ARCHIVÉ -  Décision CRTC 98-16

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Décision Télécom CRTC 98-16

Ottawa, le 25 septembre 1998

TÉLÉSAT CANADA - DEMANDE DE RÉVISION ET DE MODIFICATION DE LA DÉCISION TÉLÉCOM CRTC 97-17

No de dossier : 8662-T3-01/98

TABLE DES MATIÈRES

I Historique   1

II Règlement de la demande de Télésat   5

1. Généralités   5

2. Examen détaillé de la méthode de l'EEE et utilisation du RAO économique   23

3. Examen détaillé de la preuve visant à démontrer des lacunes dans l'EEE   38

 

III Règlement de la demande de la Cancom qui réclame des rajustements tarifaires du 1er janvier au 9 février 1998   96

IV Règlement de la demande de renvoi sommaire de la Cancom  98

I HISTORIQUE

1. Le 4 février 1998, Télésat Canada (Télésat) a déposé une demande de révision et de modification de la décision Télécom CRTC 97-17 du 18 décembre 1997 intitulée Télésat Canada - Examen tarifaire des services sur voies radiofréquences (la décision 97-17). Elle a notamment réclamé que le Conseil révise et modifie la décision 97-17 de manière que la réduction tarifaire de 7 % du service sur voies radiofréquences qui y était ordonnée soit annulée et remplacée par une hausse tarifaire de 14,4 %, à compter du 1er janvier 1998.

2. La demande de Télésat en révision et modification de la décision 97-17 repose sur des supposées erreurs de fait, l'incapacité d'examiner un principe de base découlant de l'instance qui a abouti à la décision 97-17 et l'existence d'un doute réel quant à la rectitude de la décision.

3. Le Conseil fait remarquer que la demande de Télésat a été déposée avant les nouveaux critères du Conseil relatifs à la révision et à la modification énoncés dans l'avis public Télécom CRTC 98-6 du 20 mars 1998 intitulé Lignes directrices relatives aux demandes de révision et de modification. Le Conseil a donc examiné la demande de révision et de modification de Télésat suivant les critères alors en vigueur.

4. Télésat a déposé des mémoires et une réplique les 25 mai et 8 juin 1998 respectivement, tandis que Les Communications par satellite canadien Inc. (la Cancom) les 16 avril et 1er juin 1998, et l'Association canadienne des utilisateurs de satellite (l'ACUS), le 1er juin 1998, ont déposé des mémoires. Au cours de l'instance, Télésat a déposé des réponses aux demandes de renseignements du Conseil, de la Cancom, de l'ACUS et de l'Association canadienne de télévision par câble. La Cancom a également déposé des réponses aux demandes de renseignements de Télésat concernant la preuve de son expert dans l'instance.

II RÈGLEMENT DE LA DEMANDE DE TÉLÉSAT

1. Généralités

5. Télésat a exposé les critères suivants sur lesquels elle a basé sa demande de révision et de modification de la décision 97-17 :

a) erreurs de fait : parce que l'actuel modèle de l'étude d'évaluation économique (EEE) crée une distorsion systématique à la baisse dans la capacité de Télésat d'obtenir le taux de rendement moyen des détenteurs d'actions ordinaires (RAO) fondé sur les états financiers, l'application du modèle dans sa forme actuelle entraîne des erreurs de fait;

b) incapacité de tenir compte d'un principe de base découlant de l'instance : parce que l'actuel modèle de l'EEE empêche effectivement Télésat d'obtenir son RAO autorisé, un principe de base soulevé dans l'instance initiale n'a pas été examiné de façon appropriée; et

c) existence d'un doute réel quant à la rectitude de la décision : en raison de l'écart dans les résultats du RAO, et comme les tarifs de Télésat applicables au service sur voies radiofréquences comptent parmi les plus bas au monde, même avant la décision 97-17, il existe un doute réel quant à la rectitude de la décision 97-17.

6. Télésat a déclaré avoir commencé à s'inquiéter de ne pas réaliser son RAO autorisé fondé sur les états financiers annuels moyens lorsqu'elle a considéré le RAO à la grandeur de sa compagnie. Cette inquiétude l'a amené à enquêter sur les liens existants entre les états financiers de l'EEE et du segment spatial.

7. Télésat a déclaré que ce n'est qu'à la fin de 1997 qu'elle a pu élaborer un cadre pour expliquer la différence entre les résultats obtenus suivant l'EEE et les résultats fondés sur les états financiers. Selon elle, même s'il est regrettable que les problèmes méthodologiques associés au modèle actuel de l'EEE ne soient ressortis qu'à la fin de la période d'étude de 10 ans, elle propose maintenant une solution de compromis suivant laquelle les tarifs applicables au service sur voies radiofréquences seraient majorés de 14,4 % (par rapport aux tarifs avant la décision 97-17), à compter du 1er janvier 1998, au lieu du début de 1993, date à laquelle les tarifs de Télésat ont été approuvés provisoirement.

8. Télésat a fait valoir que ce compromis lui donne un redressement tarifaire pour les trois dernières années de la période d'étude seulement, ce qui signifie effectivement que ses abonnés ont été épargnés pendant quelque cinq ans d'une hausse tarifaire qui lui aurait permis d'obtenir son RAO autorisé au cours de la période d'étude de 10 ans.

9. La Cancom a fait valoir que d'après la preuve de son expert déposée dans le cadre de l'instance, elle a prouvé que Télésat n'a pas respecté les critères du Conseil relatifs aux demandes de révision et de modification de la décision 97-17. L'ACUS a déclaré que la preuve de Télésat est loin de prouver les trois motifs de la révision et de modification et que la demande devrait donc être rejetée.

10. L'ACUS a ajouté que la demande sape sérieusement la capacité du Conseil de fournir une certitude réglementaire en attaquant la finalité de ses décisions et en allant à l'encontre du principe de la réglementation suivant lequel le requérant devrait pouvoir exprimer son point de vue avec les renseignements disponibles et ne devrait pas pouvoir le modifier radicalement après le fait. Selon l'ACUS, Télésat aurait pu et aurait dû soulever ses arguments dans l'instance qui a abouti à la décision 97-17. Elle a fait savoir que la demande brise l'équilibre de la réglementation en punissant les abonnés pour l'erreur de Télésat et en avantageant les investisseurs de Télésat.

11. Comme il a été question à la section II.2 ci-dessous, le Conseil estime que Télésat n'a pas étayé sa prétention selon laquelle d'après le RAO utilisé dans l'EEE, le segment spatial devrait réaliser un RAO de 13,5 % fondé sur les états comptables.

