Décision de télécom CRTC 2007-19
Ottawa, le 30 mars 2007
Accès par les personnes aveugles à des services, à de l'équipement et à de l'information spécialement conçus pour elles
Référence : 8665-S49-01/01
Dans la présente décision, le Conseil conclut qu'il n'est pas sans intérêt d'élargir la portée des obligations en matière de médias substituts et d'exiger que l'information électronique soit accessible aux personnes aveugles, mais que ces questions qui n'ont pas encore été résolues devraient être abordées dans le cadre d'une future instance afin de traiter des questions d'accessibilité des personnes handicapées.
1. Le Conseil a reçu une demande présentée par M. Chris Stark, en son nom et au nom de Mme Marie Laporte-Stark (collectivement les Stark), datée du 15 avril 2001, déposée en vertu de la partie VII des Règles de procédure du CRTC en matière de télécommunications. Dans leur demande, les Stark ont soulevé plusieurs questions concernant Bell Canada et les personnes aveugles, notamment : l'accès à des services, à de l'équipement et à de l'information spécialement conçus afin d'améliorer les diverses fonctionnalités domestiques (fonctions de maison électronique), des allégations de représailles, les problèmes opérationnels, la disponibilité et l'accessibilité de l'information en médias substituts sur les services de télécommunication et l'accessibilité des services de télécommunication en général.
2. Le Conseil a reçu des mémoires, des observations en réplique et des réponses aux demandes de renseignements de Bell Canada et des Stark. Le dossier de la présente instance a été clos lorsque Bell Canada a déposé son mémoire le 6 juin 2003.
3. Bien que les positions des parties aient dû être résumées dans la présente décision, le Conseil a étudié avec soin les mémoires de toutes les parties et en a tenu compte.
Fonctions de maison électronique
Positions des parties
4. Les Stark ont fait valoir qu'ils avaient conclu, en septembre 2000, un accord avec un promoteur indépendant, Phoenix Homes, pour la construction d'une maison neuve qui comprenait un ensemble de services de communication. Les Stark ont indiqué que l'ensemble de services de communication comprenait plusieurs services et équipements de communication, ainsi que la capacité d'installer des fonctions de maison électronique, qui intégreraient des systèmes domestiques, comme le chauffage, l'éclairage et la sécurité, dans le câblage intérieur et leur donnerait ainsi accès à ces systèmes par des moyens non visuels.
5. Les Stark avaient demandé à Bell Canada de les aider à installer les fonctions de maison électronique en leur fournissant notamment des manuels d'exploitation, des spécifications techniques et des instructions pour les divers équipements et services. Les Stark ont indiqué que Bell Canada n'avait pas accédé à leur demande à cet égard, ce qui justifiait l'intervention du Conseil.
6. Bell Canada a indiqué qu'elle avait essayé d'obtenir l'information voulue pour les Stark auprès de compagnies affiliées et de tierces parties, mais que cela lui avait été difficile du fait qu'elle-même n'offrait pas les services en question et que l'information demandée n'était pas facilement disponible.
7. Bell Canada indicated that the services and equipment included in the communications package were provided by its affiliated companies and third parties, not Bell Canada, and that it did not provide Smart Home function services. Bell Canada indicated that the services and equipment in question, along with their associated service providers, were not subject to the Commission's regulatory jurisdiction. Accordingly, Bell Canada submitted that no further action was required in this matter.
8. Les Stark ont répliqué que l'équipement et les services de télécommunication achetés auprès de tierces parties, comme Phoenix Homes, étaient toujours de la responsabilité de Bell Canada, que toutes les fonctions de maison électronique devraient être traitées comme des services de télécommunication et que Bell Canada devrait être tenue de les offrir.
9. Les Stark ont fait remarquer qu' ils avaient, à la suite de leurs discussions avec Bell Canada, installé eux-mêmes des fonctions de maison électronique en faisant appel à d'autres fournisseurs. Les Stark ont reconnu que bon nombre des questions se rapportant aux fonctions de maison électronique étaient désormais sans objet, mais étaient d'avis que Bell Canada n'en devrait pas moins fournir ces fonctions aux personnes aveugles.
Analyse et conclusions du Conseil
10. Le Conseil fait remarquer que l'ensemble de services de communication en question a été offert par Phoenix Homes et non par Bell Canada et qu'il ne contenait aucun service de télécommunication réglementé.
