Politique réglementaire de Conformité et Enquêtes CRTC 2015-109

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Référence au processus : avis de consultation de Conformité et Enquêtes 2014-598

Ottawa, le 27 mars 2015

Numéro de dossier : 8665-C12-201411537

Sanctions administratives pécuniaires en vertu du Registre de communication avec les électeurs

Le Conseil établit les facteurs dont il doit tenir compte pour calculer le montant d’une sanction administrative pécuniaire résultant de violations de la Loi électorale du Canada liées au Registre de communication avec les électeurs.

Contexte

  1. Le 19 juin 2014, la Loi sur l’intégrité des élections a reçu la sanction royale. Cette loi prévoit diverses modifications de la Loi électorale du Canada en ce qui concerne la tenue d’élections fédérales (y compris les élections partielles et les référendums) au Canada. Elle introduit aussi de nouvelles dispositions qui visent à réglementer les services d’appels aux électeurs au moyen d’un registre de communication avec les électeurs.
  2. La Loi électorale du Canada définit les « services d’appels aux électeurs » comme des services d’appels faits, pendant une période électorale, à toute fin liée aux élections, notamment :
    • mettre en valeur un parti enregistré, son chef, un candidat, un candidat à l’investiture ou un enjeu auquel l’un d’eux est associé, ou s’y opposer;
    • encourager les électeurs à voter ou les dissuader de le faire;
    • fournir de l’information concernant les élections, notamment les heures de vote et l’emplacement des bureaux de scrutin;
    • recueillir de l’information concernant les habitudes et les intentions de vote des électeurs ou leurs opinions sur un parti enregistré, son chef, un candidat ou un candidat à l’investiture ou concernant un enjeu auquel l’un d’eux est associé;
    • recueillir des fonds pour un parti enregistré, une association enregistrée, un candidat ou un candidat à l’investiture.
  3. Les pouvoirs d’application du régime du Registre de communication avec les électeurs sont énoncés dans la Loi sur les télécommunications et sont semblables aux pouvoirs actuels relatifs aux Règles sur les télécommunications non sollicitées (Règles) du Conseil. Ces pouvoirs comprennent l’autorité d’imposer des sanctions administratives pécuniaires (SAP) à des personnesNote de bas de page 1 ou des groupesNote de bas de page 2 qui violent les exigences relatives au Registre de communication avec les électeurs, dans le but de promouvoir la conformité.
  4. La Loi sur les télécommunications modifiée précise la sanction maximale qui peut être imposée pour chaque violation des exigences du Registre de communication avec les électeurs : 1 500 $ dans le cas d’une personne physique et 15 000 $ dans le cas d’une personne morale. Elle n’indique toutefois pas comment établir le montant d’une SAP particulière au-delà de ces maximums.
  5. Le 17 novembre 2014, le Conseil a publié l’avis de consultation de Conformité et Enquêtes 2014-598 (avis) en vue d’établir une liste de critères à appliquer pour déterminer le montant des SAP futures à imposer en vertu du Registre de communication avec les électeurs.
  6. Dans l’avis, le Conseil a proposé une liste de critères similaires à ceux établis dans la décision de télécom 2007-48, dans laquelle le Conseil a défini un cadre pour les appels de télémarketing non sollicités et les autres télécommunications non sollicitées reçues par les consommateurs.
  7. Cet avis prenait également en considération les facteurs prescrits dans la Loi canadienne anti-pourriel (LCAP)Note de bas de page 3.
  8. Le Conseil a estimé que la liste des facteurs pertinents pourrait comprendre ce qui suit :
    • la nature de la violation;
    • le nombre et la fréquence des plaintes et des violations;
    • le caractère dissuasif de la mesure;
    • la possibilité de récidive;
    • les antécédents de l’auteur de la violation, à savoir toutes violations précédentes;
    • la capacité de payer la SAP.
  9. Le Conseil a reçu des interventions de deux particuliers ainsi que de l’Association de la recherche et de l’intelligence marketing (ARIM) et du Forum for Research and Policy in Communications (FRPC). Le Conseil n’a reçu aucune observation de représentants élus ni de partis politiques.
  10. On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 17 décembre 2014. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.
  11. Le Conseil a établi qu’il devait se pencher sur les questions suivantes dans ses conclusions :
    • Quel est l’objectif d’une SAP?
    • Dans quelles circonstances devrait-on recourir à une SAP?
    • Devrait-on tenir compte des plaintes et de la capacité de payer lors de l’établissement du montant d’une SAP?

