ARCHIVÉ - Décision de radiodiffusion CRTC 2012-51

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Référence au processus : Demandes de la partie 1 affichées le 17 juin 2011

Ottawa, le 26 janvier 2012

Bell Media Inc.
Barrie, Burlington, Fonthill, Fort Erie, Hamilton, Niagara Falls, St. Catharines, Oakville et Welland (Ontario)

Demandes 2011-0942-1 et 2011-0943-9

CKVR-DT Barrie – nouveaux émetteurs numériques pour desservir les régions de Burlington, Fonthill, Fort Erie, Hamilton, Niagara Falls, St. Catharines, Oakville et Welland

Le Conseil approuve des demandes présentées par Bell Media Inc en vue de modifier la licence de radiodiffusion de la station de télévision traditionnelle CKVR-DT Barrie afin d’ajouter deux émetteurs numériques pour desservir les régions de Burlington, Fonthill, Fort Erie, Hamilton, Niagara Falls, St. Catharines, Oakville et Welland (Ontario).

Une opinion minoritaire des conseillers Rita Cugini et Peter Menzies est jointe à la présente décision.

La demande

1.      Le Conseil a reçu des demandes présentées par Bell Media Inc. (Bell Media) en vue de modifier la licence de radiodiffusion de l’entreprise de programmation de télévision traditionnelle de langue anglaise CKVR-DT Barrie afin d’ajouter deux nouveaux émetteurs numériques pour desservir les régions de Burlington, Fonthill, Fort Erie, Hamilton, Niagara Falls, St. Catharines, Oakville et Welland (Ontario).

2.      L’émetteur desservant Hamilton, Burlington et Oakville sera exploité sur le canal 35 avec une puissance apparente rayonnée (PAR) moyenne de 10 500 watts (PAR maximale de 25 000 watts avec une hauteur effective d’antenne au-dessus du sol moyen (HEASM) de 248 mètres). L’émetteur desservant Fonthill, Fort Erie, Niagara Falls, St. Catharines et Welland sera exploité sur le canal 42 avec une PAR moyenne de 1 340 watts (PAR maximale de 5 000 watts avec une HEASM de 146 mètres).

3.      Le Conseil note que l’ajout des nouveaux émetteurs permettrait à CKVR-DT d’exiger la substitution simultanée de son signal dans ces marchés et de rapatrier des revenus de publicité provenant de stations frontalières américaines.

Historique

4.      Bell Media est une filiale à part entière de BCE Inc. Bell Media a acquis CKVR-DT de CTVglobemedia Inc. en 2011 dans le cadre d’une transaction que le Conseil a approuvée dans la décision de radiodiffusion 2011-163.

5.      Le présent signal de CKVR-DT couvre la région du grand Toronto (RGT), Oshawa et Newmarket. Dans ces marchés ainsi que dans les marchés proposés, la station est distribuée par des entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR).

6.      CKVR-DT, dans l’alignement de la station A-Channel, est devenue récemment une station “CTV Two”, que Bell Media utilise comme débouché additionnel pour passer en première diffusion des émissions de qualité.

Interventions et réplique du demandeur

7.      Le Conseil a reçu des interventions favorables aux demandes de particuliers des communautés devant être desservies, ainsi que des interventions s’y opposant provenant de Rogers Broadcasting Limited (Rogers), Channel Zero Inc. (Channel Zero), la Société Radio-Canada (SRC) et Shaw Communications Inc. (Shaw), auxquelles le demandeur a répliqué. Le dossier public de la présente instance peut être consulté sur le site web du Conseil, www.crtc.gc.ca, sous « Instances publiques ».

8.      Les intervenants en opposition font valoir que l’approbation des demandes aura une incidence négative sur les autres stations de télévision canadiennes qui sont actuellement exploitées dans le marché étendu de Toronto et conférera à Bell Media une prédominance importante sur le marché en matière de vente de publicité et d’achat d’émissions. Rogers et Channel Zero estiment que la modification proposée se traduirait par une incidence respective de 8,4 et 8,9 millions de dollars au cours de la première année, alors que la SRC estime que l’incidence pourrait s’échelonner à cinq fois les revenus additionnels estimés par Bell Media à 2 et 2,5 millions de dollars.

