Décision de télécom CRTC 2013-100

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Ottawa, le 1 mars 2013

Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. – Demande de révision et de modification de la décision de télécom 2012-209 concernant la règle relative à la co­implantation

Numéro de dossier : 8662-C182-201208002

Dans la présente décision, le Conseil conclut que la règle actuelle relative à la co­implantation est appropriée et qu’il n’y a pas lieu de la modifier, sauf en ce qui concerne la méthode de calcul utilisée pour démontrer la conformité à la règle.

Contexte

1. Dans la décision Télécom 97-15, le Conseil a mis en place la règle relative à la co-implantation, aussi dénommée « règle du but premier », afin de s’assurer que les concurrents qui louent de l’espace des entreprises de services locaux titulaires (ESLT) et installent leur équipement dans les centraux des ESLT1 le font principalement pour s’interconnecter avec ces dernières. La règle relative à la co-implantation a été mise en place afin de s’assurer que les concurrents co­implantés n’utilisent pas les installations des ESLT principalement pour s’interconnecter et échanger du trafic avec d’autres concurrents co-implantés. Pour appliquer cette règle, le Conseil a mis au point une méthode de calcul visant à déterminer si la capacité réservée à l’interconnexion du concurrent co-implanté avec l’ESLT est supérieure à celle qui est réservée aux autres concurrents co-implantés.

2. Dans la décision de télécom 2012-209, le Conseil a mis au point une méthode de calcul révisée (la méthode de calcul actuelle) conçue pour rendre cette opération moins restrictive que la façon de calculer mise en place dans la décision Télécom 97-15. La méthode de calcul actuelle prévoit que, pour les besoins de l’application de la règle relative à la co-implantation, un concurrent co-implanté doit se fonder sur : i) l’utilisation moyenne en période de pointe de ses lignes d’accès haute vitesse dans l’ensemble des centraux co-implantés, pour cette ESLT et ii) une capacité de 64 kilobits par seconde (kbps) pour les lignes servant exclusivement à fournir les services téléphoniques.

Demande

3. Le Conseil a reçu une demande présentée par le Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. (CORC), datée du 4 juillet 2012, dans laquelle le CORC soutenait que la méthode de calcul actuelle est impraticable et demandait au Conseil de réviser et de modifier la décision de télécom 2012-209 en annulant la règle relative à la co-implantation ou en remplaçant la méthode de calcul actuelle.

4. Le Conseil a reçu des observations concernant la demande du CORC de la part de Bell Aliant Communications régionales, société en commandite et Bell Canada (collectivement les compagnies Bell); de Globility Communications Corporation (Globility); de MTS Inc. et Allstream Inc. (collectivement MTS Allstream)2 et de la Société TELUS Communications (STC). On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 1er novembre 2012. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca, sous l’onglet Instances publiques ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

5. Le Conseil estime qu’il doit se prononcer sur les questions suivantes dans la présente décision :

I. Le Conseil devrait-il modifier la conclusion qu’il a tirée dans la décision de télécom 2012-209 en ce qui a trait à l’application de la règle relative à la co­implantation?

II. S’il y a lieu de modifier la conclusion tirée par le Conseil, comment pourrait-on améliorer la méthode de calcul actuelle?

I. Le Conseil devrait-il modifier la conclusion qu’il a tirée dans la décision de télécom 2012-209 en ce qui a trait à l’application de la règle relative à la co­implantation?

6. Le CORC a soutenu que les calculs actuels ont introduit un nouveau principe qui soulève un doute réel quant à son bien-fondé, car il ne peut être mis en œuvre efficacement et il affaiblira indûment la concurrence. Le CORC a ajouté que la méthode de calcul actuelle : i) empêche les concurrents co-implantés d’acheter une capacité suffisante pour répondre à la croissance, ii) contraint les concurrents co-implantés à acheter de la capacité de manière inefficace et iii) limite la capacité des concurrents co-implantés dans les centraux qui ont une utilisation en période de pointe supérieure à la moyenne.

7. Le CORC, Globility et MTS Allstream (les entreprises co-implantées) ont demandé que la règle relative à la co­implantation soit annulée. Ils ont fait valoir que la règle relative à la co-implantation n’est plus nécessaire pour s’assurer que le but premier de la co­implantation est de se raccorder à l’ESLT. Les entreprises co-implantées ont en outre fait valoir que la règle relative à la co-implantation les empêchait d’accéder aux services de transport offerts par les entreprises co-implantées autres que les ESLT.

