ARCHIVÉ -  Avis Public CRTC 92-53

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Avis public

Ottawa, le 13 août 1992
Avis public CRTC 1992-53
LA TÉLÉVISION PRIVÉE DE LANGUE FRANÇAISE
Préambule aux décisions CRTC
I. INTRODUCTION
Le Conseil a tenu une audience publique à partir du 23 mars 1992 en vue d'examiner les demandes de renouvellement des licences des réseaux de télévision de langue française du secteur privé et de la plupart des stations. L'audience a été scindée en deux: à Montréal, le Conseil a entendu les demandes des réseaux et des stations-mères et à Québec, celles des stations régionales. Le Conseil a aussi examiné les demandes de renouvellement de licences qui ont fait l'objet de l'avis public CRTC 1992-7 publié en janvier 1992.
L'audience a permis d'évaluer le rendement d'un des grands éléments du système de radiodiffusion canadien. Dans le cadre de son évaluation, le Conseil a accordé une attention particulière au rendement financier de chaque station, à sa programmation et à ses réponses aux plaintes reçues du public pendant la période de licence qui s'achève.
Pour ce qui est des propositions des titulaires pour la nouvelle période d'application de leur licence, le Conseil a évalué le rôle que chacune entend jouer dans son marché quant à la diffusion d'émissions canadiennes qui répondent aux besoins et aux intérêts de son auditoire. Le Conseil a aussi tenté de déterminer en quoi les propositions de programmation allaient atteindre les objectifs de la politique de radiodiffusion canadienne, notamment de refléter la condition et les aspirations des hommes, des femmes et des enfants canadiens, tout en étant variées et en puisant aux sources locales, régionales, nationales et internationales. De plus, le Conseil a examiné avec les requérantes la stratégie qu'elles ont établie afin de répondre aux exigences d'un marché en transformation.
À cet égard, le Conseil a noté une tendance au repli de la part de l'industrie, une plus grande concentration fonctionnelle et une position de retenue manifestée par une réticence à formuler certains engagements pour le futur. Le Conseil reconnaît que les résultats financiers décevants des dernières années et l'incertitude du climat économique sont peu propices à l'étude de demandes de renouvellement de licences. Dans les circonstances, le Conseil a décidé de renouveler la plupart des licences des stations de télévision privées pour une période d'au plus 5 ans afin d'être en mesure de revoir la situation à plus brève échéance.
II. LE CONCEPT DE REFLET LOCAL
L'audience et les dossiers de renouvellement ont révélé qu'à la suite de la publication de la Politique à l'égard des émissions de télévision locales (l'avis public CRTC 1991-22), l'industrie privée de la télévision de langue française semblait opter pour une interprétation restrictive, que certains intervenants ont qualifiée de minimaliste. C'est pourquoi le Conseil juge utile de commenter davantage sa politique actuelle sur les émissions de télévision locales.
1. Catégorie d'émissions de nouvelles
Dans sa politique, le Conseil a déclaré que lors du renouvellement, les titulaires seraient évaluées en fonction du degré de satisfaction des besoins de leurs collectivités. En mettant désormais l'accent sur le rendement global des titulaires au chapitre du reflet local, le Conseil a décidé de ne plus exiger que les télédiffuseurs prennent des engagements quantitatifs à l'égard des émissions locales appartenant aux catégories autres que de nouvelles. À cet égard, le Conseil constate que les restrictions budgétaires, que les télédiffuseurs privés s'imposent à cause de leurs résultats financiers, affectent les émissions de nouvelles. La Fédération professionnelle des journalistes du Québec rappelle dans son intervention que la connaissance par les citoyens des événements locaux contribue à éclairer les comportements qui constituent le fondement même de toute vie véritablement démocratique. Plusieurs régions du Québec ayant récemment été éprouvées quant à la quantité d'information offerte, le Conseil enjoint les télédiffuseurs de langue française à prendre toutes les mesures nécessaires pour que la population soit mieux informée de l'actualité à l'intérieur de leur zone de desserte.
