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Avis public de radiodiffusion CRTC 2006-51
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Ottawa, le 19 avril 2006
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Demande d'abrogation de l'article 22 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion
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Dans Appel aux observations sur une demande d'abrogation de l'article 22 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion déposée par l'Association canadienne des télécommunications par câble, avis public de radiodiffusion CRTC 2005-74, 25 juillet 2005, le Conseil a invité les parties intéressées à se prononcer sur la pertinence d'abroger l'article 22 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion (le Règlement).
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Le Conseil, après avoir étudié et analysé le dossier de l'instance, a décidé qu'il n'était ni nécessaire ni justifié de conserver toutes les exigences de l'article 22; il modifiera donc l'article 22 du Règlement pour que toute EDR de classe 1, et toute EDR de classe 2 qui choisit de distribuer des services de programmation sonore, soient tenues de distribuer uniquement les stations locales communautaires, de campus et autochtones, ainsi qu'au moins une station de radio de la SRC exploitée en français et une autre en anglais.
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Historique
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1.
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Le Conseil a reçu de l'Association canadienne des télécommunications par câble (ACTC) une demande d'abrogation de l'article 22 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion (le Règlement). L'article 22 est le suivant :
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22. (1) Sauf condition contraire de sa licence, le titulaire de classe 1 et tout titulaire de classe 2 qui choisit de distribuer dans une zone de desserte autorisée un service de programmation sonore doivent y distribuer :
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a) les services de programmation de toutes les stations de radio locales;
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b) s'ils ne sont pas distribués conformément à l'alinéa a) :
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(i) les services de programmation d'au moins une station de radio qui diffuse en anglais et d'au moins une station qui diffuse en français, dont la Société est le propriétaire et l'exploitant,
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(ii) le service de programmation de radio éducative d'une autorité éducative nommée par la province où est située la zone de desserte autorisée de l'entreprise.
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(2) Malgré le paragraphe (1), le titulaire n'est pas tenu de distribuer le service de programmation d'une station de radio numérique locale autorisée à titre transitoire.
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2.
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Dans sa demande, l'ACTC affirme que très peu d'abonnés savent qu'ils peuvent capter les services des stations de radio par l'entremise des entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) de classe 1 et de classe 2, et qu'encore moins d'abonnés captent ces services. À l'appui de cette affirmation, l'ACTC présente les résultats d'un sondage téléphonique commandé par Communications Rogers Câble inc. (Rogers). Les résultats indiquent que 36 % des abonnés rejoints savaient qu'ils pouvaient recevoir les services radiophoniques distribués par Rogers, que 9 % avaient déjà fait l'expérience de ces services et que 4 % seulement des abonnés rejoints s'étaient récemment prévalus de ces services.
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3.
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L'ACTC insiste sur la rareté, dans plusieurs marchés, des canaux analogiques qui servent à distribuer ces services de radio sans brouillage, une situation qu'aggrave l'autorisation de nouveaux canaux AM et FM. D'après l'ACTC, la capacité qui sert à distribuer ces services en mode analogique servirait à meilleur escient à distribuer des services de programmation de télévision en mode numérique. L'ACTC estime que cette capacité analogique pourrait servir à distribuer jusqu'à 30 services de télévision numérique supplémentaires de définition standard, ou six services à haute définition.
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4.
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L'ACTC ajoute que, même si l'article est abrogé, cela n'empêchera pas une EDR de classe 1 ou de classe 2 de continuer à offrir un certain nombre de stations de radio locales si cela doit lui servir d'atout concurrentiel ou répondre à la demande des abonnés pour des stations en particulier. Par ailleurs, l'ACTC rappelle que les EDR par satellite de radiodiffusion directe (SRD), qui font concurrence aux EDR de classe 1 et de classe 2, ne sont pas tenues de distribuer les services de quelque station de radio que ce soit.
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5.
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Le Conseil a lancé un Appel aux observations sur une demande d'abrogation de l'article 22 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion déposée par l'Association canadienne des télécommunications par câble, avis public de radiodiffusion CRTC 2005-74, 25 juillet 2005. En réponse à la demande subséquente de l'ACTC qui tenait à répliquer aux commentaires, le Conseil a publié l'avis public CRTC 2005-74-1, 3 octobre 2005, pour permettre à tous les intéressés de répliquer aux commentaires. Répondant à ces deux avis, 26 parties au total ont soumis des commentaires ou leur réplique aux commentaires.
