ARCHIVÉ -  Décision Télécom CRTC 90-10

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Décision Télécom

Ottawa, le 9 mai 1990
Décision Télécom CRTC 90-10
BELL CANADA - INTRODUCTION D'UN SERVICE DE GESTION DES APPELS
Référence : Avis de modification tarifaire 3323 et 3447
I HISTORIQUE
Le Conseil a reçu de Bell Canada (Bell), en vertu de l'avis de modification tarifaire 3323 du 7 novembre 1989, une requête en vue de faire approuver des révisions tarifaires prévoyant l'introduction d'un service de gestion des appels (SGA).
Le Conseil a également reçu de Bell, en vertu de l'avis de modification tarifaire 3447 du 2 mars 1990, une requête en vue de faire approuver des révisions tarifaires prévoyant l'introduction d'un téléphone destiné à être utilisé de concert avec le SGA. Le téléphone Maestro est un appareil monoligne doté de diverses caractéristiques, notamment une unité d'affichage, l'enregistrement des numéros demandeurs sur non-réponse et une mémoire programmable de 10 numéros.
Le SGA offrirait quatre nouvelles fonctions de contrôle du réseau reposant sur l'identification du numéro de téléphone d'où provient l'appel local.
(1) L'Afficheur permettrait de faire afficher le numéro de téléphone d'où provient l'appel.
(2) Le Dépisteur permettrait aux abonnés de faire dépister et enregistrer par Bell les détails du dernier appel d'arrivée. Ces renseignements ne seraient accessibles qu'au service de sécurité de Bell qui, sur demande de l'abonné, les transmettrait à un organisme compétent chargé de faire respecter la loi (par ex., dans le cas d'appels de menaces).
(3) Le Mémorisateur permettrait la recomposition automatique du numéro de téléphone du dernier appel d'arrivée ou de départ, qu'il y ait eu réponse ou non.
(4) Le Sélecteur permettrait aux abonnés de faire bloquer les appels provenant d'au plus 12 numéros de téléphone différents. Les appelants dont les numéros seraient bloqués obtiendraient un message enregistré normal leur signalant que l'appelé ne désire pas recevoir l'appel. L'abonné contrôlerait la liste du Sélecteur et pourrait en changer les numéros n'importe quand.
Bell a déclaré que le SGA offrirait à l'appelé nombre des avantages offerts à l'heure actuelle uniquement à l'appelant et qu'il vise à donner aux abonnés de ce service des moyens supplémentaires de contrôle de gestion des appels pour ce qui est de leur service téléphonique.
Bell a aussi déclaré que, sous réserve d'installations convenables, le numéro de téléphone d'où provient chaque appel local serait affiché à l'abonné doté du SGA, y compris les numéros confidentiels qui ne figurent pas dans les annuaires téléphoniques. Bell a déclaré que le SGA serait offert uniquement aux abonnés de ligne individuelle des services de résidence et d'affaires. Il serait fourni à divers endroits du territoire d'exploitation de Bell, au fur et à mesure que les installations de commutation nécessaires le permettraient, dans le cadre du Programme de modernisation de l'équipement de commutation de la compagnie.
Le SGA est rendu possible grâce à l'utilisation de la technologie n° 7 de signalisation par canal sémaphore (CCS7). Le déploiement de cette technologie paverait la voie à l'implantation d'un certain nombre de nouveaux services axés sur l'information, y compris des services de réseaux numériques à intégration de services (RNIS).
Dans l'avis public Télécom CRTC 1989-57 du 17 novembre 1989, le Conseil a sollicité des observations sur la requête de Bell relative au SGA. Le Conseil a reçu des observations de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec, de l'Association coopérative d'économie familiale du centre de Montréal, de la Ligue des droits et libertés (la FNACQ et autres); des Belleville Medical Associates (les BMA); de la Call-Net Telecommunications Inc. (la Call-Net); de M. Tony Harminc; de l'Initiative for the Peaceful Use of Technology (l'INPUT); du Gouvernement de l'Ontario (l'Ontario); de l'Ontario Association of Interval & Transition Houses (l'OAITH); de l'Association RadioComm du Canada (l'ARC); de la Commision des droits de la personne du Québec (la Commission des droits); et du Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence (le Regroupement provincial). Le Conseil a également reçu des observations d'un certain nombre d'autres groupes et particuliers.
II POSITIONS DES INTERVENANTS
La majorité des intervenants ont des inquiétudes particulières au sujet des répercussions de l'option d'identification de la ligne appelante (ILA) de l'Afficheur et du Mémorisateur sur le droit à la protection de la vie privée de l'appelant.
