ARCHIVÉ -  Avis Public CRTC 90-21

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Avis public

Ottawa, le 19 février 1990
Avis public CRTC 1990-21
UN EXAMEN DE LA POLITIQUE RELATIVE A LA RADIO MF
Documents connexes: Avis publics CRTC 1985-100 du 22 mai 1985; 1986-67 du 19 mars 1986; 1988-84 du 26 mai 1988; 1989-45 du 11 mai 1989; Décision CRTC 89-458 du 10 juillet 1989 et Avis d'audience publique 1989-8 du 11 août 1989.
l.Mise en contexte
Lors d'une audience publique tenue à Montréal à partir du 7 novembre 1989, le Conseil entendait des interventions de la part de représentants des industries de la radiodiffusion, du disque, du spectacle et de la musique, en vue d'évaluer la disponibilité et la diffusion actuelles de la musique populaire de langue française, et de décider de la norme appropriée. Cette audience publique faisait suite à la relaxation temporaire de la norme sur la musique populaire de langue française. Cette relaxation permettait une réduction temporaire de 65 % à 55 % de la musique populaire de langue française pour toutes les stations MA et des exceptions possibles à un minimum ultime de 55 % pour les radiodiffuseurs MF.
Cette mesure temporaire était adoptée suite au rapport du Comité d'étude qui était formé en 1985 en vue de trouver des solutions possibles à la difficulté d'approvisionnement de matériel musical francophone. Dans l'avis public CRTC 1986-67, le Conseil faisait état de certaines recommandations du comité d'étude, et s'engageait à revoir la question après une période expérimentale de deux ans. Cette période temporaire visait à permettre la mise sur pied des programmes d'encouragement pour la production de matériel francophone, tels que soulevés par le Comité d'étude.
2.Décision du Conseil
a) Niveau de musique populaire de langue française
Le Conseil a décidé qu'un retour au niveau de 65 % de musique populaire de langue française est justifié, et ce pour toutes les stations MA et MF francophones, sans égard aux formats ni aux marchés. Les études déposées au Conseil dans le cadre de cette audience publique démontrent une amélioration discernable dans la qualité des produits canadiens francophones depuis 1986, et le Conseil est d'avis qu'il y a suffisamment de pièces francophones disponibles pour permettre l'atteinte de ce niveau.
b) Calcul du niveau de musique populaire de langue française
Le Conseil a décidé de maintenir un calcul sur une base hebdomadaire, tant au MA qu'au MF. Cette mesure devrait permettre la flexibilité que réclament les radiodiffuseurs en vue de pouvoir nuancer le son de leurs stations selon les différentes parties du jour ou de la semaine, et d'ajouter des émissions spéciales à l'horaire, à l'occasion. Le Conseil s'attend cependant à ce que les radiodiffuseurs francophones maintiennent une répartition raisonnable de la musique populaire de langue française au cours de la journée et de la semaine, et il surveillera de près le rendement des stations à cet égard.
c) Le contenu canadien de la musique populaire de langue française
Le Conseil estime qu'une exigence de diffusion minimale en sus de celles prescrites par le Règlement concernant la radiodiffusion (MA) ou de l'attente de la Politique MF n'est pas justifiée. Le Conseil encourage cependant les radiodiffuseurs francophones à tendre vers une diffusion minimale de 50 % de contenu canadien des pièces populaires de langue française.
d) Rôle des stations de radio de langue anglaise
Le Conseil est d'avis que le rôle principal des stations de langue anglaise opérant dans des marchés majoritairement francophones est de mettre l'accent sur la prestation du service à la population anglophone du marché. Le Conseil juge donc qu'une augmentation de la diffusion de musique populaire de langue française sur les ondes de ces stations n'est pas justifiée, mais il les encourage plutôt à continuer d'assurer la promotion en ondes, de même que l'encouragement financier, des talents canadiens des marchés qu'elles desservent.
e) Mesures d'encouragement de la production de disques francophones
Compte tenu des succès obtenus jusqu'à présent, le Conseil encourage fortement les radiodiffuseurs et autres organismes responsables des divers programmes d'encouragement à la production de matériel francophone et à la découverte de talents francophones de continuer leurs efforts en vue d'augmenter la disponibilité de produits francophones de qualité. De plus, le Conseil encourage la mise sur pied du comité de liaison disque-radio proposé par l'Assocation canadienne de la radio et de la télévision de langue française Inc. (ACRTF).
