Décision de télécom CRTC 2007-106

Ottawa, le 9 novembre 2007

Subdivision accrue des tarifs applicables aux services de téléphones payants et aux services d'affaires des grandes entreprises de services locaux titulaires

Référence : 8678-C12-200708026

Dans la présente décision, le Conseil lève l'interdiction de subdiviser davantage les tarifs applicables aux services de téléphones payants et aux services d'affaires qui comprennent les services locaux d'affaires monolignes et multilignes, les autres services plafonnés et les services non plafonnés qu'offrent les grandes entreprises de services locaux titulaires.

L'opinion minoritaire du conseiller Langford est jointe à la présente.

Introduction

1. Dans les décisions de télécom 2002-34 et 2002-43, le Conseil a, entre autres choses, interdit de manière explicite toute subdivision accrue des tarifs à l'intérieur d'une tranche tarifaire pour les services locaux de résidence, les services locaux d'affaires monolignes et multilignes et les autres services plafonnés. Devant cette interdiction, les grandes entreprises de services locaux titulaires (ESLT) ne pouvaient pas réduire un tarif applicable à ces services dans une partie d'une tranche tarifaire sans le réduire pour l'ensemble de la tranche. Dans ces décisions, le Conseil a également plafonné les tarifs des services de téléphones payants publics et semi-publics aux niveaux alors en vigueur.

2. Dans la décision de télécom 2007-27, le Conseil a levé l'interdiction de subdiviser davantage les tarifs des services locaux de résidence et des services locaux optionnels. Le Conseil a également accordé aux grandes ESLT la souplesse voulue pour augmenter jusqu'à concurrence de 0,50 $ le tarif des appels locaux lorsque l'appel est effectué avec de la monnaie et jusqu'à concurrence de 1,00 $ lorsque l'appel est effectué à frais virés, facturé à un troisième numéro ou payé par carte d'appel ou carte de crédit commerciale1. Toutefois, le Conseil était d'avis que le dossier de cette instance ne lui permettait pas de déterminer si l'interdiction de subdiviser davantage les tarifs devrait être levée dans le cas des téléphones payants et des services locaux d'affaires.

3. Dans l'avis public de télécom 2007-11, le Conseil a sollicité des observations sur la question de savoir s'il convient de lever l'interdiction de subdiviser davantage les tarifs applicables aux services de téléphones payants, aux services locaux d'affaires monolignes et multilignes, aux autres services plafonnés et aux services non plafonnés qu'offrent les grandes ESLT.

4. Le Conseil a reçu des observations datées du 30 juillet 2007 de Bell Aliant Communications régionales, société en commandite, de Bell Canada, de Saskatchewan Telecommunications et de Télébec, Société en commandite (collectivement Bell Canada et autres); de MTS Allstream Inc., de Rogers Communications Inc. et de Quebecor Média inc. pour son compte et celui de Vidéotron ltée (collectivement les Concurrents); du Centre pour la défense de l'intérêt public (le PIAC); de la Société TELUS Communications (la STC) et de l'Union des consommateurs (l'UC).

5. Le Conseil a fermé le dossier de l'instance après avoir reçu les observations en réplique datées du 15 août 2007.

Positions des parties

6. Les Concurrents ont indiqué qu'ils étaient en faveur du maintien de l'interdiction de subdiviser davantage les tarifs pour les services locaux d'affaires, les autres services plafonnés et les services non plafonnés. Ils ont soutenu, en général, qu'il conviendrait de conserver le statu quo en raison (i) de l'état actuel de la concurrence (c'est-à-dire qu'il n'y a aucune preuve de concurrence vive) dans les circonscriptions ne faisant pas l'objet d'une abstention de la réglementation et (ii) du fait que lever l'interdiction de subdiviser davantage les tarifs équivaudrait pratiquement à une abstention.

7. Bell Canada et autres ainsi que la STC ont fait valoir que l'interdiction actuelle de subdiviser davantage les tarifs pour les services de téléphones payants, les services d'affaires, les autres services plafonnés et les services non plafonnés qu'offrent les grandes ESLT devrait être levée. Pour appuyer leur position, ces parties ont soutenu que (i) la levée de l'interdiction ne pourrait qu'être avantageuse pour les consommateurs; (ii) les garanties de tarification actuelles établies dans la décision de télécom 2007-27 permettent d'assurer que les tarifs demeurent justes et raisonnables; (iii) l'état de la concurrence n'est pas une condition nécessaire à la subdivision des tarifs; (iv) le fait de maintenir l'interdiction de subdiviser davantage les tarifs irait à l'encontre des instructions2.