Voici les principales inquiétudes exprimées :
(1) L'identification de l'appelant pourrait permettre à un auteur d'abus de retracer une victime de violence conjugale qui se cache de lui ou elle : un auteur d'abus pourrait obtenir le numéro de téléphone de sa victime en utilisant l'option d'ILA, puis consulte un annuaire inverse pour trouver son adresse.
(2) L'ILA permettrait d'afficher des numéros confidentiels, ce qui réduirait l'utilité de ces derniers.
(3) L'anonymat des personnes appelant des ministères et organismes de l'État pourrait être compromis.
(4) L'ILA pourrait compromettre la sécurité des informateurs de police et des agents secrets.
(5) Les entreprises pourraient utiliser l'ILA et des annuaires inverses pour établir des listes de télémarketing et retourner des appels aux fins de promouvoir des biens et services.
(6) Les patients de médecins et autres professionnels de la santé pourraient obtenir les numéros résidentiels de ceux-ci ou même ceux d'autres patients (par ex., lorsqu'un médecin appellerait un patient de la résidence d'un autre patient, le patient appelé pourrait obtenir le numéro de l'autre patient).
(7) Le nombre d'appels aux lignes de détresse et aux centres d'information sur la santé pourrait diminuer si les appelants éventuels estimaient qu'il est impossible de leur garantir l'anonymat.
La FNACQ et autres ont fait valoir que l'option d'ILA porterait atteinte au droit à la vie privée de l'abonné et, en particulier, que l'Afficheur irait à l'encontre de l'article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Elles ont ajouté qu'il faut envisager le droit à la vie privée sous tous ses aspects, en mettant l'accent en particulier sur la divulgation d'informations nominatives. Elles ont soutenu que le contrôle dont jouissent actuellement les abonnés sur la divulgation de renseignements personnels sera réduit par la divulgation de leurs numéros de téléphone sans leur consentement.
La FNACQ et autres ont aussi avancé que l'affichage des numéros confidentiels sans le consentement écrit des abonnés irait à l'encontre de l'article 11 des Modalités de service de Bell.
La FNACQ et autres ont soutenu que, même avec l'Afficheur du SGA, les parties pourraient loger des appels de harcèlement à partir d'autres téléphones et, ainsi, rester anonymes.
La FNACQ et autres ont fait valoir qu'il ne faut pas approuver l'Afficheur et le Mémorisateur. Toutefois, si ces options étaient approuvées, il faudrait alors offrir sans frais un dispositif de blocage de l'ILA qui supprimerait l'affichage du numéro de l'appelant.
La FNACQ et autres ont également fait valoir que si, tel que Bell l'a soutenu, l'Afficheur valorisait la vie privée de l'abonné, il faudrait alors réduire les tarifs suffisamment pour que toutes les personnes puissent se le permettre. La FNACQ et autres sont préoccupées par le fait que, si la requête de Bell était approuvée, les abonnés du service de résidence devraient absorber les coûts de la technologie CCS7, même si cette technologie permettrait l'élaboration de nouveaux services d'affaires dans l'avenir.
La Commission des droits partage les inquiétudes exprimées par la FNACQ et autres, et le Regroupement provincial appuie la position de la FNACQ et autres.
L'OAITH a, elle aussi, fait valoir que le SGA constitue une grave intrusion dans la vie privée et qu'il faut le rejeter. La principale préoccupation de l'OAITH et du Regroupement provincial a trait au fait que le SGA donnerait aux auteurs d'abus une capacité accrue de retracer et de surveiller leurs victimes. L'OAITH a soutenu que cela constituerait pour les victimes une plus grande menace que ce n'est actuellement le cas pour les victimes d'appels obscènes. Elle a fait remarquer que, même avec le SGA, il faudrait l'intervention de la police pour mettre fin de manière permanente à de tels appels.
L'OAITH a ajouté que le SGA permettrait à un auteur d'abus de contrôler les appels d'arrivée et de départ dans le cas où sa victime demeure avec lui. De l'avis de l'OAITH, la responsabilité de déjouer la technologie de Bell ne devrait pas incomber aux maisons d'hébergement et aux femmes violentées. Le Regroupement provincial a recommandé que Bell adopte des mesures qui permettraient aux femmes violentées et aux maisons d'hébergement de protéger l'anonymat de leurs numéros de téléphone.