3.Études et commentaires
Pour la première fois dans l'histoire de la radiodiffusion canadienne, les industries de la radiodiffusion francophone (représentée par l'ACRTF) et du disque (représentée par l'ADISQ) se concertaient pour présenter une étude au Conseil, répartie en trois sections:
- Approvisionnement, diffusion et promotion de la musique vocale francophone (ACRTF)
- Disponibilité de la musique vocale de langue française au Canada: contexte économique et industriel (ADISQ)
- Les habitudes d'écoute de la musique chez les québécois francophones (Sondage CROP)
La première étude traitait notamment du contexte économique de l'industrie de la radiodiffusion, de la façon dont les stations s'approvisionnent, de la mise à l'horaire du matériel musical et de la promotion de la musique canadienne.
La deuxième portait sur l'évolution des ventes et des lancements de disques, tant au Canada qu'à l'étranger, dans un contexte économique et industriel. Enfin, la troisième étude révélait les résultats d'un sondage auprès des consommateurs francophones en vue de découvrir leurs besoins et intérêts en matière de radiodiffusion et d'enregistrements sonores.
Ces études ont été d'une aide considérable au Conseil dans son évaluation de la situation actuelle, et il tient à remercier ces deux organismes de cet effort conjoint.
3.Positions des intervenants
a) Industrie de la radiodiffusion
À l'audience publique, l'industrie de la radiodiffusion francophone était représentée par l'ACRTF, Radio Futura Ltée, la Société Radio-Canada, l'Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec Inc. (ARCQ) et les Gens de la Radio. La CHUM Limited et la Standard Broadcasting Ltd. représentaient les radiodiffuseurs anglophones.
L'ACRTF
L'ACRTF soulevait trois points principaux qui, selon elle, devaient être à la base même de la décision du Conseil. Le premier avait trait à la difficulté d'approvisionnement pour un grand nombre de stations, surtout en région, ce qui diminue leur capacité de diffuser le niveau requis de musique de langue française.
La deuxième considération était reliée au glissement des auditoires francophones aux stations de langue anglaise, tel que démontré dans les données d'écoute soumises à l'appui. Selon l'ACRTF, il est important d'assurer la viabilité des stations francophones si l'on veut permettre la diffusion du produit francophone, et cette viabilité repose en grande partie sur la capacité des stations francophones de rapatrier cette portion de l'écoute francophone qui semble glisser vers les stations de langue anglaise.
Le troisième point soulevé par l'ACRTF avait trait au besoin d'assurer la survie des stations MA, dont la situation financière est précaire, en leur permettant la flexibilité nécessaire pour modifier leur horaire selon les différentes périodes de la semaine, de la journée ou même de l'année, en vue de rapatrier une certaine portion de leur auditoire.
L'ACRTF recommande que la norme actuelle, soit 65 % pour les stations MF et 55 % pour les MA, soit adoptée de façon permanente. Il est suggéré que le Conseil accorde certaines exemptions en tenant compte des six critères suivants:
-  le format musical de la station;
-  la disponibilité relative du produit musical;
-  l'environnement concurrentiel;
-  les autres exigences de contenu, verbal et musical, auxquelles doivent se soumettre les stations;
-  les mesures volontaires additionnelles mises en place par les stations;
-  les conditions historiques d'exploitation de la licence.
L'ACRTF recommande que le Conseil applique la norme sur une base hebdomadaire plutôt que quotidienne, et que la diffusion de musique populaire de langue française sur les ondes des stations anglophones ne soit pas augmentée. Elle recommande plutôt d'accorder aux stations francophones toute la flexibilité nécessaire en vue de tenter de rapatrier l'écoute francophone.
En vue de continuer à encourager et à promouvoir la musique populaire francophone, l'ACRTF propose l'élaboration de deux projets fort intéressants:
- la création d'une banque de nouveaux talents, qui comporterait l'allocation de temps d'antenne, par toutes les stations de radio francophones, pour la promotion de tout artiste qui lance un premier disque; et
- la création d'un comité de liaison permanent disque-radio, dont les membres représenteraient les industries du disque et de la radiodiffusion, en vue de trouver des solutions possibles aux problèmes actuels de mise en marché, de commercialisation du produit et d'approvisionnement des stations de radio, ainsi que d'élaborer de nouvelles activités promotionnelles.
