ARCHIVÉ -  Décision Télécom CRTC 97-13

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Décision Télécom

Ottawa, le 4 juin 1997
Décision Télécom CRTC 97-13
ROGERS CANTEL INC. c. BELL CANADA ET BELL MOBILITÉ : MISE EN MARCHÉ CONJOINTE ET GROUPEMENT DE SERVICES SUR LIGNE MÉTALLIQUE ET CELLULAIRES
I LA REQUÊTE
1. Le 14 août 1995, la Rogers Cantel Inc. (Cantel) a déposé une requête en vertu de la Partie VII des Règles de procédure du CRTC en matière de télécommunications (les Règles), dans laquelle elle alléguait que Bell Canada (Bell) et Bell Mobilité Cellulaire Inc. (Bell Mobilité) s'étaient livrées à la mise en marché conjointe et au groupement de services sur ligne métallique et cellulaires pour un client éventuel (le client), contrairement à la décision Télécom CRTC 87-13 du 23 septembre 1987 intitulée Radio cellulaire - Opportunité des garanties structurelles (la décision 87-13), à la décision Télécom CRTC 92-13 du 29 juin 1992 intitulée Rogers Cantel Inc. c. Bell Canada - Mise en marché du service cellulaire (la décision 92-13) et à la décision Télécom CRTC 95-8 du 9 mai 1995 intitulée Plaintes d'Unitel et de Cantel au sujet d'un contrat de la MT&T avec la province de la Nouvelle-Écosse - Consentement à une poursuite (la décision 95-8).
2. Cantel a demandé au Conseil d'enquêter sur les cas présumés de mise en marché conjointe et de groupement et de publier des ordonnances enjoignant Bell de cesser de participer à toute forme de mise en marché du service cellulaire et enjoignant Bell Mobilité de cesser de grouper des services sur ligne métallique et cellulaires. Cantel a également demandé au Conseil d'interdire à Bell Mobilité de fournir le service au client en vertu des modalités de tout contrat qui groupe des services cellulaires et des services sur ligne métallique offerts par Bell.
3. Le 14 septembre 1995, Bell a déposé auprès du Conseil une réponse à la requête de Cantel, à titre confidentiel, et en a signifié une version abrégée à Cantel. À la même date, Bell Mobilité a déposé sa réponse à la requête, à titre confidentiel, et en a signifié une version abrégée à Cantel.
4. Cantel a déposé ses observations en réplique le 25 septembre 1995.
II HISTORIQUE
5. En novembre 1994, le client a lancé une Demande de proposition (DDP) en vue d'obtenir des soumissions de fournisseurs éventuels pour 11 lots de services, chacun représentant une catégorie particulière de produits ou de services, notamment des services numériques, des services d'enregistrement de détails des appels, des services interurbains, des services 800 et des services de téléappel et cellulaires.
6. Le client a demandé aux éventuels soumissionnaires de présenter des [TRADUCTION] " propositions indépendantes " pour chaque lot particulier et des [TRADUCTION] " propositions de prix de rechange " pour des groupes de lots qui offriraient de meilleurs prix que ceux qui seraient proposés pour les lots particuliers.
7. En réponse à la DDP, Bell et Bell Mobilité ont chacune présenté des propositions de prix de rechange. Bell a répondu pour les lots de services vocaux et de transmission de données et Bell Mobilité, pour le lot de services de téléappel et cellulaires. Cantel a présenté une proposition indépendante pour le lot de services de téléappel et cellulaires.
8. Bell a déclaré que sa proposition initiale ne comprenait aucune réponse pour le lot de services cellulaires, pas plus qu'elle ne contenait de cas de groupement de services sur ligne métallique et cellulaires. Bell a reconnu, toutefois, que la proposition donnait à entendre qu'elle était assujettie à la condition que le client octroie ses services cellulaires à Mobilité Canada.
9. En avril 1995, le client a opté pour les propositions de prix de rechange de Bell et de Bell Mobilité, de préférence à la proposition indépendante de Cantel.
10. Après que le client eut avisé Bell que sa proposition initiale avait été retenue, mais avant le processus d'établissement de toutes les modalités du contrat avec le client, Bell a procédé à un examen interne de sa proposition initiale et jugé que celle-ci pouvait être mal interprétée comme n'étant pas conforme aux exigences réglementaires établies. Bell a par la suite modifié sa proposition initiale, avisant le client qu'il ne devait pas déduire de cette proposition initiale qu'il était obligé d'opter pour la proposition de Bell Mobilité pour que Bell donne suite à l'engagement pris dans sa proposition initiale.
11. En mai 1995, le Conseil a publié la décision 95-8 dans laquelle il s'est déclaré préliminairement d'avis que le groupement ou l'assemblage du service cellulaire ou du service téléphonique public sans fil (STPSF) avec d'autres services offerts par la compagnie de téléphone devait, dans tous les cas, être considéré comme contraire aux restrictions du Conseil concernant la mise en marché conjointe du service cellulaire et du STPSF par les compagnies de téléphone et leurs affiliées ou activités cellulaires/STPSF.