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Positions des parties
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6.
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L'Alliance des radios communautaires (ARC) s'oppose à la proposition de l'ACTC car elle est d'avis que beaucoup de gens écoutent des émissions de radio par l'intermédiaire des EDR par câble. D'après l'ARC, la distribution par câble est un outil important pour mettre sur pied des stations de radio communautaires et de campus, surtout si l'on pense que beaucoup de petites stations de radio ont commencé par être exploitées uniquement sur le câble et qu'une fois autorisées et mises en ondes, elles continuent à dépendre de la distribution par câble pour desservir certaines zones de desserte où la réception pose des problèmes.
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7.
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L'Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec (ARCQ) s'oppose elle aussi à la proposition de l'ACTC. Selon l'ARCQ, la distribution par les EDR par câble, en plus d'être essentielle aux stations de radio communautaires, est un complément précieux à la radiodiffusion sur AM et sur FM. Sans câblodistribution, un grand nombre d'auditeurs qui vivent dans la zone de desserte d'une station de radio communautaire seraient privés des services de cette station pour différentes raisons, soit qu'elle utilise un émetteur de faible puissance, ou du relief de l'endroit où habite l'auditeur, ou encore que des immeubles ou une structure en hauteur font obstruction au signal. L'ARCQ croit qu'à l'heure actuelle les stations de radio communautaire qui reçoivent une nouvelle licence FM sont forcées d'utiliser des fréquences qui, à son avis, répondent mal aux besoins des communautés auxquelles elles s'adressent. L'ARCQ rappelle aussi que la câblodistribution permet à des communautés culturelles ou linguistiques, même si elles ne vivent pas au cour de la zone desservie par une station de radio communautaire donnée, de recevoir des émissions radiophoniques produites dans leur langue.
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8.
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L'Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR), toute en concédant que la capacité d'une EDR n'est pas illimitée, s'oppose à la proposition de l'ACTC car elle estime que celle-ci n'a pas présenté d'argument suffisamment convaincant pour justifier l'abrogation de l'article 22. Selon l'ACR, cet article donne suite au principe énoncé à l'article 3(l)t)(i) de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi), à savoir que les EDR devraient « donner priorité à la fourniture des services de programmation canadienne, et ce en particulier par les stations locales canadiennes », principe qui devrait continuer à servir de pierre angulaire au système canadien de radiodiffusion. L'ACR estime que la câblodistribution est importante pour les stations de radio locales, en particulier les stations AM, car la qualité du signal transmis par une EDR par câble est souvent bien supérieure au signal en direct. Elle ajoute que le pourcentage d'auditeurs qui syntonisent un service de programmation canadien n'est pas un argument légitime pour supprimer l'obligation de distribuer ce service. Un autre motif de s'opposer à l'abrogation de l'article 22, toujours selon l'ACR, c'est que les obligations qu'il renferme servent à toute fin pratique de protection contre la préférence indue, l'EDR étant tenue de distribuer autant les services affiliés que non affiliés.
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9.
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Comme solution de rechange à l'abrogation de l'article 22, l'ACR propose de le modifier de manière à exiger que le signal de toutes les stations de radio locale soit distribué en mode numérique. L'ACR soutient qu'en procédant ainsi, non seulement on libérerait de la capacité analogique et on éliminerait les problèmes de brouillage, mais on donnerait aussi la chance à ces stations de rejoindre plus facilement les abonnés et de bénéficier de la promotion du guide horaire interactif de l'EDR. Dans ce but, l'ACR croit qu'il suffit de modifier la définition de « service de base » dans l'article 1 du Règlement, pour y supprimer la référence à l'article 22.
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10.
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La Société Radio-Canada (SRC) s'oppose aussi à la proposition de l'ACTC car elle affirme que l'article 22 aide la SRC à remplir son mandat en tant que radiodiffuseur public. Selon la SRC, l'ACTC n'a pas réussi à justifier la [traduction] « suppression inconditionnelle de toute réglementation dans ce domaine », ni à démontrer que pour certaines EDR, la distribution des signaux de radio entraîne des contraintes de capacité ou des problèmes d'interférence. En outre, la SRC met en doute les résultats de l'étude déposée par l'ACTC, car le sondage effectué par Sondages BBM (BBM) au printemps 2005 indique au contraire qu'un quart des Canadiens captent leurs stations de radio AM et FM par l'entremise de la télévision par câble.
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11.