2.Autres catégories d'émissions
La politique du Conseil à l'égard des émissions de télévision locale énonce que chaque télédiffuseur est tenu de desservir le public qui réside à l'intérieur de la zone géographique qu'il est autorisé à desservir.
Le Conseil est d'avis que le reflet de la collectivité ne saurait être complet lorsqu'il se limite à des "topos" de nouvelles. Plusieurs intervenants ont d'ailleurs fourni des exemples à cet effet. Le Conseil estime qu'en vue d'enrichir le débat public, les questions complexes devraient être présentées et discutées dans le cadre d'émissions d'affaires publiques. De plus, à titre de contribution à la vie culturelle, les talents locaux devraient pouvoir bénéficier, en plus des promotions, d'une programmation qui permette la mise en valeur de leurs talents à l'antenne. Lorsque la situation financière le permet, des émissions de variétés devraient aussi être produites en région pour diffusion tantôt dans la région, tantôt en réseau.
La politique du Conseil sur la programmation locale n'a pas pour objectif de déplacer le lieu de production d'une émission pouvant être produite n'importe où, mais bien de s'assurer que la majorité des émissions locales ou régionales servent d'abord et spécifiquement le public qui habite à l'intérieur de la zone de rayonnement de la station et que la communication intra-régionale soit maintenue.
3. Créneaux de diffusion
Dans sa politique, le Conseil a déclaré qu'il continuerait d'exiger des titulaires de licences de télévision qu'elles décrivent comment leur grille-horaire reflète les besoins et les préoccupations des collectivités qu'elles desservent.
Lors de l'audience, le Conseil a remarqué une tendance vers la diffusion d'émissions consacrées au reflet local, hors des heures de grande écoute. Comme ce sont les réseaux qui contrôlent le plus souvent les fenêtres de distribution disponibles pour les émissions locales, le Conseil considère que ceux-ci devraient être sensibles à cette situation et devraient s'assurer que ces émissions puissent être diffusées à des moments où le grand public est disponible.
Même si les émissions de nouvelles sont généralement diffusées à des heures appropriées, le Conseil estime que, selon l'importance de chacune des régions, des manchettes régionales devraient aussi être diffusées aux heures de grande écoute, en plus de bulletins régionaux de nouvelles en fin de soirée ainsi qu'en fin de semaine.
III. LE DOUBLAGE
Depuis 1987, le doublage en français des émissions de télévision (généralement américaines) est devenu une préoccupation très importante pour les artistes canadiens. À l'heure actuelle, à cause d'ententes intervenues entre les grandes chaînes de télévision de France et des syndicats d'artistes français, la plupart du doublage de l'anglais au français est réalisé dans l'Hexagone.
Dans une lettre qu'il adressait au Président du Conseil le 12 septembre 1988, le Sous-ministre du ministère fédéral des Communications demandait au Conseil de constituer un comité consultatif afin d'étudier la problématique. Le Conseil présentait son rapport le 18 mai 1989. Par la suite, il a annoncé que le sujet serait soulevé aux audiences publiques de renouvellement des stations et réseaux de langue française. À l'audience, l'Union des artistes a demandé au Conseil d'établir des exigences minimales, relativement aux émissions doublées au Canada, comparables à celles qu'il impose en matière de contenu canadien.
Le Conseil est d'avis qu'une telle pratique serait inefficace car elle pourrait entraîner un effet négatif sur la production d'émissions originales canadiennes, en ce que des fonds du budget de programmation canadienne pourraient être réaffectés aux dépenses en doublage. De plus, cette mesure constituerait un excès de réglementation et serait source d'inefficacité économique en incitant au doublage au Canada de nombreuses émissions déjà doublées en France.