L'INPUT a relevé un grand nombre des problèmes liés à l'Afficheur exposés ci-dessus et elle a offert diverses solutions, plus précisément : (1) l'approbation de l'Afficheur pour fins d'utilisation uniquement par les abonnés du service de résidence, (2) l'utilisation par les centres de détresse du Mémorisateur plutôt que de l'Afficheur pour retracer les appels de menace de suicide, (3) l'utilisation du Sélecteur et du Mémorisateur pour filtrer les appels obscènes et (4) l'utilisation du Dépisteur pour retracer les appels de menace. L'INPUT a aussi souligné l'importance du blocage de l'ILA, en particulier lorsque le bien-être physique de quelqu'un est menacé. Elle a avancé que le codage de numéros de téléphone pourrait permettre aux abonnés de reconnaître les codes connus et fournir à la compagnie de téléphone les renseignements dont elle a besoin pour retracer les appels. Cette option permettrait aussi aux appelants autres que ceux qui logent des appels importuns de conserver l'anonymat, s'ils le désirent. La FNACQ et autres ont également fait valoir que le Dépisteur et le Mémorisateur pourraient servir de solution de rechange à l'Afficheur pour identifier un appelant sans affichage des numéros de toutes les lignes appelantes.
M. Harminc a fait valoir que l'Afficheur ne doit être approuvé que si le blocage de l'ILA est offert sans frais. Il estime aussi que Bell doit élaborer un mécanisme qui supprimerait le blocage de l'ILA dans le cas d'appels à des services d'urgence.
Les BMA sont préoccupés par le fait que les numéros résidentiels confidentiels des médecins deviendraient accessibles grâce au SGA. Ils ont soutenu que la requête ne doit pas être approuvée si la confidentialité d'un numéro n'est pas protégée. Les BMA ont fait remarquer que l'encodage pourrait constituer une solution à cet égard.
L'Ontario et l'ARC sont en faveur de l'implantation du SGA. L'Ontario a fait valoir que le SGA réduirait les appels importuns, de harcèlement et obscènes. De plus, l'Ontario a avancé que le SGA permettrait aux entreprises de retourner les appels sans réponse et de vérifier le numéro d'un appelant afin d'éviter les supercheries de plaisantins. L'ARC a soutenu qu'il devrait y avoir le moins possible de blocage de l'ILA, de manière à ne pas réduire les avantages du service. Elle a fait valoir que l'accessibilité au blocage de l'ILA devrait être limitée aux employés de maisons d'hébergement de victimes de violence, aux forces policières et aux parties accréditées par ces deux groupes. L'ARC est d'accord que les numéros confidentiels doivent être affichés. L'Ontario est en faveur d'un blocage de l'ILA offert sur une base individuelle et du recouvrement des coûts à même les tarifs applicables aux options d'affichage des appels.
Pour ce qui est du Sélecteur, la FNACQ et autres ont fait valoir qu'il conviendrait mieux de tarifer cette option en fonction de l'utilisation. L'INPUT a, pour sa part, soutenu qu'aucuns frais ne devraient s'appliquer, étant donné que Bell n'en exige pas à l'heure actuelle pour ses services de dépistage des appels. Elle a ajouté que le fait d'exiger des frais pour le Dépisteur équivaudrait à blâmer la victime de harcèlement.
La Call-Net a fait valoir que le SGA doit être considéré comme étant un service amélioré parce que le Conseil a, dans la décision Télécom CRTC 88-11 du 16 août 1988 intitulée Revente dans le but de fournir des services améliorés, jugé qu'une option d'ILA proposée par elle en était un. Elle a fait valoir que Bell devrait établir le prix de revient des composantes du service de base sous-jacent (CCS7) aux taux tarifés. Reconnaissant qu'il n'existe pas de tarifs sous-jacents, la Call-Net a fait valoir que Bell se confère une préférence indue par rapport aux autres fournisseurs de services améliorés en ne leur permettant pas l'accès aux options du réseau nécessaires pour offrir un service semblable. La Call-Net a soutenu que le Conseil devrait amorcer une instance portant sur l'architecture du réseau ouvert (ARO), de sorte que les concurrents offrant des services améliorés puissent avoir accès aux options du réseau au même titre que Bell dans la prestation de services améliorés. La Call-Net a déclaré que, comme mesure provisoire, il y aurait lieu d'ordonner à Bell de déposer un tarif applicable à l'Enregistrement automatique des numéros (EAN) avant d'aller de l'avant avec le SGA.
