ARCHIVÉ - Décision de radiodiffusion CRTC 2006-658

Cette page Web a été archivée dans le Web

Information archivée dans le Web à des fins de consultation, de recherche ou de tenue de documents. Les décisions, avis et ordonnances (DAO) archivés demeurent en vigueur pourvu qu'ils n'aient pas été modifiés ou annulés par le Conseil, une cour ou le gouvernement. Le texte de l'information archivée n'a pas été modifié ni mis à jour depuis sa date de mise en archive. Les modifications aux DAO sont indiquées au moyen de « tirets » ajoutés au numéro DAO original. Les pages archivées dans le Web ne sont pas assujetties aux normes qui s'appliquent aux sites Web du gouvernement du Canada. Conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada, vous pouvez obtenir cette information dans un autre format en communiquant avec nous.

 

Décision de radiodiffusion CRTC 2006-658

  Ottawa, le 1 décembre 2006
 

Plainte déposée par Bell Canada contre Rogers SportsNet Inc.

  Le Conseil, après avoir étudié la demande de résolution d'un différend présentée par Bell Canada, ordonne à Rogers SportsNet Inc. (RSI), titulaire du service spécialisé SportsNet, d'accorder à Bell Canada, en sa qualité de titulaire d'une entreprise de distribution de radiodiffusion (EDR) par câble desservant la région métropolitaine de Toronto (le grand Toronto), des modalités non moins avantageuses pour la distribution de SportsNet que les modalités que RSI accorde aux EDR par câble de classe 1 exploitées dans le grand Toronto par Communications Rogers Câble inc. (CRCI), société affiliée à RSI.
  Le Conseil fait remarquer que, pour se conformer à cette obligation, RSI peut, soit permettre à Bell Canada de distribuer SportsNet avec son service de base dans les zones où CRCI le fait, soit s'entendre avec Bell Canada sur des modalités de distribution qui satisferont toutes les parties.
 

Les parties

1.

Bell Canada est contrôlée par BCE inc. (BCE). Les services offerts par les sociétés de BCE sont la téléphonie, l'accès et le contenu Internet, la distribution de radiodiffusion par satellite et par câble, l'imprimerie et le commerce en ligne. Bell Canada est notamment titulaire d'une entreprise de distribution de radiodiffusion (EDR) sur le câble par ligne d'abonné numérique (LAN) qui dessert la région métropolitaine de Toronto (le grand Toronto).

2.

Rogers SportsNet Inc. (RSI) est titulaire de SportsNet, un service national de télévision spécialisée de langue anglaise qui se consacre aux émissions de sport d'intérêt régional, assemblées et distribuées dans l'ensemble du Canada par quatre signaux régionaux différents. Par l'intermédiaire de filiales à part entière, RSI appartient à Rogers Communications Inc., société active dans diverses entreprises de communications dont, entre autres, la télédiffusion par l'intermédiaire de Rogers Media Inc. et sa filiale à part entière, Rogers Broadcasting Limited, et la câblodistribution par l'intermédiaire de Rogers Cable Inc. et sa filiale à part entière, Communications Rogers Câble inc. (CRCI).
 

La plainte

3.

Le 27 septembre 2006, Bell Canada a demandé le règlement d'un différend. Le redressement sollicité est une décision accélérée du Conseil obligeant RSI à accorder à Bell Canada, pour son EDR par câble de classe 1 qui dessert le grand Toronto, la permission de distribuer SportsNet à des conditions non moins avantageuses que celles dont bénéficient certaines EDR par câble de classe 1 exploitées par CRCI dans ce même marché. Cela signifie nommément des conditions qui accorderaient à Bell Canada la parité avec CRCI en termes de tarif et d'assemblage pour la distribution de SportsNet.

4.

Bell Canada avait l'intention de lancer à Toronto vers la mi-novembre 2006 un service de câblodistribution par LAN. Selon Bell Canada, bien que SportsNet soit distribué au service de base de la majorité des EDR par câble exploitées par CRCI dans le grand Toronto, RSI refuse à Bell Canada la permission de faire la même chose. Devant le refus de RSI, Bell Canada allègue que, pour rendre son service entièrement concurrentiel, le Conseil devrait émettre une ordonnance obligeant RSI d'accorder à Bell Canada la permission de distribuer SportsNet à son service de base dans la région du grand Toronto. Bell Canada ajoute qu'elle est prête à se soumettre à une condition l'obligeant à supprimer SportsNet de son service de base le jour où plus aucune EDR de CRCI n'inclura SportsNet à son service de base dans la région du grand Toronto.
 

Positions des parties

Bell Canada (arguments présentés dans sa demande initiale du 27 septembre 2006)

5.