11. Le Conseil estime que les fonctions de maison électronique ne constituent pas un service spécifique, mais représentent plutôt l'intégration et l'amélioration de divers systèmes domestiques, pouvant inclure des services de télécommunication, afin de rehausser leur fonctionnalité originale. Le Conseil estime que les fonctions de maison électronique ne sont pas directement liées à la fourniture des services de télécommunication réglementés de Bell Canada.
12. Le Conseil conclut que, même si Bell Canada a des obligations à l'égard de la fourniture de l'équipement, des services et de l'information associés aux services de télécommunication réglementés, la compagnie n'a pas d'obligations particulières à l'égard des services fournis par Phoenix Homes, par de tierces parties ou concernant la fonctionnalité d'une maison électronique.
13. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil rejette les demandes des Stark concernant les fonctions de maison électronique et conclut qu'aucune autre mesure n'est justifiée à ce sujet.
Allégations de représailles
Positions des parties
14. Les Stark ont allégué que Bell Canada avait exercé des représailles contre eux pour avoir participé aux instances du Conseil. Les Stark ont allégué, par exemple, que Bell Canada avait retardé l'installation de leur service téléphonique de base, prolongé les problèmes liés à leur service téléphonique et évité de répondre à leurs demandes de service à la clientèle, à titre de représailles. Les Stark ont également fait remarquer que Bell Canada avait placé dans leur dossier un avis qui renvoyait leurs demandes à un seul point de contact, afin, selon eux, d'exercer une discrimination à leur encontre.
15. Les Stark ont demandé que leur soient remboursés tous les services de télécommunication achetés de Bell Canada entre 1997 et décembre 2001 et que le Conseil impose une pénalité financière à cette compagnie.
16. Bell Canada a rejeté les allégations de représailles des Stark et indiqué que les retards d'installation et de service téléphonique qu'avaient connus les Stark étaient dus à des problèmes techniques fréquemment associés aux nouveaux ensembles résidentiels.
17. Bell Canada a fait valoir que les attentes des Stark à l'égard du service à la clientèle n'étaient pas raisonnables, et ce, en raison de la nature de leurs demandes. Bell Canada a indiqué que l'avis placé dans leur dossier visait à leur donner un seul point de contact où l'on serait au courant de leurs demandes et de leurs besoins afin de leur assurer un meilleur service à la clientèle. Bell Canada a également indiqué avoir retiré l'avis pour répondre aux préoccupations des Stark.
Analyse et conclusions du Conseil
18. Le Conseil conclut que les Stark n'ont pas présenté d'éléments de preuve concluants montrant que Bell Canada avait exercé des représailles à leur endroit. Plus particulièrement, le Conseil estime raisonnables les explications de Bell Canada concernant les problèmes d'installation, de service et de service à la clientèle que les Stark ont connus.
19. De plus, le Conseil estime que Bell Canada a donné une explication raisonnable de sa décision de placer un avis dans le dossier des Stark, ce qui n'a rien de discriminatoire. Le Conseil estime également que Bell Canada a répondu aux préoccupations soulevées par les Stark en retirant l'avis de leur dossier.
20. Par conséquent, le Conseil conclut qu'aucune autre mesure n'est justifiée à ce sujet.
Problèmes opérationnels
Positions des parties
21. Les Stark ont soulevé plusieurs préoccupations d'ordre opérationnel et ont soutenu que Bell Canada devrait modifier ses opérations afin d'améliorer le service offert aux personnes aveugles.
22. Les Stark ont indiqué notamment que le Centre de services adaptés de Bell Canada ne répondait pas aux besoins d'information et d'accessibilité des personnes aveugles et que Bell Canada devrait être tenue d'améliorer ce service. Les Stark ont fait valoir que Bell Canada devrait donner la priorité au règlement des pannes pour les personnes aveugles, afin de réduire leur vulnérabilité en cas de perte du service téléphonique.
23. Bell Canada a indiqué que son Centre de services adaptés informait les personnes handicapées au sujet d'équipement facilitant l'utilisation du téléphone, offrait des rabais pour les services auxquels les personnes handicapées ont droit et traitait les appels concernant les téléscripteurs. Bell Canada était d'avis que les services que fournissait le Centre des services adaptés étaient raisonnables et qu'aucune amélioration n'était nécessaire.