Radio Futura Ltée
CKOI-FM est l'une des stations MF francophones qui est présentement tenue de diffuser 55 % de musique populaire de langue française, par condition de licence. Radio Futura appuie la recommandation de l'ACRTF, et demande au Conseil de continuer à lui accorder une exemption à la norme, compte tenu de son format rock avant-garde (dit "progressif") qui implique la diffusion d'un grand nombre de pièces non popularisées. De plus, Radio Futura fait état du transfert de son auditoire aux stations anglophones qui, selon cette dernière, serait la cause principale de l'érosion de ses profits depuis les deux dernières années. L'intervenante est également opposée à toute augmentation du niveau de musique populaire francophone sur les ondes des stations anglophones, ce qui aurait sûrement pour effet, selon elle, d'aggraver la situation des transferts d'écoute.
Société Radio-Canada
En général, la Société recommande un niveau de 65 % hebdomadaire au MA et au MF, incluant des exceptions possibles pour les stations MF en tenant compte des facteurs suivants:
- la répartition de la musique de langue française au cours de la programmation;
- l'efficacité des mesures prises par le radiodiffuseur pour la mise en valeur de la musique canadienne de langue française;
- le pourcentage de musique de langue française présentée par le diffuseur dans le passé; et
- la concurrence du marché.
Comme autres solutions possibles aux problèmes soulevés par les radiodiffuseurs, la Société suggère également un plus grand recours aux répertoires passés, et le développement de mécanismes pour alimenter la distribution au niveau des petits marchés.
CHUM Limited
Le détenteur de licence des stations montréalaises CHOM-FM et CHTX est d'avis que les mêmes niveaux de musique populaire de langue française devraient être imposés à toutes les stations de langue anglaise opérant dans des marchés majoritairement francophones. Il soutient que le rôle des stations radiophoniques anglophones est de desservir la population anglophone du marché, et de promouvoir la musique vocale francophone qui est compatible avec le son de la station.
Standard Broadcasting Ltd.
La titulaire de CJFM-FM et CJAD, Montréal, s'oppose à toute augmentation du niveau actuel de 5 % de musique populaire de langue française imposé aux stations radiophoniques anglophones. Selon la Standard, son rôle est plutôt de favoriser la promotion de nouveaux artistes canadiens de langue anglaise, ainsi que des vedettes locales francophones. Elle affirme qu'elle assure déjà la promotion des vedettes québécoises d'expression française à travers la promotion en ondes et les sommes substantielles qu'elle a déjà versées à MusicAction.
L'ARCQ
L'ARCQ favorise la diffusion d'un minimum hebdomadaire de 65 % de musique populaire francophone "dans tous les marchés où la concentration de francophones le permet", et souhaite que cette musique ne soit pas reléguée à des heures de faible écoute. L'Association déplore cependant la difficulté qu'éprouvent les stations communautaires à s'approvisionner en matériel francophone, et le manque d'intérêt apparent des compagnies de disques à leur faire parvenir ces produits, en raison de leur couverture limitée ou de leur éloignement des grands centres.
Les Gens de la radio
Cet organisme ne recommande pas de niveau spécifique de musique populaire de langue française, mais suggère que la chanson d'expression française ait une place de choix à la radio de façon quotidienne. Il est également proposé de calculer les niveaux à partir du temps de diffusion plutôt que du nombre de pièces. En vue d'encourager la relève, les Gens de la radio proposent "la mise sur pied d'un programme de soutien à la production qui aurait comme vocation de soutenir les efforts de diffusion, tant pour les auteurs-compositeurs que pour les interprètes dont la carrière embryonnaire ne permet pas encore d'accéder à des programmes bien en place comme MusicAction". Ceux-ci ont aussi proposé la mise sur pied d'un abri fiscal destiné à encourager la participation d'investisseurs privés au milieu du disque et de la radio.
En ce qui a trait au rôle des stations anglophones, cet organisme suggère qu'elles diffusent la chanson francophone en contrepartie du pourcentage qui sera attribué aux stations de langue française.
b)L'industrie du disque
L'industrie du disque était représentée par l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ), l'Union des artistes (UDA) et la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ).