8. Bien que l'UC a soutenu que le fait d'autoriser la subdivision des tarifs pour les services de téléphones payants ne pourrait que permettre à certains consommateurs de bénéficier de réductions de prix, le PIAC a affirmé que le marché des services de téléphones payants ne connaissait pas une concurrence assez vive pour que l'interdiction puisse être levée. De plus, le PIAC a laissé entendre que les ESLT pourraient adopter des stratégies de tarification inappropriées qui feraient en sorte que les tarifs applicables aux services de téléphones payants seraient plus élevés pour les utilisateurs à faible revenu ou ceux des régions rurales ou éloignées que pour les utilisateurs ayant accès à différentes options concurrentielles.

Résultats de l'analyse du Conseil

9. Le Conseil fait remarquer que son approche relativement à la subdivision des tarifs a toujours été conforme aux paragraphes 27(1), (2) et (4) de la Loi sur les télécommunications, lesquels prévoient, respectivement, que tout tarif facturé par une entreprise canadienne pour un service de télécommunication doit être juste et raisonnable; qu'il est interdit à l'entreprise canadienne, en ce qui concerne soit la fourniture de services de télécommunication, soit l'imposition ou la perception des tarifs y afférents, d'établir une discrimination injuste, ou d'accorder - y compris envers elle-même - une préférence indue ou déraisonnable, ou encore de faire subir un désavantage de même nature; et qu'il incombe à l'entreprise canadienne qui a fait preuve de discrimination, accordé une préférence ou fait subir un désavantage d'établir, devant le Conseil, qu'ils ne sont pas injustes, indus ou déraisonnables, selon le cas.

10. De plus, les instructions exigent que le Conseil, lorsqu'il a recours à la réglementation de nature économique, prenne des mesures propres à ne pas décourager un accès au marché qui est propice à la concurrence et qui est efficace économiquement, ni à encourager un accès au marché qui est non efficace économiquement. Les instructions exigent également que lorsqu'il a recours à la réglementation, le Conseil prenne des mesures qui sont efficaces et proportionnelles aux fins visées.

11. À la lumière de ce qui précède, le Conseil a vérifié s'il était encore nécessaire d'interdire la subdivision accrue des tarifs pour que les tarifs applicables aux services de téléphones payants et aux services locaux d'affaires soient justes et raisonnables, et pour décourager la discrimination injuste ou la préférence indue dans l'imposition de ces tarifs.

12. Le Conseil rejette l'argument de certaines parties selon lequel le fait de lever l'interdiction équivaudrait pratiquement à une abstention. Le Conseil fait remarquer que le cadre régissant l'abstention de la réglementation des services locaux est établi dans la décision de télécom 2006-15 et dans le Décret modifiant la décision Télécom CRTC 2006-15, décret C.P. 2007-532, et que les ESLT doivent respecter pleinement les critères exigés pour obtenir une abstention dans ces marchés.

13. Le Conseil conteste l'affirmation du PIAC selon laquelle les ESLT pourraient adopter des stratégies de tarification inappropriées dans le cas des services de téléphones payants. Le Conseil estime que la possibilité de procéder différemment pour établir les tarifs des services de téléphones payants pourrait promouvoir l'efficience économique (par exemple, certains tarifs pourraient être inférieurs dans le cas des téléphones payants moins récents et moins sophistiqués sur le plan technologique). De plus, le Conseil fait remarquer que la plupart des tarifs applicables aux services de téléphones payants des ESLT sont déjà aux niveaux maximums permis par le Conseil. Par conséquent, le Conseil estime que la subdivision des tarifs applicables aux services de téléphones payants serait grandement bénéfique pour les consommateurs puisqu'elle entraînerait principalement des réductions de tarifs.

14. Le Conseil fait remarquer que le cadre actuel de plafonnement des prix énoncé dans la décision de télécom 2007-27 prévoit des restrictions à la hausse des prix concernant les services locaux d'affaires monolignes et multilignes, les autres services plafonnés et les services de téléphones payants. En outre, les majorations tarifaires visant les services d'affaires et les autres services plafonnés sont limitées au taux de l'inflation de façon générale et à un maximum de 10 % par an dans le cas des tarifs individuels. Le Conseil juge que ces restrictions permettront aux abonnés de continuer de bénéficier de tarifs justes et raisonnables. Par exemple, les tarifs des services de téléphones payants peuvent être majorés, mais jusqu'à concurrence de 0,50 $ par appel, dans le cas des appels payés en espèces, et jusqu'à concurrence de 1,00 $, dans le cas des appels payés autrement.