24. Bell Canada a fait remarquer que, tout en accordant généralement la priorité aux rapports de dérangement en fonction du moment de l'appel, elle donnait la priorité à la restauration du service des personnes handicapées, lorsque le handicap était indiqué dans leur dossier et qu'une réclamation de priorité était faite. Bell Canada a donc estimé que sa méthode de fixer les priorités des appels était appropriée.
Analyse et conclusions du Conseil
25. Compte tenu de la description des services que fournit Bell Canada, le Conseil estime que son intervention n'est pas justifiée pour l'instant, car il considère que le Centre de services adaptés facilite l'accès aux services de télécommunication par les personnes handicapées. Le Conseil encourage Bell Canada à continuer d'adapter les capacités du Centre de services adaptés en réponse aux besoins de ses clients.
26. Le Conseil convient, tout comme les Stark, que les compagnies de téléphone devraient donner la priorité aux rapports de dérangement pour les personnes handicapées afin de réduire au minimum la vulnérabilité de ces clients en cas de perte du service téléphonique. Mais le Conseil est d'avis que la méthode actuellement utilisée par Bell Canada pour donner la priorité aux rapports de dérangement sur demande est un bon moyen d'atteindre cet objectif. Par conséquent, le Conseil conclut qu'aucune autre mesure ne s'impose pour l'instant au sujet de l'établissement des priorités pour ce qui est des rapports de dérangement.
Disponibilité et accessibilité de l'information en médias substituts
Positions des parties
27. Les Stark ont fait valoir que Bell Canada ne fournissait pas d'information en média substitut au sujet de bon nombre de ses services. Les Stark étaient d'avis que les personnes aveugles avaient également droit à l'information et ont donc soutenu que Bell Canada devrait fournir, en média substitut, toute l'information qu'elle fournit déjà à ses clients qui ne sont pas malvoyants.
28. Les Stark ont fait valoir que les personnes aveugles renseignées sur l'accessibilité des services et de l'équipement de télécommunication pouvaient utiliser plus facilement les services de téléphone. Les Stark ont donc soutenu que Bell Canada devrait être tenue de fournir, en média substitut, de l'information sur l'équipement et les services destinés aux personnes aveugles, l'utilisation non visuelle des services et l'interopérabilité des services faisant appel à la technologie d'adaptation.
29. Les Stark ont également fait valoir que l'information électronique de Bell Canada, qui comprendrait l'information affichée sur son site Web et les états de compte électroniques (facturation en ligne), n'était pas accessible aux personnes aveugles. Les Stark ont indiqué qu'il existait des normes sur l'accessibilité au Web qui permettraient aux personnes aveugles d'accéder à l'information électronique, et ont soutenu que Bell Canada devrait également fournir cette information.
30. Bell Canada a fait valoir que les Stark demandaient de l'information qu'elle n'était pas obligée de fournir dans un média substitut. Bell Canada a indiqué que, même si le Centre des services adaptés était en mesure de fournir une partie de l'information demandée par les Stark, il ne disposait pas des instructions ni de la documentation voulus sur l'utilisation non visuelle de ses services ou leur interopérabilité avec la technologie d'adaptation.
Analyse et conclusions du Conseil
31. Le Conseil fait remarquer que, dans la décision Plus grande accessibilité aux médias substituts par les personnes aveugles, Décision de télécom CRTC 2002-13, 8 mars 2002 (la décision 2002-13), il a conclu que les entreprises canadiennes doivent, à la demande des abonnés qui sont aveugles, fournir en média substitut les factures et les encarts de facturation envoyés aux abonnés à propos de nouveaux services ou de modifications apportées aux tarifs des services existants, les encarts de facturation prescrits de temps à autre par le Conseil et des renseignements sur les tarifs et les conditions de service. Le Conseil fait également remarquer que les Stark ont demandé une extension des obligations imposées à Bell Canada en matière de média substitut.
32. Le Conseil fait remarquer, en outre, que le site Web de Bell Canada contient de l'information électronique, comme la facturation en ligne et des renseignements sur les nouveaux services, les modifications apportées au service, les tarifs et les conditions, mais que cette information n'est peut-être pas accessible aux personnes ayant un handicap visuel. Le Conseil fait remarquer que les obligations relatives aux médias substituts précisées dans la décision 2002-13 concernaient tout particulièrement l'information sur les factures imprimées et qu'à l'époque on n'avait pas envisagé les appliquer à l'information électronique.