9.      Selon Channel Zero, titulaire de CHCH-DT Hamilton, la possibilité de faire un bloc des nouvelles stations CKVR-DT Barrie avec CFTO-DT Toronto et les autres stations de CTV en Ontario accorderait à Bell Media une position dominante dans le marché publicitaire de l’Ontario et aura une incidence négative sur tous les concurrents.

10.  Selon Rogers, Shaw et la SRC, les demandes sont contraires à la politique sur la propriété commune du Conseil et la modification de licence permettra à Bell Media de posséder et d’exploiter deux stations de télévision traditionnelle dans le marché étendu de Toronto.

11.  Dans une lettre au Conseil, Bell Media s’est engagé à maintenir un niveau de 9 heures et 55 minutes de programmation locale dans le marché de Barrie au cours de chaque semaine de radiodiffusion et de maintenir la station en exploitation pour la durée de sa période de licence.

Analyse et décisions du Conseil

12.  Après avoir examiné le dossier public de ces demandes en tenant compte des règlements et politiques pertinents, le Conseil estime qu’il doit se prononcer sur la question de savoir si l’ajout de deux émetteurs aura des répercussions négatives importantes sur les autres stations de télévision traditionnelle du marché étendu de Toronto.

13.  À cet égard, le Conseil estime que puisque CKVR-DT est déjà distribuée par les EDR dans les marchés proposés, il n’y aura pas de hausse d’écoute en direct du service de CKVR-DT par les abonnés des EDR.

14.  En ce qui concerne l’écoute supplémentaire provenant de la substitution simultanée, le Conseil a analysé les données de Sondages BBM des principales émissions aux heures de grande écoute et en conclue que d’autres opportunités de substitution simultanée pour CKVR-DT pourraient se traduire par une modeste augmentation de l’écoute de la station aux heures de grande écoute.

15.  De plus, le Conseil note que les auditoires syntonisant le signal en direct ne contribuent qu’à une portion mineure de l’auditoire total de CKVR-DT dans la région de recensement du Toronto métropolitain, région dans laquelle CKVR-DT dispose déjà de couverture en direct. Ainsi, le Conseil estime que les émetteurs additionnels n’auraient pas comme effet d’augmenter de façon importante l’auditoire de CKVR-DT dans les marchés proposés.

16.  Quant à l’incidence possible de la modification proposée sur le marché de la télévision traditionnelle de Toronto, le Conseil note que les estimés de l’incidence immédiate résultant de la modification proposée se situent entre 2 à 2,5 millions de dollars, tel qu’indiqué par le demandeur, et 8 et 12,5 millions de dollars, tel qu’estimé par les intervenants. Le Conseil note de plus que l’incidence immédiate telle qu’estimée ne représenterait qu’une portion modeste des revenus totaux générés par les stations privées de télévision traditionnelle de langue anglaise du marché étendu de Toronto, qui étaient de l’ordre d’environ 625 millions de dollars en 2010.

17.  Puisque la modification proposée ne se traduirait que par une modeste augmentation additionnelle de l’auditoire total, que CKVR-DT est déjà disponible auprès des EDR dans les marchés proposés et que l’incidence estimée ne représenterait qu’une faible proportion des revenus totaux générés dans le marché, le Conseil estime que toute incidence qu’aurait l’approbation des demandes serait modérée. Par conséquent, le Conseil estime que l’approbation ne modifiera pas beaucoup l’environnement concurrentiel du marché étendu de Toronto.

18.  Dans son intervention, Channel Zero craint que la proposition de Bell Media n’ait des répercussions négatives sur sa propre station, CHCH-DT Hamilton, compte tenu de la situation financière de la station qu’il estime déjà précaire. À cet égard, le Conseil note que Bell Media s’engage, dans sa demande, à ne pas solliciter de publicité locale dans les marchés desservis par les nouveaux émetteurs. De plus, comme indiqué précédemment, les deux nouveaux émetteurs n’auront pas d’importantes répercussions sur les téléspectateurs, étant donné que CHCH-DT et CKVR-DT sont déjà distribuées par toutes les principales EDR et entreprises de distribution par satellite en direct dans les marchés proposés.