L'ADISQ
Dans ses interventions écrites et orales, l'ADISQ demande qu'une plus grande place soit accordée aux artistes francophones sur les ondes des stations de langue française. Selon l'ADISQ, la diffusion de la musique de langue française a un impact direct sur les ventes, et la radio est la raison principale évoquée par les consommateurs comme incitatif à l'achat de disques. Les études entreprises par cet organisme démontrent une amélioration qualitative du produit francophone canadien, tel que démontré par le nombre de pièces par microsillon qui est maintenant diffusé à la radio. Selon cet organisme, cette augmentation qualitative a des répercussions directes sur la disponibilité des pièces francophones, et devrait en assurer un nombre suffisant pour respecter une exigence de 65 %.
De plus, les résultats du sondage auprès des consommateurs révèlent que 43 % des gens trouvent qu'il ne se joue pas suffisamment de musique d'artistes francophones québécois sur les ondes des stations francophones, alors que 2 % trouvent qu'il s'en joue trop.
L'ADISQ recommande donc un retour à la norme minimale de 65 % pour toutes les stations MA et MF, calculée sur une base quotidienne et par blocs de quatre heures entre 6 h et 18 h. L'ADISQ insiste également sur une présence accentuée de la musique populaire de langue française lors des périodes de grande écoute, afin qu'elle rejoigne le plus grand nombre d'auditeurs possible. L'ADISQ n'admet aucune exception quand aux formats ou aux marchés.
Selon l'ADISQ, le rôle premier de la radio francophone, c'est "celui de diffuseur, de vitrine attrayante de la musique et de la chanson d'ici". L'ADISQ est d'avis qu'il existe présentement suffisamment de produits pour assurer une diversité musicale, et ne craint pas le "brûlement" d'artistes par une rotation un peu plus élevée.
L'ADISQ s'est dit prête à participer au comité de liaison disque-radio proposé par l'ACRTF.
L'UDA
L'UDA recommande un retour à la norme de 65 % pour toutes les stations MA et MF, calculée sur une base quotidienne, et plus spécifiquement entre 6 h et 18 h. Cette mesure devrait assurer une meilleure répartition de la musique francophone et l'accès au plus grand public possible. Elle admet cependant la possibilité d'exceptions à la règle selon la disponibilité des pièces dans certains formats musicaux, qui devrait être mesurée et analysée par le Conseil. En ce qui a trait au rôle des stations anglophones, l'UDA est d'avis que l'on doit exiger une contribution plus importante de la part de celles qui diffusent au Québec, et suggère une norme de 10 % de musique populaire francophone, afin de rejoindre les auditeurs francophones qui écoutent ces stations.
L'UDA recommande également au CRTC "d'exiger des radiodiffuseurs qu'ils s'expliquent à fond sur les retombées réelles de toutes leurs initiatives promotionnelles, et qu'ils précisent, si besoin est, pourquoi ces initiatives ne leur permettent pas, après trois ans, de retrouver un niveau de contenu vocal francophone de 65 %".
La SPACQ
La SPACQ recommande un niveau de 65 % de musique populaire de langue française pour toutes les stations MA et MF, à l'exception possiblement des stations ethniques. Ce niveau serait calculé aux trois heures. Elle recommande également que 60 % de la musique francophone soit canadienne, afin d'assurer une place de choix aux artistes d'ici. Certaines suggestions faites par la SPACQ afin d'augmenter et de maintenir la production incluent l'identification des pièces tournées à la radio, la création de programmes de formation pour les auteurs-compositeurs en vue d'améliorer le processus de création des chansons, une augmentation du budget de MusicAction, et la création d'une banque de chansons où serait répertorié tout le produit canadien francophone des quarante dernières années.
La SPACQ recommande un niveau de 20 % de musique populaire de langue française sur les ondes des stations radiophoniques anglophones qui diffusent dans un milieu majoritairement francophone, afin de permettre aux créateurs québécois de rejoindre le plus grand public francophone possible.
4.Constatations
Diffusion de musique populaire de langue française
a) Disponibilité et diffusion
Selon les données de RadioActivité, et tel que confirmé par l'étude de l'ACRTF/ADISQ, le nombre de disques francophones disponibles n'a pas augmenté depuis 1985. Cependant, s'il n'y a eu aucune augmentation quantitative des microsillons francophones, les deux industries admettent qu'il y a eu amélioration sensible au niveau de la qualité du matériel disponible. En effet, on remarque qu'en 1983 on diffusait en moyenne 2,04 pièces musicales par microsillon alors qu'en 1988 ce nombre est passé à 3,5 ce qui se traduit en une augmentation de pièces musicales francophones réellement disponibles. Le Conseil est d'avis que le retour au niveau de 65 % devrait stimuler l'industrie du disque à maintenir cette qualité afin d'assurer une disponibilité constante de matériel francophone.