15. Le Conseil fait également remarquer que le cadre actuel de plafonnement des prix prévoit des restrictions à la baisse. Plus particulièrement, toute proposition visant à réduire les frais des services doit normalement être accompagnée d'une justification prouvant que les tarifs proposés répondent toujours à un critère d'imputation. Le Conseil est convaincu que ces garanties dissuaderont les ESLT d'adopter des stratégies de tarification anticoncurrentielles en ce qui concerne les services qu'elles offrent.

16. À la lumière de ce qui précède, le Conseil considère que, même s'il levait l'interdiction de subdiviser davantage les tarifs, les services de téléphones payants et les services locaux d'affaires demeureraient justes et raisonnables en vertu du régime de plafonnement des prix établi dans la décision de télécom 2007-27.

17. Tel qu'indiqué dans la décision de télécom 2007-27, même si le Conseil lève l'interdiction, il se réserve le droit de décider, au cas par cas, si les stratégies de tarification particulières des ESLT entraînent une discrimination injuste ou confèrent une préférence ou un désavantage indu ou déraisonnable.

18. Par conséquent, le Conseil conclut qu'il convient de lever l'interdiction de subdiviser davantage les tarifs applicables aux services de téléphones payants, aux services locaux d'affaires monolignes et multilignes, aux autres services plafonnés et aux services non plafonnés qu'offrent les grandes ESLT.

19. L'opinion minoritaire du conseiller Langford est jointe à la présente.

Secrétaire général

Documents connexes

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Notes de bas de page

[1]  Dans la décision de télécom 2007-60, le Conseil a établi que les conclusions qu'il a tirées dans la décision de télécom 2007-27 s'appliquent également à Télébec, Société en commandite.

[2] Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en oeuvre de la politique canadienne de télécommunication, C.P. 2006-1534, 14 décembre 2006 (les instructions).

Opinion minoritaire du conseiller Stuart Langford

Désaccord concernant la subdivision accrue des tarifs

Je désapprouve la décision majoritaire dans cette affaire car, selon moi, elle va à l'encontre des instructions du gouvernement de décembre 2006 et des intérêts des consommateurs. Il est à peu près certain qu'elle découragera un accès au marché qui est propice à la concurrence et efficace économiquement, et qu'un trop grand nombre de consommateurs, en ce qui concerne les services d'affaires et les services de téléphones payants, continueront de vivre sous l'emprise de monopoles. Aucun des résultats n'est dans l'intérêt public.

Le contexte

Jusqu'à récemment, le Conseil était contraint de réglementer les services et les prix afin de protéger les consommateurs canadiens des abus de pouvoir des compagnies de téléphone puisqu'elles régnaient en tant que monopoles réels ou quasi-monopoles dans leurs territoires d'exploitation. Pour y arriver, il a notamment divisé les territoires de chaque compagnie de téléphone en sections appelées tranches tarifaires, chacune identifiée par une lettre (A, B, C, etc.) pour qu'il soit plus simple de s'y référer.

En général, ces tranches étaient établies en fonction de la population et de la densité du réseau téléphonique, la tranche « A » s'appliquant à la zone des affaires ou au centre-ville d'une ville typique, la tranche « B » aux banlieues, la tranche « C » aux régions plus éloignées et les lettres D, E, F et G désignant les régions encore plus éloignées des secteurs à forte densité démographique.

Avant que les nouveaux fournisseurs de services du marché, tels que les câblodistributeurs, ne commencent à se disputer la clientèle des compagnies de téléphone en place, le Conseil, à la demande des anciens monopoles, a approuvé, sous réserve d'exceptions claires et nettement définies, les prix des services par tranche. Ainsi, grosso modo, tous les clients d'une même tranche payaient le même prix pour les services de résidence et d'affaires. L'interdiction de subdiviser davantage les tarifs dans une tranche reposait sur le principe qu'il serait injuste que certains clients compensent pour ceux qui paient des tarifs inférieurs alors que les coûts de fourniture du service dans une tranche étaient sensiblement les mêmes.

Même après que la concurrence se soit amorcée et que les nouveaux venus aient commencé à conquérir des clients des monopoles, le Conseil avait maintenu l'interdiction de subdiviser les tarifs à l'intérieur d'une tranche. Il voulait ainsi empêcher les anciens monopoles de couper les ailes de la concurrence avant que celle-ci n'ait pris son envol, en faisant des offres irrésistibles aux abonnés qui planifiaient d'opter pour les services d'un concurrent.