Bell Canada soutient que la position de RSI contredit totalement la décision que le Conseil a énoncée dans Propriété de services facultatifs analogiques par les entreprises de câblodistribution, avis public CRTC 2001-66, 7 juin 2001 (l'avis public 2001-66) et dans Propriété de services analogiques facultatifs par les entreprises de câblodistribution - Modification de la politique du Conseil, avis public CRTC 2001-66-1, 24 août 2001 (l'avis public 2001-66-1), et notamment le passage qui suit :
 

Les conditions accordées aux entreprises non affiliées ne devront pas être moins favorables que celles accordées aux entreprises affiliées, notamment en ce qui concerne la tarification, l'assemblage, la promotion, les frais de commercialisation et promotion.

 

RSI (arguments présentés dans sa réplique du 11 octobre 2006)

6.

RSI rétorque que le principe énoncé ci-dessus a pour but de protéger les entreprises de programmation non affiliées, et non pas les EDR.

7.

RSI fait aussi valoir que les conditions auxquelles SportsNet est distribué par CRCI et d'autres câblodistributeurs dans le grand Toronto varient d'un réseau à l'autre et que, si la majorité des abonnés du câble dans le grand Toronto reçoivent SportsNet avec leur service de base, un nombre non moins significatif d'abonnés reçoivent ce service au volet facultatif. RSI relève le fait, par exemple, que lorsque SportsNet a été lancé, le service national spécialisé en sports appelé TSN était déjà distribué par Shaw Cable Systems Limited (Shaw) au service de base de ses EDR par câble dans le grand Toronto. C'est pourquoi Shaw a placé SportsNet au volet facultatif. RSI fait remarquer que la distribution de TSN1 et SportsNet par ces entreprises est demeurée inchangée, même après leur vente par Shaw à CRCI en 2000.

8.

RSI ajoute que les conditions de distribution accordés à SportsNet par CRCI pour ses autres EDR du grand Toronto ont été négociées, en 1998, par CTV Ltd. qui était alors l'actionnaire gestionnaire. Selon RSI, le retard qui a marqué le lancement de SportsNet a obligé CTV Ltd. à trouver d'autres façons de le distribuer au lieu d'en faire un service exclusivement facultatif du câble et, par la suite, il n'y a pas eu de changement substantiel dans la distribution de SportsNet par CRCI sur ses réseaux du grand Toronto. RSI soutient que l'inscription de SportsNet au service de base résulte des circonstances qui ont entouré son lancement, et ne représente aucunement une préférence indue ou une violation du principe qui sous-tend l'avis public 2001-66 repris par l'avis public 2001-66-1 et cité ci-dessus.

9.

RSI allègue que la demande de Bell Canada visant une ordonnance du Conseil ne tient pas compte de la concurrence qui oppose dans les faits SportsNet à TSN. RSI rappelle que SportsNet fait concurrence à TSN, tant auprès des téléspectateurs que des annonceurs et des détenteurs de droits pour les émissions de sports. De plus TSN, tout comme SportsNet, bénéficie d'un double statut modifié pour sa distribution, mais son tarif réglementé est plus élevé que celui de SportsNet lorsqu'il est distribué au service de base.

10.

RSI rappelle aussi que SportsNet, grâce à son double statut modifié, doit être distribué au volet facultatif des EDR, sauf dans les cas où RSI consent à ce que celles-ci l'inscrivent à leur service de base. Il s'ensuit que RSI peut refuser que SportsNet fasse partie du service de base d'une EDR. RSI en déduit que, si le Conseil acquiesce à la plainte de Bell Canada et accorde le règlement demandé, il se trouvera en même temps à faire de SportsNet un service à double statut.

11.

Pour toutes les raisons citées ci-dessus, RSI allègue que la demande de Bell Canada visant l'inscription de SportsNet au service de base devrait être rejetée.
 

Bell Canada (arguments présentés dans sa réplique du 25 octobre 2006 aux arguments de RSI)

12.

Dans sa réplique aux arguments de RSI en date du 25 octobre 2006, Bell Canada affirme que RSI fait fausse route en présumant que les principes établis par les avis publics 2001-66 et 2001-66-1 avaient pour but de protéger les entreprises de programmation non affiliées, et non pas les EDR concurrentielles. Bell Canada souligne que le Conseil, dans les avis publics qu'il a émis en 2001, utilise le terme « entreprises ». Selon RSI, ce terme recouvre aussi bien les entreprises exploitées par les programmeurs que les entreprises exploitées par les distributeurs.

13.