Une étude des listes musicales des stations MF francophones des marchés de Montréal et de Québec révèle que très peu de pièces musicales francophones font l'objet d'une haute rotation. La Politique MF du Conseil (Avis public CRTC 1983-43) permet un facteur maximal de répétition de 18 pour toutes les pièces musicales à l'exception des pièces canadiennes qui ne sont pas sujettes à une limite de rotation. Cependant, selon les listes musicales analysées, il semble que très peu de pièces francophones soient diffusées plus d'une fois par jour, et la majorité des pièces, soit 91,5 %, ne sont pas répétées plus de 3 fois par semaine. Une copie de cette étude a également été déposée au dossier public.
Tout en tenant compte des préoccupations exprimées par l'ACRTF concernant le risque de "brûlement" d'artistes ou de microsillons, le Conseil est d'avis qu'une rotation un peu plus élevée de certaines pièces musicales francophones devrait être possible, et aurait pour effet d'offrir une meilleure vitrine aux artistes de langue française.
Une vérification des promesses de réalisation de l'ensemble des stations MA de langue française révèle que les stations des grands marchés ont un contenu verbal très élevé, la musique n'y occupant qu'une place secondaire. Par contre, en région, bien que leur niveau de diffusion musicale s'apparente plutôt à celui des stations MF, elles jouissent généralement d'une concurrence restreinte, en plus de leur flexibilité au niveau du format musical. Ces stations devraient donc pouvoir atteindre le niveau de musique populaire de langue française proposé dans le présent avis.
b) Répartition à l'horaire
Des études entreprises par le Conseil, à partir des listes musicales de 30 stations radiophoniques francophones, révèlent que la diffusion de la musique populaire de langue française est généralement bien répartie à travers la journée et la semaine.
Par contre, une comparaison des niveaux de diffusion de musique populaire francophone avec les données d'écoute de 4 stations MF francophones de Montréal démontre une tendance, de la part des stations se spécialisant dans la diffusion de musique rock accentuée, à réduire légèrement la diffusion de musique anglophone aux heures de haute écoute chez les 18-34 ans, pour ensuite augmenter la diffusion de musique francophone lorsque l'écoute chez les 18-34 ans est à la baisse. Une copie de cette étude a été déposée au dossier public.
Néanmoins, un survol de la diffusion de musique francophone dans tous les pays de la francophonie révèle que c'est au Canada qu'il se joue le plus de musique populaire de langue française sur les ondes des stations de radio francophones.
Sans vouloir sous-estimer le rôle de la réglementation dans l'atteinte de ce niveau de diffusion, le Conseil reconnaît le rôle important qu'ont assumé les radiodiffuseurs francophones dans la diffusion de musique de langue française, ainsi que les efforts qu'ils déploient dans la mise à l'horaire de matériel francophone, et il les encourage à continuer leurs efforts en ce sens et à tendre vers une répartition équilibrée de la diffusion de musique populaire de langue française.
c)Contenu canadien
L'étude effectuée à partir des listes musicales de 30 stations radiophoniques francophones révèle qu'une moyenne de 42,9 % à 55,1 % de la musique populaire de langue française diffusée par semaine est canadienne, les pourcentages variant selon les marchés. La majorité des titres francophones disponibles étant d'origine canadienne, il est douteux qu'une intervention du Conseil soit nécessaire pour assurer le maintien de ces niveaux.