Le paysage des télécommunications aujourd'hui

Suite à la publication par le gouvernement de ses instructions le 14 décembre 2006 (les instructions) et d'un décret le 5 avril (le décret), le paysage des télécommunications au Canada a amorcé une métamorphose spectaculaire qui se poursuit toujours, où les forces du marché remplacent la surveillance réglementaire dans un environnement de plus en plus concurrentiel. S'appuyant sur le critère simplifié instauré dans le décret afin de déterminer s'il existe une concurrence suffisante dans une circonscription téléphonique donnée pour justifier de s'en remettre aux forces du marché pour protéger les intérêts des consommateurs, les anciennes compagnies de téléphone monopolistiques pressées de s'affranchir du joug de la réglementation ont inondé les bureaux du Conseil de leurs demandes d'abstention. Il n'est pas exagéré de supposer que très bientôt un nombre aussi élevé que 70 % des consommateurs canadiens, sauf dans le cas d'abus flagrant de pouvoir de marché, se retrouveront tributaires des techniques de vente des nouveaux concurrents plutôt que de la surveillance réglementaire pour le maintien de prix justes et raisonnables.

Il importe de comprendre que la décision de la majorité sur cette question n'affecte pas les 70 % de consommateurs qui vivent ou travaillent dans les zones faisant l'objet d'une abstention ayant accès à d'autres services de télécommunication tels que définis dans le décret. Ce qui est en cause ici est le sort des autres 30 %, qui vivent et travaillent dans des zones ne faisant pas l'objet d'une abstention. L'enjeu réside dans le maintien ou la suppression d'une mesure de réglementation établie (soit l'interdiction de subdiviser davantage les tarifs à l'intérieur d'une tranche), qui a pour but de protéger les consommateurs qui font des affaires ou utilisent les téléphones payants dans les circonscriptions où la concurrence, telle que définie dans le décret, N'EST PAS suffisamment solide pour pouvoir le faire.

À mon avis, la majorité fait fausse route lorsqu'elle conclut (au paragraphe 13) qu'en l'absence de cette règle de protection, « la subdivision des tarifs applicables aux services de téléphones payants serait grandement bénéfique pour les consommateurs puisqu'elle entraînerait principalement des réductions de tarifs ». Il en va de même de l'affirmation au paragraphe 15 de la décision, selon laquelle le soi-disant « critère d'imputation » (preuve que les services ne sont pas vendus en deçà des coûts) dissuadera l'adoption de stratégies de tarification anticoncurrentielles.

Des voux pieux

En tenant compte toujours que nous traitons ici des régions du Canada où, par définition, des conditions de monopole ou de quasi-monopole existent, il faut se demander précisément comment la majorité en est arrivée à la conclusion que les consommateurs seront protégés et qu'ils bénéficieront de baisses de tarifs. Qu'est-ce qui provoquera une baisse des tarifs des téléphones payants? Vraisemblablement, l'arrivée sur le marché d'un fournisseur compétitif de téléphones payants. Soit, mais combien de temps les nouveaux tarifs demeureront-ils en vigueur? Selon moi, le temps qu'il faudra à la compagnie de téléphone monopolistique titulaire pour écraser le nouveau venu. La présente décision de la majorité lui donne justement le pouvoir d'agir ainsi.

Envisageons un scénario. L'exploitant d'un dépanneur dans un établissement commercial demande à une compagnie de téléphones payants concurrente de remplacer la cabine téléphonique installée dans son magasin, laquelle appartient à la compagnie de téléphone titulaire. Le tarif pour tous les appels faits à partir d'un téléphone payant, dans la zone à l'intérieur et autour de l'établissement commercial, est de 0,50 $ pour les appels payés en espèces et de 1,00 $ pour les appels payés autrement (soit le tarif maximal autorisé en vertu de la décision de télécom 2007-27). La nouvelle compagnie de téléphone remplace la cabine téléphonique et fixe des tarifs correspondants à ceux de la compagnie de téléphone titulaire. Armée du pouvoir que lui confère la décision majoritaire d'aujourd'hui, la titulaire réplique en réduisant les tarifs de ses téléphones payants à l'intérieur et autour du dépanneur. Le nouveau venu et la concurrence ne feront pas long feu. Attendons-nous également à une hausse tarifaire dès que le concurrent sera éliminé.