12. Même si Télésat a soutenu dans l'instance qu'elle ne réalise pas de RAO correspondant à celui des entreprises terrestres, le Conseil souligne que la compagnie n'a pas proposé d'abandonner le modèle approuvé de l'EEE pas plus qu'elle n'a versé de renseignements financiers au dossier de l'instance qui correspondent aux données financières sur lesquelles le Conseil s'est fondé pour réglementer les entreprises terrestres, c.-à-d., des exigences annuelles en matière d'information compatibles avec la réglementation du taux de rendement.

13. En outre, comme il en est question dans la section II.3 ci-dessous, le Conseil conclut que les renseignements des états financiers pro forma déposés dans le cadre de l'instance ne renferment aucune justification théorique pas plus qu'ils ne prouvent que le modèle actuel de l'EEE crée une distorsion systématique à la baisse de la capacité de Télésat de réaliser son RAO autorisé. De l'avis du Conseil, toute comparaison entre le RAO de l'EEE et celui des états financiers pro forma est nécessairement imparfaite en raison des différences entre les deux méthodologies qui ne se prêtent pas à une comparaison. Le Conseil estime également que certaines hypothèses utilisées dans la préparation des états financiers pro forma de Télésat, dont il est question aux paragraphes 62, 63 et 64, sont incompatibles avec celles qui sont inhérentes au modèle de l'EEE.

14. De l'avis du Conseil, Télésat n'a pas prouvé qu'il existe des erreurs de fait ou qu'il y a défaut de considérer un principe de base dans la décision 97-17.

15. Télésat a fait valoir que la preuve indépendante au sujet des comparaisons de prix internationaux fournie dans sa demande prouve que les prix des satellites de Télésat comptent parmi les plus bas au monde. À son avis, comme le marché nord-américain des services par satellite est très concurrentiel, les marges de profit sont probablement au plus bas niveau acceptable. Comme les firmes de la comparaison sont plus importantes que Télésat, celle-ci a soutenu que les firmes en question auraient probablement de meilleures économies d'échelle et d'autres avantages financiers, mais que ses prix demeurent encore inférieurs.

16. L'ACUS a prétendu que la nouvelle preuve de Télésat sur ces comparaisons de prix internationaux ne prouve pas que les différences de prix découlent du modèle de l'EEE. Elle a ajouté que cette preuve comporte de nombreuses lacunes et faiblesses et qu'elle est inutile, puisque d'autres facteurs pourraient facilement expliquer les différences.

17. L'ACUS a signalé : (1) que tout prix est la combinaison des coûts et de la demande que connait chaque exploitant de satellites et que Télésat ne fournit pas de preuve quant aux différents coûts d'exploitation parmi les exploitants; (2) que la comparaison de prix n'est pas basée sur les prix réels de transactions sur ce marché et que les modalités particulières des abonnés ne sont pas fournies; (3) que la plupart des prix américains sont négociés à la pièce, selon le client; et (4) que des juridictions différentes auront des objectifs réglementaires différents.

18. La preuve de Télésat sur les comparaisons de prix internationaux comprend une étude de marché qui renferme des tarifs applicables aux satellites américains. Le Conseil convient avec l'ACUS qu'il est difficile de comparer les résultats de l'étude de marché et les taux tarifés publics de Télésat.

19. L'étude de marché de Télésat fournit les tarifs moyens des satellites américains par bande de fréquence mais n'indique pas les exploitants de satellite particuliers. Les clauses du contrat correspondant aux tarifs, comme la protection contre les interruptions et la durée du contrat, ne sont pas précisées dans l'étude.

20. Le Conseil estime que l'étude des prix du marché fournie par Télésat ne peut être utilisée pour conclure que le modèle de l'EEE produit des prix erronés ou des taux de rendement faibles pour les investisseurs. Le Conseil désapprouve donc la prétention de Télésat selon laquelle il existe un doute réel quant à la rectitude de la décision.

21. L'ACUS a également fait savoir que les arguments de Télésat selon lesquels le modèle actuel de l'EEE et les résultats découlant de la décision 97-17 sont injustes pour Télésat et ses investisseurs ne sont tout simplement pas corroborés par les faits. Elle a fait remarquer que deux nouveaux satellites ont été commandés et que l'acquisition par Bell Canada Enterprises Inc. de toutes les actions d'Alouette Telecommunications Inc. prouve clairement que Télésat demeure une bonne valeur théorique. À son avis, les perspectives économiques de Télésat n'ont jamais été meilleures.

22. Compte tenu de ce qui précède et comme il est précisé dans les sections suivantes de la présente décision, le Conseil est d'avis que Télésat n'a pas prouvé que le Conseil a commis une erreur de fait ou qu'il n'a pas tenu compte d'un principe de base dans la décision 97-17 ou encore qu'il existe un doute réel quant à la rectitude de la décision. Le Conseil rejette donc la demande de révision et de modification de Télésat.

2. Examen détaillé de la méthode de l'EEE et utilisation du RAO économique

23. Télésat a indiqué que même si les caractéristiques des modèles d'établissement des tarifs diffèrent entre Télésat et les entreprises terrestres, l'objectif qui sous-tend la possibilité raisonnable d'obtenir le RAO autorisé fondé sur les états financiers est exactement le même pour Télésat que pour les entreprises terrestres. Télésat a également indiqué que le traitement de Télésat suivant le modèle actuel de tarification est incompatible avec la politique fédérale de télécommunications qui favorise les investissements dans l'infrastructure des télécommunications et l'établissement d'entreprises canadiennes compétitives à l'échelle internationale.

24. La Cancom et l'ACUS ont toutes deux soutenu qu'en fait, des déclarations du Conseil et de Télésat dans des instances antérieures prouvent clairement que le Conseil et Télésat savaient pertinemment que le modèle de l'actualisation des flux monétaires (AFM) utilisé dans l'EEE et les méthodes comptables n'étaient pas compatibles. La Cancom a également indiqué qu'en endossant la méthode de l'EEE à la demande de Télésat dans la décision Télécom CRTC 84-9 du 20 février 1984 intitulée Télésat Canada - Taux définitifs du service de communication par satellite des 14/12 GHz et examen général des besoins en matière de revenu (la décision 84-9), le Conseil a indiqué que la méthode de l'EEE diffère des modèles comptables appliqués à d'autres entreprises réglementées par le gouvernement fédéral et il a déclaré : « Le Conseil estime que du fait de la nature unique des activités de Télésat, la formule de tarification utilisée pour les autres transporteurs publics de télécommunications de réglementation fédérale ne convient pas à Télésat. La formule suggérée par Télésat convient bien, selon le Conseil, à la nature spéciale de ses activités. Par conséquent, le Conseil accepte que les taux des services individuels de Télésat soient établis à partir d'études d'évaluation économique menées sur une période-test pluriannuelle contrairement à la méthode des prix de revient comptables pour laquelle on utilise une période-test d'une seule année à venir. »

25. La Cancom a souligné qu'il ressort d'un examen superficiel des traités sur l'analyse financière que l'AFM et les modèles comptables sont fondamentalement différents et ne donnent pas lieu à des mesures compatibles de taux de rendement. La Cancom a ajouté que cette conclusion découle nécessairement des grandes différences entre l'AFM et les méthodes comptables et que de façon plus importante, les modèles comptables de rendement ne tiennent pas compte de la valeur temporelle de l'argent et produisent une série de rendement pour chaque période d'états comptables à l'intérieur de la période d'étude. La Cancom a précisé que ce sont ces différences qui expliquent l'utilisation continue de l'AFM et des modèles comptables et la préférence constante de la méthode de l'AFM pour calculer le taux de rendement pour des investissements sur plusieurs années.