Situation financière des deux industries
Selon les données fournies dans l'étude de l'ACRTF et de l'ADISQ et les données disponibles au Conseil, les industries du disque et de la radiodiffusion francophones jouissent présentement d'une situation financière passablement stable.
a) L'industrie de la radiodiffusion
En 1988, l'industrie de la radiodiffusion québécoise a connu un rendement financier comparable à celui de l'industrie canadienne. Par exemple, les revenus de l'industrie québécoise ont accusé une croissance à un taux de 9,2 % et ceux de l'industrie nationale à un taux de 9,3 %. Cependant, alors que l'industrie nationale connaissait une augmentation de 12,5 % au niveau des profits avant intérêts et impôts, l'industrie québécoise connaissait une croissance de 30,4 %. La tendance à la hausse se maintient d'ailleurs depuis 1983. De plus, bien que la condition économique des stations MA canadiennes continue de se détériorer, celle des stations MA au Québec, bien que déficitaire, s'améliore. Lors de l'audience publique, ainsi que dans l'étude ACRTF/ADISQ, plusieurs données d'écoute ont été fournies en vue de faire état des transferts d'écoute des auditeurs francophones vers les stations anglophones, principalement dans le marché de Montréal. Une analyse effectuée par le Conseil sur les données d'écoute des stations anglophones et francophones de Montréal révèle que ce phénomène n'est pas généralisé, mais affecte principalement les stations qui s'adressent au groupe démographique des 18 à 34 ans, soit CKMF-FM, CKOI-FM et CHOM-FM. De plus, les sondages de l'automne 1989 ont démontré une augmentation importante des heures d'écoute à CKMF-FM et CKOI-FM depuis l'automne 1988, aux dépens de CHOM-FM, et ce sans réduction dans la diffusion de musique populaire de langue française sur les ondes des deux stations francophones.
Le Conseil reconnaît toutefois qu'il est effectivement important que l'industrie soit viable pour que la musique populaire de langue française soit diffusée au grand public. C'est pourquoi il a choisi de maintenir la flexibilité dans la mise à l'horaire des pièces musicales en évitant d'imposer des mesures quotidiennes ou même par bloc horaire.
b) L'industrie du disque
Malgré la réduction dans la diffusion de musique populaire de langue française, l'industrie du disque québécoise a connu un essor considérable depuis la mise sur pied des programmes d'encouragement des différents paliers de gouvernement, notamment des initiatives conjointes du gouvernement et de l'industrie (MusicAction), ainsi que des programmes de développement de talents locaux et canadiens mis sur pied par les radiodiffuseurs. On note particulièrement l'augmentation substantielle du nombre de disques d'or et de platine de langue française produits au Canada. Le Conseil tient à féliciter tous les organismes impliqués pour le rôle-clé qu'ils ont joué dans la production de matériel francophone canadien.
Le Conseil note particulièrement les résultats obtenus par MusicAction et par le Programme d'aide au développement de l'enregistrement sonore (PADES) du ministère des Communications du Canada. De plus, selon l'ACRTF, et tel que confirmé par les données disponibles au Conseil, il appert que les radiodiffuseurs québécois ont su réinjecter plus de 800 000 $ en 1988 dans la découverte de nouveaux talents et dans la production de disques incluant les contributions à MusicAction.
Le Conseil est d'avis qu'un tel réinvestissement de fonds dans la découverte de nouveaux talents est essentiel, tant du côté de l'industrie du disque que de la radiodiffusion, en vue de découvrir et de promouvoir la relève, et il encourage fortement les producteurs de disques francophones à continuer d'investir dans la découverte de nouveaux talents.
5. Mise en application de la politique
Dans la Décision CRTC 89-458, le Conseil renouvelait la condition de licence de 10 stations de radio francophones, leur permettant de prolonger la diffusion d'un niveau de musique populaire de langue française inférieur à 65 % jusqu'au 30 juin 1990. Par conséquent, pour ces stations, la politique décrite dans le présent avis sera en vigueur à compter du 1er juillet 1990. Pour les autres stations MF francophones dont la promesse de réalisation permet une diffusion réduite de la musique populaire de langue française, cette réduction prendra fin au moment de l'expiration de leur licence. Le Conseil s'attend à ce que toutes les stations MA francophones se conforment à la présente politique à compter du 1er juillet 1990.
Le Conseil tient à remercier tous les intervenants qui ont participé à cette audience publique, notamment l'ACRTF, Radio Futura Ltée, la Société Radio-Canada, l'ARCQ, la CHUM Limited, la Standard Broadcasting Ltd., l'ADISQ, les Gens de la radio, l'UDA et la SPACQ. Le Conseil remercie également les organismes et individus qui ont soumis des commentaires écrits, lesquels ont également été pris en considération dans l'élaboration de cette politique.
Le Secrétaire général
Fernand Bélisle

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