Positions des parties

  1. L’ARIM a argué que le Conseil devrait introduire une distinction entre ce que l’ARIM estime être un sondage légitime et d’autres types d’appels. Elle a aussi soutenu qu’il convient d’imposer la sanction maximale à quiconque mène un sondage trompeur ou conçu pour influencer les intentions de vote (push poll)Note de bas de pagee 4. De plus, elle a proposé que le fait d’être membre de l’ARIM et le respect du code de déontologie de l’organisation seraient des indications du caractère légitime ou non d’un sondage.
  2. Le FRPC a fait valoir qu’on ne devrait imposer des SAP que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple si le Conseil a reçu de nombreuses plaintes ou si un contrevenant a délibérément répété les violations après avoir reçu de nombreux procès-verbaux publiés. Il a aussi argué que les plaintes ne correspondent pas nécessairement à des violations, mais qu’elles peuvent indiquer la présence de problèmes. Par contre, le FRPC est d’avis que les cas fondés sur un petit nombre de plaintes ne devraient pas entraîner de SAP.
  3. L’ARIM et le FRPC ont déposé des observations sur d’autres questions, y compris des préoccupations sur la portée du programme de Registre de communication avec les électeurs et les types d’appels couverts, les stratégies du Conseil en matière de sensibilisation et d’éducation, la publication de renseignements sur le programme et la mise en application des Règles. Le Conseil a tenu compte de ces observations, mais conclut qu’elles dépassent la portée de l’instance lancée afin d’établir la liste de facteurs dont on doit tenir compte pour calculer le montant de SAP.
  4. Les deux particuliers qui ont déposé des interventions appuient le programme de Registre de communication avec les électeurs.

Résultats de l’analyse du Conseil

Quel est l’objectif d’une SAP?

  1. L’imposition d’une SAP vise à favoriser le respect de la loi plutôt que de simplement punir. Le paragraphe 20(2) de la LCAP ainsi que les modifications récentes apportées à la Loi sur les télécommunicationsNote de bas de page 5 et à la Loi sur la radiocommunicationNote de bas de page 6 reconnaissent ce principe. Le Conseil a tenu compte du principe de promotion de la conformité dans ses stratégies de mise en application de la loi et ses décisions relatives aux Règles, et il fera de même en ce qui concerne le Registre de communication avec les électeurs.
  2. Le Conseil est d’avis que lorsqu’il convient d’imposer une SAP, le montant de celle-ci ne doit pas représenter une mesure punitive. Par contre, une SAP doit être assez lourde pour promouvoir la conformité et ne pas être considérée comme un simple coût d’exploitation par les personnes ou les groupes visés.

Dans quelles circonstances devrait-on recourir à une SAP?

Les SAP, des recours exceptionnels
  1. En ce qui concerne l’observation du FRPC que les SAP ne devraient être imposées que dans des circonstances exceptionnelles ou des cas de violations répétées, le Conseil fait remarquer qu’un procès-verbal de violation qui impose une SAP est la seule mesure administrative d’application de la loi prévue par la Loi sur les télécommunications dans le cadre de la mise en application du Registre de communication avec les électeurs, mais que la gamme de sanctions possibles établies en vertu de l’article 72.01 de cette loi accorde au Conseil et aux personnes désignées un pouvoir discrétionnaire important quant au montant d’une SAP particulière.
  2. De plus, le Conseil estime qu’il ou que son personnel désigné responsable de l’application de la loi peut élaborer et appliquer d’autres méthodes pour aborder les activités non conformes, comme ce fut le cas dans le cadre des Règles et de la LCAP. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil n’estime pas qu’il doive limiter à des cas exceptionnels ses pouvoirs d’imposer des SAP en vertu du Registre de communication avec les électeurs.
Télécommunications frauduleuses ou trompeuses
  1. En ce qui concerne la suggestion de l’ARIM qu’une SAP plus lourde devrait être imposée dans des cas de sondages frauduleux ou trompeurs, le Conseil fait remarquer que le Registre de communication avec les électeurs n’impose aucune restriction ou exigence relative au contenu des télécommunications et qu’il n’établit pas de distinction entre les appels aux fins d’enquêtes et d’autres types d’appels. La loi aborde plutôt les catégories de personnes ou de groupes qui doivent s’enregistrer, les renseignements qu’elles doivent fournir au moment de l’enregistrement et les dossiers qu’elles doivent tenir.
  2. Le Conseil estime que l’intention générale du Registre de communication avec les électeurs est de protéger la population canadienne contre les appels trompeurs au moyen d’une transparence accrue, mais que la détermination du caractère sciemment trompeur d’appels particuliers dépasse la portée du régime de SAP établi par la Loi sur l’intégrité des élections et administré par le Conseil.