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CKUA Radio Network (CKUA) appuie la proposition de l'ACTC pourvu que les EDR soient astreintes par condition de licence à distribuer les stations communautaires et de campus en mode numérique, et que toutes les EDR soient obligées de verser un pourcentage de leurs revenus bruts annuels à un nouveau fonds pour la radio communautaire. CKUA fait remarquer qu'il y a de grandes différences entre le secteur de la radio commerciale à but lucratif et le secteur des radios communautaire et de campus à but non lucratif. Si les stations commerciales ont les moyens financiers de construire et d'entretenir d'importantes installations de transmission en direct, ce n'est pas le cas des stations communautaires et de campus, qui ne sont pas non plus subventionnées par l'État comme les stations de la SRC. CKUA explique que le fonds pour la radio communautaire qu'il préconise aurait un effet positif appréciable sur le fragile secteur des radios communautaire et de campus en redressant les inégalités entre ces stations et leurs contreparties commerciales et de la SRC.
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12.
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Mark MacLeod de Re: Radio Consulting s'oppose à la proposition de l'ACTC. M. MacLeod affirme qu'à titre de consultant indépendant spécialisé en radio non commerciale, il a rencontré [traduction] « beaucoup de groupes communautaires et universitaires qui disent avoir demandé une licence de radiodiffusion parce qu'ils étaient intéressés à une distribution sur la bande FM du câble ». M. MacLeod insiste sur l'importance de la câblodistribution pour les nouvelles stations communautaires dans les marchés de taille moyenne et petite où la bande FM est de plus en plus encombrée. Il fait valoir que la distribution du signal des stations de campus par les EDR par câble permet aux étudiants et aux professeurs de le capter même hors campus, et donne la possibilité de récolter des revenus de sorte que la station ne dépende pas uniquement des paiements des étudiants. Il fait remarquer que la câblodistribution profite aux deux types de stations partout où les accidents géographiques nuisent à la réception.
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13.
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Dans ses commentaires, National Broadcast Reading Service (NBRS)demande au Conseil de confirmer que son service, distribué par suite d'une ordonnance en vertu de l'article 9(1)h) de la Loi, continuera à être distribué dans un environnement numérique et ne risque pas de souffrir de l'abrogation de l'article 22. NBRS recommande en même temps un certain nombre de modifications au Règlement ayant pour but de garantir que les services obligatoires de programmation sonore seront traités de la même façon que les services obligatoires de programmation télévisée, qu'ils seront distribués en mode numérique et qu'ils figureront dans les guides horaires interactifs des EDR.
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14.
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L'Association nationale des radios étudiantes et communautaires (ANREC) s'oppose à l'abrogation de l'article 22 du Règlement parce qu'elle aurait une incidence néfaste sur les stations de radio de campus, communautaires, autochtones, de langue française, en développement et vouées à l'enseignement. L'ANREC craint que, si l'on supprime les obligations de l'article 22, certains services de radio soient forcés de fermer, surtout ceux qui sont diffusés uniquement par les EDR par câble. Selon elle, la distribution par les EDR est un outil important, en particulier pour les stations communautaires et de campus dont les moyens financiers sont réduits, qui oeuvrent dans des marchés où les fréquences disponibles sont rares ou qui ont une portée limitée à cause des accidents géographiques. Rappelant que les stations de certains de ses membres peuvent rejoindre plus d'auditeurs potentiels par le câble qu'en direct, elle est d'avis que même si le pourcentage d'abonnés qui écoutent la radio sur le câble reste faible, ces abonnés écoutent la plupart du temps une station communautaire ou une station de campus. L'ANREC a déposé avec son mémoire une liste de 14 services qui sont distribués uniquement par des EDR par câble et de 53 stations qui sont distribuées à la fois sur une fréquence FM et par câble.
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15.
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Seize particuliers sont intervenus dans cette instance. Treize d'entre eux s'opposent à la proposition de l'ACTC parce qu'ils craignent, si elle est approuvée, de ne plus pouvoir capter le service de Seaside FM (CFEP-FM, une station de radio communautaire de type B diffusant à partir d'Eastern Passage, en Nouvelle-Écosse) qu'ils syntonisent par l'intermédiaire du câble. Ces personnes font remarquer que CFEP-FM est une station de faible puissance dont elles n'arrivent pas à capter le signal en direct.
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16.