26. L'ACUS a signalé qu'ayant adopté le modèle de l'AFM, le Conseil a systématiquement indiqué que des données et des résultats devant être utilisés sont économiques et non pas comptables. Il est également tenu compte du fait que les intrants du modèle de l'AFM ne sont pas les mêmes que les intrants comptables.

27. De plus, la Cancom et l'ACUS ont cité des cas dans des instances antérieures où Télésat elle-même s'est opposée au dépôt d'états financiers pro forma pour le segment spatial, étant donné que ces états étaient basés sur des hypothèses simplistes et que les rendements calculés pour ces états financiers n'étaient pas comparables aux résultats de l'EEE.

28. L'ACUS a également fait savoir que Télésat ne peut indiquer de décision ou de document qui stipule que le but de la discussion concernant le coût du capital-actions approprié pour les fins de l'EEE de Télésat est en fait d'établir le RAO comptable annuel moyen permis pour les activités segment spatial.

29. Télésat a répliqué que les états financiers pro forma dans la demande de révision et de modification sont la représentation des flux monétaires de l'EEE et ne sont donc pas nécessairement conformes aux principes comptables généralement acceptés (PCGA). Toutefois, Télésat a soutenu que sa représentation financière proposée est correcte et exacte.

30. Le Conseil fait observer que le cadre de tarification de l'EEE de Télésat, et que celle-ci propose dans l'instance qui a abouti à la décision 84-9 et accepté par le Conseil, a été établi en tenant compte du caractère unique des activités de Télésat. Conformément à la décision 84-9, les tarifs applicables aux services individuels de Télésat sont déterminés au moyen d'une méthode de l'AFM, sur une période pluriannuelle, plutôt que sur les prix de revient comptables fondés sur une année témoin à venir.

31. La méthode de l'EEE employée par Télésat pour établir les tarifs de son segment spatial est pleinement documentée dans le guide du prix de revient de la Phase III approuvé de Télésat. Dans le guide, le RAO est défini comme [TRADUCTION] « la mesure du rendement économique pour les actionnaires ». Par conséquent, le modèle de l'EEE produit le taux de rendement économique sur le capital et le RAO économique, qui équivalent au coût moyen pondéré du capital et le RAO permis à une valeur actualisée nette nulle.

32. Le Conseil souligne que Télésat elle-même a précisé à maintes reprises que le RAO utilisé dans l'EEE est une mesure pondérée simple du rendement du capital-actions économique au cours de la période d'étude.

33. Le Conseil note également les faiblesses citées antérieurement par Télésat lorsqu'elle a fourni les résultats du RAO pour le segment spatial de façon autonome.

34. Le Conseil estime que l'affirmation de Télésat selon laquelle les deux mesures du RAO sont les mêmes est sans fondement vu le cadre établi dans la décision 84-9 et dont Télésat a tenu compte dans le guide de la Phase III qui stipule que les tarifs doivent donner un rendement établi en fonction de l'EEE sur une période d'étude pluriannuelle.

35. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que Télésat n'a pas justifié l'affirmation selon laquelle son segment spatial devrait obtenir un RAO de 13,5 % fondé sur les états comptables.

36. De plus, le Conseil estime qu'afin de déterminer si les tarifs généreraient un RAO de 13,5 % fondé sur les états comptables, il faudrait élaborer des méthodes comme elles l'ont été pour des entreprises terrestres pour calculer le RAO comptable. Les tarifs des entreprises terrestres ont généralement été fixés dans le cadre d'instances portant sur les besoins en revenus fondés sur des états financiers qui, habituellement sont conformes aux PCGA. Dans le contexte des besoins en revenus, le Conseil tient également compte de la question de savoir si les registres comptables sont conformes aux directives de la décision Télécom CRTC 78-1 du 13 janvier 1978 intitulée Enquête sur les méthodes comptables et analytiques des sociétés exploitantes de télécommunications - Phase I : Questions financières et comptables.

37. Dans le cas de Télésat, comme son segment spatial est réglementé suivant la méthode de l'EEE, le Conseil fait remarquer que la compagnie n'a pas été tenue d'élaborer, pour fins d'approbation une séparation des coûts fondée sur des renseignements comptables, comme les entreprises terrestres l'avaient été. Conséquemment, il n'est pas possible, à ce stade-ci, d'évaluer de façon autonome, les gains financiers de Télésat sur son segment spatial.

3. Examen détaillé de la preuve visant à démontrer des lacunes dans l'EEE

38. Télésat a indiqué que le RAO calculé en fonction des états financiers pro forma à partir des flux monétaires du modèle de l'EEE de Télésat donne un RAO de beaucoup inférieur au coût du capital-actions de 13,5 % comme intrant dans le modèle de l'EEE. À son avis, ce résultat établit que l'utilisation du modèle de l'EEE de l'AFM de Télésat produit une distorsion systématique à la baisse dans les résultats comptables et empêche la compagnie de réaliser son RAO de 13,5 %.

3.1 Lien conceptuel entre le RAO économique et le RAO financier pro forma

39. Les états financiers pro forma que Télésat propose génèrent une série de recettes (c.-à-d., gains nets) pour chaque année de la période d'étude basés sur les flux monétaires calculés au moyen du modèle de l'EEE de l'AFM. Même si ces états financiers sont basés sur les flux monétaires de l'EEE, ils reposent sur des traductions comptables de ces flux monétaires et reflètent les estimations de l'amortissement et des gains provenant du réinvestissement de la trésorerie générée.

40. À partir des états financiers pro forma, Télésat a calculé le RAO annuel au moyen des gains pour chaque année et les actions ordinaires au début de l'année. Elle a proposé de calculer le rendement moyen pour la période d'étude en utilisant la moyenne arithmétique des recettes des états financiers annuels.

41. Télésat dit avoir élaboré un modèle théorique consistant en un modèle de l'AFM et une série correspondante d'états financiers qui établit un lien entre l'intrant d'un certain coût du capital-actions dans l'AFM et le RAO moyen dans les états financiers qui équivaut au coût du capital-actions. Télésat a fait savoir que ce lien existe vraiment, et que l'EEE, modifiée pour tenir compte des hypothèses proposées par Télésat, peut continuer à être utilisée à des fins de tarification.