33. Le Conseil estime que l'information sur l'utilisation non visuelle du service téléphonique, de l'équipement et des services spécialisés et de l'interopérabilité avec la technologie d'adaptation rendrait les services de télécommunication plus accessibles. Le Conseil estime également que ce pourrait être raisonnable d'exiger que les personnes ayant un handicap visuel disposent de cette information et que les Stark ont soulevé un problème important à cet égard.
34. Le Conseil fait remarquer que l'information électronique devient de plus en plus courante et, dans certains cas, remplace l'information imprimée traditionnelle. Le Conseil estime que, lorsque des informations sont fournies électroniquement aux abonnés qui n'ont pas de handicap visuel, ce pourrait être raisonnable d'exiger que les personnes ayant un handicap visuel puissent y accéder. Par conséquent, le Conseil conclut que les Stark ont soulevé un autre problème important.
35. Toutefois, le Conseil conclut que le dossier de la présente instance ne permet pas de déterminer quels seraient la portée, les obstacles et les conséquences liés à l'élargissement des obligations actuelles relatives aux médias substituts, ainsi que l'ampleur de cet élargissement, ni d'exiger l'accessibilité de l'information électronique. De plus, le Conseil conclut qu'il serait préférable d'aborder ces questions en tenant compte de l'ensemble des entreprises de services locaux, plutôt que de Bell Canada seulement, et des personnes atteintes de tout handicap plutôt que de limiter à celles atteintes de cécité.
36. Le Conseil fait remarquer que, dans le cadre de l'instance amorcée par l'avis Examen des propositions d'utilisation des fonds accumulés dans les comptes de report, Avis public de télécom CRTC 2006-15, 30 novembre 2006 (l'avis 2006-15), il a sollicité des observations sur les propositions déposées par les entreprises de services locaux titulaires en vue d'améliorer l'accessibilité aux services de télécommunication par les personnes handicapées dans leurs territoires respectifs. Le Conseil a l'intention d'amorcer, à la suite de la publication d'une décision liée à l'instance découlant de l'avis 2006-15, une instance visant à régler les questions non résolues d'accessibilité pour les personnes handicapées, y compris les préoccupations importantes soulevées dans la présente décision.
37. Par conséquent, le Conseil conclut qu'il n'est pas sans intérêt d'élargir la portée des obligations en matière de médias substituts et d'exiger que l'information électronique soit accessible aux personnes ayant un handicap visuel, mais qu'il a l'intention d'étudier ces questions dans le contexte de la future instance mentionnée plus haut.
Accessibilité générale des services de télécommunication
Positions des parties
38. Les Stark ont soulevé un certain nombre de préoccupations liées à l'accessibilité des services de Bell Canada pour les personnes aveugles, notamment : la trop grande dépendance à l'égard d'une technologie fondée sur la vue, la question de savoir si les personnes aveugles reçoivent un service de valeur égale ou équitable par rapport aux personnes voyantes, la nécessité d'une solution universelle qui donnerait accès à l'équipement et aux services de télécommunication, la nécessité de surveiller l'accessibilité de l'équipement et des services de télécommunication et la possibilité d'une discrimination injuste.
39. Bell Canada a estimé que ses services sont accessibles aux personnes aveugles.
Analyse et conclusions du Conseil
40. Le Conseil fait remarquer que l'essentiel des allégations que les Stark ont présentées, dans le cadre de la présente instance au sujet de la question générale de l'accessibilité des services de télécommunication par les personnes aveugles, avait déjà été soulevé par eux dans une demande ultérieure adressée au Conseil le 18 novembre 2001. Concurremment à la publication de la présente décision, le Conseil traite de la demande des Stark du 18 novembre 2001 en publiant la décision Accès à certains services de télécommunication par les personnes aveugles, Décision de télécom CRTC 2007-20, 30 mars 2007 (la décision 2007-20). Compte tenu des recoupements entre les questions soulevées dans les demandes des Stark, le Conseil conclut que les autres questions d'accessibilité soulevées dans la présente instance ont été suffisamment abordées dans le contexte de la décision 2007-20.
Secrétaire général
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