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Un autre particulier, Mike Shacklock, s'oppose à la proposition de l'ACTC parce qu'il craint que cela ne réduise l'accès aux stations de radio communautaire de faible puissance, surtout dans les immeubles en hauteur où la réception en direct est entravée par la structure de béton et d'acier. M. Shacklock cite à titre d'exemple concret, le problème de réception en direct de CJCH à Bedford (Nouvelle-Écosse). Neil Wood s'oppose à la proposition de l'ACTC en invoquant qu'elle aurait pour résultat [traduction] « de priver la communauté de son droit d'accès à toutes les voies d'information, cruciales en situation d'urgence ». Denis Labreche, pour sa part, se déclare en faveur de l'abrogation de l'article 22 du Règlement, pourvu que le service des stations locales soit distribué en mode numérique par les EDR par câble.
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17.
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Quebecor Média inc. (QMI) est entièrement favorable à la proposition de l'ACTC. En se guidant sur sa propre expérience, QMI partage l'avis de l'ACTC que très peu d'abonnés savent qu'on peut capter des stations de radio sur le câble et qu'encore moins d'abonnés se prévalent de ce service. Elle convient avec l'ACTC que l'abrogation de l'article 22 permettrait aux EDR de libérer des fréquences analogiques dont elles ont grand besoin pour distribuer des services de télévision. QMI soutient aussi qu'il y a une certaine injustice dans le fait que les EDR par câble sont obligées de se conformer à l'article 22 du Règlement alors que les systèmes de distribution multipoint (SDM) et les EDR par SRD ne le sont pas.
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18.
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TELUS Communications Inc. (TELUS) est elle aussi favorable à la proposition de l'ACTC. TELUS fait remarquer que les exigences de l'article 22 remontent à une trentaine d'années1. Elle souligne que la radio est devenue entre-temps une industrie robuste et mature, que les stations de radio ne dépendent pas de leur distribution par les EDR de classe 1 ou de classe 2, et que les obligations mentionnées à l'article 22 ne sont d'aucune utilité. TELUS insiste sur le fait que l'article 22 ne contribue pas à augmenter la pénétration des stations de radio puisque leurs services sont accessibles plus facilement et à meilleur marché par la voie des ondes. Elle conclut que le maigre profit que l'article 22 du Règlement rapporte aux stations de radio devrait être évalué à la lumière des coûts substantiels que doivent absorber les EDR pour rendre ces services accessibles.
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19.
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L'ACTC, dans sa réplique, fait valoir que sa proposition va dans le sens de l'article 3(1)t)(ii) de la Loi, qui déclare que les EDR « devraient assurer efficacement, à l'aide des techniques les plus efficientes, la fourniture de la programmation à des tarifs abordables ». Sa proposition est aussi, croit-elle, conforme à l'objectif énoncé à l'article 5(2)c) de la Loi, selon lequel la réglementation et la surveillance du système canadien de radiodiffusion devraient être souples pour « aisément s'adapter aux progrès scientifiques et techniques ». Selon l'ACTC, les obligations de l'article 22 constituent une utilisation inefficace de la technologie et un frein à la capacité en canaux des EDR par câble de classe 1 et de classe 2 dont sont exemptes les autres EDR.
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20.
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L'ACTC rappelle que la plupart des stations de radio distribuées en vertu de l'article 22 sont des stations privées commerciales, lesquelles, à son avis, ne souffriraient aucunement de l'abrogation de cet article du Règlement. En ce qui concerne les stations de radio communautaires et de campus, elle fait remarquer que leurs signaux sont censés atteindre les communautés et les campus qu'elles sont autorisées à desservir, et que la distribution par câble ne devrait pas leur servir à atteindre d'autres auditoires ou une plus vaste diffusion géographique. Elle rappelle à cet égard que toute station de radio est assujettie à une condition générale de licence qui confine son exploitation au périmètre de rayonnement approuvé dans sa demande. L'ACTC fait également remarquer que la plupart des stations citées par l'ANREC comme pouvant être touchées par la proposition de l'ACTC sont en réalité des entreprises de programmation en circuit fermé que les EDR de classe 1 ou de classe 2 ne sont pas obligées de distribuer en vertu de l'article 22 du Règlement.
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21.
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L'ACTC n'est pas d'accord avec l'ACR lorsqu'elle déclare que l'article 22 protège contre la préférence indue. Elle estime que l'interdiction d'exercer une préférence indue prévue par l'article 9 du Règlement est une protection suffisante et que rien n'autorise à croire que l'abrogation de l'article 22 ouvrirait la porte aux préférences indues.