Dans le meilleur intérêt du public, le Conseil a donc choisi de mettre l'accent sur la production canadienne en favorisant les investissements en émissions canadiennes plutôt que le doublage d'émissions non canadiennes. Conséquemment, il n'imposera pas de quotas de doublage.
IV. LA PRODUCTION INDÉPENDANTE
L'Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ) a présenté à l'audience un mémoire indiquant son objectif de se voir attribuer, par le Conseil, une proportion des budgets de programmation des titulaires de licences. L'APFTQ appuyait son argumentation sur l'alinéa 3.i)(v) de la Loi sur la radiodiffusion qui indique que la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait "faire appel de façon notable aux producteurs canadiens indépendants".
Le Conseil fait remarquer que Télévision Quatre-Saisons consacrait à ce secteur la majorité de ses budgets de production. Quant à Télé-Métropole, elle y consacrait une proportion beaucoup plus modeste compte tenu de l'importance de ses installations de production. Dans le passé, le Conseil a encouragé la collaboration active des télédiffuseurs avec le secteur de la production indépendante, notamment en soulignant les engagements des télédiffuseurs quant à la proportion de leur programmation confiée à ce secteur. Ces mesures ayant déjà porté fruits à divers degrés, le Conseil ne croit pas nécessaire d'imposer des quotas à cet égard. Néanmoins, il trouve inacceptable l'absence d'engagement, ne serait-ce que celui de poursuivre les efforts de coopération avec le secteur indépendant. Conséquemment, certaines attentes sont énoncées dans les décisions qui suivent.
V. LES ÉMISSIONS POUR ENFANTS
Au Québec, certaines restrictions de compétence provinciale peuvent limiter la capacité de financement des émissions pour enfants. En effet, la publicité destinée aux enfants y est interdite. En conséquence, les titulaires de réseaux privés de télévision de langue française refusent de produire et de diffuser de nouvelles émissions canadiennes pour enfants.
Le Conseil ne saurait souscrire au principe que les titulaires de licence de station de télévision par ondes hertziennes, traditionnellement des médias de portée générale, puissent abandonner des segments entiers d'auditoire parce qu'ils ne sont pas suffisamment lucratifs. Le système canadien de radiodiffusion est composé d'éléments publics, privés et communautaires. Jusqu'ici, la télévision publique (la Société Radio-Canada) et privée s'est partagée le fardeau de s'assurer que la programmation soit variée et aussi large que possible.
Selon le Conseil, il n'apparaît pas acceptable que la télévision par ondes hertziennes veuille déléguer la production et la diffusion d'émission pour enfants, un segment moins profitable de ses responsabilités, à certains services spécialisés. En effet, un peu plus de 30 % de la population du Québec ne reçoit pas les services spécialisés. Le Conseil s'attendra donc à ce que les réseaux privés de télévision diffusent régulièrement de nouvelles émissions canadiennes pour enfants qui reflètent les préoccupations et les aspirations des jeunes Québécois. D'ailleurs, comme les émissions canadiennes destinées aux enfants comportent généralement moins de violence que de nombreuses émissions étrangères, leur développement et leur diffusion devient une forme de lutte à la violence télévisée.
VI. LA VIOLENCE TÉLÉVISÉE
Depuis 1985, la violence constitue la principale raison pour laquelle les Québécois se sont plaints de leur télévision auprès du Conseil.
À cet égard, le 27 mai 1992, le Conseil a publié un rapport interne intitulé "La violence à la télévision: État des connaissances scientifiques" ainsi qu'un rapport externe intitulé "Synthèse et analyses de divers travaux relatifs à la violence à la télévision". Il a alors fait part de son intention de continuer d'exiger des télédiffuseurs canadiens qu'il se préoccupent de cette question, notamment par la mise en oeuvre imminente d'un code de l'industrie sur la violence.