42. De l'avis de Télésat, les intervenants n'ont pas raison d'affirmer qu'il ne peut exister de lien entre le RAO autorisé utilisé dans l'EEE et le RAO calculé dans les états financiers déterminés à partir des flux monétaires de l'EEE. Elle a ajouté que l'article présenté par M. Ezra Solomon jette la lumière sur les raisons pour lesquelles deux méthodes sont souvent utilisées pour différentes fins et peuvent produire des résultats différents, mais qu'il existe bel et bien un lien si le cadre est structuré convenablement.

43. Même si la Cancom a déclaré qu'il s'agit d'une coïncidence si le RAO comptable obtenu équivaut au coût du capital-actions dans le modèle de l'EEE, Télésat a soutenu qu'en fait, sans établir ou maintenir les conditions strictes qui lient les deux modèles, il est peu probable que les résultats s'accorderont, et voilà l'essence même de la demande de Télésat.

44. Télésat a également souligné que les intervenants ont tenté d'établir un lien entre ces états financiers et une série de demandes de renseignements adressées au cours de plusieurs instances passées où Télésat s'est vu demander de séparer les projections globales des états financiers de la compagnie en segments spatial et non spatial. À son avis, cette division artificielle a nécessité l'utilisation d'hypothèses arbitraires qui pourraient facilement fausser les résultats. Elle a ajouté que les flux monétaires dans le segment spatial par suite de cette division ne lient d'aucune façon les flux monétaires de l'EEE.

45. La Cancom a indiqué que Télésat n'a pas fourni de preuve établissant comment elle s'est organisée pour défiler la théorie financière et produire un modèle d'états comptables qui produit un taux de rendement comparable aux résultats de l'EEE ou qui se rapporte à l'évaluation des résultats de l'EEE.

46. La Cancom a en outre précisé que, dans cette instance, Télésat n'a pas déposé de preuve d'expert qui contesterait les conclusions dans le témoignage de son propre expert préparé par D.A. Ford and Associates Ltd. La Cancom a fait valoir qu'en fait, la seule preuve théorique fournie par Télésat est l'article de 1970 de M. Ezra Solomon.

47. La Cancom a en outre affirmé que l'article de M. Solomon démontre que les taux de rendement comptables et de l'AFM seront équivalents seulement si la compagnie croît au cours de la durée de l'actif ou du projet à un taux équivalant au taux de rendement. Elle a indiqué que dans ces circonstances et uniquement dans ces cas, les mesures comptables et de l'AFM pour le rendement sont équivalentes. Selon la Cancom, Télésat ne respecte pas du tout cette condition.

48. De l'avis de la Cancom, Télésat suppose qu'une moyenne simple et non pondérée des taux de rendement comptables annuels convient compte tenu, apparemment, du fait que rien ne prouve qu'un RAO moyen pondéré est préférable à une moyenne simple. Elle a soutenu qu'il ne s'agit pas d'une réponse convaincante, en particulier lorsque le guide de la Phase III de Télésat indique clairement que le RAO de l'EEE est une mesure du taux de rendement moyen économique pondéré - non pas une moyenne non pondérée simple des rapports annuels au cours de la période d'étude.

49. L'ACUS a indiqué que l'hypothèse de base de Télésat voulant que les résultats de l'EEE devraient fournir un RAO comptable annuel moyen au cours de la période d'étude égal au paramètre du RAO dans le modèle de l'EEE est erronée et que le résultat final est le mélange des données économiques et comptables pour forcer un résultat qui convient aux objectifs financiers de Télésat.

50. L'ACUS a allégué que Télésat elle-même a reconnu qu'elle ne peut produire d'états financiers pro forma fiables pour le segment spatial, étant donné que ses tentatives antérieures à cet égard ont été décrites par Télésat comme artificielles et basées sur des hypothèses erronées.

51. L'ACUS a ajouté que peu importe que les états financiers pro forma soient valables, le calcul du RAO comptable moyen au cours de la période d'étude est en lui-même un processus arbitraire comme le prouvent les différentes méthodes possibles d'établissement de la moyenne, et du fait que considérer le RAO comptable en fonction des résultats année après année correspond davantage à la façon dont le milieu financier évalue le rendement et les tendances des compagnies.

52. Le Conseil prend note de l'argument irréfutable présenté par l'expert de la Cancom pour contester la proposition de Télésat, à savoir établir des liens entre la mesure du RAO économique à partir du modèle de l'AFM et le RAO annuel moyen pris des états financiers pro forma.

53. Conformément à l'opinion de l'expert de la Cancom, le Conseil estime que la mesure du RAO des états financiers pro forma ne tient pas compte de la valeur temporelle de l'argent et que le RAO moyen calculé en fonction de moyennes arithmétiques des rapports financiers annuels au cours de la période d'étude ne peut équivaloir à une mesure du RAO de l'AFM moyen économique pondéré au cours de la même période d'étude.

54. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que du point de vue conceptuel, il est illogique d'affirmer comme Télésat qu'il existe un lien entre les mesures du RAO de l'EEE et le RAO correspondant fondé sur les états financiers pro forma.

3.2 Évaluation de la preuve de Télésat visant à démontrer des lacunes de l'EEE

55. Télésat a soutenu que la tarification dans le modèle de l'EEE de l'AFM, dans sa forme actuelle, comporte des erreurs systématiques et est erronée. Pour appuyer ses dires, la compagnie a déposé quatre modèles de l'AFM (les modèles A1, A2, A3 et A4) et des états financiers correspondants dans la « Pièce justificative A - Modèle théorique » de sa demande de révision et de modification. Télésat a fait valoir que son modèle A1 théorique, dans des conditions strictes, établit des liens conceptuels entre l'intrant d'un certain coût du capital-actions dans le modèle de l'AFM et la réalisation d'un RAO moyen dans le RAO des états financiers pro forma qui équivaut au coût du capital-actions.

56. Télésat a en outre fait valoir que lorsque les formules et hypothèses particulières de son modèle de l'EEE sont remplacées dans son modèle A1 théorique, il en résulte une réduction du RAO de 10,8 % des états financiers pro forma. À son avis, ce résultat établit que les hypothèses du modèle de l'EEE déforment le RAO à la baisse et qu'elles ne permettront pas d'atteindre le RAO autorisé.

57. Télésat a également indiqué que les résultats susmentionnés sont également confirmés par les résultats des états financiers des flux monétaires de la décision 97-17 déposés dans la « Pièce justificative B - Décision 97-17 » de sa demande de révision et de modification, c.-à-d., lorsque la méthode théorique établie dans la pièce justificative A est appliquée au flux monétaire de la décision 97-17, il en résulte un RAO moyen des états financiers pro forma de 10,6 %.