12. Suite à un examen de la décision 95-8, Bell Mobilité a aussi modifié sa proposition initiale par voie de lettre au client, que celui-ci a reçue avant la négociation et l'exécution de tout contrat définitif avec Bell Mobilité.
13. Après d'autres négociations, le client a signé des contrats distincts avec Bell et Bell Mobilité. Ces contrats ont été déposés à titre confidentiel auprès du Conseil et des versions abrégées en ont été versées au dossier public.
III POSITION DES PARTIES
14. Cantel a déclaré que, lors de discussions avec des représentants du client dans le cadre de réunions [TRADUCTION] " ultérieures aux offres ", elle a été avisée qu'un des facteurs qui avaient contribué à la perte du client et au rejet de la DDP avait été son incapacité de grouper ses services cellulaires et de téléappel avec des services interurbains et de transmission de données à grand débit. Cantel a ajouté que le représentant du client avait déclaré que Bell et Bell Mobilité avaient répondu à la demande du client pour une soumission groupée et offert leurs services sur une base groupée.
15. Compte tenu de ces renseignements, Cantel a déclaré qu'il était manifeste que Bell et Bell Mobilité avaient collaboré à leurs soumissions au client et avaient offert des services sur ligne métallique et cellulaires sur une base groupée. Par conséquent, Cantel a fait valoir qu'il était manifeste que Bell et Bell Mobilité avaient contrevenu aux politiques du Conseil concernant la mise en marché conjointe, l'accès aux renseignements confidentiels sur les abonnés et les renvois neutres d'abonnés, établies dans les décisions 87-13 et 92-13. Cantel a ajouté que Bell et Bell Mobilité semblaient avoir contrevenu à l'avis préliminaire que le Conseil avait exprimé dans la décision 95-8, selon lequel le groupement de services sur ligne métallique et cellulaires devait être considéré comme contraire aux restrictions du Conseil concernant la mise en marché conjointe de services cellulaires par les compagnies de téléphone et leurs affiliées cellulaires.
16. Bell et Bell Mobilité ont toutes les deux nié toute non-conformité avec les directives du Conseil concernant la mise en marché conjointe de services sur ligne métallique et cellulaires.
17. Bell a fait valoir qu'il était manifeste, d'après le libellé de la DDP et les renseignements que le client a fournis par la suite aux soumissionnaires, que le client s'attendait à ce que Bell collabore avec des fournisseurs alliés dans la rédaction de sa réponse. Bell a déclaré que la capacité d'examiner les besoins du client avec Bell Mobilité a facilité l'offre de l'arrangement de services. Bell a, de plus, fait remarquer que la décision 95-8 n'avait pas encore été rendue publique au moment où elle a présenté sa proposition initiale.
18. Bell Mobilité a fait valoir que le client a sollicité différentes propositions de prix sur volume pour des groupes de lots de son propre chef, non pas en réponse à la mise en marché de Bell Mobilité.
19. Bien que Bell ait reconnu que sa proposition initiale faisait mention de l'acceptation par le client de la soumission de Bell Mobilité pour le groupe de services cellulaires, elle a fait valoir que l'entente qui a en dernière analyse été conclue avec le client ne fait aucune mention de la proposition de Bell Mobilité pour les services cellulaires et qu'elle est conforme à tous égards à toutes les exigences juridiques et réglementaires établies.
20. Pour ce qui est de l'allégation de Cantel que Bell a contrevenu à la directive du Conseil concernant l'utilisation de renseignements confidentiels sur les abonnés, Bell n'a pas avoué avoir contrevenu à cette directive, mais elle a fait remarquer que le client s'attendait manifestement à ce que les fournisseurs qui présenteraient des propositions conjointes collaborent à la préparation de leurs propositions.
21. Quant à la directive du Conseil concernant les renvois neutres d'abonnés, Bell a fait valoir que les circonstances de la plainte en instance n'ont rien à voir avec cette directive.
22. En réplique, Cantel a fait valoir qu'il était inacceptable que Bell et Bell Mobilité aient avisé le client, après l'adjudication à Bell et à Bell Mobilité, qu'il n'y avait pas eu d'intention de lier les services sur ligne métallique et cellulaires. Cantel a soutenu qu'à ce stade-là, la préférence anticoncurrentielle avait été conférée.
23. Cantel a, de plus, fait valoir que l'interdiction relative au partage de renseignements sur les abonnés du téléphone, telle qu'établie dans les décisions 87-13 et 92-13, est absolue. Bien qu'un client puisse fournir des renseignements directement à n'importe quel fournisseur de services cellulaires, une compagnie de téléphone ne peut pas partager de renseignements sur les abonnés avec une affiliée cellulaire. Cantel a soutenu qu'un client qui demande des soumissions devrait donc fournir tous les renseignements pertinents dans sa DDP.
