Décision de télécom CRTC 2002-14

Ottawa, le 8 mars 2002

Intervalles de service de l'entreprise de services locaux titulaire pour les commandes de lignes locales dégroupées

Référence : 8622-A4-18/01

Sommaire

Depuis la publication de la décision Télécom CRTC 97-8, les entreprises de services locaux concurrentes (ESLC) soutiennent que la fourniture et l'installation rapides du service local est un facteur clé de la demande de service de la part des clients. Les ESLC ont demandé aux entreprises de services locaux titulaires (ESLT) de leur fournir des lignes dégroupées dans les mêmes intervalles de service que les ESLT prévoient pour elles-mêmes.

La présente décision porte sur une question toujours en litige, les intervalles de service. Les ESLC soutiennent que, lorsque les ESLT ont proposé des intervalles de service, les ESLT ont mal interprété les directives données par le Conseil le 31 octobre 2000 et que ces intervalles avantageraient les ESLT sur le plan de la concurrence.

Le Conseil ordonne que, à compter du 1er avril 2002 et au moins 90 % du temps, les ESLT fournissent aux ESLC :

  1. les lignes dégroupées transférées de type A et B, y compris les sous-types, dans les deux jours ouvrables; et
  2. les nouvelles lignes dégroupées de type A et B, y compris les sous-types, dans les cinq jours ouvrables.

Historique

1. Dans la décision Télécom CRTC 97-8 du 1er mai 1997 intitulée Concurrence locale, le Conseil a ordonné aux entreprises de services locaux titulaires (ESLT) de mettre les lignes locales dégroupées à la disposition des entreprises de services locaux concurrentes (ESLC). Depuis la publication de cette décision, les ESLC ont maintenu que la fourniture et l'installation rapides du service local sont un élément important de la demande de service de la part d'un client. Les ESLC ont demandé que les ESLT leur fournissent des lignes locales dégroupées dans les mêmes intervalles de service que les ESLT prévoient pour elles-mêmes.

2. Dans une lettre-décision du 31 octobre 2000 concernant les intervalles de service pour la fourniture de nouvelles lignes dégroupées (la lettre-décision), le Conseil a ordonné aux ESLT de « fournir des lignes dégroupées aux ESLC à l'intérieur d'intervalles de service qui n'excèdent pas ceux qu'elles s'allouent et ce, dans au moins 90 pour cent du temps. » Le Conseil a également ordonné aux ESLT de mettre en oeuvre ses directives d'ici le 1er février 2001.

3. En janvier 2001, à l'exception de Saskatchewan Telecommunications (SaskTel), les ESLT ont soumis des intervalles de service de ligne révisés aux participants du Groupe de travail Processus administratif (GTPA) du Comité directeur du CRTC sur l'interconnexion (CDCI). Par la suite, au cours de réunions du GTPA, des représentants des ESLC ont soulevé un certain nombre de préoccupations à l'égard des intervalles de service révisés.

4. Les ESLC ont soutenu que les intervalles n'étaient pas conformes aux directives données par le Conseil dans la lettre-décision. À la réunion du GTPA tenue les 29 et 30 mars 2001, les parties ont convenu que les questions concernant les intervalles de service pour les lignes locales dégroupées seraient soumises au Conseil pour fins de décision.

5. Le 18 avril 2001, les parties ont soumis au Conseil leur exposé de position respectif quant au litige.

6. La position des ESLC a été exprimée dans un exposé de position déposé par AT&T Canada Telecom Services Company, AXXENT Corp., Call-Net Communications Inc., EastLink Limited, Gateway Telephone Limited et GT Group Telecom Services Corp. (les Concurrentes).

7. La position des ESLT a été exprimée dans deux exposés de position déposés par TELUS Communications Inc. (TCI), et par Bell Canada en son nom et au nom d'Aliant Telecom Inc., de MTS Communications Inc. et de SaskTel (conjointement, les Titulaires).

Position des Concurrentes

8. Dans leur exposé de position, les Concurrentes ont demandé au Conseil :

  1. d'établir des intervalles de service pour les lignes locales dégroupées qui ne dépassent pas les intervalles de service que les ESLT prévoient pour elles-mêmes, peu importe la manière dont l'ESLC soumet la commande à l'ESLT;
  2. d'établir des intervalles de service normalisés pour les demandes de lignes locales dégroupées transférées et les demandes de nouvelles lignes locales dégroupées, dans le cas des lignes de type A et B, y compris les sous-types;
  3. de déterminer que les intervalles de service incluent le jour zéro;
  4. de fixer le même intervalle de service de lignes locales dégroupées dans les zones rurales et urbaines; et
  5. d'ordonner aux ESLT de réduire en même temps les intervalles de service de lignes locales dégroupées des ESLC de manière qu'ils concordent avec les intervalles de service des ESLT, chaque fois que les ESLT réduisent leurs propres intervalles.