58. Selon la Cancom, Télésat n'a pas prouvé la présomption selon laquelle les états financiers pro forma particuliers fournis dans sa demande de révision et de modification, plutôt que les nombreuses autres représentations des états financiers des activités du segment spatial, dont chacune a produit des taux de rendement différents, devraient donner la base de tarification du service sur voies radiofréquences de Télésat. Elle a ajouté que les états financiers basés sur l'EEE de Télésat n'ont aucun fondement théorique ou pratique, étant donné qu'ils représentent une combinaison ponctuelle de l'EEE et de variables comptables et qu'ils ne reflètent pas le genre d'états financiers que les investisseurs et les analystes financiers examinent.

59. La Cancom a fait valoir que les états comptables déposés dans la demande de révision et de modification de Télésat reposent sur des hypothèses simples, nettement incompatibles avec celles de l'EEE. Elle a cité comme meilleur exemple l'utilisation des structures de capitaux incompatibles dans les états financiers et l'EEE. Comme l'expert de la Cancom l'a fait observer, Télésat a employé un coût du capital, pour la période entière, basé sur une structure du capital de 65 % de la dette et de 35 % d'actions, mais dans les états comptables elle a supposé que la dette est remboursée au cours de la période d'étude, ce qui se traduit par une structure du capital de 100 % à la fin de la période d'étude de 10 ans. De l'avis de la Cancom, l'utilisation par Télésat de structures du capital incompatibles sape la validité de toute comparaison entre les taux de rendement des états financiers et ceux de l'EEE.

60. La Cancom a déclaré qu'en plus des nombreuses représentations d'états financiers possibles des activités du segment spatial de Télésat, dont chacune génère une série différente de RAO, une foule de méthodes peuvent être utilisées pour regrouper les taux de rendement des états financiers annuels au cours de la période d'étude. Elle a ajouté que comme les réponses de Télésat aux diverses demandes de renseignements l'indiquent, et le RAO global au cours de la période d'étude varie sensiblement selon la méthode d'établissement de la moyenne employée pour le calculer. La Cancom a précisé que, dans de nombreux cas, le RAO moyen pondéré généré par les états financiers déposés par Télésat dans sa demande de révision et de modification est supérieur à son RAO cible de 13,5 %.

61. L'ACUS a déclaré que les lacunes dans les arguments de Télésat décrites dans la preuve de l'expert de la Cancom sont suffisamment importantes pour rendre inutilisables les états pour calculer les résultats comptables des tarifs du segment spatial au cours de la période d'étude.

62. Le Conseil souligne que la preuve de Télésat visant à démontrer que le lien supposé entre le RAO de l'EEE et celui des états financiers pro forma correspondants repose sur le modèle proposé par Télésat dans le modèle A1 de la pièce justificative A, qui calcule les avantages fiscaux en fonction de l'amortissement annuel. Il estime que cette hypothèse est incompatible avec l'établissement du prix de revient et l'évaluation économiques qui reposent plutôt sur les possibilités de déduction pour amortissement (DPA) du coût du capital permis dont dispose la compagnie pour calculer l'impact sur les avantages fiscaux.

63. De l'avis du Conseil, les méthodes des états financiers pro forma de Télésat associées aux modèles théoriques qu'elle propose renferment de nombreuses hypothèses incompatibles avec celles qui sont inhérentes au modèle de l'EEE de l'AFM, comme l'omission des effets de combinaison dans une année, l'utilisation d'un ratio d'endettement variable au cours de la période d'étude, le remboursement de la dette au cours de la période d'étude de 10 ans au lieu de la durée des investissements, ainsi que l'utilisation du solde d'ouverture de l'avoir dans le calcul du RAO procentuel annuel plutôt que d'un solde de l'avoir annuel moyen.

64. Le Conseil fait remarquer qu'en arrivant à la représentation des états financiers pro forma des flux monétaires de la décision 97-17 dans la pièce justificative B, Télésat a supposé un report de l'utilisation des avantages fiscaux de DPA à l'année où la compagnie a suffisamment de bénéfices pour les utiliser. Le Conseil observe également que les états financiers pro forma de la pièce justificative B renferment des hypothèses additionnelles comme l'utilisation des valeurs comptables nettes pour les valeurs d'ouverture des satellites Anik C et D.

65. Le Conseil estime que la présentation des états financiers pro forma proposés des flux monétaires de l'EEE de la décision 97-17 : (1) repose sur plusieurs hypothèses pro forma incompatibles avec celles qui sont implicites dans le modèle de l'EEE; (2) combine des concepts comptables et économiques de sorte que les résultats obtenus ne sont pas appuyés par une théorie économique ou financière; et (3) n'est pas compatible avec les principes comptables généralement acceptés.

66. Compte tenu de ce qui précède, la représentation des états financiers pro forma proposés par Télésat des flux monétaires de la décision 97-17 ne prouve pas de façon convaincante, de l'avis du Conseil, que le modèle de l'EEE de la compagnie produit une distorsion systématique à la baisse des résultats du RAO financier du segment spatial.

3.3. Trois rajustements proposés par Télésat

67. Télésat a fait valoir que la distorsion persistante à la baisse des résultats du RAO financier présentés dans sa preuve est attribuable au traitement de trois grands facteurs : (1) les facteurs de la valeur actualisée, qui incluent la combinaison mensuelle, sont incompatibles avec la mesure du rendement basée sur les états financiers annuels; (2) les valeurs de récupération de satellite découlant de l'utilisation de la méthode d'amortissement sont sensiblement supérieures à celles utilisées à des fins comptables parce qu'un pourcentage inapproprié du recouvrement du capital est laissé à la période d'étude subséquente; et (3) le calendrier des avantages fiscaux suppose que Télésat profite des avantages plus tôt qu'il n'est possible.

68. Malgré ce qu'on a qualifié d'incohérences méthodologiques dans le modèle actuel de l'EEE, Télésat a souligné qu'elle n'a pas proposé d'abandonner le modèle de l'AFM à des fins de tarification, mais qu'elle estime plutôt que la meilleure façon de combler le manque à gagner du RAO est de conserver le modèle de l'EEE actuel de l'AFM, sous réserve de révisions plus restreintes pouvant supprimer ces irrégularités et ainsi lui permettre le RAO autorisé fondé sur les états financiers.

3.3.1 Les facteurs de la valeur actualisée

69. Télésat a indiqué que le RAO est une mesure du rendement annuel déterminé d'après les états financiers et les flux monétaires annuels enregistrés dans les états financiers annuels qui ne sont pas actualisés à l'intérieur d'une année pour les fins du calcul du RAO. Elle a ajouté que l'application dans le modèle de tarification de Télésat n'établit pas un taux de rendement de 13,5 % de la même façon prévue dans le processus utilisé pour en arriver au tarif, et que pour obtenir le RAO de 13,5 %, l'utilisation de la combinaison annuelle est appropriée et nécessaire.