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22.
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L'ACTC, tout comme TELUS, s'oppose à la modification de l'article 22 de manière à exiger que les stations de radio locales bénéficient d'une distribution en mode numérique. L'ACTC rappelle que l'article 22 permet déjà aux EDR de classe 1 de distribuer les signaux de radio locaux dans un mode ou dans l'autre. L'ACTC est d'avis, contrairement à l'ACR, que cette modification ne peut pas être réalisée tout simplement en supprimant la référence à l'article 22 dans la définition du « service de base », à l'article 1 du Règlement. À son avis, on ne peut pas imposer une nouvelle obligation en modifiant tout simplement la définition des termes impliqués.
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Analyse et décision du Conseil
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23.
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Le Conseil constate que les arguments soulevés lors de cette instance invoquent des objectifs potentiellement conflictuels de la Loi. Par exemple, l'ACR et M. MacLeod soutiennent que les obligations prévues à l'article 22 du Règlement sont conformes à l'article 3(1)t)(i) de la Loi qui dit que les entreprises de distribution « devraient donner priorité à la fourniture des services de programmation canadienne, et ce en particulier par les stations locales canadiennes ». Le point de vue de l'ACTC toutefois, c'est que sa proposition d'abroger l'article 22 est conforme à l'article 3(1)t)(ii) de la Loi, qui dit que les entreprises de distribution « devraient assurer efficacement, à l'aide des techniques les plus efficientes, la fourniture de la programmation à des tarifs abordables ». L'ACTC croit aussi sa proposition conforme à l'objectif de réglementation énoncé à l'article 5(2)c) de la Loi, qui dit que « la réglementation et la surveillance du système devraient être souples et [.] pouvoir aisément s'adapter aux progrès scientifiques et techniques ».
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24.
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Le Conseil est d'avis que la distribution des signaux de toutes les stations de radio locales par les EDR de classe 1 ou de classe 2 ne constitue pas en général l'utilisation la plus efficace et la plus efficiente de la technologie de distribution. Le principal mode de réception des stations de radio est la réception en direct, dont le câble n'est qu'un mode supplémentaire. Par conséquent, si l'on s'en tient à l'objectif de l'article 3(1)t)(ii) de la Loi, il paraît tout à fait raisonnable de modifier ou d'abroger l'article 22 du Règlement.
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25.
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Néanmoins, comme on l'a vu plus haut, certains intervenants allèguent que les auditeurs font grande utilisation de certains signaux de radio qui leur sont transmis par les EDR. Ces intervenants remettent en question les conclusions de l'étude présentée par l'ACTC. Après avoir examiné les données de BBM, le Conseil estime que celles-ci ne fournissent pas suffisamment d'information pour déterminer dans quelle mesure les Canadiens passent par les EDR pour accéder à des stations de radio. En outre, tandis que le sondage présenté par l'ACTC indique clairement qu'une infime proportion d'abonnés de Rogers accèdent aux stations de radio par les EDR de classe 1 ou de classe 2, aucun des intervenants à la présente instance n'a fourni de données quantitatives pour démontrer dans quelle mesure les abonnés des régions autres que celles que dessert Rogers se servent des signaux de radio distribués par leur EDR par câble. Cet élément de preuve n'est donc pas suffisant pour justifier l'abrogation de l'article 22 dans sa totalité. La question sera reprise plus loin.
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26.
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En ce qui concerne la suggestion qu'ont faite certaines parties de modifier l'article 22 pour exiger la distribution numérique des stations de radio locales, l'ACTC a signalé avec justesse que l'article 22 permet déjà aux EDR de distribuer ces stations dans l'un ou l'autre mode. Toutefois, les EDR de classe 1 et de classe 2 ont généralement l'habitude de distribuer les signaux des stations de radio locales comme elles les reçoivent, en mode numérique pour les signaux numériques, en mode analogique pour les signaux analogiques. Comme l'indique TELUS, la plupart des stations de radio étant diffusées actuellement en mode analogique, convertir leur signal en mode numérique occasionnerait aux EDR des déboursés additionnels, à commencer par l'achat de l'équipement nécessaire comme les démodulateurs FM et les codeurs numériques pour chacun des signaux à convertir. Assurer la distribution numérique aurait aussi pour résultat que l'abonné qui écoute normalement une de ces stations ne pourrait plus la syntoniser comme il a l'habitude de le faire, autrement dit sur son poste de radio actuel. Le Conseil constate qu'imposer la distribution numérique à tous les signaux de radio locaux impliquerait des frais additionnels pour les EDR de classe 1 et de classe 2, sans pour autant générer de profits additionnels. Par conséquent, le Conseil rejette cette solution.