Devrait-on tenir compte des plaintes et de la capacité de payer lors de l’établissement du montant d’une SAP?

Plaintes en vertu du Registre de communication avec les électeurs
  1. En ce qui concerne les observations du FRPC relatives au traitement de plaintes plutôt que de violations, le Conseil estime que le dépôt de plaintes peut indiquer qu’il existe un problème ou une nuisance, mais que, par contre, l’absence de plaintes n’indique pas nécessairement qu’il n’y a pas de problème. Les personnes ou les groupes qui agissent de façon non transparente dans leurs rapports avec la population canadienne (par exemple, en faisant des appels falsifiés ou en indiquant une fausse identité) feront l’objet de moins de plaintes à cause du manque d’informations à signaler.
  2. Le Conseil estime aussi que les consommateurs ne comprendront pas aussi facilement que dans le cadre des Règles ou de la LCAP si un appel ou un message électronique représente une violation. Par exemple, un consommateur inscrit sur la Liste nationale de numéros de télécommunication exclus reconnaîtra qu’il reçoit un appel de télémarketing non autorisé, mais ne saura pas si un appel est légitime en vertu du Registre de communication avec les électeurs. Un Canadien peut croire qu’un appel est particulièrement intrusif ou qu’il viole les dispositions des Règles, mais ne saura pas lorsqu’il reçoit l’appel si l’appelant est enregistré auprès du Conseil, surtout lorsqu’on tient compte du fait qu’on accorde un délai de 48 heures après le début des appels.
  3. Le Conseil conclut donc que le nombre de plaintes peut aider à définir la portée globale des violations dans certains cas, mais qu’il ne devrait pas être un facteur distinct dont il faut tenir compte dans le calcul d’une SAP.
Capacité de payer
  1. Le Conseil a déjà fait remarquer, relativement aux Règles, qu’il peut être difficile d’évaluer ou de déterminer la capacité de payer une SAP au moyen des renseignements disponibles dans le cadre d’une procédure administrative. Dans la décision de télécom 2007-48, le Conseil a estimé qu’il serait difficile d’associer une valeur pécuniaire au degré de tort causé à un consommateur ou de déterminer la capacité d’un télévendeur à payer la SAP.
  2. Par contre, le Conseil estime que son analyse ne se limite pas à la capacité financière immédiate de la personne de payer une SAP. Le Conseil estime plutôt que l’examen de la capacité de payer devrait tenir compte des répercussions financières de la sanction sur la personne ou le groupe. Cela comprend diverses mesures déjà utilisées pour évaluer le caractère dissuasif d’une SAP en vertu des Règles, y compris la taille de l’entité, la portée de ses activités, le nombre d’employés et d’autres indications de ses capacités de génération de revenus.
  3. Le Conseil estime aussi que lorsqu’une personne ou un groupe demande un examen d’un procès-verbal de violation et une réduction du montant de la SAP connexe en raison de son incapacité de payer, il est raisonnable d’exiger que cette personne fournisse des documents ou des renseignements détaillés pour étayer sa position ou réfuter l’analyse de ce facteur dans le procès-verbal de violation. En général, la seule affirmation du demandeur qu’il n’est pas en mesure de payer ne représente pas en soi un facteur d’atténuation suffisant.
  4. Compte tenu de l’inclusion par le Parlement de ce facteur dans les nouveaux régimes de SAP, y compris la LCAP et les modifications récentes apportées à la Loi sur les télécommunications et à la Loi sur la radiocommunication, ainsi que des répercussions de ce facteur dans la détermination du caractère dissuasif d’une SAP, le Conseil conclut qu’il est approprié de tenir compte à l’avenir de la capacité de payer dans le régime du Registre de communication avec les électeurs ou dans le cadre des Règles.