70. Télésat a également fait savoir qu'en utilisant des facteurs d'actualisations mensuelles, le modèle de l'EEE impose une hypothèse de réinvestissement mensuel à Télésat tandis que d'autres entreprises utilisent une période annuelle. Télésat a fait remarquer que, cependant, elle-même et les compagnies de téléphone perçoivent leurs revenus mensuellement. Elle a précisé que l'hypothèse de réinvestissement qu'elle a présentée dans ses états financiers pro forma est beaucoup plus prudente que celle qui est appliquée au processus de tarification des compagnies de téléphone. Dans son cas, a-t-elle affirmé, toutes les liquidités ont été considérées comme étant réinvesties à un taux avant impôt de 23,9 %, ce qui contraste avec la déclaration des intérêts créditeurs réels dans le cas des compagnies de téléphone.

71. La Cancom a fait savoir que la demande de Télésat met en doute les aspects majeurs du modèle de l'AFM utilisés pour fixer les tarifs de Télésat applicables aux services sur voies radiofréquences depuis 1979 inclusivement, et plus particulièrement, l'actualisation des flux monétaires récurrents et non récurrents. La Cancom a ajouté que l'utilisation des facteurs de la valeur actualisée dans l'EEE constitue une différence fondamentale entre les flux monétaires actualisés et les mesures de calcul du rendement.

72. Selon la Cancom, les formules appliquées aux facteurs de la valeur actualisée établie dans le guide de la Phase III de Télésat ont été conçues spécifiquement pour refléter le calendrier d'application des flux monétaires exacts aux activités du segment spatial pour Télésat. Elle a fait savoir que la méthode de l'EEE, en conséquence, prévoit une mesure plus exacte de l'impact monétaire réel des flux monétaires survenant au cours de la période d'étude que les états financiers annuels, qui supposent que tous les revenus et dépenses sont engagés soit au cours de l'année soit à la fin de l'année.

73. L'ACUS a appuyé les arguments de la Cancom faisant valoir que les références académiques indiquent toutes que le concept de la valeur dans de l'argent est la caractéristique clé qui distingue l'analyse comptable de l'analyse de l'AFM ou de l'analyse économique, et que dans ce seul changement, Télésat a dérogé de façon sensible aux principes de l'AFM pour rendre inutile le modèle révisé de l'EEE.

74. Le Conseil s'efforce avec la Cancom pour dire que les tarifs de Télésat applicables aux services sur voies radiofréquences sont établis en fonction du modèle de l'AFM incluant, plus particulièrement, l'actualisation des flux monétaires récurrents et non récurrents, l'utilisation des facteurs de valeur actuels de l'EEE qui représente une différence fondamentale entre les flux monétaires actualisés et les mesures comptables du rendement.

75. Le Conseil fait remarquer que le guide de la Phase III de Télésat a été conçu de manière à refléter la date et la nature précises des flux monétaires des activités du segment spatial de Télésat. Par exemple, un facteur différent de conversion de la valeur temporelle est appliqué aux revenus qui sont censés être reçus au début du mois, ce qui contraste avec les dépenses censées être payées à la fin du mois. Suivant cette méthode approuvée, les revenus et frais des flux monétaires du segment spatial sont imputés à l'EEE et excluent les effets de combinaison mensuelle des flux monétaires nets, étant donné que ceux-ci sont calculés automatiquement par le modèle de l'EEE. Le Conseil juge que cette pratique, qui tient compte de la valeur temporelle de l'argent par les facteurs de la valeur actualisée mensuelle, fournit une mesure précise et appropriée de l'impact économique des flux monétaires survenant au cours de la période d'étude.

76. Le Conseil estime que rien dans la preuve produite ne justifie des changements à la méthode de l'EEE et qu'aucun rajustement au modèle de l'EEE ne s'impose pour tenir compte de ce facteur.

3.3.2 Le facteur de la valeur de récupération

77. Télésat a fait savoir que les valeurs de récupération de l'EEE pour les satellites calculées au moyen de la méthode d'amortissement ne permettent pas à Télésat de recouvrer la pleine valeur de l'actif au cours de la période d'étude. La compagnie a fait savoir que les valeurs de récupération non amorties sont sensiblement supérieures à celles qui sont utilisées à des fins comptables parce qu'un pourcentage inapproprié du recouvrement du capital est attribué à la période d'étude subséquente. Elle ajoute que la valeur comptable nette (VCN) est justifiée parce qu'elle aligne mieux la base des investissements dans l'EEE sur celle des investissements permettant aux investisseurs d'obtenir un taux de rendement comptable.

78. La Cancom a fait valoir que la méthode d'amortissement uniforme, utilisée dans l'EEE pour calculer la récupération ou la valeur finale de l'actif des satellites du segment spatial et décrite dans le guide de la Phase III de Télésat, a fait l'objet d'un examen détaillé par le Conseil. Contrairement à la méthode de la VCN, la méthode d'amortissement uniforme tient compte de la valeur temporelle de l'argent. La Cancom a signalé que la méthode d'amortissement uniforme a été mise en œuvre à la demande expresse de Télésat afin de s'assurer qu'il est tenu compte dans l'EEE des investissements qu'elle fait avant le début de la période d'étude.

79. Dans la décision Télécom CRTC 85-11 du 27 juin 1985 intitulée Télésat Canada - Taux définitifs du service de communication par satellite de 6/4 GHz et évaluation des immobilisations aux fins d'études d'évaluation économique, en acceptant la proposition de Télésat pour l'évaluation de son investissement dans les installations, le Conseil a déclaré : « Dans la présente instance comme dans celle qui a donné lieu à la décision 85-10, Télésat a proposé d'utiliser une méthode d'amortissement pour évaluer les immobilisations engagées avant le début de la période témoin. Une méthode d'amortissement reconnaît la valeur temporelle de l'argent, contrairement à une méthode de la valeur comptable nette qui utilise le prix de revient original, moins la dépréciation accumulée, pour estimer la valeur des immobilisations. … Le Conseil est d'avis que, pour ce qui concerne Télésat, une méthode d'amortissement est plus équitable qu'une méthode de la valeur comptable nette pour en arriver à une estimation de la valeur économique des immobilisations engagées avant le début d'une période témoin pluriannuelle et il en est venu à la conclusion qu'elle devait être adoptée pour chacun des services de Télésat, tant pour l'évaluation des immobilisations antérieures que pour celle des immobilisations restantes à la fin d'une période témoin pluriannuelle. … En conséquence, le Conseil a adopté une méthode d'amortissement en vertu de laquelle l'estimation de la valeur économique est indépendante des revenus et dépenses réels antérieurs. En vertu de cette méthode, un prix de revient équivalent mensuel et uniforme est calculé en amortissant le montant de l'immobilisation sur la durée de service du bien. En tout temps au cours de la durée de service du bien, la valeur non amortie est la valeur actuelle du prix de revient équivalent mensuel restant… »

80. L'ACUS a indiqué que l'utilisation de la méthode de la VCN affaiblit le modèle de l'EEE. Elle a ajouté que le Conseil a déjà rejeté l'introduction de l'amortissement comptable dans le modèle de l'EEE lorsqu'il est question de traiter le bâtiment du siège social de Télésat, dans la décision Télécom CRTC 91-22 du 19 décembre 1991 intitulée Télésat Canada - Demande en révision et modification de parties de la décision Télécom CRTC 90-28.

