrir ce service aux fins de réglementation à titre d’entreprise de services locaux concurrente (ESLC) et non en tant que fournisseur de services sans fil (FSSF). Dans la décision de télécom 2014-349, le Conseil a déterminé que le STSFRR est un service sans fil et que RCI exerce ses activités dans le cadre réglementaire par lequel les services sans fil peuvent être fournis par les FSSF dans les territoires de desserte des petites entreprises de services locaux titulaires (ESLT).

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande de Wightman, datée du 29 septembre 2014, dans laquelle la compagnie a demandé au Conseil de réviser et de modifier la décision de télécom 2014-349.
  2. Le Conseil a reçu une intervention de RCI concernant la demande de Wightman le 29 octobre 2014 ainsi qu’une réplique de Wightman le 10 novembre 2014. On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 10 novembre 2014. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.
  3. Wightman a fait valoir que les InstructionsNote de bas de page 1 et les objectifs de la politique établis dans la Loi sur les télécommunications (Loi) exigent que le Conseil classifie le STSFRR en tant que service local, et que le Conseil devrait donc exiger que RCI offre ce service à titre d’ESLC.
  4. Wightman a précisé que le Conseil a commis une erreur de droit en contrevenant :
  5. Wightman a argué que lorsque le Conseil évalue un nouveau service, il devrait d’abord classifier correctement le service aux fins de réglementation, et ensuite déterminer le cadre réglementaire approprié en vertu duquel le Conseil réglementerait le service. Wightman a signalé que le Conseil a incorrectement classifié le STSFRR en tant que service sans fil mobile, et que le STSFRR est un service sans fil fixe ou, tout au plus, un service transportable qui devrait être réglementé à titre de service local.
  6. Wightman a fait valoir que la décision de télécom 2005-28 concernant les services de communication vocale sur protocole Internet (VoIP) dépendants de l’accèsNote de bas de page 7 et la décision de télécom 2014-349 concernant le STSFRR sont contradictoires et que, par conséquent, l’une de ces décisions doit être incorrecte. Wightman a ajouté que le Conseil a appliqué le cadre réglementaire des services locaux filaires aux services VoIP dépendants de l’accès en tenant compte de la fonction et de la substituabilité du service, et qu’il a appliqué le cadre réglementaire relatif aux FSSF au STSFRR en fonction de la technologie utilisée pour offrir le service.
  7. Wightman a également indiqué que dans la décision de télécom 2014-349, le Conseil a imposé des régimes réglementaires différents aux fournisseurs concurrents de services de télécommunication, ce qui crée des régimes réglementaires asymétriques. Wightman a ajouté que, ce faisant, le Conseil a fait preuve de discrimination envers certaines entreprises concurrentes et a accordé une préférence à d’autres entreprises puisque les exigences réglementaires imposées aux ESLC et aux ESLT qui fournissent des services téléphoniques locaux de résidence sont plus contraignantes que celles imposées aux FSSF.