9. De l'avis des Concurrentes, les ESLT avaient mal interprété la lettre-décision. Elles ont fait valoir que dans la lettre-décision, le Conseil a ordonné aux ESLT d'appliquer les intervalles de service qu'elles prévoyaient pour elles-mêmes plutôt que ceux qu'elles offrent à leurs clients des services de détail.

10. Les Concurrentes ont soutenu que les intervalles de service proposés par les ESLT au début de 2001 conféreraient aux ESLT un avantage sur le plan de la concurrence parce que ces intervalles leur permettent de fournir le service à leurs clients plus rapidement qu'aux Concurrentes. Par exemple, les Concurrentes ont fait valoir que, même si deux jours sont nécessaires aux ESLT pour s'auto-approvisionner en lignes locales dégroupées transférées, les ESLT ont proposé cinq jours ouvrables pour fournir ces lignes aux ESLC.

11. En outre, même si les ESLT ont proposé de fournir de nouvelles lignes locales dégroupées dans les cinq jours, les Concurrentes ont déclaré que les ESLT ne comptent pas le jour zéro qui est le jour où une ESLT reçoit d'une ESLC une demande de ligne locale dégroupée.

12. Les Concurrentes ont fait remarquer que les ESLT ont proposé d'ajouter deux jours pour terminer le rapport de sélection de lignes, en plus de l'intervalle de service de cinq jours pour fournir certains sous-types de lignes. À leur avis, ce rapport n'est pas nécessaire et il est rare que les ESLC en fassent la demande.

13. Pour ce qui est des intervalles de service des ESLT qui sont plus longs pour les zones rurales comparativement aux zones urbaines, les Concurrentes ont fait valoir que les ESLT ont classé comme rurales des villes et des zones ayant une densité de population raisonnable, y compris une grande partie de la région de Toronto. Pour cette raison et parce que les ESLC ne fourniront pas de service local dans des zones à faible densité de population, mais qu'elles cibleront des régions assez populeuses, les Concurrentes ont suggéré de ne pas faire de différence dans les intervalles de service de lignes dégroupées entre les zones urbaines et rurales.

14. Les Concurrentes ont soutenu en dernier lieu que les intervalles de service des ESLT devraient être les mêmes, peu importe la manière dont l'ESLC soumet la commande à l'ESLT. Elles se sont opposées plus particulièrement à la proposition de Bell Canada voulant qu'elle prenne deux jours supplémentaires pour traiter les demandes de lignes que Bell Canada reçoit par fax. Les Concurrentes ont fait valoir que le transfert de fichiers électroniques, méthode privilégiée par l'industrie, coûte cher et qu'il n'est pas justifié quand le volume de demandes est faible.

Position des Titulaires

15. Selon les Titulaires, les intervalles de service des ESLT sont conformes aux directives données dans la lettre-décision. Elles ont ajouté que la lettre-décision règle définitivement les autres questions soulevées par les Concurrentes.

16. Les Titulaires ont fait remarquer que leurs intervalles de service sont équilibrés du fait qu'ils donnent aux ESLT le temps nécessaire pour terminer le dégroupement de la ligne existante d'un utilisateur final sans compromettre la qualité du service de l'utilisateur final.

17. Les Titulaires ont également fait valoir que, contrairement à ce que les Concurrentes affirment, l'expérience a montré que transférer une ligne existante nécessite du travail d'ordre technique et administratif de la part des ESLT. Par exemple, dans ces cas, les Titulaires doivent affecter des techniciens itinérants beaucoup plus fréquemment qu'elles ne l'avaient initialement prévu et qu'elles seront appelées à le faire encore plus souvent à mesure que les ESLC déploient de nouvelles technologies. Les Titulaires ont en outre déclaré qu'elles doivent dégrouper la ligne avant le transfert, puis coordonner le travail d'ordre administratif associé au débranchement afin de minimiser l'interruption du service de l'utilisateur final.

