ARCHIVÉ - Ordonnance de télécom CRTC 2006-103

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Ordonnance de télécom CRTC 2006-103

  Ottawa, le 3 mai 2006

Bell Canada

Référence : Avis de modification tarifaire 6913
 

Téléphonie numérique de Bell

1.

Le Conseil a reçu une demande présentée par Bell Canada le 17 novembre 2005 en vue de supprimer les frais de raccordement de service dans le cas des actuels abonnés du service Téléphonie numérique de Bell (TNB) qui décident de revenir au service local de base (SLB) de résidence.

2.

En fait, Bell Canada a proposé de lever un obstacle à l'endroit des clients qui passent au service TNB. La compagnie a signalé que certains clients hésitaient à passer au service TNB de peur de devoir payer des frais de service s'ils décidaient de revenir au SLB. Elle a fait valoir que si les frais de service n'étaient pas exigés, comme elle le propose, les clients seraient plus enclins à passer au service TNB.

3.

De plus, Bell Canada s'est dite convaincue que peu de clients laisseraient tomber le service TNB pour revenir au SLB. Comme elle prévoyait que peu de clients se prévaudraient de l'exemption des frais de service, Bell Canada a fait valoir que la modification tarifaire proposée n'avait aucune incidence économique significative, si bien qu'elle n'a pas fourni de test d'imputation.

4.

Le 1er décembre 2005, Quebecor Média inc. (QMI) a déposé des observations. Le 16 décembre 2005, Bell Canada a présenté des répliques.

5.

QMI a soutenu que si, selon Bell Canada, le service TNB et le SLB sont des services distincts, alors supprimer les frais de service dans le cas des clients qui passent du service TNB au SLB équivaut à offrir une promotion à l'égard de l'abonnement au SLB. Selon QMI, il faut considérer l'avis de modification tarifaire 6913 (l'AMT 6913) comme une promotion du service local et, par conséquent, y appliquer le cadre que le Conseil a établi dans la décision Promotions des services filaires locaux, Décision de télécom CRTC 2005-25, 27 avril 2005 (la décision 2005-25), lequel prescrit que les promotions relatives aux services filaires locaux doivent satisfaire aux critères suivants :
  a) être offertes et réparties également dans une ou plusieurs tranches tarifaires complètes;
  b) ne pas être limitées aux clients des concurrents;
  c) satisfaire à un test d'imputation pour le service, y compris les impacts de la promotion;
  d) la durée totale des périodes d'abonnement et de rabais ne doit pas dépasser six mois consécutifs; ne pas avoir d'obligation qui engage les clients au-delà de la période de promotion; après l'expiration de la promotion précédente, une période d'attente minimum de six mois doit s'écouler avant qu'une nouvelle promotion du même service filaire local puisse être offerte.

6.

QMI a fait valoir que l'AMT 6913 ne répond ni au premier, ni au troisième ni au quatrième critères. En effet, la compagnie a avancé que le service TNB n'est pas offert dans les tranches tarifaires au complet, que Bell Canada n'a présenté aucun test d'imputation et que ni période d'abonnement ni période de rabais n'était prévue.

7.

QMI a demandé au Conseil de rejeter l'AMT 6913 et d'ordonner à Bell Canada de soumettre à nouveau sa proposition, mais conformément à la décision 2005-25.

8.

En réaction à la position de QMI, qui prétend que l'AMT 6913 constitue une promotion, Bell Canada a fait valoir que la suppression des frais de service qu'elle propose n'est pas une promotion, donc qu'elle n'est pas assujettie aux règles relatives aux promotions, telles qu'elles sont définies dans la décision 2005-25. Bell Canada a affirmé que les restrictions que le Conseil impose aux entreprises de services locaux titulaires (ESLT) à l'égard des promotions visent, depuis toujours, les promotions d'une durée limitée. À titre d'exemple, la compagnie a souligné qu'à l'époque où les compagnies n'étaient pas obligées d'inclure un test d'imputation lorsqu'elles déposaient des tarifs relatifs à des promotions, le Conseil avait fait remarquer ce qui suit, dans la décision Dépôts tarifaires relatifs à des promotions, Décision Télécom CRTC 96-7, 18 septembre 1996 (la décision 96-7) :
 

Jusqu'à présent, le Conseil a évalué sur une base ponctuelle si les promotions étaient légitimes et d'une durée limitée [.]

 

Le Conseil estime qu'au moment d'évaluer si une promotion est légitime et ne nécessite pas l'application du critère d'imputation, il faut principalement tenir compte de la durée de la promotion [.].