VII. L'ACCÈS À LA TÉLÉVISION PAR LES PERSONNES AYANT UNE DÉFICIENCE VISUELLE OU AUDITIVE
Le Centre québécois de la déficience auditive, l'Agence canadienne de développement de sous-titrage, le Regroupement québécois pour le sous-titrage et le Conseil canadien des droits des handicapés ont fait une présentation conjointe à l'audience publique. Ces intervenants ont demandé une augmentation de la quantité de sous-titrage jusqu'à ce que l'ensemble des émissions soient sous-titrées d'ici l'an 2000. Ils ont aussi démontré, au moyen d'un enregistrement vidéo, qu'il existait un problème général de qualité du sous-titrage en télévision de langue française. En conséquence, les intervenants ont notamment demandé:
- de promouvoir une méthode de sous-titrage en direct récemment mise au point par la Société Radio-Canada, améliorant ainsi la qualité et la quantité des sous-titrages et diminuant les coûts unitaires;
- que les services connexes soient améliorés afin d'éviter, par exemple, que des émissions annoncées comme étant sous-titrées ne le soient pas dans les faits que d'autres soient déplacées sans efforts pour en prévenir les malentendants, et enfin que d'autres soient sous-titrées sans effort de promotion auprès de la clientèle potentielle; et
- que l'industrie mette sur pied la télévision descriptive à l'intention des personnes visuellement handicapées.
La majorité des demandes de renouvellement étudiées ne proposait pas de bonifications des mesures permettant aux personnes ayant une déficience visuelle ou auditive un meilleur accès à la télévision.
Dans le contexte social et technologique actuel, le Conseil a déterminé, à l'instar de ses décisions du 6 avril 1989 renouvelant les licences de 76 stations de télévision de langue anglaise, que les stations locales ou régionales devraient offrir le sous-titrage, ou l'interprétation gestuelle, d'au moins les manchettes des émissions locales de nouvelles.
Quant aux stations-mères, le Conseil s'attendra à ce qu'elles augmentent le nombre d'heures d'émissions sous-titrées offertes d'une année à l'autre et qu'elles lui fournissent des rapports à cet effet, notamment en ce qui a trait aux mesures prises pour communiquer les déplacements d'émissions et pour annoncer les nouvelles émissions sous-titrées.
De plus, le Conseil suivra l'évolution technologique et la mise sur pied d'un système descriptif pour les personnes ayant une déficience visuelle et d'autres améliorations comme le sous-titrage en direct. Enfin, le Conseil exige des télédiffuseurs qu'ils se dotent d'un appareil de télécommunications pour les personnes sourdes (ATS) et que le numéro de téléphone soit bien annoncé et publié dans l'annuaire téléphonique local.
VIII. CONCLUSION
Les téléspectateurs francophones ont démontré qu'ils préfèrent de beaucoup regarder les émissions canadiennes produites au Québec. Depuis les débuts de l'industrie, les télédiffuseurs de langue française ont offert de nombreuses émissions canadiennes en raison de leur grande popularité. Dans ce contexte, le Conseil ne juge pas utile de mettre en place une formule, comme il l'a fait pour les stations de télévision de langue anglaise, visant à soutenir les dépenses affectées aux émissions canadiennes.
Les conditions de licence, attentes et encouragements exposés dans les décisions de renouvellement de licences qui suivent ont pour objet de faire en sorte que toutes les titulaires s'efforcent de trouver de nouveaux moyens d'améliorer le service qu'elles offrent au public québécois francophone.
Le Conseil remercie les intervenants de leur apport très pertinent à cette instance publique.
Documents connexes: avis d'audience publique CRTC 1992-2 du 22 janvier 1992; avis public CRTC 1991-22 du 15 février 1991; avis public CRTC 1992-7 du 20 janvier 1992; avis public CRTC 1989-27 du 6 avril 1989; décision CRTC 90-69 du 1er février 1990 et décision CRTC 90-625 du 29 juin 1990; communiqué du CRTC du 27 mai 1992.
Le Secrétaire général
Allan J. Darling

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