81. L'ACUS a précisé que dans l'instance amorcée par l'avis public Télécom CRTC 95-19 du 20 avril 1995 intitulé Questions relatives à l'établissement du prix de revient de la Phase II, le Centre de ressources Stentor Inc. a contesté l'utilisation de la méthode de la VCN pour des raisons économiques, faisant remarquer que cette méthode n'est pas prospective, qu'elle n'utilise pas de principe économique et qu'elle risque de fausser les informations sur les frais, entraînant ainsi des études économiques incorrectes.

82. Le Conseil fait remarquer qu'il s'est prononcé antérieurement contre l'introduction de l'amortissement comptable dans le modèle de l'EEE. Il estime que rien dans la preuve produite ne justifie des changements à la méthode d'évaluation des installations approuvée et qu'il est inutile de faire rajuster le modèle de l'EEE pour tenir compte de ce facteur.

3.3.3 Le facteur des avantages fiscaux

83. Télésat a indiqué que sa proposition visant à rajuster le traitement des avantages fiscaux dans l'EEE est nécessaire pour tenir compte du temps réel lorsque le segment spatial peut tirer avantage des avantages fiscaux. Télésat a indiqué que cette proposition est en outre conforme à l'autre méthode de calcul des avantages fiscaux séparément, qui est stipulée à la page 68 du guide de la Phase III de Télésat. Le passage pertinent se lit comme suit : [TRADUCTION] « La compagnie emploie une méthode sommaire pour calculer les besoins en revenus en imputant la totalité des avantages fiscaux à l'année au cours de laquelle les dépenses, les revenus ou les frais surviennent. Cette méthode élimine la nécessité de calculer les effets fiscaux séparément. Une autre méthode qui donnerait des résultats acceptables et qui serait en effet préférable si les incidences fiscales sont désynchronisées avec les hypothèses, serait de calculer et d'intégrer les effets fiscaux séparément. »  

84. La Cancom a fait remarquer que même si elle ne s'oppose pas en principe à l'application de la méthode visant à tenir compte des avantages fiscaux de l'EEE établie dans le guide de la Phase III de Télésat, elle ne croit pas que l'argument de Télésat en faveur des avantages fiscaux satisfait aux critères relatifs à une révision et une modification. Elle a en outre soutenu que Télésat n'a pas indiqué pourquoi elle ne pourrait poursuivre la méthode visant à inclure les avantages fiscaux dans l'EEE au cours de l'instance qui a abouti à la décision 97-17, et comme cette décision reflète la preuve produite par Télésat dans l'instance concernant les avantages fiscaux, on ne peut pas dire que le Conseil a commis une erreur en se basant sur les faits dont il disposait, en utilisant la méthode sommaire pour intégrer, dans la décision, les avantages fiscaux dans l'EEE.

85. La Cancom a notamment précisé qu'en ce qui concerne les avantages fiscaux, la preuve au dossier n'établit pas non plus l'impact du changement de méthode sur les besoins en revenus de Télésat. Elle a fait valoir que, même si Télésat a discuté de l'impact de pareil changement sur le taux de rendement annuel moyen calculé à partir des états financiers pro forma, il faudrait recalculer l'EEE en utilisant la méthode révisée pour les avantages fiscaux de manière à montrer que la valeur actualisée nette découlant des revenus de la décision 97-17 est négative et/ou qu'un changement tarifaire s'imposerait pour obtenir le taux de rendement cible de 13,5 % de Télésat. Dans les circonstances, a-t-elle affirmé, Télésat n'a pas du tout prouvé qu'il est justifié de réviser et de modifier le traitement des avantages fiscaux dans la décision 97-17.

86. La Cancom et l'ACUS ont toutes deux déclaré que Télésat a eu amplement le temps d'examiner les effets de la méthode sommaire à l'égard des avantages fiscaux et de proposer l'utilisation d'un autre mécanisme pour traiter les avantages fiscaux au cours de l'instance qui a abouti à la décision 97-17 et qu'elle a décidé de ne pas le faire. L'ACUS a précisé que Télésat ne peut maintenant se présenter et modifier sa position sur cette question de manière à miner la décision 97-17.

87. L'ACUS a souligné que la solution de Télésat est d'inclure les dépenses fiscales de l'EEE estimatives comme un flux monétaire distinct de l'EEE et que ce changement a encore une fois pour effet d'accroître les besoins en revenus du segment spatial. L'ACUS a affirmé qu'en dépit de l'argument de Télésat selon lequel le traitement des avantages fiscaux dans l'EEE crée une non-correspondance des dates auxquelles les avantages sont réellement reçus, Télésat a pu utiliser tous les avantages fiscaux qui s'offrent à elle à la grandeur de la compagnie. L'ACUS a soutenu que l'hypothèse voulant que le traitement des avantages fiscaux puisse être modelé sur le segment spatial seulement est un artifice. Il s'agit d'un secteur où la capacité d'utiliser les avantages fiscaux est une question générale et dans la mesure où les avantages sont utilisés par Télésat, aucun rajustement ne s'impose. Cette position est appuyée par la réalité voulant que la Loi de l'impôt sur le revenu exige que toutes les transactions par entité soient établies ensemble pour en arriver à l'exigibilité de l'impôt sur le revenu.

88. Le Conseil prend note du fait que Télésat s'est reportée à une citation de la page 68 de la section sur la valeur actualisée nette du guide d'établissement du prix de revient de la Phase III. Cette section détaille les diverses formules utilisées pour calculer les résultats de l'EEE et indique qu'il y a une provision pour calculer les effets fiscaux séparément si les incidences fiscales sont désynchronisées par rapport aux hypothèses. Le Conseil estime que ce passage vise simplement à tenir compte du fait que les avantages fiscaux de l'EEE peuvent être calculés explicitement pour chaque période, conformément aux méthodes et pratiques d'établissement du prix de revient de la Phase II utilisées par la plupart des entreprises terrestres et ne signifient pas qu'il ne serait pas possible d'utiliser une autre méthode contournant les principes de la Phase II.