Bell Canada estime également mal fondé l'argument de RSI qui consiste à dire que, parce que les ententes entre RSI et les EDR du grand Toronto pour la distribution de SportsNet sont antérieures à la politique du Conseil énoncée dans les avis publics 2001-66 et 2001-66-1, la distribution de ce service échappe aux principes qui sous-tendent ces avis. Bell Canada n'a jamais entendu parler d'une entente entre un programmeur et un distributeur qui s'étende sur huit ans. Selon Bell Canada, si SportsNet continue à faire partie du service de base des EDR de CRCI à Toronto, c'est parce que CRCI et son affiliée RSI se sont entendues à propos de cette distribution. Elle en conclut que le refus de RSI d'accéder à la demande de Bell Canada se fonde sur un motif financier et sur son désir de donner un avantage concurrentiel à CRCI.

14.

Bell Canada affirme aussi que le territoire géographique devant être desservi par son EDR du câble par LAN dans le grand Toronto correspond directement à l'ensemble des zones collectivement desservies par les EDR par câble de CRCI dans cette région. Les zones où elle s'apprête tout d'abord à offrir son service comprennent celles où CRCI offre SportsNet à son service de base. Bell Canada en conclut que sa propre EDR devrait avoir droit à un traitement comparable à celui qui est accordé aux EDR de CRCI pour la distribution de SportsNet. Bell Canada reconnaît qu'en élargissant sa zone de desserte, elle finira par atteindre des parties du grand Toronto où SportsNet ne fait pas partie du service de base. Néanmoins, à son avis, il serait peu pratique de lancer une nouvelle EDR de classe 1 dans le grand Toronto avec un alignement de canaux différent d'une partie à l'autre de la ville. Selon Bell Canada, si un nouveau venu veut surpasser l'avantage que détient une titulaire bien établie, la simplicité et l'uniformité du message sont des atouts essentiels pour définir le produit et la valeur de l'offre.

15.

Quant à dire que TSN et SportsNet se font concurrence en tant que services spécialisés de sports, Bell Canada croit que cet argument s'appuie sur de fausses prémisses, puisque SportsNet est un service spécialisé régional tandis que TSN est autorisé en tant que service national.

16.

Bell Canada soutient que le double statut modifié de SportsNet ne sera pas menacé parce que l'EDR par LAN de Bell Canada le distribue à son service de base. Bell Canada note à cet effet qu'elle a demandé au Conseil de régler le différend dans le contexte spécifique de son EDR de classe 1 du grand Toronto, où elle fait directement concurrence aux EDR de CRCI. Tout en insistant pour dire que sa demande n'est pas une façon d'accéder de façon détournée aux mêmes ententes de distribution dans ses autres zones de desserte de classe 1 ou pour sa titulaire de distribution par SRD, elle souligne en même temps que les raisons invoquées par un service pour avoir droit à un double statut ne doivent jamais être dissociées des circonstances et des politiques du CRTC qui s'appliquent. Selon Bell Canada, lui interdire de distribuer SportsNet à son service de base serait la placer dans une situation défavorable sur le marché du grand Toronto, à l'avantage de sa concurrente dominante CRCI.

Analyse et décision du Conseil

17.

Bell Canada et RSI interprètent de façon diamétralement opposée la politique énoncée par le Conseil dans les avis publics 2001-66 et 2001-66-1. Dans ces avis publics, le Conseil affirme qu'il a décidé de modifier sa politique à l'égard de la propriété de services de programmation payants et spécialisés analogiques en autorisant les entreprises de câblodistribution et leurs entités connexes à acheter et à contrôler des intérêts dans les services canadiens de programmation payants et spécialisés distribués en mode analogique. Le Conseil estime que deux principes, parmi plusieurs autres qui sont énoncés dans ses avis de 2001, sont particulièrement pertinents au conflit actuel :
 
  • Tous les services payants et spécialisés devront être fournis et distribués selon des conditions justes et équitables, notamment en ce qui concerne la tarification, l'assemblage, la promotion et les frais de commercialisation et promotion.
 
  • Les conditions accordées aux entreprises non affiliées ne devront pas être moins favorables que celles accordées aux entreprises affiliées, notamment en ce qui concerne la tarification, l'assemblage, la promotion, les frais de commercialisation et promotion.

18.

De l'avis du Conseil, il suffit de lire les principes ci-dessus pour comprendre que leur application ne se limite pas qu'aux entreprises de programmation. Le Conseil attire particulièrement l'attention sur le mot « fournis » dans le premier énoncé, qui réfère implicitement aux conditions selon lesquelles les services spécialisés et payants sont fournis aux distributeurs. Par conséquent, le Conseil juge erroné l'argument de RSI voulant que les principes énoncés dans les avis public 2001-66 et 2001-66-1 ne sont pas destinés à protéger tant les EDR que les services de programmation.

19.