9.

Bell Canada a fait valoir que dans l'AMT 6913, elle proposait de supprimer les frais de service de façon permanente et de prévoir une disposition à cette fin dans le Tarif général, et non d'offrir une promotion de durée limitée. La compagnie a soutenu que, par conséquent, la proposition n'était pas de nature promotionnelle, donc qu'elle n'était pas visée par les critères d'une promotion, tels qu'ils sont énoncés dans la décision 96-7, ou plus récemment dans la décision 2005-25. Bell Canada a d'ailleurs ajouté que le Conseil avait approuvé ce genre de condition tarifaire à maintes reprises. À titre d'exemple, Bell Canada a fait remarquer que dans la décision Proposition de Bell Canada concernant la tarification du service VoIP au Québec et en Ontario, Décision de télécom CRTC 2005-62, 20 octobre 2005 (la décision 2005-62), le Conseil a approuvé provisoirement le service TNB qu'elle avait proposé dans l'avis de modification tarifaire 6900 (l'AMT 6900) qui, dans la note à l'article 7031.6(d) du Tarif général, prévoyait ce qui suit :
 

Les frais de raccordement du service s'appliquent quand un nouveau service est établi ou si l'emplacement physique de l'abonné change. Les frais ne sont pas exigés si l'abonné passe du service Téléphonie numérique de base Bell ou du service local de Bell au service Téléphonie numérique de Bell.

10.

Bell Canada a en outre fait remarquer que le Conseil a publié la décision 2005-62 après la décision 2005-25 sans invoquer les restrictions relatives aux promotions.

11.

Bell Canada a rappelé qu'en raison du nombre limité de clients qui, d'après elle, devraient se prévaloir de l'exemption des frais de service, la modification tarifaire qu'elle propose n'aurait aucune incidence économique significative, si bien que la compagnie n'a pas présenté de test d'imputation. Bell Canada a fait valoir qu'en temps normal, elle devrait déposer un test d'imputation pour ce genre de proposition tarifaire, mais que dans ce cas-ci, la différence par rapport au test d'imputation présenté à l'appui de l'AMT 6900 serait négligeable.

12.

Le 14 février 2006, Bell Canada a déposé un test d'imputation, à la demande du personnel du Conseil.
 

Analyse et conclusions du Conseil

13.

Le Conseil fait remarquer que QMI n'a présenté aucun argument pour appuyer ses dires selon lesquels elle prétend que la demande de Bell Canada constitue une promotion. Le Conseil précise que les promotions et les offres de service permanentes sont assujetties à des règles différentes. Dans la décision 2005-62, le Conseil a approuvé provisoirement, entre autres choses, une offre de service permanente de Bell Canada aux termes de laquelle la compagnie n'exige pas les frais de raccordement de service lorsque le client passe du service Téléphonie numérique de base Bell ou du SLB de Bell Canada au service TNB, au même emplacement. Le Conseil ajoute que la demande de Bell Canada visant la suppression des frais de raccordement de service lorsque le client laisse tomber le service TNB pour revenir au SLB de Bell Canada au même emplacement constitue également une offre de service permanente. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil rejette l'idée que la demande de Bell Canada équivaut à une promotion.

14.

Le Conseil estime que la proposition de Bell Canada satisfait au test d'imputation. Il s'attend d'ailleurs à ce que peu de clients laissent tomber le service TNB pour revenir au SLB, si bien que l'exemption proposée aurait une incidence négligeable sur les coûts qu'engage Bell Canada pour le raccordement du SLB et sur les revenus connexes.

15.

Toutefois, le Conseil estime que le libellé du projet de tarif n'énonce pas assez clairement que les frais de raccordement du service de résidence ne s'appliqueraient pas aux clients du service TNB qui, juste avant de passer au service TNB, étaient abonnés au SLB de résidence.

16.

Compte tenu de ce qui précède et comme les autres instances relatives aux services VoIP sont en cours, le Conseil approuve provisoirement la demande de Bell Canada, sous réserve de la modification suivante :
 
  • le libellé de l'article 100.3(13) doit être revu pour se lire comme suit :
 

Les frais de raccordement du service de résidence ne sont pas exigibles lors de la migration d'un abonné du service Téléphonie numérique de Bell (TNB) au service de résidence local de base (SLB) si le client était abonné au SLB de résidence immédiatement avant de passer au service TNB, et ce au même emplacement de service.

17.