La FNACQ et autres ont, elles aussi, fait valoir que le SGA serait un service amélioré et que Bell, en fournissant des informations nominatives, contrôlerait la divulgation de renseignements de banques de données, contrairement à la décision Télécom CRTC 84-18 du 12 juillet 1984 intitulée Services améliorés (la décision 84-18).
III RÉPLIQUE DE BELL
Bell a reconnu que l'introduction du SGA pourrait occasionner des inconvénients pour certains abonnés. Toutefois, elle a souligné que beaucoup d'abonnés n'aiment pas recevoir certains appels jugés indésirables. Elle a ajouté que le SGA vise justement à accroître leur sécurité et leur confort, ainsi qu'à protéger leur vie privée.
Bell a soutenu que les droits de l'appelé sont tout aussi importants que ceux de l'appelant. Bell a déclaré que, d'après ses recherches, plus de 70 % des abonnés disent avoir reçu des appels importuns ou de harcèlement. Elle a ajouté que 67 % des répondants interrogés lors d'un sondage représentatif de ses abonnés estiment que le droit à la vie privée de l'appelé devrait primer sur celui de l'appelant.
Bell a caractérisé le SGA comme étant la prochaine étape de l'évolution technologique du service téléphonique. Elle a fait valoir que, lorsque le SGA sera bien connu, les abonnés sauront, en s'abonnant au service téléphonique, que leur numéro pourra s'afficher sur le poste appelé.
Bell a soutenu que l'Afficheur et le Mémorisateur n'enfreignent pas plus les droits de l'appelant que le service téléphonique présentement offert n'enfreint ceux de l'appelé. Elle a ajouté que le SGA protégerait davantage la vie privée des personnes plutôt que d'y porter atteinte. À titre d'exemple, Bell a déclaré qu'une femme victime de violence pourra désirer s'abonner à l'Afficheur parce qu'en lui permettant de reconnaître les numéros, elle aura la tranquillité d'esprit de savoir que ses enfants et amis peuvent appeler à la maison sans craindre de recevoir d'appels indésirables de son mari.
Bell a soutenu que, sans blocage, l'Afficheur contribuerait fortement à faire diminuer le nombre d'appels importuns et de fausses alarmes. Elle a ajouté que le blocage de l'ILA sur quelque base que ce soit réduit sensiblement les avantages du SGA et elle a déclaré que le blocage de l'ILA pour certains groupes (notamment les abonnés qui ont un numéro confidentiel) inciterait les personnes qui font des appels obscènes ou d'autres appels de harcèle ment à faire partie de ces groupes.
Quant au recours proposé à des techniques de codage pour travestir les numéros de départ, Bell a déclaré que cette solution n'est pas techniquement réalisable pour l'instant.
Dans le cas de la préoccupation relative au fait que l'Afficheur puisse permettre à un auteur d'abus de repérer plus facilement les maisons d'hébergement, Bell a fait remarquer que ces organismes peuvent cacher leur adresse en ne l'incluant pas dans l'annuaire téléphonique. Elle a ajouté qu'elle croit savoir que le personnel de ces maisons filtre les appels d'arrivée afin de protéger leurs résidents. Quant aux victimes d'abus qui décident d'habiter un autre logement, Bell a fait observer qu'elle ne divulgue pas l'adresse des abonnés qui ont un numéro confidentiel.
Bell a soutenu que le fait de réserver le blocage de l'ILA uniquement à certains organismes ou particuliers reviendrait à agiter un "drapeau rouge" pour signaler que l'appelant appartient à l'un de ces groupes et pourrait aussi, en supprimant l'affichage de leurs numéros de téléphone, faire en sorte qu'il soit difficile pour ces personnes de faire accepter leurs appels à d'autres parties.
Pour ce qui est des médecins et autres professionnels de la santé, Bell a fait valoir que les appels de départ pourraient passer par un service de secrétariat téléphonique pour éviter que les patients n'obtiennent un numéro résidentiel. Bell a fait remarquer que les médecins utilisent souvent un service de secrétariat téléphonique pour filtrer les appels d'arrivée. Elle a ajouté qu'une autre solution consisterait à utiliser un autre téléphone pour les appels de départ.
Bell a convenu que, si le blocage de l'ILA était implanté, il faudrait que les services d'urgence soient en mesure d'annuler le blocage pour maintenir l'efficacité de ces services. Toutefois, Bell a déclaré que l'invalidation sélective du blocage de l'ILA pour des services qui utilisent des lignes téléphoniques ordinaires est techniquement impossible. Ainsi, si le blocage de l'ILA était implanté, il pourrait se révéler impossible pour les fournisseurs de services d'urgence d'obtenir des renseignements essentiels. Dans une telle situation, seuls les services d'urgence abonnés au 9-1-1 seraient assurés d'obtenir des renseignements sur la ligne appelante.