En ce qui a trait aux circonstances initiales qui, selon RSI, ont donné lieu aux conditions de distribution de SportsNet dans le grand Toronto, qu'elles portent sur le fait que les modalités de distribution de SportsNet aient été ou non été négociées par la direction de CTV Ltd., sur les motifs qui ont primé lors de ces ententes, et sur le fait que ces modalités d'entente aient ou non été réexaminées depuis le lancement de SportsNet en 1998 ou depuis que Rogers a acheté le service en 2000, le Conseil ne croit pas que ces considérations aient un lien avec le présent différend.

20.

Le Conseil note l'argument de RSI selon lequel la demande de Bell Canada visant une ordonnance du Conseil ne tient pas compte du fait que SportsNet et TSN sont en réalité des concurrents, et le fait qu'elle prétende que si le Conseil devait donner la directive réclamée par Bell Canada, RSI se verrait peut-être forcée d'abandonner son double statut modifié et de consentir à la distribution de SportsNet au service de base.

21.

Le Conseil admet qu'il existe une certaine concurrence entre les deux services, mais ne croit pas que cette situation ait un lien avec le différend actuel. Pour ce qui est des implications de l'ordonnance réclamée par Bell Canada sur le double statut modifié dont bénéficie actuellement SportsNet, le Conseil considère que les principes qu'il a énoncés dans les avis publics 2001-66 et 2001-66-1 ont pour but de garantir le traitement équitable des entreprises de radiodiffusion non affiliées, et devraient être vus comme limitant les droits qui accompagnent en principe le double statut modifié dans la mesure nécessaire pour garantir un tel traitement.

22.

Le Conseil rappelle à cet égard que la Loi sur la radiodiffusion mentionne, à l'article 3(1)t)(iii), que les entreprises de distribution « devraient offrir des conditions acceptables relativement à la fourniture, la combinaison et la vente des services de programmation qui leur sont fournis, aux termes d'un contrat, par les entreprises de radiodiffusion ». Les principes énoncés dans les avis publics 2001-66 et 2001-66-1 sont conformes à cet objectif.

23.

En ce qui a trait à la demande de Bell Canada d'obliger RSI à lui permettre de distribuer SportsNet à son service de base partout dans le grand Toronto, le Conseil n'est pas convaincu du bien-fondé de l'argument présenté par Bell Canada selon lequel il serait peu pratique de lancer son service avec des alignements différents en fonction des secteurs de la ville, et qu'il lui faut SportsNet à son service de base (sans égard à l'alignement des canaux de CRCI) parce qu'elle estime, comme on l'a vu plus haut, que « si un nouveau venu veut surpasser l'avantage que détient une titulaire bien établie, la simplicité et l'uniformité du message sont des atouts essentiels pour définir le produit et la valeur de l'offre ». Bien que le Conseil puisse comprendre que Bell Canada n'ait pas envie d'exploiter son EDR par LAN avec des alignements de canaux différents d'un secteurs à l'autre de la ville, il lui semble que la situation pourrait être évitée tout simplement en distribuant SportsNet à un volet facultatif sur l'ensemble du territoire.
24. En obligeant RSI d'accorder à Bell Canada la permission de distribuer SportsNet au service de base de son EDR par LAN dans tout le grand Toronto, le Conseil se trouverait, dans les faits, à accorder de meilleures conditions à Bell Canada qu'à CRCI. Le Conseil note à cet égard que, même si SportsNet fait partie du service de base des EDR de CRCI à Toronto, Downsview et Mississauga, en maints endroits du grand Toronto également desservis par CRCI, - soit une large portion de territoire -, SportsNet est distribué à un volet facultatif. De l'avis du Conseil, pour des raisons d'équité concurrentielle, RSI devrait être tenue de permettre à Bell Canada de distribuer SportsNet à son service de base dans tous les endroits du grand Toronto où CRCI le fait elle-même, mais pas ailleurs.
 

Conclusion

25.

Pour les raisons énumérées ci-dessus, le Conseil ordonne à RSI d'accorder à Bell Canada, en sa qualité de titulaire d'une EDR du câble par LAN desservant le grand Toronto, des modalités non moins avantageuses pour la distribution de SportsNet que les modalités que RSI accorde aux EDR par câble de classe 1 exploitées dans le grand Toronto par CRCI.

26.

Le Conseil fait remarquer que, pour se conformer à cette obligation, RSI peut, soit permettre à Bell Canada de distribuer SportsNet avec son service de base dans les zones où CRCI le fait, soit s'entendre avec Bell Canada sur des modalités de distribution qui satisferont toutes les parties.
  Secrétaire général
  Cette décision est disponible, sur demande, en média substitut, et peut également être consultée en version PDF ou en HTML sur le site internet suivant : www.crtc.gc.ca
 

Note de bas de page :

[1] TSN est exploité par The Sports Network Inc., une société dans laquelle BCE détient indirectement une participation minoritaire.

Mise à jour : 2006-12-01

Date de modification :