L'opinion minoritaire du conseiller Langford est présentée en annexe.
  Secrétaire général
  Ce document est disponible, sur demande, en média substitut, et peut également être consulté en version PDF ou en HTML sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca

 

 

L'opinion minoritaire du conseiller Stuart Langford

  Je désapprouve la décision de la majorité relative à ce dossier et j'aurais rejeté la demande de Bell Canada (Bell). Y accéder revient à renforcer la capacité des anciens fournisseurs de services de téléphone monopolistiques du Canada d'entraver les efforts du Parlement et du Conseil pour « accroître.la compétitivité.des télécommunications canadiennes »1. Je rejette également la décision de la majorité parce qu'elle risque d'encourager les compagnies de téléphone dominantes du Canada à élaborer des stratégies destinées à contourner le but que vise assurément le Conseil avec ses initiatives et ses politiques en matière de concurrence. Cela ne peut être dans l'intérêt public.
 

Quels sont les enjeux?

  Depuis un certain temps, Quebecor Média inc. (Quebecor), par l'intermédiaire de Vidéotron, sa compagnie de câblodistribution, offre aux résidents dans certaines parties du territoire québécois de Bell un service téléphonique de résidence fourni sur son réseau de câble et faisant appel au service de communication vocale sur protocole Internet (VoIP). Il est évident que les consommateurs sont très intéressés par ce produit; des milliers d'anciens clients de Bell se sont abonnés au service de Vidéotron.
  Il est aussi évident que Bell ne peut se réjouir du succès de Vidéotron; elle a d'ailleurs essayé différentes stratégies de commercialisation pour le contrer. Une de ces stratégies, que traduit la demande qui fait l'objet de la décision majoritaire d'aujourd'hui et de la présente opinion minoritaire, semble avoir pour but d'inciter les abonnés du service de résidence qui cherchent une solution de rechange moins coûteuse au service local de base (SLB) traditionnel de Bell Canada, non pas à s'adresser à Vidéotron, mais à passer à la version actuelle du VoIP de Bell, le service Téléphonie numérique de Bell.
  Cette incitation prend la forme d'un cadeau de 55 $, c'est-à-dire le prix que Bell demande aux nouveaux clients pour se raccorder ou pour activer leurs téléphones lorsqu'ils s'abonnent à son SLB. L'extrait suivant d'une lettre du 17 novembre 2005 adressée au Conseil par David Palmer, directeur des Affaires réglementaires pour Bell, explique pourquoi (traduction de l'anglais) :
 

L'objet de ce projet de modification tarifaire est d'éliminer un obstacle à la migration des clients vers les services de Téléphonie numérique de Bell. Plus précisément, certains clients hésitent à passer au service Téléphonie numérique de Bell de peur de devoir payer des frais de service s'ils décidaient de revenir au service local de base (SLB). Si les frais de service n'étaient pas exigés, tel que proposé, les clients seraient plus enclins à passer au service Téléphonie numérique de Bell.

  L'évaluation de M. Palmer est certainement exacte. Après tout, si les gens n'ont rien à perdre, ils sont davantage disposés à prendre une chance. « Satisfaction garantie ou argent remis » attirera toujours plus de clients qu'une mise en garde « Attention acheteurs ». Mais est-ce juste? Quebecor affirme que non et je suis d'accord avec son évaluation.
 

Vérification des règles

  Des règles sont en place pour régir l'acceptabilité des frais que les anciennes compagnies de téléphone monopolistiques imposent pour offrir des biens et des services de résidence. Il est permis de penser que la stratégie de Bell consistant à éliminer les frais de raccordement de 55 $ pour certains clients enfreint chacune de ces règles.
  Le paragraphe 27(1) de la Loi sur les télécommunications (la Loi) stipule que « Tous les tarifs doivent être justes et raisonnables. » À compter d'aujourd'hui, certains résidents du Québec qui souhaitent s'abonner au SLB de Bell devront payer des frais de raccordement de 55 $. D'autres n'auront rien à payer. On ne voit guère comment cela peut être « juste et raisonnable ».
  Le paragraphe 27(2) de la Loi se lit comme suit : « Il est interdit à l'entreprise canadienne, en ce qui concerne soit la fourniture de services de télécommunication, soit l'imposition ou la perception des tarifs y afférents, d'établir une discrimination injuste, ou d'accorder - y compris envers elle-même - une préférence indue ou déraisonnable, ou encore de faire subir un désavantage de même nature. »
  Il semble totalement évident que la stratégie de Bell qui privilégie un ensemble de clients au détriment d'un autre accorde au groupe sélectionné un traitement préférentiel tout en faisant subir un désavantage à ceux qui doivent payer 55 $ (tous ceux qui veulent s'abonner au SLB de Bell). Également désavantagée est Quebecor, qui ne peut pas offrir aux clients de Bell un cadeau semblable s'ils ne sont pas satisfaits du service VoIP de Vidéotron. La question de savoir si ces préférences et ces désavantages sont « indus » n'a pas été débattue pendant l'instance. À mon avis, ils le sont.
  Finalement, nous en venons aux règles qui régissent les promotions. Il est inutile de les répéter ici; elles figurent au paragraphe 5 de la décision majoritaire. À mon avis, l'offre de raccordement gratuit de Bell ne respecte pas les règles régissant les promotions, et ce sur tous les quatre points : 1) elle n'est pas accordée de la même façon à tous sur une ou plusieurs tranches tarifaires; 2) elle cible les clients les plus susceptibles de devenir des clients du concurrent; 3) elle est tarifée en dessous des coûts, service gratuit par rapport à des frais de 55 $; 4) elle sera presque certainement offerte pendant plus de six mois.
 