18. Bell Canada soutient tout particulièrement qu'elle a besoin de plus de temps pour traiter les demandes de lignes faxées et y répondre en raison du travail manuel supplémentaire en cause. Bell Canada a fait valoir que ses systèmes sont conçus pour recevoir des demandes électroniques, devenues la norme dans l'industrie, et qu'elle peut donc traiter les transmissions électroniques plus rapidement que les demandes transmises par fax.

Conclusions du Conseil

Portée du litige

19. TCI a dit douter que la question des intervalles de service pour les lignes locales dégroupées transférées fasse partie du litige étant donné que la lettre-décision portait spécifiquement sur les intervalles de service pour les nouvelles lignes locales dégroupées. Le Conseil fait remarquer que le litige actuel concerne les lignes locales dégroupées nouvelles et transférées. Après avoir discuté brièvement de cette question à la réunion tenue les 29 et 30 mars 2001, les participants du GTPA, incluant TCI, ont convenu qu'elle n'était pas pertinente, puisque le litige actuel vise les lignes locales dégroupées transférées et nouvelles. De plus, dans leur exposé de position, toutes les parties ont abordé spécifiquement la question des intervalles de service pour les lignes nouvelles et transférées.

20. Le Conseil conclut que, peu importe les questions traitées dans sa lettre-décision, les participants du GTPA ont élargi la portée du litige actuel de manière qu'il inclue les lignes locales dégroupées transférées. Cette décision porte donc sur les intervalles de service des lignes locales dégroupées transférées et nouvelles.

Les intervalles de service de lignes

21. Dans la directive qu'il a donnée dans la lettre-décision, le Conseil a précisé que les ESLT devaient offrir aux ESLC les mêmes intervalles de service qu'elles se réservent pour fournir une ligne locale. Cette mesure visait à donner aux ESLT comme aux ESLC une chance égale de fournir le service rapidement aux utilisateurs finals. Les ESLT ont mal interprété la lettre-décision et de ce fait, elles ont mal saisi l'esprit de la directive du Conseil et ont ainsi pu conserver un avantage sur le plan de la concurrence par rapport aux ESLC.

22. La preuve indique que les ESLT s'auto-approvisionnent en nouvelles lignes dégroupées de type A et B (y compris les sous-types de lignes) dans les cinq jours ouvrables. Dans le cas des lignes dégroupées transférées de type A et B (y compris les sous-types de lignes), le délai est de deux jours ouvrables. Les ESLT doivent donc fournir aux ESLC des lignes dégroupées nouvelles et transférées de type A et B (y compris les sous-types de lignes) dans ces mêmes intervalles de service.

23. Le Conseil ne partage pas l'avis des Titulaires selon lequel, pour fournir aux ESLC des lignes locales dégroupées transférées et certains sous-types de lignes, elles ont besoin des mêmes intervalles de service que pour fournir de nouvelles lignes locales dégroupées. Le Conseil fait remarquer que les lignes ou sous-types de lignes transférées sont déjà en place et en bon état de marche lorsque les ESLC en font la demande. À son avis, le travail d'ordre technique et administratif supplémentaire ne devrait pas retarder le service fourni aux ESLC.

24. Pour ce qui est de l'affirmation des ESLT selon laquelle elles ont besoin de deux jours supplémentaires pour terminer les rapports de sélection de lignes pour certains sous-types de lignes, le Conseil fait remarquer que les ESLC en font rarement la demande. NBTel Inc. (NBTel) ne fournit ces rapports que sur demande des ESLC. À son avis, la pratique de NBTel est celle qu'il faut privilégier. Par conséquent, les ESLT ne peuvent ajouter deux jours aux intervalles de service approuvés dans la présente décision pour terminer un rapport de sélection de lignes que lorsqu'une ESLC demande le rapport en question. Lorsqu'une ESLC ne demande pas un rapport de sélection de lignes, l'ESLT doit fournir des lignes dégroupées nouvelles et transférées de type A et B (y compris les sous-types de lignes) dans les intervalles de service approuvés dans la présente décision.

25. Par conséquent, le Conseil ordonne qu'à ce stade-ci, les ESLT fournissent des lignes locales dégroupées aux ESLC dans les deux jours ouvrables, dans le cas des lignes transférées de type A et B, y compris les sous-types, et dans les cinq jours ouvrables, dans le cas des nouvelles lignes de type A et B, incluant les sous-types, au moins 90 % du temps. Les ESLC peuvent continuer d'obtenir des intervalles de service plus longs sur demande à l'ESLT.