Conclusions

  1. Le Conseil estime que, malgré l’utilisation des termes différents, les facteurs qui déterminent le montant d’une SAP en vertu des Règles, de la LCAP et des modifications récentes apportées à la Loi sur les télécommunications et à la Loi sur la radiocommunication sont fondés essentiellement sur un même objectif : la détermination d’une SAP de manière à promouvoir la conformité au régime réglementaire sans représenter une mesure punitive.
  2. Par exemple, dans le cadre des Règles, le Conseil tient compte de la nature de la violation et du nombre de plaintes et de violations ainsi que de leur fréquence. Dans d’autres régimes, ces facteurs sont regroupés et on parle de « la nature et la portée » de la violation. Les autres régimes tiennent compte des antécédents de la personne en ce qui concerne les violations ou la conformité, ce qui permet d’évaluer la probabilité de violations futures des Règles. De plus, on tient compte dans le cadre des Règles des avantages associés à la violation et de la capacité de payer pour évaluer le caractère dissuasif de la mesure.
  3. Le Conseil estime que, compte tenu de la similarité sous-jacente des divers régimes de SAP qu’il est chargé de mettre en application et de la possibilité qu’une personne puisse être touchée par plus d’un cadre réglementaire, il est préférable d’utiliser une terminologie cohérente, dans la mesure du possible. À cet égard, il est instructif d’examiner les modifications récentes apportées à la Loi sur les télécommunications et à la Loi sur la radiocommunication, puisqu’elles reflètent les efforts actuels du Parlement pour codifier les facteurs dont on doit tenir compte pour établir le montant d’une SAP.
  4. Par conséquent, le Conseil conclut qu’il doit tenir compte des facteurs suivants lorsqu’il détermine s’il convient d’envoyer un procès-verbal de violation en vertu du régime du Registre de communication avec les électeurs et qu’il calcule le montant de la sanction connexe :
    • la nature et la portée de la violation;
    • tout avantage que l’auteur de la violation a retiré de la commission de la violation;
    • la capacité de l’auteur de la violation de payer le montant de la sanction;
    • les antécédents de l’auteur de la violation en ce qui concerne la conformité aux exigences du Registre de communication avec les électeurs et aux Règles;
    • tout autre élément pertinent.
  5. Ces facteurs seront appliqués en tenant compte du fait que l’objectif d’une SAP est de promouvoir la conformité et non de punir la non-conformité.

Secrétaire général

Documents connexes

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

L’article 2 de la Loi sur les télécommunications définit ainsi le terme « personne » : les particuliers, les sociétés de personnes, les personnes morales, les organisations non personnalisées, les gouvernements ou leurs organismes, ainsi que les personnes ou entités qui agissent au nom ou pour le compte d’autrui, notamment les fiduciaires, les liquidateurs de succession, les exécuteurs testamentaires, les administrateurs successoraux, les curateurs et les tuteurs.

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Note de bas de page 2

L’article 348.01 de la Loi sur l’intégrité des élections définit ainsi « groupe » : parti enregistré, association enregistrée, syndicat non constitué en personne morale, association commerciale ou autre groupe de personnes agissant ensemble d’un commun accord dans la poursuite d’un but commun.

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Note de bas de page 3

« LCAP » s’entend de la Loi visant à promouvoir l’efficacité et la capacité d’adaptation de l’économie canadienne par la réglementation de certaines pratiques qui découragent l’exercice des activités commerciales par voie électronique et modifiant la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, la Loi sur la concurrence, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et la Loi sur les télécommunications, L.C. 2010, ch. 23.

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Note de bas de page 4

L’ARIM définit un « push poll » comme une méthode de promotion ou de dénigrement d’un point de vue ou d’un candidat utilisant un sondage d’opinion publique trompeur qui contient des questions biaisées dans le but d’influencer les répondants et d’obtenir la réponse souhaitée.

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Note de bas de page 5

Paragraphe 72.002(2)

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Note de bas de page 6

Paragraphe 15.11(2)

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