19.  Rogers, la SRC et Shaw se sont dits préoccupés du fait que l’approbation des demandes soit contraire à la politique sur la propriété commune du Conseil, qui en général permet la propriété, par une personne, d’au plus une station de télévision traditionnelle dans une langue et dans un marché donné. Le Conseil est d’avis qu’il a déjà réglé cette question dans Transfert du contrôle effectif de CHUM limitée à CTVglobemedia Inc., décision de radiodiffusion CRTC 2007-165, 8 juin 2007, lorsqu’il a approuvé l’acquisition par CTVglobemedia des stations A-Channel. Selon le Conseil, l’ajout de deux émetteurs ne serait pas incompatible avec la politique sur la propriété commune, puisque le signal en direct de CKVR-DT est déjà disponible dans la majeure partie du marché étendu de Toronto.

Conclusion

20.  Compte tenu de ce qui précède, le Conseil approuve les demandes de Bell Media Inc. en vue de modifier la licence de radiodiffusion de l’entreprise de programmation de télévision traditionnelle de langue anglaise CKVR-DT Barrie afin d’ajouter deux nouveaux émetteurs pour desservir les régions de Burlington, Fonthill, Fort Erie, Hamilton, Niagara Falls, St. Catharines, Oakville et Welland (Ontario).

21.  Le Conseil note les engagements pris par Bell Media de maintenir un volume de 9 heures et 55 minutes de programmation locale pour le marché de Barrie au cours de chaque semaine de radiodiffusion, soit un niveau supérieur à son engagement actuel qui est de 7 heures de programmation locale, de conserver la station en exploitation tout au long de la période de licence et de ne pas solliciter de publicité locale dans les marchés desservis par les nouveaux émetteurs. Le Conseil demande à Bell Media de respecter ces engagements.

22.  Le Conseil rappelle au titulaire qu’en vertu de l’article 22(1) de la Loi sur la radiodiffusion, la présente autorisation n’entrera en vigueur que sur confirmation du ministère de l’Industrie (le Ministère) que ses exigences techniques sont satisfaites et qu’il est prêt à émettre des certificats de radiodiffusion.

23.  Les émetteurs doivent être en exploitation le plus tôt possible et, quoi qu’il en soit, au cours des 24 mois suivant la date de la présente décision, à moins qu’une demande de prorogation ne soit approuvée par le Conseil avant le 26 janvier 2014. Afin de permettre le traitement d’une telle demande en temps utile, celle-ci devra être soumise par écrit au moins 60 jours avant cette date.

Secrétaire général

*La présente décision doit être annexée à la licence.

Opinion minoritaire des conseillers Rita Cugini et Peter Menzies

Nous nous dissocions respectueusement de la décision du Conseil d’approuver les demandes présentées par Bell Media Inc. en vue de modifier la licence de radiodiffusion de la station de télévision traditionnelle CKVR-DT Barrie afin d’ajouter deux émetteurs numériques pour desservir les régions de Burlington, Fonthill, Fort Erie, Hamilton, Niagara Falls, St. Catharines, Oakville et Welland (Ontario). Selon nous, cette décision est incompatible avec la politique du Conseil sur la propriété commune et menace son intégrité. En outre, elle ne tient pas compte des lourdes conséquences qu’elle entraînera pour la Région du Grand Toronto (RDT) et sur Golden Horseshoe et ne sert pas au mieux les intérêts de la concurrence, et donc du consommateur/citoyen.