Bell a aussi fait valoir que le Dépisteur ne remplacerait pas l'Afficheur. Elle a déclaré que le Dépisteur serait utilisé dans le cadre d'enquêtes criminelles, tandis que l'Afficheur aurait un effet dissuasif sur une gamme plus vaste d'appels importuns. Bell a ajouté que le Dépisteur ne serait pas aussi efficace que l'Afficheur dans le cas d'appels de menace de suicide, du fait que le Dépisteur ne pourrait être activé que s'il est mis fin à l'appel.
Pour ce qui est des préoccupations au sujet du Mémorisateur, Bell a fait observer que les abonnés pourraient vider la mémoire lorsqu'ils voudraient conserver le caractère confidentiel des renseignements sur les appels. Bell a ajouté que le téléphone Maestro enregistrerait les numéros de téléphone des appels de départ restés sans réponse, mais que l'abonné pourrait, pour sa part, en vider la mémoire.
Bell est en désaccord avec la position de certains intervenants selon laquelle le Dépisteur devrait être fourni sans frais. Elle a fait valoir que le fait que cette fonction soit assortie de frais découragerait toute utilisation abusive. La compagnie a fait observer qu'elle continuerait d'installer sans frais de l'équipement de dépistage pour aider les forces de l'ordre dans leurs enquêtes légitimes. Elle a également déclaré qu'il est techniquement impossible pour l'instant de tarifer le Dépisteur à l'utilisation.
Bell a soutenu que l'Afficheur devrait être offert aux abonnés du service d'affaires comme à ceux du service de résidence et elle a fait observer que l'Ontario et l'ARC partagent cette opinion. Elle a fait remarquer que le SGA permettrait aux entreprises de retourner les appels restés sans réponse, de vérifier les numéros afin d'éviter les fraudes et d'identifier les abonnés avant de répondre, ce qui leur donnerait le temps de trouver les dossiers pertinents.
La compagnie a mis en doute les allégations selon lesquelles l'Afficheur irait à l'encontre des obligations de la compagnie en vertu des Modalités de service à l'égard des abonnés qui ont des numéros confidentiels. Elle a fait remarquer qu'elle continuerait à omettre ces numéros de ses annuaires et qu'elle ne les rendrait pas accessibles au moyen de l'assistance-annuaire.
Bell a également fait valoir que le SGA, tel que proposé, protégerait davantage la vie privée et n'enfreindrait pas le droit à la vie privée en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Bell a fait observer que les arguments de la FNACQ et autres et de la Commission des droits reposent presque exclusivement sur le droit à la vie privée de l'appelant, tout en ignorant pour l'essentiel le droit bien légitime de la personne appelée à ce même titre. Bell a soutenu que, dans une communication à deux sens, il faut tenir compte des droits de l'appelé et de l'appelant. Elle a ajouté que l'application de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec est limitée aux questions qui relèvent de la compétence législative du Québec et que l'on ne saurait s'appuyer sur elle pour réglementer la fourniture de services par une entreprise du ressort fédéral.
En réplique à la Call-Net, Bell a déclaré que l'ILA ne fait appel à aucun élément du service de base sous-jacent pour fournir le SGA. Bell a fait valoir que le SGA compte quatre fonctions autonomes et qu'il n'y aurait pas de frais liés au service de base, car l'abonné serait déjà abonné au service de base.
Bell a également fait valoir que le besoin de l'EAN n'est pas du tout pertinent pour l'étude des tarifs du SGA. De plus, Bell a fait remarquer qu'elle avait, en novembre 1988, déclaré que l'EAN serait fourni sur demande et qu'elle déposerait une requête en approbation tarifaire générale si la demande se révélait suffisante.
En dernier lieu, Bell a fait valoir que les frais du CCS7 étaient correctement inclus dans son étude d'évaluation économique, conformément aux directives de la Phase II relatives à l'établissement du prix de revient prescrites par le Conseil.
IV CONCLUSIONS
Le Conseil a examiné les avantages et inconvénients du service proposé à la lumière des observations reçues. Dans sa décision, le Conseil a tenu compte du fait que les répercussions du SGA sur la vie privée des abonnés doivent entrer en ligne de compte non seulement du point de vue de l'appelant, mais aussi de celui de l'appelé.