L'inclusion du jour zéro dans les intervalles de service

26. Actuellement, les ESLT commencent à compter les intervalles de service pour les commandes de lignes locales dégroupées le jour qui suit la réception de la demande d'une ESLC. De l'avis du Conseil, les ESLT n'ont pas besoin d'une journée supplémentaire pour traiter les demandes de lignes locales dégroupées.

27. Le Conseil ordonne que, lorsqu'une demande de ligne locale dégroupée est reçue avant midi, en fonction de l'heure de la journée dans le territoire de desserte où l'ESLT fournit le service à une ESLC, l'ESLT compte ce jour comme la première journée de l'intervalle de service (jour un). Lorsque la demande de ligne locale dégroupée est reçue l'après midi, en fonction de l'heure dans la zone de desserte, l'ESLT commencera à compter l'intervalle de service le jour ouvrable suivant.

Intervalles de service pour les zones rurales et urbaines

28. Le Conseil est convaincu que les intervalles de service applicables aux lignes locales dégroupées devraient être les mêmes pour les zones urbaines et rurales. Le Conseil fait remarquer que les Titulaires n'ont pas justifié des intervalles de service plus longs pour les lignes locales dégroupées dans les zones rurales. Les Titulaires n'ont pas prouvé non plus que leurs intervalles d'auto-approvisionnement sont plus longs dans les zones rurales que dans les zones urbaines.

29. Comme il est peu probable que, dans un avenir prévisible, les ESLC offrent le service local dans les zones rurales et éloignées, le Conseil n'estime pas qu'avoir les mêmes intervalles de service pour les zones urbaines et rurales affectera indûment les ESLT. Enfin, le Conseil est d'avis que des intervalles de service communs pour les zones urbaines et rurales encourageront la concurrence dans les zones plus densément peuplées se trouvant à proximité des centres urbains.

Demandes faxées

30. Le Conseil estime que le travail supplémentaire nécessaire pour traiter les demandes faxées est minime. Accorder aux ESLT des intervalles de service plus longs pour traiter les demandes qui leur sont faxées ou exiger que les ESLC utilisent toujours les transmissions électroniques lorsque les coûts du volume de demandes ne le justifient pas désavantagerait indûment les ESLC. Le Conseil ordonne donc aux ESLT de traiter les demandes faxées pour les lignes locales dégroupées dans les mêmes intervalles que pour les demandes électroniques.

Mise en oeuvre de la décision

31. Les ESLT sont responsables de leurs propres coûts d'amélioration ou de création des systèmes et des méthodes nécessaires pour mettre en oeuvre les directives dans la présente décision.

32. Le Conseil conclut que les ESLT ont eu amplement le temps de modifier leurs méthodes et leurs procédures conformément à la lettre-décision. Leur mauvaise interprétation a retardé la mise en ouvre des directives données par le Conseil le 31 octobre 2000 et empêché l'entrée des ESLC dans le marché local.

33. Le Conseil estime donc que les intervalles de service applicables aux lignes locales dégroupées nouvelles et transférées doivent être mis en place au plus tard le 1er avril 2002. Le Conseil ordonne également aux ESLT de refléter les intervalles de service révisés dans leur rapport trimestriel sur la qualité du service, à compter du rapport des mois d'avril, mai et juin 2002.

Sommaire des conclusions

34. Le Conseil ordonne ce qui suit :

  1. les ESLT doivent mettre le service à la disposition des ESLC, dans les deux jours ouvrables dans le cas des lignes transférées de type A et B, y compris les sous-types, et dans les cinq jours ouvrables dans le cas des nouvelles lignes de type A et B, incluant les sous-types, au moins 90 % du temps;
  2. le jour où l'ESLT reçoit une demande pour une ligne locale dégroupée, l'ESLT compte ce jour comme la première journée, si elle reçoit la demande avant midi, en fonction de l'heure de la journée dans le territoire de desserte où l'ESLT fournit le service à l'ESLC. Si l'ESLT la reçoit l'après midi, elle comptera le jour ouvrable suivant comme la première journée;
  3. les intervalles de service doivent être identiques pour les lignes rurales et urbaines;
  4. les demandes faxées pour les lignes transférées et nouvelles seront exécutées à l'intérieur des mêmes intervalles que les demandes électroniques;
  5. les ESLT sont les seules responsables des coûts de mise en ouvre des nouveaux intervalles de service; et
  6. les ESLT doivent mettre en oeuvre les directives données dans la présente décision d'ici le 1er avril 2002.

Secrétaire général

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