89. Le Conseil prend note également du fait que la méthode de calcul des avantages fiscaux est clairement stipulée à la page 42 dans la section Ressources pécuniaires du guide d'établissement du prix de revient de la Phase III qui stipule ce qui suit : [TRADUCTION] « Pour les fins de l'EEE, il est tenu compte du flux monétaire lorsque l'actif est mis en service et que les avantages fiscaux sont en même temps pris en compte. Le flux monétaire et les avantages fiscaux connexes sont calculés à la valeur actualisée au début de l'année au cours de laquelle les dépenses sont survenues afin de faciliter le calcul des résultats, ce qui se produit que la compagnie soit en mesure ou non d'utiliser les avantages fiscaux. » Une note à la page 42 stipule également que la formule de calcul de la valeur actualisée des économies d'impôts suppose que la composante des impôts à payer est censée se faire en 12 montants mensuels égaux et est déjà calculée dans la valeur actualisée au début de l'année. En ce qui concerne le passage précédent, le Conseil estime que la méthode devant être utilisée pour calculer les avantages fiscaux est évidente. Il souligne que cette méthode approuvée ne prévoit pas d'autres calculs fiscaux avancés par Télésat dans sa demande de révision et de modification qui ne tiendraient pas compte des avantages fiscaux à partir du moment où l'actif est mis en service si la compagnie n'est pas en mesure d'utiliser les avantages fiscaux à ce moment-là.

90. De l'avis du Conseil, Télésat n'a pas justifié qu'il déroge à la méthode de l'EEE relative aux avantages fiscaux exposée clairement dans son propre guide de l'établissement des prix de revient de la Phase III.

3.4 Modifications proposées par Télésat à l'EEE et aux tarifs

91. Télésat a fait valoir qu'en ayant cerné les méthodes dans l'EEE actuelle qui produisent une distorsion systématique à la baisse dans le calcul des résultats du taux de rendement, il est possible d'obtenir des résultats appropriés en ciblant les modifications au modèle actuel de l'EEE pour corriger les anomalies de tarification. Dans la « Pièce justificative C - Modifications proposées », de sa demande de révision et de modification, Télésat a déposé son modèle proposé de l'EEE révisé. Elle a fait savoir que cette EEE révisée portera sur trois importantes lacunes méthodologiques cernées dans ses modèles théoriques. Elle a ajouté qu'elle ne propose pas d'abandonner le modèle de l'EEE de l'AFM ou de critiquer les méthodes de l'AFM en général.

92. Selon l'ACUS, les rajustements de Télésat à l'EEE visent à regrouper les concepts comptables et économiques incompatibles sans base théorique de sorte que les résultats produits sont sans valeur. Approuver la position de Télésat signifierait miner vraiment l'intégrité du régime réglementaire de la compagnie appliqué depuis nombre d'années.

93. La Cancom a fait valoir que le rajustement ponctuel de trois (entre autres) incohérences entre les hypothèses utilisées dans les états financiers de l'EEE et les états financiers pro forma déposés par Télésat dans la demande de révision et de modification est complètement sans scrupules et donnerait des résultats sans valeur. Elle a indiqué que le simple fait qu'il existe une différence entre l'EEE et ses hypothèses d'états comptables ne justifie ni une révision ni une modification ou encore une modification de l'EEE. En outre, les trois révisions proposées par Télésat visent des différences entre les états de l'EEE et les états comptables qui ne sont pas généralement reconnus, mais qui ont fait l'objet d'un examen détaillé de la part du Conseil.

94. Le Conseil fait observer que, dans la représentation des états financiers proposés du modèle de l'EEE rajusté dans la pièce justificative C, Télésat a ajouté d'autres hypothèses à celles des modèles fournis dans les pièces justificatives A et B. Il s'agit notamment de la substitution des VCN des satellites Anik E pour les soldes non amortis de l'EEE à la fin de la période d'étude et le retour, au début de l'année, de la date de mise en service des satellites Anik E au cours de la première année de la période d'étude ainsi que des rajustements correspondants pour la provision pour fonds utilisés en cours de construction.

95. Comme il en est question dans la section II.3.2 ci-dessus, le Conseil n'estime pas que la preuve des états financiers pro forma de Télésat, produite dans les pièces justificatives A et B de sa demande de révision et de modification, prouve de façon convaincante que le modèle de l'EEE de Télésat produit une distorsion systématique à la baisse des résultats comptables du RAO. Dans les sections II.3.3.1, II.3.3.2 et II.3.3.3 de la présente décision, le Conseil conclut en outre qu'il est inutile de rajuster l'EEE pour tenir compte des trois facteurs : facteurs de la valeur actualisée, de la valeur de la récupération et des avantages fiscaux. Le Conseil estime également que les rajustements proposés au tarif de Télésat de l'EEE visent à combiner des concepts comptables et économiques incompatibles sans base théorique de sorte que les résultats produits sont non concluants. Il juge donc les rajustements tarifaires proposés inadéquats.

III RÈGLEMENT DE LA DEMANDE DE CANCOM VISANT À OBTENIR DES RAJUSTEMENTS TARIFAIRES DU 1ER JANVIER AU 9 FÉVRIER 1998

96. Dans son mémoire, la Cancom a laissé entendre que la réduction tarifaire de 7 % requise dans la décision 97-17 devrait remonter du 9 février 1998, date d'entrée en vigueur de la réduction, au 1er janvier 1998, la date initiale à laquelle la réduction devait prendre effet. La Cancom a fait valoir que faire autrement entraînerait pour Télésat des impôts sur gains exceptionnels.

97. Le Conseil souligne que les tarifs ont été approuvés de façon définitive à compter du 9 février 1998 dans la décision qui rejetait la demande de sursis de Télésat. Comme il l'y avait indiqué, le rejet ne l'empêcherait pas de modifier les tarifs à partir du 1er janvier 1998 advenant qu'il décide de réviser et de modifier la décision 97-17. Toutefois, comme les tarifs sont définitifs, à compter du 9 février 1998, et qu'il a établi que la décision 97-17 ne devrait pas être modifiée, le Conseil estime qu'une réduction tarifaire remontant au 1er janvier 1998 n'est pas possible. Il rejette donc la demande de la Cancom.

IV RÈGLEMENT DE LA DEMANDE DE RENVOI SOMMAIRE DE LA CANCOM

98. Le 27 février 1998, la Cancom a déposé une demande de renvoi sommaire de la demande de révision et de modification de la décision 97-17 présentée par Télésat. Elle a qualifié la demande en question de frivole et de vexatoire, faisant remarquer que Télésat cherche à réviser le cadre réglementaire établi pour la compagnie, à réviser et à modifier les décisions que le Conseil a prises concernant la compagnie au cours d'une période de 20 ans ainsi qu'à déroger au modèle de tarification qui utilise les principes des flux monétaires actualisés.

99. Le Conseil signale qu'en rendant la décision sur le bien-fondé de la demande de Télésat, la demande de la Cancom devient sans objet.

La secrétaire générale
Laura M. Talbot-Allan

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