Compte tenu des considérations exposées ci-dessus et sous réserve des directives particulières données ci-dessous, le Conseil conclut que le SGA offrira de nets avantages et que, par conséquent, l'approbation de son implantation sert l'intérêt public.
Au nombre des avantages que le SGA présentera se trouvent les suivants :
(1) une réduction du nombre d'appels importuns, de harcèlement ou obscènes reçus par les abonnés;
(2) une aide accrue aux fournisseurs de services d'urgence dans des situations où des appelants ne veulent ou ne peuvent pas identifier l'endroit d'où ils appellent;
(3) une réduction du nombre de fausses alarmes, notamment les appels à la bombe;
(4) une capacité accrue de filtrer et autrement de gérer les appels d'arrivée;
(5) une réduction des fraudes dont les entreprises sont victimes; et
(6) une capacité accrue pour les entreprises d'améliorer les services à la clientèle, par exemple, retourner les appels restés sans réponse.
La décision du Conseil que le SGA sert l'intérêt public repose sur la condition qu'une forme de blocage de l'ILA soit offerte. Il juge que, parmi les diverses options, l'imputation, sur une base individuelle, de frais d'appels locaux avec assistance du téléphoniste est celle qui convient le mieux. Cette option ne réglera pas tous les problèmes liés au SGA susceptibles de se poser, mais elle les réduira sensiblement tout en permettant d'en conserver les importants avantages.
Avec cette possibilité d'appels locaux avec assistance du téléphoniste, les appelants auront le loisir de décider pour chaque appel s'ils veulent ou non conserver l'anonymat de leur numéro de téléphone. Lorsqu'un appelant logera un appel avec assistance du téléphoniste, le numéro de téléphone d'où proviendra l'appel ne sera pas affi-ché sur le téléphone de l'appelé.
De plus, étant donné que Bell gardera des registres confidentiels des numéros de téléphone de l'appelant et de l'appelé lorsqu'il sera fait appel à l'assistance du téléphoniste pour loger un appel, cette méthode de suppression du numéro de téléphone de l'appelant ne sera d'aucune utilité pour les appelants qui veulent faire des appels téléphoniques anonymes de harcèlement ou obscènes. D'autres formes de blocage, notamment le non-affichage de numéros confidentiels, permettraient à ces appelants d'éviter le dévoilement de leur identité.
Certains intervenants ont proposé que le blocage de l'ILA soit fourni sans frais aux abonnés qui le désirent. Toutefois, le Conseil estime que des frais pour le recours à l'assistance du téléphoniste s'imposent pour garantir que les appelants ne suppriment l'affichage de leurs numéros de téléphone que dans les cas où ils estiment avoir fortement besoin de conserver l'anonymat. Le Conseil s'attend à ce que les frais par appel local avec assistance du téléphoniste soient moins élevés que ceux qui s'appliquent aux appels interurbains avec assistance du téléphoniste logés dans le territoire d'exploitation de Bell.
La possibilité d'appels locaux avec assistance du téléphoniste ainsi que les services actuels du genre des téléphones publics permettront aux appelants qui le désirent de conserver l'anonymat de leurs numéros de téléphone. Parallèlement, le Conseil estime que, du fait que l'imposition de frais d'appels locaux avec assistance du téléphoniste incitera les abonnés à limiter leur utilisation du blocage de l'ILA aux situations dans lesquelles ils estiment en avoir fortement besoin, cette option ne sera pas utilisée au point de nuire gravement aux avantages du SGA.
Le Conseil note que l'ILA entraînerait des difficultés pour les victimes de violence conjugale dans les cas où, après avoir fui la maison, elles logeraient un appel à leur ancienne adresse à partir d'un numéro de téléphone associé à une adresse connue de leur agresseur ou figurant dans un annuaire inverse. Les appelants qui ne veulent pas que leur numéro de téléphone soit identifié pourront loger des appels à leur ancien domicile à partir d'un téléphone d'affaires ou d'un téléphone public ou, encore, faire un appel local avec assistance du téléphoniste. Le Conseil estime que l'Afficheur peut se révéler utile pour elles en leur permettant d'établir la distinction entre les appels indésirés et les "appels sûrs" de leurs enfants et amis.