Dans ce scénario, la règle interdisant de subdiviser davantage les tarifs - à laquelle la majorité a renoncé aujourd'hui - aurait empêché la titulaire d'abaisser ses tarifs à moins de le faire pour la totalité de ses cabines téléphoniques dans la tranche. Or, compte tenu des pertes de revenus qu'elle aurait risqué de subir en tentant à tout prix de conserver cette cabine téléphonique, il est raisonnable de penser qu'elle hésiterait à agir de cette façon. Le nouveau venu ayant alors la possibilité de se disputer la clientèle avec la titulaire à des conditions raisonnables, il serait capable de s'implanter dans le marché et, nous l'espérons, de faire bénéficier les consommateurs de l'endroit des avantages de la concurrence.

Selon moi, un autre vou pieux est la croyance de la majorité selon laquelle l'interdiction de vendre les services à des prix inférieurs aux coûts dissuadera l'adoption de stratégies de tarification anticoncurrentielles. Comme il y a beaucoup de profits associés à la tarification des services facultatifs (le tarif est généralement fixé à quatre, cinq ou même sept dollars chacun, mais les coûts associés à ces services sont minimes parce que la mise en service s'effectue par ordinateur), les possibilités de tarification anticoncurrentielle à court terme sont presque illimitées.

Pour contrer la stratégie d'un nouveau concurrent, une titulaire peut offrir aux clients d'affaires qui songent à changer de fournisseur un prix pour un ensemble de services facultatifs locaux qu'aucun concurrent ne pourra égaler. En effet, avec la présente décision, la compagnie de téléphone titulaire quasi monopolistique n'a pas besoin de réduire les prix de la tranche entière. Elle peut offrir des rabais directement à un client qui, lui, en profitera le temps que la titulaire étouffe le concurrent. Les avantages pour les consommateurs auxquels la majorité fait référence sont des miroirs aux alouettes; en théorie, ils pourraient découler de la décision d'aujourd'hui, mais, en réalité, ils sont hautement improbables.

Un processus de longue haleine

Si jamais les avantages de la concurrence prouvée doivent profiter à l'ensemble de la clientèle canadienne des services d'affaires et de téléphones payants, le Conseil, comme l'indiquent les instructions, doit se concentrer sur la création d'un environnement propice à l'éclosion de la concurrence fondée sur les installations partout au pays. Et, comme on dit, il s'agit d'un processus de longue haleine. La décision de la majorité aura exactement l'effet contraire.

Les câblotélédiffuseurs, du moins dans un avenir prévisible, sont la source la plus vraisemblable d'activités concurrentielles, durables et fondées sur les installations, dans la plupart des régions du Canada. Ces compagnies, comme les anciens monopoles, possèdent l'élément clé pour offrir un service omniprésent - soit un réseau de câblage reliant la plupart des immeubles dans les territoires qu'elles desservent. Dans les régions ne faisant pas l'objet d'une abstention où les câblodistributeurs ne disposent pas d'un tel réseau, il faudra investir des capitaux énormes pour en créer un.

Si le Conseil doit promouvoir la concurrence relativement aux services d'affaires, ses décisions doivent inciter les câblodistributeurs à assumer les coûts énormes que représente l'établissement de nouveaux réseaux dans les circonscriptions qui n'ont pas fait l'objet d'une abstention. Selon moi, la décision d'aujourd'hui de la majorité les en dissuadera plutôt qu'elle ne les incitera à le faire. Elle laisse en effet entendre aux entreprises de câblodistribution qu'elles risquent de ne jamais pouvoir se bâtir la clientèle requise pour justifier les dépenses liées à l'élargissement de leurs activités à de nouveaux marchés. Elle donne pratiquement l'assurance aux compagnies de téléphone monopolistiques ou quasi monopolistiques que la clientèle des services d'affaires et des téléphones payants, dans les 30 % du marché canadien qui demeure réglementé, leur est acquise pour de nombreuses années à venir.

De telles conclusions vont à l'encontre des instructions du gouvernement de ne pas décourager un accès au marché qui est efficace et propice à la concurrence, et de l'obligation du Conseil figurant à l'alinéa 7f) de la Loi sur les télécommunications, à savoir de « favoriser le libre jeu du marché ». Dans l'intérêt public, j'aurais maintenu l'interdiction de subdiviser davantage les tarifs à l'intérieur d'une tranche jusqu'à ce que la concurrence fondée sur les installations, dans les marchés des services d'affaires et de téléphones payants concernés, soit suffisamment enracinée dans une circonscription donnée pour appuyer une demande d'abstention de la réglementation qui s'avérerait efficace.

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