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27.
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Le Conseil rejette également l'argument de l'ACR selon lequel l'article 22 sert de mesure préventive contre la préférence indue en sus des mesures prévues par l'article 9 du Règlement. Selon le Conseil, la présente instance n'a pas démontré de manière probante que les EDR distribueraient davantage de stations affiliées ou laisseraient tomber la distribution des stations non affiliées seulement si le Conseil décidait d'abroger l'article 22. En outre, le peu d'éléments de preuve concernant le nombre d'abonnés qui écoutent la radio par l'entremise d'une EDR laisse à penser que la préférence ou le désavantage occasionnés par l'abrogation auraient une incidence sans doute trop limitée pour être qualifiée d'indue.
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28.
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Compte tenu de toutes ces considérations, le Conseil estime que, dans sa forme actuelle, l'article 22 du Règlement n'est plus justifié. Le Conseil note toutefois que les « stations de radio locales » distribuées en vertu de l'article 22 peuvent être différentes : commerciale, de la SRC, éducative, communautaire, de campus ou autochtone. Ces divers types de stations sont exploités dans des conditions financières et techniques différentes et des cadres réglementaires spécifiques. C'est pourquoi le Conseil croit qu'il convient d'étudier séparément l'incidence que pourrait avoir la proposition de l'ACTC d'abroger l'article 22 sur chaque type de station de radio envisagé.
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Incidence possible sur les stations de radio commerciales
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29.
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Aucune preuve n'a été fournie dans le cadre de cette instance pour démontrer que les stations commerciales dépendent, dans quelque mesure que ce soit, de la câblodistribution pour atteindre leurs auditeurs. Règle générale, ce type de station est doté d'une puissance de transmission importante et d'une fréquence protégée qui lui assurent la meilleure réception possible en direct et lui permettent de desservir un large auditoire sans l'aide d'une EDR.
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30.
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La majorité des stations de radio distribuées par les EDR autorisées de classe 1 ou de classe 2 en vertu de l'article 22 du Règlement sont des stations commerciales. Le Conseil ne voit pas pourquoi les titulaires d'EDR continueraient à être tenues de consacrer leurs ressources limitées en fréquences à la distribution de signaux de stations commerciales facilement captées en direct. Par conséquent, le Conseil n'obligera plus désormais les titulaires d'EDR de classe 1 et de classe 2 à distribuer le signal des stations de radio commerciales locales. Le Conseil fait remarquer que la seule suppression de cette exigence contribuera à libérer la plus grande partie de la largeur de bande qu'utilisent présentement les EDR de classe 1 et de classe 2 pour distribuer les stations de radio, ce qui permettra à ces EDR de consacrer cette largeur de bande aux autres fins énumérées par l'ACTC.
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Incidence possible sur les stations de la SRC
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31.
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À l'instar des stations commerciales, les stations de la SRC bénéficient de fortes puissances de transmission et de fréquences protégées, ce qui permet une réception en direct de haute qualité aux auditeurs qui se situent dans leur zone de desserte autorisée. Il est donc peu probable que les stations de la SRC dépendent des EDR de classe 1 ou de classe 2 pour leur distribution. Toutefois, compte tenu de l'importance des objectifs auxquels doit répondre la programmation de la SRC, tel qu'énoncé aux articles 3(1)l), m) et n) de la Loi, et compte tenu en particulier de la rareté des émissions de langue française à l'extérieur du Québec et du mandat de la SRC qui est de fournir ce genre de programmation, le Conseil estime qu'il faut continuer à obliger les EDR de classe 1 et de classe 2 à distribuer les stations de la SRC. Néanmoins, le Conseil constate que dans beaucoup de marchés desservis par des EDR, la SRC exploite plusieurs stations. Pour cette raison, le Conseil décide de ne plus exiger de la part des EDR de classe 1 et de classe 2 qu'elles doublent la réception en direct de toutes les stations de radio locales de la SRC. D'après le Conseil, l'obligation qu'ont les EDR de classe 1 et de classe 2 en vertu de l'article 22(1)b)i) du Règlement de distribuer au moins une station de langue anglaise et une station de langue française de la SRC suffit amplement à garantir l'accès à la programmation radiophonique de la SRC. Cette modification va permettre aux EDR de libérer un peu plus de largeur de bande pour la consacrer à d'autres fins.