Politique sur la propriété commune

La politique sur la propriété commune a été révisée en 2008 par le Conseil qui a conclu, dans l’avis public de radiodiffusion 2008-4, que cette politique interdisant généralement la possession par une seule entité de plus d’une station de télévision traditionnelle par langue et par marché visait à assurer la diversité des voix dans un marché donné et à encourager la concurrence dans chaque marché. Le Conseil a alors également conclu à l’importance de conserver la politique sur la propriété commune pour le secteur de la télévision en direct pour préserver une pluralité des voix éditoriales dans les marchés locaux.

Le paragraphe 19 de la décision majoritaire de nos collègues précise que l’ajout de deux émetteurs n’est pas incompatible avec la politique sur la propriété commune puisque le signal en direct de CKVR-DT est déjà disponible dans la majeure partie du marché étendu de Toronto. Toutefois, la décision n’évalue ni les raisons pour lesquelles l’exception a été confirmée en 1994, ni la pertinence de ces raisons aujourd’hui.

Dans la décision 94-745, le Conseil déclare ce qui suit :

Si la politique générale du Conseil de ne pas permettre la propriété commune de deux entreprises de même langue et de même classe au sein d’un même marché a pour principal but d’assurer la diversité des voix de diffusion dans une collectivité donnée, elle vise également à éviter que les radiodiffuseurs s’accordent un avantage concurrentiel indu par rapport à d’autres qui offrent ce service au même marché. Dans le cas de CKVR-TV et de CITY-TV, le Conseil continue de permettre une exception à sa politique générale, dans le but sous-jacent de s’assurer que les deux stations demeurent des entreprises viables et offrent un service local précieux à leurs auditoires respectifs1.

Nulle part n’est-il indiqué, dans cette décision ou dans toute autre décision justifiant pareille exception, que celle-ci sera pour toujours accordée à une même entreprise et pour n’importe quel marché ciblé par celle-ci2.

La situation a bien évolué depuis la décision de 1994. En 2007, CTVglobemedia Inc. (CTVgm) a acheté CHUM limitée (CHUM), et les stations Citytv ont été achetées par Rogers Media Inc. En 2010, BCE Inc. a, à son tour, acheté CTVgm.

Dans la décision de radiodiffusion 2007-1653, alors que CTVgm pensait acquérir et garder le groupe de stations de télévision traditionnelle Citytv de CHUM, le Conseil a eu une nouvelle occasion de réviser sa politique sur la propriété commune. Après l’acquisition des stations Citytv, CTVgm aurait été propriétaire de deux stations de télévision de langue anglaise dans chacun des marchés de Vancouver/Victoria, Edmonton, Calgary, Portage La Prairie/Winnipeg, et Toronto/Hamilton. Il aurait donc fallu que le Conseil consente des exceptions à sa politique sur la propriété commune pour approuver la transaction. Peu convaincu de la nécessité de cette exception, le Conseil a plutôt ordonné à CTVgm de se dessaisir des stations Citytv.

Nous alléguons que Bell Media reconstitue dans les faits l’exception que le Conseil a refusée à CTVgm, en 2007.

Tel que noté, le Conseil consent des exceptions à sa politique sur la propriété commune dans les cas suivants :

Nous alléguons que la demande de Bell Media ne respecte aucun des deux critères justifiant une exception. Si Bell Media subit actuellement des contraintes d’ordre financier, l’entreprise n’a pas avisé le Conseil de ses difficultés dans le contexte des présentes demandes.

CKVR-DT Barrie ne jouxte aucun des marchés qu’elle est autorisée à desservir en vertu de la présente décision. Burlington, Fonthill, Fort Erie, Hamilton, Niagara Falls, St. Catharines, Oakville et Welland sont situées à distance raisonnable de Barrie et ces villes ne profiteront d’aucune programmation locale supplémentaire. Par ailleurs, Bell/CTV « promet » d’augmenter de 7 heures à 9 heures et 55 minutes par semaine le volume de programmation locale de Barrie et de poursuivre l’exploitation de CKVR-DT jusqu’à la fin de sa période de licence, en 2017. Compte tenu du déclin spectaculaire de cette station (mise à pied de près du tiers du personnel local et annulation, il y a un peu plus de deux ans, d’une émission matinale locale soi-disant bien accueillie), il est remarquable que quiconque puisse penser qu’il s’agisse d’un engagement capital. La seconde promesse, soit poursuivre l’exploitation de la station, est encore plus difficile à comprendre dans la mesure où elle entraîne une obligation de service habituellement associée aux structures monopolistiques propres à la sphère des télécommunications et semble indiquer que le Conseil partage l’opinion de Bell/CTV qui croit apparemment être la seule entreprise à pouvoir exploiter CKVR-DT et qui est donc une entité pour ainsi dire publique.