Intervention de RCI

  1. RCI a indiqué que Wightman n’a pas fourni de nouveaux renseignements dans sa demande de révision et de modification, mais a simplement reformulé ses arguments initiaux, et n’a pas soulevé de doute réel quant au bien-fondé de la décision initiale.
  2. RCI a argué que le Conseil a reconnu de manière cohérente, par exemple, dans la décision de télécom 97-8 et dans la politique réglementaire de télécom 2012-24, qu’un FSSF peut choisir de devenir une ESLC s’il désire profiter des avantages connexes, mais qu’il n’est pas tenu de le faire.
  3. RCI a indiqué que les FSSF qui ne sont pas des ELSC doivent s’acquitter de toutes les obligations imposées aux ESLC sans filNote de bas de page 8, mais ne profitent pas des avantages économiques connexes, tels que l’interconnexion à frais partagés et la compensation de facturation-conservation.
  4. En ce qui concerne l’argument de Wightman selon lequel la décision de télécom 2014-349 ne respecte pas les objectifs de la politique établis aux alinéas 7c) et 7f) de la Loi, RCI a fait valoir que le but de Wightman était de l’empêcher de fournir le STSFRR à titre de FSSF, ce qui est contraire au but de ces objectifs.
  5. RCI a précisé que le STSFRR est un service entièrement mobile qui fonctionne partout où le réseau sans fil de RCI dispose d’une couverture.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Dans le bulletin d’information de télécom 2011-214, le Conseil a établi les critères qu’il utilise pour évaluer les demandes de révision et de modification déposées en vertu de l’article 62 de la Loi. Plus précisément, le Conseil a énoncé que les demandeurs doivent démontrer qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de la décision initiale, résultant, par exemple :
    • d’une erreur de droit ou de fait;
    • d’un changement fondamental dans les circonstances ou les faits depuis la décision;
    • du défaut de considérer un principe de base qui avait été soulevé dans l’instance initiale;
    • d’un nouveau principe découlant de la décision.
  2. Wightman a argué que dans le cas de la décision de télécom 2014-349, il existe un doute réel quant au bien-fondé de la décision initiale en raison d’erreurs de droit et du défaut du Conseil de considérer un principe de base soulevé dans la demande initiale en vertu de la partie 1 de la compagnie.
  3. Tel qu’il a été noté par RCI, le cadre réglementaire du Conseil relatif aux FSSF permet aux FSSF de déterminer s’ils veulent devenir des ESLC et s’acquitter ainsi des obligations connexes et profiter des avantages afférents. Le Conseil offre ce choix aux FSSF lorsqu’ils offrent un service pour tenir compte des principes de la neutralité sur les plans de la technologie et de la concurrence et pour éviter l’imposition de coûts inutiles et de fardeaux technologiques. En ce qui concerne l’argument de Wightman que le STSFRR devrait être considéré comme un service local puisqu’il s’agit d’un service sans fil fixe ou d’un service transportable, le Conseil note qu’un service sans fil fixe se définit comme un service de radiocommunication entre des points fixes précis. L’équipement utilisé pour fournir un service sans fil fixe est normalement installé sur le bâtiment du client afin d’assurer une visibilité directe de la station sans fil fixe de base. De plus, le service est fourni en utilisant du spectre sans fil réservé, sous licence ou non, sur un réseau autre qu’un réseau sans fil mobile.
  4. Le Conseil estime que le STSFRR n’est pas un service sans fil fixe puisqu’il fonctionne sur le réseau sans fil mobile de RCI et il peut fonctionner lorsque le client est en transit en utilisant un bloc d’alimentation. Le Conseil fait remarquer que RCI offre déjà des services sans fil mobiles dans le territoire de desserte de Wightman et que le STSFRR s’ajoute simplement à ces services.
  5. Compte tenu des fonctions sans fil et mobile du STSFRR, et du fait qu’il fonctionne au moyen du réseau sans fil mobile de RCI, le Conseil demeure d’avis qu’il est approprié de classifier le STSFRR en tant que service sans fil mobile.
  6. En ce qui concerne l’affirmation de Wightman que les décisions de télécom 2005-28 et 2014-349 sont contradictoires, le Conseil fait remarquer que la politique énoncée dans la décision de télécom 2005-28 vise à déterminer le marché pertinent pour les services VoIP aux fins des critères d’abstention du Conseil : c’est-à-dire qu’un service VoIP dépendant de l’accès est considéré comme un substitut du service local dans le cadre de l’application des critères d’abstention locale. Le Conseil n’a pas exigé, ni dans la décision de télécom 2005-28 ni dans aucune autre décision, qu’une entreprise doive s’inscrire à titre d’ESLC pour offrir un service quasi-substitut d’un service local filaire.
  7. Par conséquent, le Conseil détermine qu’il n’a pas omis de considérer un principe de base qui a été soulevé dans la demande initiale de Wightman.
  8. En ce qui a trait à l’affirmation de Wightman selon lequel le Conseil a enfreint les articles des Instructions et de la Loi dans la décision de télécom 2014-349, le Conseil estime que Wightman n’a pas fourni suffisamment de preuves pour appuyer ses affirmations.
  9. Le Conseil estime que sa conclusion que le STSFRR est un service sans fil mobile est cohérente avec son objectif de maintenir la neutralité sur les plans de la technologie et la concurrence et d’éviter l’imposition de fardeaux inutiles aux FSSF. De plus, le Conseil est d’avis qu’en classifiant le STSFRR comme un service local et qu’en obligeant RCI d’interconnecter directement avec Wightman en tant qu’ESLC, le STSFRR pourrait disparaître, ce qui limiterait les choix concurrentiels disponibles dans le territoire de desserte de Wightman. Le Conseil estime donc que les conclusions qu’il a tirées dans la décision de télécom 2014-349 constituent le moyen le plus efficace et proportionnel de respecter les objectifs de la politique énoncés dans la Loi, et ce, en ayant le moins de répercussions sur les forces concurrentielles du marché, conformément aux sous-alinéas 1a)(ii) et 1b)(iv) des Instructions et aux alinéas 7c) et 7f) de la Loi.
  10. Concernant le sous-alinéa 1b)(iii) des Instructions, le Conseil estime que ce sous-alinéa ne s’applique pas dans le cas présent puisqu’il se réfère à des mesures qui sont de nature non économiques. Le Conseil estime que les obligations d’interconnexion des ESLC et des FSSF pertinentes dans le cas présent sont de nature économiques puisqu’elles nécessitent des ententes techniques et financières entre deux fournisseurs de services de télécommunication.
  11. En ce qui concerne l’affirmation de Wightman que le Conseil a contrevenu, dans la décision de télécom 2014-349, aux règles contre la discrimination injuste et la préférence indue énoncées au paragraphe 27(2) de la Loi, ce paragraphe ne fait pas référence aux décisions du Conseil qui établiraient une discrimination injuste ou accorderaient une préférence indue envers une entreprise ou un groupe d’entreprises. Ce paragraphe interdit plutôt aux entreprises canadiennes d’établir une discrimination injuste ou d’accorder une préférence indue. Le Conseil estime donc que les règles concernant la discrimination injuste et la préférence indue énoncées au paragraphe 27(2) de la Loi ne s’appliquent pas dans ce cas.
  12. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil conclut qu’il n’a pas commis d’erreur de droit dans ses conclusions énoncées dans la décision de télécom 2014-349, et il conclut que ses conclusions ne contreviennent pas aux Instructions, aux objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7c) et 7f) de la Loi ni aux règles contre la discrimination injuste et la préférence indue énoncées au paragraphe 27(2) de la Loi.
  13. Par conséquent, le Conseil rejette la demande de révision et de modification de Wightman.