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Incidence possible sur les stations de radio éducatives
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32.
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Le paragraphe 1 du présent avis mentionne que les EDR de classe 1 et de classe 2 sont tenues de distribuer « le service de programmation de radio éducative d'une autorité éducative nommée par la province où est située la zone de desserte autorisée de l'entreprise ». Or, il se trouve qu'aucune station de radio ne répond à cette définition. Par conséquent, le Conseil croit bon de supprimer la mention de ce type de station de radio parmi les obligations de distribution énoncées à l'article 22 du Règlement.
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Incidence possible sur les stations de radio communautaires et de campus
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33.
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Conformément à la politique du Conseil2, les titulaires des stations de radio communautaires et de campus sont des organismes à but non lucratif. L'objectif principal du Conseil dans le cas de ces stations est de fournir des services de programmation qui diffèrent, en style et en contenu, de ceux que fournissent les stations commerciales et de la SRC, et d'injecter ainsi de la diversité dans le système de radiodiffusion en termes de pièces musicales et de créations orales. Dans le cas des stations communautaires, la politique du Conseil insiste sur le fait que leur programmation doit « intéresser les collectivités desservies, y compris celles de la langue de la minorité officielle ». Sauf de rares exceptions, la plupart des stations communautaires et de campus sont exploitées avec de faibles puissances et des fréquences non protégées, ou à des fréquences qui sont vulnérables au brouillage.
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34.
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Le Conseil reconnaît le rôle spécifique que remplissent les stations de radio communautaires en répondant aux intérêts des localités qu'elles desservent et en contribuant à la diversité du système canadien de radiodiffusion. Sur les 90 stations de radio communautaires présentement autorisées, 51 sont des stations de langue française. Ces stations jouent un rôle important et distinctif en fournissant des émissions de langue française, tant au Québec qu'à l'extérieur. Ce rôle est particulièrement vital dans les endroits où le français est la langue officielle de la minorité, comme c'est le cas d'environ la moitié des stations communautaires de langue française.
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35.
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L'ACTC rappelle avec justesse que les stations communautaires et de campus sont autorisées à desservir les collectivités qui se situent à l'intérieur du périmètre de rayonnement officiel de leur signal. Le Conseil rappelle pour sa part que le but original de l'obligation énoncée dans l'article 22 était de tirer parti des réseaux de câblodistribution pour distribuer des signaux de radio locaux et améliorer leur réception au profit des auditeurs de la communauté locale. Le but n'a jamais été d'élargir la zone de desserte de ces stations de radio ou d'augmenter leur auditoire au-delà de leur périmètre autorisé. Toutefois, l'argument des parties s'opposant à la proposition de l'ACTC ne vise pas la distribution des stations communautaires et de campus à l'extérieur de leur zone autorisée, mais consiste à dire que ces stations ont des difficultés, notamment des contraintes techniques occasionnées par leurs fréquences non protégées de faible puissance, à rejoindre les auditeurs au sein des collectivités qu'elles sont autorisées à desservir.
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36.
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Il y a peu d'information disponible sur le nombre d'auditeurs qui écoutent la radio communautaire et de campus par le truchement d'une EDR, de sorte qu'il est difficile d'évaluer à quel point ces stations dépendent de ce type de distribution. Le Conseil n'en redoute pas moins que ces stations puissent être sérieusement limitées dans leur capacité à rejoindre les collectivités qu'elles sont autorisées à desservir, et qu'elles soient plus dépendantes d'une distribution par les EDR que d'autres, comme les stations commerciales et celles de la SRC. Cette inquiétude est d'autant plus grande pour les stations communautaires exploitées dans la langue officielle de la minorité, car leurs auditeurs ont généralement accès à moins de services dans leur langue officielle que les auditeurs qui utilisent la langue officielle de la majorité. Vu ces considérations, le Conseil n'est pas disposé pour le moment à abroger les obligations réglementaires visant la distribution des signaux de stations locales communautaires et de campus par les EDR de classe 1 et de classe 2.
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Incidence possible sur les stations autochtones
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37.