Les maisons d'hébergement qui accueillent ces personnes pourront leur offrir une protection supplémentaire en ayant des lignes téléphoniques distinctes à numéros confidentiels pour les appels de départ ou en faisant exclure leur adresse des annuaires téléphoniques. Toutefois, afin de réduire davantage le risque que poserait l'implantation de l'option ILA du SGA pour la sécurité du personnel des maisons d'hébergement et de leurs clients, le Conseil estime que les frais d'appels locaux avec assistance du téléphoniste ne doivent pas s'appliquer aux appels en provenance de ces maisons d'hébergement. À cette fin, Bell devrait rencontrer des représentants de maisons d'hébergement pour victimes de violence conjugale oeuvrant en Ontario et au Québec, en vue d'élaborer une méthode d'identification et d'accréditation des maisons d'hébergement en vertu de laquelle les frais d'appels avec assistance du téléphoniste ne s'appliqueraient pas.
Dans le cas des préoccupations au sujet de la confidentialité des appels à des lignes de détresse, etc., ces services peuvent choisir de ne pas s'abonner à l'Afficheur et, le cas échéant, ils peuvent publiciser qu'ils ne le sont pas. D'autres voudront peut-être s'abonner à l'Afficheur à cause de son utilité dans le traitement des appels de menace de suicide ou d'autres situations mettant la vie en danger. Bell devrait informer des représentants de ces services du SGA, de ses répercussions et des options qui leur sont offertes relativement à ce service.
Pour ce qui est des professionnels de la santé, diverses options seront offertes pour préserver l'anonymat des numéros de téléphone, notamment l'utilisation d'un service de secrétariat téléphonique pour acheminer les appels ou d'une autre ligne réservée aux appels de départ. Le Conseil fait remarquer qu'un grand nombre de ces professionnels ont déjà recours à des services de secrétariat téléphonique et à des numéros confidentiels pour gérer leurs appels. Les services de secrétariat téléphonique peuvent aussi servir à acheminer les appels pour les professionnels de la santé lorsque ces derniers doivent appeler un client à partir du domicile d'un autre client.
Relativement à l'anonymat des personnes qui appellent des organismes de l'État et la police, le Conseil note qu'il existe des mesures de protection statutaires, notamment celles que prévoit la Loi sur la protection des renseignements personnels, pour faire en sorte que les numéros de téléphone des appelants ne soient pas rendus publics. Toutefois, lorsque l'anonymat est primordial pour un appelant, ce dernier peut loger son appel d'un téléphone public ou d'un autre appareil qui ne peut être lié à lui. Le Conseil estime que les inconvénients que cela entraînera seront minimes, compte tenu du peu de fois qu'un abonné sera susceptible d'appeler la police, les services fiscaux ou d'autres organismes de l'État sous le couvert de l'anonymat.
Quant aux préoccupations relatives à la sécurité des informateurs de police et des agents secrets, elles devraient être atténuées par la possibilité de bloquer l'affichage par le recours au service d'appels locaux avec assistance du télépho- niste, de loger des appels à partir de téléphones publics et d'utiliser une deuxième ligne. De plus, le SGA offrira certains avantages à la police et aux organismes connexes, par exemple, une réduction du nombre de fausses alarmes, y compris les alertes à la bombe.
Certains intervenants ont fait valoir que les abonnés ayant des numéros confidentiels trouveront ces numéros moins attrayants s'ils sont affichés. Toutefois, le Conseil fait remarquer que le Board of Public Utilities du New Jersey a approuvé l'implantation d'un Afficheur inblocable par la New Jersey Bell à la fin de 1988. Des rapports de suivi que la New Jersey Bell a présentés au Board révèlent qu'environ 60 % des personnes qui s'abonnent à l'Afficheur s'abonnent également au service de numéros confidentiels de la compagnie. Cela donne à entendre que ceux qui ont opté pour un numéro confidentiel pour protéger davantage leur vie privée constatent aussi des avantages à l'Afficheur.
En outre, un grand nombre d'abonnés décident d'avoir un numéro confidentiel pour que leurs nom et adresse ne figurent pas dans l'annuaire téléphonique. L'affichage du numéro de téléphone d'un appelant ne se traduira pas par la divulgation de ses nom et adresse.
Le Conseil est d'accord avec l'argument de Bell selon lequel l'utilisation des options du SGA autres que l'Afficheur, seules ou ensemble, ne donnerait pas le même degré de capacité de gestion des appels que l'Afficheur. Par exemple, le Dépisteur est moins efficace que l'Afficheur pour une intervention en cas de crise, parce que le premier ne peut être activé qu'une fois qu'il a été mis fin à l'appel. Le Dépisteur est, en outre, conçu pour les formes plus graves de harcèlement, car il fournit un registre pour fins d'éventuelle enquête criminelle. Le Dépisteur n'aiderait pas les appelés à régler le cas des plaisantins, pas plus qu'il ne leur permettrait d'évaluer, avant de répondre à un appel, s'ils désirent ou non accepter l'appel.