8. Chacune des entreprises co-implantées a aussi proposé diverses solutions de rechange à la méthode de calcul actuelle, si le Conseil devait décider de ne pas annuler la règle relative à la co-implantation. Les entreprises co-implantées ont proposé, entre autres choses, que l’on modifie la méthode de calcul actuelle de l’une ou l’autre des manières suivantes, soit : i) qu’il n’y ait pas d’échange de trafic entre concurrents co-implantés dans un central d’ESLT qui ne provient pas d’au moins une ligne de ces entreprises co-implantées3 louée de l’ESLT ni qui y est destiné; ii) que la règle relative à la co-implantation soit modifiée de telle sorte que les concurrents co-implantés soient tenus de signer des affidavits prouvant qu’ils se conforment à la règle relative à la co-implantation ou iii) que l’on permette aux concurrents co-implantés d’avoir une capacité fixe limite pour les liaisons d’interconnexion4, telles que deux liaisons d’interconnexion de 100 mégabits par seconde.

9. Les compagnies Bell et la STC se sont opposées à la proposition visant à annuler la règle relative à la co-implantation, soutenant que cette règle est garante du fait que le but premier de la co-implantation est bien de s’interconnecter avec l’ESLT. Les compagnies Bell et la STC ont aussi fait remarquer que les entreprises co-implantées n’avaient pas donné d’exemples précis de situations où la règle relative à la co-implantation aurait empêché un concurrent co-implanté d’obtenir une capacité suffisante pour répondre à ses besoins; elles estiment donc qu’il n’y a pas de doute réel quant au bien-fondé de la méthode de calcul actuelle.

10. Les compagnies Bell et la STC sont d’avis que les solutions de rechange proposées par les entreprises co-implantées auraient pour effet soit de contourner la règle relative à la co-implantation, soit de restreindre la concurrence et, qu’à ce titre, elles ne devraient pas être mises en œuvre.

Résultats de l’analyse du Conseil

11. Le Conseil fait remarquer que les entreprises co-implantées n’ont fourni aucune preuve pour étayer leur affirmation selon laquelle la règle relative à la co-implantation n’est plus requise pour garantir que le but premier de la co-implantation est l’interconnexion avec les réseaux des ESLT ou l’accès à leurs services. De plus, le Conseil estime que le retrait de la règle relative à la co-implantation éliminerait une protection importante qui empêche les concurrents co-implantés d’utiliser les installations d’une ESLT principalement pour s’interconnecter et échanger du trafic avec d’autres concurrents co-implantés.

12. À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut que la règle relative à la co-implantation est pertinente et ne devrait pas être annulée.

13. Pour ce qui est de la pertinence de la méthode de calcul actuelle utilisée pour la règle relative à la co-implantation, le Conseil fait remarquer que les entreprises co-implantées n’ont fourni aucun exemple de situations démontrant comment la méthode de calcul actuelle était impraticable, ni fourni aucun exemple de situations démontrant comment la méthode de calcul actuelle autrement limitait leur capacité ou entravait la concurrence.

14. En ce qui concerne l’argument du CORC selon lequel la règle relative à la co-implantation empêche les concurrents co-implantés d’acheter une capacité suffisante pour répondre à la croissance, le Conseil note que les limites de capacité visant les liaisons d’interconnexion pour des concurrents co-implantés se sont améliorées suite à l’application de la méthode de calcul actuelle. Avant son application, certains concurrents co-implantés devaient se borner à demander une capacité de 64 kbps par ligne, alors que la méthode de calcul actuelle leur permet de demander une capacité par ligne très supérieure à ce chiffre.

15. Quant à l’argument du CORC selon lequel la méthode de calcul actuelle contraint les concurrents co-implantés à acheter de la capacité de manière inefficace, le Conseil estime que les demandes d’achat de liaisons d’interconnexion sont peu fréquentes, et qu’aucun élément de preuve n’a été fourni pour démontrer qu’il s’agissait là d’un problème répandu.

16. Par conséquent, le Conseil détermine que la méthode de calcul actuelle n’empêche pas les concurrents co-implantés d’acheter une capacité suffisante pour répondre à la croissance, non plus qu’elle ne les contraint à en acheter d’une façon inefficace.

17. En ce qui concerne les préoccupations du CORC selon lesquelles la méthode de calcul actuelle limite la capacité des concurrents co-implantés dans les centraux qui ont une utilisation en période de pointe supérieure à la moyenne, le Conseil convient que l’utilisation d’une méthode de calcul basée sur une moyenne pour l’ensemble des centraux pourrait avoir une incidence négative pour certains concurrents co-implantés, et pourrait empêcher certains d’entre eux d’obtenir une capacité suffisante pour répondre à leurs besoins dans certains cas. En outre, le Conseil estime que cette question pourrait aussi produire des résultats indésirables dans les centraux dont l’utilisation en période de pointe est inférieure à la moyenne, car des concurrents co-implantés pourraient utiliser toute capacité excédentaire pour s’interconnecter et échanger du trafic avec d’autres concurrents co-implantés au-delà des quantités permises, ce qui contournerait la règle relative à la co-implantation.

18. À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé d’un élément de la méthode de calcul actuelle, en ce qui a trait à la limitation de la capacité des concurrents co-implantés dans les centraux qui ont une utilisation en période de pointe supérieure ou inférieure à la moyenne. Par conséquent, le Conseil conclut qu’il convient de modifier la conclusion qu’il a tirée dans la décision de télécom 2012-209 en ce qui concerne l’application de la règle relative à la co-implantation.