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Seule l'ANREC fait mention de l'incidence que la proposition de l'ACTC pourrait avoir sur les stations autochtones. Les articles 3(1)d)(iii) et 3(1)o) de la Loi prévoient que la programmation du système canadien de radiodiffusion devrait répondre aux besoins et aux intérêts, et refléter la condition et les aspirations des peuples et des cultures autochtones. Selon le Conseil, les stations autochtones peuvent éprouver les mêmes difficultés que celles qui touchent les stations de radio communautaires et de campus. Par ailleurs, le Conseil remarque que la plupart des stations autochtones sont dans des régions non desservies par des EDR de classe 1 ou de classe 2, ce qui fait qu'en continuant d'obliger les EDR à distribuer ce genre de stations, on touche relativement peu d'EDR de classe 1 et de classe 2 et on ne leur impose pas un fardeau excessif. Vu ces considérations, le Conseil conclut qu'il convient de conserver l'obligation pour les EDR de classe 1 et de classe 2 de distribuer le signal des stations autochtones locales.
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Autres questions
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38.
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Certaines questions soulevées par NBRS et CKUA n'ont pas directement trait aux questions de fond abordées dans la présente instance. NBRS demande au Conseil de confirmer que son service, distribué par suite d'une ordonnance en vertu de l'article 9(1)h) de la Loi3, continuera à être distribué dans un environnement numérique et ne risque pas de souffrir de l'abrogation de l'article 22. NBRS recommande en même temps un certain nombre de modifications au Règlement ayant pour but d'assurer que les services obligatoires de programmation sonore seront traités de la même façon que les services obligatoires de programmation télévisée, qu'ils seront distribués en mode numérique et qu'ils figureront dans les guides horaires interactifs des EDR.
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39.
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CKUA, qui propose que toutes les EDR soient tenues de verser un pourcentage de leurs revenus annuels bruts à un nouveau fonds pour la radio communautaire, croit qu'un fonds de cette nature aurait un effet positif important sur le fragile secteur des radios communautaire et de campus en redressant les inégalités entre ces stations et leurs contreparties commerciales et de la SRC.
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40.
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Le Conseil fait remarquer que les modifications apportées à l'article 22 à la suite du présent avis n'affecteront pas la distribution du service de NBRS. Le Conseil estime toutefois que les modifications proposées par NBRS pour l'avenir ne sont pas pertinentes à la présente instance, et qu'il en va de même pour la demande de CKUA visant des contributions obligatoires à un nouveau fonds pour la radio communautaire.
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Modifications proposées au Règlement
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41.
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Afin de rendre exécutoires les décisions énoncées dans le présent avis, le Conseil propose de modifier l'article 22 du Règlement sur la distribution de la radiodiffusion et de remplacer les obligations actuelles par l'obligation plus spécifique imposée aux EDR de classe 1 et de classe 2 de distribuer les stations locales communautaires, de campus et autochtones, ainsi qu'une station de la SRC de langue anglaise et une station de la SRC de langue française. Avec l'application de ces modifications, les EDR de classe 1 et de classe 2 pourront consacrer à la distribution d'autres services, tels que ceux mentionnés dans la proposition de l'ACTC, la plus grande part de leur largeur de bande présentement occupée par la distribution des stations de radio en vertu de l'article 22 du Règlement. Le Conseil sollicitera dans un avis public ultérieur des commentaires sur les modifications qu'il propose d'apporter au Règlement.
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Secrétaire général
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Ce document est disponible, sur demande, en média substitut, et peut également être consulté en version PDF ou en HTML sur le site internet suivant : www.crtc.gc.ca
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Notes de bas de page :
[] Comme le rappellent l'ACTC et TELUS, les exigences relatives à la distribution de signaux de radio ont été imposées en 1975 aux systèmes de télévision par câble, puisqu'il n'existait à l'époque aucun autre type d'entreprises de distribution de radiodiffusion. Les exigences étaient vues comme des mesures spéciales pour favoriser l'éclosion de la radio FM naissante. Dans Télédistribution de services sonores, avis public CRTC 1984-124, 28 mai 1984, les exigences ont été élargies afin d'inclure les station AM, le Conseil se disant alors convaincu que les câblodistributeurs disposaient « des canaux voulus pour ajouter une multitude de nouveaux services sonores ».
[] Voir Politique relative à la radio de campus, avis public CRTC 2000-12, et Politique relative à la radio communautaire, avis public CRTC 2000-13, en date tous deux du 28 janvier 2000.
[] L'ordonnance de distribution du service de NBRS est annexée à National Broadcast Reading Service Inc. (VoicePrint), décision CRTC 2000-380, 11 septembre 2000.
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Mise à jour : 2006-04-19