Nous concédons cependant que la population de Barrie y trouvera un modeste avantage sur le plan de la programmation locale. Toutefois, absolument rien ne prouve que la population de Golden Horseshoe bénéficiera d’une manière ou d’une autre de l’approbation de cette demande.

Quant au second critère, la viabilité financière de CKVR-DT n’est – et ne devrait absolument pas être – un enjeu à l’heure actuelle. D’une part, la station a reçu de l’argent du Fonds pour l’amélioration de la programmation locale (FAPL); de l’autre, dans la décision de radiodiffusion 2011-163, le Conseil a autorisé BCE à dépenser 30 millions de dollars provenant des avantages tangibles pour venir en aide pendant trois ans au moins aux stations A-Channel (dont CKVR-DT fait partie)4. Nous affirmons que Bell Media a la possibilité, les ressources et l’expertise nécessaires pour exploiter CKVR-DT sans qu’il faille recourir à une exception à la politique sur la propriété commune. De fortes sommes ont été consacrées à l’exploitation de Barrie tant directement, par CTV et l’utilisation des avantages tangibles, que par le biais du FAPL. Ces sommes proviennent des abonnés des entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) et des EDR par satellite de radiodiffusion directe qui sont tenues de payer le frais de 1,5 % apparaissant sur leur facture.

Incidence sur la concurrence

D’après le paragraphe 3 de la présente décision, l’ajout des nouveaux émetteurs permet à CKVR-DT d’exiger la substitution simultanée de son signal dans ces marchés et de rapatrier les recettes publicitaires provenant des stations frontalières américaines. Au paragraphe 13, le Conseil conclut qu’il n’y aura pas de hausse d’écoute en direct du service de CKVR-DT par les abonnés des EDR puisque CKVR-DT est déjà distribué par les EDR dans les marchés proposés. Enfin, au paragraphe 14, le Conseil confirme que l’écoute supplémentaire provenant de la substitution simultanée ne se traduirait que par une modeste augmentation de l’écoute supplémentaire totale de la station et, par conséquent, pourrait se traduire par une modeste augmentation… aux heures de grande écoute (c’est nous qui soulignons).

Selon nous, rien ne saurait être plus loin de la vérité.

Rien ne prouve que les sociétés canadiennes font de la publicité sur les stations américaines pour rejoindre les auditoires canadiens du Golden Horseshoe. Comme le sait quiconque est au courant des pratiques et règles publicitaires canadiennes, les règles fiscales qui interdisent de déduire le coût des annonces publicitaires achetées dans des marchés étrangers découragent très fortement de tels achats. Par ailleurs, nous trouvons peu de réconfort dans l’aspect de la décision qui interdit au personnel des ventes de Barrie de solliciter de la publicité dans ses nouveaux territoires. Puisque la grande majorité des revenus du modèle commercial télévisuel ne provient pas des ventes locales, mais des ventes nationales, il est évident que cette décision augmentera les revenus liés aux ventes nationales de Bell/CTV. Il est donc plus que vraisemblable que l’argent « rapatrié » ne proviendra pas des États-Unis, mais plutôt des concurrents de Bell/CTV dans le sud-est de l’Ontario, y compris des petits exploitants indépendants.

Et surtout, cette décision qui repose sans doute sur de bonnes intentions a la naïveté de ne pas reconnaître que, grâce à CTV et à CTV Two, Bell Media pourra désormais acheter plus facilement un plus grand nombre d’émissions américaines très populaires pour ses deux grilles de programmation, et les diffuser aux heures de grande écoute. Dans les faits, cette stratégie porte déjà fruit. Le Conseil a effectivement analysé les données de Sondages BBM, mais celles-ci ne rendent compte que d’une situation précise dans le temps et ne permettent pas d’analyser la tendance de l’écoute advenant l’existence de deux stations dans un marché.