II. S’il y a lieu de modifier la conclusion tirée par le Conseil, comment pourrait-on améliorer la méthode de calcul actuelle?

19. Pour ce qui est des solutions de rechange proposées à la méthode de calcul actuelle par les entreprises co-implantées, le Conseil estime que ces solutions entraveraient la concurrence ou contourneraient la règle relative à la co-implantation. De plus, il estime que celles-ci n’aborderaient pas directement la question des limites imposées à la capacité des concurrents co-implantés dans les centraux qui ont une utilisation en période de pointe supérieure ou inférieure à la moyenne. Par conséquent, le Conseil estime qu’il ne serait pas approprié de mettre en œuvre l’une ou l’autre des solutions de rechange proposées à la méthode de calcul actuelle par les entreprises co-implantées.

20. Le Conseil fait remarquer qu’il a proposé une autre méthode de calcul au cours de la présente instance, à savoir l’utilisation moyenne des lignes de l’entreprise co-implantée en période de pointe pour chaque central, plutôt que l’utilisation moyenne pour l’ensemble des centraux (la méthode modifiée).

21. Le Conseil estime que la méthode modifiée représenterait une amélioration par rapport à la méthode de calcul actuelle, dans la mesure où elle correspondrait davantage à la situation que l’on trouve dans certains centraux en évitant de sous-estimer ou de surestimer sensiblement l’utilisation en période de pointe.

22. Le Conseil fait remarquer que les compagnies Bell et la STC ne se sont pas opposées à la méthode modifiée. Il fait également remarquer qu’aucune des parties n’a indiqué que la méthode modifiée représenterait un fardeau administratif et, par ailleurs, que Globility et MTS Allstream ont convenu que la méthode modifiée permettrait d’ajouter une capacité supplémentaire dans les centraux où l’utilisation est supérieure à la moyenne.

23. Le Conseil note l’argument de Globility voulant que la méthode modifiée ne pourrait pas s’appliquer dans le cas d’un concurrent qui établit une nouvelle co-implantation. Le Conseil estime, qu’en pareille circonstance, un concurrent co-implanté devrait tout d’abord utiliser son utilisation moyenne en période de pointe pour l’ensemble des centraux co-implantés pour cette ESLT comme donnée de substitution jusqu’à ce que l’utilisation moyenne en période de pointe soit établie pour le central en cause, après quoi la méthode modifiée pourrait être employée.

24. Par conséquent, le Conseil conclut qu’il convient de modifier la décision de télécom 2012-209 afin de modifier un élément de la méthode de calcul actuelle de telle façon que, pour les besoins du calcul de la capacité, un concurrent co-implanté doive utiliser : i) l’utilisation moyenne en période de pointe de ses lignes d’accès haute vitesse dans le central pertinent seulement et ii) une capacité de 64 kbps pour les lignes servant exclusivement à fournir les services téléphoniques.

25. Si un concurrent établit une nouvelle co-implantation, celui-ci devrait tout d’abord se servir de l’utilisation moyenne en période de pointe pour l’ensemble des centraux co-implantés pour cette ESLT comme donnée de substitution, jusqu’à ce que l’utilisation moyenne en période de pointe soit établie pour le central en cause.

Instructions

26. Le Conseil estime que les conclusions énoncées dans la présente décision sont conformes aux Instructions5 et permettent d’atteindre les objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7c) et 7f) de la Loi sur les télécommunications6. De plus, conformément au sous-alinéa 1a)(ii) des Instructions, le Conseil estime qu’en modifiant un élément de la méthode de calcul actuelle, il s’est basé sur des mesures réglementaires qui sont efficaces et proportionnelles aux buts visés et qui ne font obstacle au libre jeu d’un marché concurrentiel que dans la mesure minimale nécessaire pour atteindre les objectifs.

Secrétaire général

Documents connexes


Notes de bas de page :

[1] Un central est un immeuble où les compagnies de téléphone font aboutir les lignes de leurs clients et installent de l’équipement de commutation pour raccorder ces dernières à d’autres réseaux.

[2] Depuis le début de 2012, MTS Allstream Inc. est divisée en deux entités distinctes : MTS Inc. et Allstream Inc.

[3] Une ligne est un circuit qui relie les locaux du client à la périphérie du réseau du fournisseur de services de télécommunication.

[4] Une liaison d’interconnexion a pour objectif d’établir une connexion entre deux entreprises interconnectées (co-implantées) dans le même central à une vitesse donnée.

[5] Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication, C.P. 2006-1534, le 14 décembre 2006

[6] Les objectifs cités de la politique sont les suivants :

7c) accroître l’efficacité et la compétitivité, sur les plans national et international, des télécommunications canadiennes;

7f) favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication et assurer l’efficacité de la réglementation, dans le cas où celle-ci est nécessaire.

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