Le Conseil n'estime pas qu'il soit souhaitable de limiter la disponibilité de l'Afficheur aux abonnés du service de résidence seulement. Tel que noté ci-dessus, l'Afficheur peut protéger les entreprises de fraudes et de fausses commandes téléphoniques et accroître la sécurité des employés de livraison. Le Conseil a également tenu compte de l'argument selon lequel l'Afficheur pourrait servir à dresser des listes à des fins de marketing. De telles listes, dressées à partir d'autres sources, existent déjà à profusion. La preuve présentée ne permet pas de conclure que les activités d'établissement de listes résultant de l'utilisation de l'Afficheur auront plus que des répercussions minimes.
Pour ce qui est des arguments juridiques de la FNACQ et autres, le Conseil est d'avis que le SGA n'enfreindra ni la Charte des droits et libertés de la personne du Québec ni les Modalités de service de Bell; de même, le Conseil n'estime pas que la fourniture de renseignements sur l'affichage de numéros fera en sorte que Bell contrôle le contenu des renseignements transmis ou reçus ou influe sur leur sens ou leur objet.
Le Conseil rejette la demande de la Call-Net visant la tenue d'une instance portant sur l'ARO. Dans la décision 84-18, le Conseil a déclaré qu'il envisagerait le dégroupement du réseau sur une base individuelle. Toutefois, une demande de dégroupement du réseau doit être suffisamment précise pour permettre au Conseil d'évaluer ses répercussions et, de l'avis de ce dernier, celle de la Call-Net ne satisfait pas à ce critère. Le Conseil note également qu'en 1988, Bell a déclaré qu'elle fournirait l'EAN sur demande et que, jusqu'ici, aucune demande à cet effet ne lui a été présentée.
Le Conseil fait aussi remarquer que le CCS7 fournit l'architecture du réseau sous-jacente pour un certain nombre de nouveaux services axés sur l'information, notamment les RNIS. Toutefois, à l'heure actuelle, le SGA est le seul service local proposé qui fait appel au CCS7 et, cela étant, les lignes directrices du Conseil relatives à l'établisse- ment du prix de revient exigent que le prix de revient de ce service soit fixé tel que Bell l'a fait.
Pour ce qui est des tarifs proposés pour le SGA, le Conseil note que, malgré un taux d'abonnement sensiblement inférieur à celui que Bell avait prévu, le service accuse une valeur actualisée nette positive. Par conséquent, son implantation entraînera une hausse des revenus disponibles à l'appui de tarifs peu élevés pour le service local.
Compte tenu de ce qui précède, le Conseil ordonne à Bell :
(1) de déposer, au plus tard le 26 juin 1990, avec motifs à l'appui, des projets de tarifs révisés applicables au SGA, prévoyant une option de blocage de l'affichage du numéro de la ligne appelante au moyen d'un service d'appel local avec assistance du téléphoniste offert à tous les abonnés dans les secteurs où le SGA existe;
(2) de rencontrer les représentants de maisons d'hébergement pour victimes de violence conjugale en vue d'élaborer un projet de méthode d'accréditation de ces maisons et, une fois cela fait, de déposer, au plus tard le 26 juin 1990, un projet de tarif visant à exempter des frais d'appels locaux avec assistance du téléphoniste les appels en provenance des maisons d'hébergement ainsi accréditées;
(3) d'envoyer aux abonnés avec leurs états de compte, au moment de l'implantation du SGA dans leurs secteurs d'appel, un encart expliquant de quelle manière fonctionnent le SGA et son option d'appels locaux avec assistance du téléphoniste et de décrire l'existence et l'objet de l'option d'appels locaux avec assistance du téléphoniste dans ses campagnes de promotion du SGA dans les médias;
(4) d'informer les représentants d'organismes qui exploitent des lignes de détresse, etc., au moment de l'implantation du SGA dans leurs secteurs d'appel, des répercussions du SGA; et
(5) de déposer tous les six mois, à compter de six mois après l'implantation du SGA, un rapport de son expérience avec le SGA, y compris des renseignements sur les plaintes relatives à la vie privée et à la satisfaction ou insatisfaction des abonnés pour le service.
Le Conseil approuve la requête déposée en vertu de l'avis de modification tarifaire 3447, visant l'introduction du téléphone Maestro, à compter d'une date ultérieure qui conviendra à la compagnie.
La Secrétaire générale par intérim
Rosemary Chisholm

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