Par exemple, le 15 décembre 2011, CTV a publié un communiqué de presse intitulé « Fall Ratings Report Card: Hit CTV Schedules Make the Grade with More Top 20 Marks in 2011 ». Ce communiqué indique que la saison de télévision d’automne est terminée, que les données de Sondages BBM Canada pour la fin de cette même saison (décembre 2011) ont été analysées, et qu’un sondage d’écoute de l’automne montre que CTV et CTV Two ont davantage d’émissions au palmarès des vingt émissions les plus populaires de l’année dernière; ce qui permet à leurs réseaux de prendre une avance sur leurs concurrents.

Dans ce communiqué, on peut également lire que CTV diffuse plus d’émissions figurant au palmarès des vingt émissions les plus populaires que tous les autres réseaux combinés.

Le 22 décembre 2011, CTV a publié un second communiqué de presse intitulé « TV Top 10: What Canadians Watched on Television in 2011 » qui confirme que CTV diffuse huit émissions figurant au palmarès des dix émissions de télévision les plus populaires au Canada. Il est important de noter que ces deux communiqués indique que les émissions les plus regardées sont toutes des émissions américaines qui permettent à CTV d’optimiser ses possibilités grâce à la substitution de signaux identiques. En fait, cette décision renforce surtout la capacité de Bell/CTV de dépenser davantage que ses concurrents canadiens en achetant un fort volume de programmation américaine et en utilisant ses plateformes pour monnayer ces achats au mieux. Cette stratégie qui permet de mieux exploiter une position déjà dominante dans le marché est tout aussi susceptible de pousser la concurrence à réagir en dépensant toujours plus pour des émissions américaines.

Toutes nos félicitations à CTV qui a su choisir les émissions gagnantes de cette catégorie. Toutefois, le coût concurrentiel à payer à mesure que CTV et CTV Two creuseront le fossé qui les sépare de toutes les autres stations en direct pourrait bien être trop grand.

En conclusion, nous estimons que la présente décision a permis à Bell/CTV de contourner les précédentes décisions du Conseil en vue de garantir un cadre concurrentiel. Bell/CTV a créé les conditions d’une plus grande commercialisation et a ainsi annoncé une domination dans le marché le plus important du Canada. Cette décision s’attaquera à la politique sur la propriété commune qui régit d’autres grands marchés canadiens et encouragera Bell/CTV à profiter de façon préférentielle d’une position concurrentielle dominante. Cette décision risque également de réduire les possibilités de revenus des stations actuellement autorisées à desservir la population de Burlington, Fonthill, Fort Erie, Hamilton, Niagara Falls, St. Catharines, Oakville et Welland. En contrepartie, l’amélioration du service offert à la population de Barrie n’est que superficielle et n’offre aucune garantie que ce même service, déjà subventionné par des fonds publics, survivra pour une période de plus de cinq ans.

Notes de bas de page

[1] Approbation de la désaffiliation de CKVR-TV Barrie du réseau anglais de télévision de la SRC, décision CRTC 94-745, 14 septembre 1994.

[2] Il vaut la peine de noter que la décision 94-745 renvoie à la décision 78-513, dans laquelle le Conseil consent la toute première exception à la politique sur la propriété commune en approuvant la demande d’acquisition du contrôle de CITY-TV déposée par CHUM. Dans cette décision, le Conseil a admis les difficultés financières de la station.

[3]Transfert du contrôle effectif de CHUM limitée à CTVglobemedia Inc., décision de radiodiffusion CRTC 2007-165, 8 juin 2007.

[4]Modification du contrôle effectif des filiales de radiodiffusion autorisées de CTVglobemedia Inc., décision de radiodiffusion CRTC 2011-163, 7 mars 2011.

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