Instructions

  1. Les Instructions mentionnent que, dans l’exercice des pouvoirs et fonctions que lui confère la Loi, le Conseil doit mettre en œuvre les objectifs de la politique énoncés à l’article 7 de la Loi, conformément aux alinéas 1a), 1b) et 1c) des Instructions.
  2. Le Conseil demeure d’avis que les conclusions qu’il tire dans la présente décision se fient, dans la plus grande mesure du possible, au libre jeu du marché comme moyen d’atteindre les objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7c) et 7f) de la Loi, conformément au sous-alinéa 1a)(i)Note de bas de page 9 des Instructions.

Secrétaire général

Documents connexes

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication, C.P. 2006-1534, 14 décembre 2006

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Note de bas de page 2

Le sous-alinéa 1a)(ii) des Instructions stipule que le Conseil devrait, lorsqu’il a recours à la réglementation, prendre des mesures qui sont efficaces et proportionnelles aux buts visés et qui ne font obstacle au libre jeu d’un marché concurrentiel que dans la mesure minimale nécessaire pour atteindre les objectifs.

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Note de bas de page 3

Le sous-alinéa 1b)(iii) des Instructions stipule que lorsque le Conseil a recours à la réglementation, il devrait prendre des mesures qui, lorsqu’elles sont de nature non économique, sont mises en œuvre, dans toute la mesure du possible, de manière symétrique et neutre sur le plan de la concurrence.

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Note de bas de page 4

Le sous-alinéa 1b)(iv) des Instructions stipule que lorsque le Conseil a recours à la réglementation, il devrait prendre des mesures qui, lorsqu’elles visent des ententes d’interconnexion de réseaux ou des régimes d’accès aux réseaux, aux immeubles, au câblage dans les immeubles ou aux structures de soutien, donner lieu, dans toute la mesure du possible, à des ententes ou régimes neutres sur le plan de la technologie et de la concurrence, pour permettre aux nouvelles technologies de faire concurrence et pour ne pas favoriser artificiellement les entreprises canadiennes ou les revendeurs.

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Note de bas de page 5

L’objectif de la politique établi à l’alinéa 7c) de la Loi est d’accroître l’efficacité et la compétitivité, sur les plans national et international, des télécommunications canadiennes. L’objectif de la politique établi à l’alinéa 7f) de la Loi est de favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication et d’assurer l’efficacité de la réglementation, dans le cas où celle-ci est nécessaire.

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Note de bas de page 6

Le paragraphe 27(2) de la Loi stipule qu’il est interdit à l’entreprise canadienne, en ce qui concerne soit la fourniture de services de télécommunication, soit l’imposition ou la perception des tarifs y afférents, d’établir une discrimination injuste, ou d’accorder - y compris envers elle-même - une préférence indue ou déraisonnable, ou encore de faire subir un désavantage de même nature.

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Note de bas de page 7

Il s’agit de services vocaux sur protocole Internet (IP) pour lesquels les éléments de l’accès et du service sont nécessairement liés, étant donné qu’ils sont assurés en changeant la technologie sous-jacente du réseau d’accès local de la commutation de circuits à la commutation par paquets.

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Note de bas de page 8

Ces obligations incluent celles concernant la confidentialité des clients, les services de protection de la vie privée (p. ex. blocage par ligne), les formats de facturation substituts, le service 9-1-1 évolué, les services de relais et de relais par IP, et les services N-1-1.

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Note de bas de page 9

Le sous-alinéa 1a)(i) des Instructions stipule que le Conseil devrait, se fier, dans la plus grande mesure du possible, au libre jeu du marché comme moyen d’atteindre les objectifs de la politique.

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