24. Cantel a fait remarquer qu'elle convient avec Bell que les circonstances de la plainte n'ont rien à voir avec la directive du Conseil concernant les renvois neutres d'abonnés.
IV CONCLUSIONS
25. Le Conseil estime que le fait qu'un client consente à la non-conformité d'une compagnie de téléphone avec une des directives du Conseil ne suffit pas à justifier cette non-conformité. La garantie contre la mise en marché conjointe a pour objet d'empêcher qu'une compagnie de téléphone utilise sa position dominante pour avantager son affiliée cellulaire au détriment de l'affiliée cellulaire de ses concurrents. De l'avis du Conseil, l'instigation par le client n'est pas pertinente dans la présente instance.
26. Bell a reconnu que sa proposition initiale au client donnait à entendre que la proposition était assujettie à la condition que le client octroie son lot de services cellulaires à Mobilité Canada. Bell a également reconnu qu'elle s'est alliée à Bell Mobilité pour la préparation de sa proposition initiale. Dans les circonstances, il semble que Bell ait conjointement mis en marché et/ou offert de grouper des services cellulaires et sur ligne métallique dans sa proposition initiale.
27. Dans sa proposition subséquente, toutefois, Bell a clairement déclaré que le client n'était pas obligé de retenir la proposition de Bell Mobilité ou d'acheter des lots particuliers de Bell. De même, la proposition subséquente de Bell Mobilité a confirmé que le client n'était nullement obligé d'acheter des services sur ligne métallique de Bell.
28. Selon le Conseil, la preuve donne à entendre que Bell n'a ni mis en marché conjointement ni offert de grouper des services sur ligne métallique et cellulaires au moment où elle a négocié le contrat que le client a éventuellement signé. De plus, le Conseil fait remarquer que, lorsque le client a reçu de nouvelles propositions de Bell et de Bell Mobilité, il avait tout loisir d'accepter ou de rejeter la proposition révisée en faveur de propositions d'autres concurrents, notamment Cantel.
29. Le Conseil a examiné les contrats que Bell et Bell Mobilité ont chacune signé avec le client et il est convaincu qu'ils ne contiennent aucune preuve de mise en marché conjointe ou de groupement de services sur ligne métallique et cellulaires.
30. Pour ce qui est de l'allégation de Cantel concernant le partage de renseignements confidentiels sur les abonnés, le Conseil est incapable de conclure que Bell a contrevenu aux décisions 87-13 et 92-13 à cet égard. Bien que Bell ait reconnu avoir collaboré avec Bell Mobilité à la préparation de sa proposition initiale, le dossier n'établit pas clairement si Bell a effectivement fourni à Bell Mobilité des renseignements confidentiels sur les abonnés. Le Conseil réitère, toutefois, que le consentement du client ne justifie pas une contravention à ses directives et il rappelle à Bell qu'elle doit se conformer aux directives établies dans les décisions 87-13 et 92-13, telles que modifiées par la lettre du 15 novembre 1996 du Conseil concernant la fourniture de téléphones Liberti dans les Téléboutiques/Phonecentres de Bell, tant que les directives continuent de s'appliquer. Le Conseil fait remarquer à cet égard que, dans l'avis public Télécom CRTC 97-14 du 25 avril 1997 intitulé Examen des restrictions relatives à la mise en marché conjointe, il a amorcé une instance en vue d'examiner s'il convient de continuer à imposer les restrictions relatives à la mise en marché conjointe établies dans les décisions 87-13 et 92-13.
31. Pour ce qui est de la question des renvois neutres d'abonnés, le Conseil convient avec Bell et Cantel que les circonstances de la plainte en instance n'ont rien à voir avec ses directives à cet égard.
32. Quant à la conformité de Bell Mobilité avec l'avis préliminaire que le Conseil a exprimé dans la décision 95-8, selon lequel le groupement de services sur ligne métallique et cellulaires devrait, dans tous les cas, être considéré comme contraire à ses restrictions relatives à la mise en marché conjointe, le Conseil fait remarquer que cet avis préliminaire ne constitue pas une constatation contraignante. Quoi qu'il en soit, tel que noté ci-dessus, le Conseil a examiné le contrat de Bell Mobilité avec le client et il a conclu que ce contrat ne contient aucun groupement de services sur ligne métallique et cellulaires.
33. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil est convaincu que la fourniture de services par Bell et Bell Mobilité en vertu de leurs contrats actuels avec le client ne contrevient pas aux garanties relatives à la mise en marché conjointe établies dans les décisions 87-13 et 92-13 et ne constitue pas de groupement de services sur ligne métallique et cellulaires. Le Conseil estime que, dans toutes les circonstances, aucune préférence indue n'est conférée soit à Bell, soit à Bell Mobilité, contrairement au paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications. Par conséquent, la requête de Cantel est rejetée.
Le Secrétaire général
Allan J. Darling
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