Question de sémantique

  La réponse de Bell à Quebecor qui l'accuse d'enfreindre les règles relatives aux promotions relève de la sémantique. Selon Bell, les promotions sont temporaires alors que cette offre gratuite à certains clients est permanente. Vraiment! C'est comme si Elizabeth Taylor décrivait le mariage comme un engagement permanent. Que veut dire « permanent » en matière de taux tarifés? Bell peut changer d'avis demain au sujet de cette offre gratuite et déposer une nouvelle demande de tarif pour que les frais de 55 $ s'appliquent de nouveau. Rien n'est permanent dans le monde de la tarification.
  Cette demande de tarif de Bell est précisément ce qu'elle semble être, une tentative évidente d'éviter les règles. Bell essaie de jouer au plus fin, elle tente ouvertement et par tous les moyens de contourner à la fois la lettre et l'esprit de la Loi et les règles de tarification du Conseil en trouvant une minuscule faille et en essayant de s'y infiltrer. Si cette faille a été négligée par inadvertance jusqu'à présent, il incombe au Conseil de remédier à la situation et non de jeter l'éponge comme la majorité l'a fait, à mon avis, en disant « Bravo! vous avez déjoué le système. »
 

La perspective d'ensemble

  En approuvant la demande de Bell, la majorité a été leurrée par un sophisme, un argument intelligent mais fallacieux. La stratégie de Bell est évidente; elle est clairement énoncée dans le dossier. Bell a eu de la difficulté à commercialiser son service sur Internet. Les clients qui surveillent leurs dépenses de près préfèrent le service VoIP de Vidéotron. Pour que son offre soit plus alléchante, Bell a proposé un incitatif d'une valeur de 55 $ aux résidents du Québec tentés d'essayer le VoIP, et seulement à ceux-là. Il s'agit soit d'un traitement préférentiel destiné à nuire à la concurrence, soit d'une promotion. D'une façon comme de l'autre, le Conseil ne peut pas et ne doit pas tolérer ce genre de situation.
  En se concentrant sur une habile diversion, à savoir l'argument selon lequel le fait de dire que quelque chose est permanent le rend permanent, la majorité a oublié la perspective d'ensemble. Le Parlement a ordonné au Conseil « d'accroître.la compétitivité. » La longue lutte qu'il a livrée vers ce but en favorisant la concurrence fondée sur les installations au Canada commence tout juste à porter fruit. Les concurrents vont chercher des clients chez la plupart des anciens fournisseurs de services monopolistiques.
  Selon le Rapport de surveillance du CRTC de 2005, à la fin de 2004, les anciens monopoles continuaient de contrôler 96,8 p. cent des lignes de résidence du Canada. Même en supposant une poursuite de l'érosion des parts de marché d'environ 3 p. cent ou 4 p. cent depuis 2004, les monopoles n'en continuent pas moins d'occuper une position dominante évidente. Si on cède aujourd'hui, comme le fait la décision de la majorité, à mon avis, que ces puissantes compagnies peuvent contourner les règles établies pour assurer une certaine équité en attendant de pouvoir laisser libre cours aux forces du marché, nous risquons de compromettre dix ans de dur travail. Je ne suis pas prêt à prendre ce risque. C'est pourquoi j'aurais rejeté la demande de Bell.

Note de bas de page :

1 Loi sur les télécommunications [L.C. 1993, ch. 38] article 7c).

Mise à jour : 2006-05-03

Date de modification :